Texte intégral
R. Sicard.- Bonjour A. Santini. Hier, le Gouvernement a confirmé qu'il faudrait 41 ans de cotisations pour partir à la retraite à taux plein. Réaction des syndicats : journée de mobilisation le 1er mai, journée de grève le 15 mai ; c'est une réforme qui va être difficile à faire passer.
Vous avez un autre système, X. Bertrand...
Les syndicats ont fait des propositions justement.
Oui bien sûr, reprendre l'idée de la Cour des Comptes de taxer les stocks options, mais je crois qu'il y a la crise des subprimes qui est passée là-dessus, je ne sais pas ce qui reste du stock de stocks options aujourd'hui à taxer. Autre idée un peu difficile quand même c'est la taxation des bénéfices qu'on réinvesti, c'est le concours Lépine. Tout le monde connaît le comité d'observation des retraites. Le COR, dont chacun reconnaît la qualité, a prépare plusieurs options et tout le monde sait et X. Bertrand l'a rappelé régulièrement, soit on augmente les cotisations retraites, soit on baisse les retraites, soit on allonge la durée du travail. On ne sortira pas de ce cas de figure.
J.-C. Mailly, le patron de Force Ouvrière disait : "au fond ce que propose le gouvernement, c'est travailler plus pour gagner la même chose". C'est vrai que ce n'est pas exactement ce qu'avait annoncé N. Sarkozy ?
Cela m'étonnerait que N. Sarkozy ait dit qu'en matière de retraite, on allait gagner plus. Il faut d'abord assurer ce qui est acquis et aujourd'hui nous défendons la retraite par répartition. Il n'y a pas d'autres solutions, d'ailleurs tous les pays européens, de niveau économique comparable, ont adopté ces solutions. J'ai été en Allemagne, j'ai été à Berlin, j'étais en Belgique, j'étais vendredi à Madrid. En Belgique, ils m'ont dit, on regarde ce que vous faites, parce qu'ils n'ont pas encore abordé la rivière des tribunes. Mais en Espagne, j'ai été impressionné par leur détermination.
Ce que disent aussi les syndicats, c'est qu'au fond les salariés ne travaillent jusqu'à 60 ans, ne travaillent pas jusqu'à 65 ans, ils sont poussés à la porte avant, est-ce qu'il ne fallait pas commencer par là avant de faire passer à 41 ans le nombre d'années de cotisations ?
On ne peut pas reprocher ça à ce gouvernement. X. Bertrand a repris le dossier des seniors, tout le monde d'ailleurs, je l'ai observé puisque j'ai assisté à tous les entretiens depuis hier matin...
Mais est-ce qu'il ne fallait pas commencer par ça ?
Peut-être, peut-être mais il fallait aussi que les mentalités évoluent. Parce qu'il va falloir convaincre tous les chefs d'entreprise qu'on peut garder des seniors après 50 ou 55 ans. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, il faut avoir l'humilité de le reconnaître et donc les mesures proposées par X. Bertrand et L. Wauquiez vont incontestablement provoquer un choc.
Est-ce que l'âge obligatoire du départ à la retraite - 65 ans -, sera maintenu ?
Alors pour la fonction publique, nous avons supprimé les âges couperets, c'est-à-dire 55 et 60. Pour le 65 ans, je crois que cela dépendra des cas de figure. Moi, ce que j'ai voulu pour la fonction publique, c'est que les fonctionnaires ne soient pas obligés de partir - on en est là aujourd'hui - comme c'était le cas à la SNCF. Là encore il faut que les gens puissent décider de gérer leur carrière.
Parce qu'il y a une question qui se pose pour ceux qui vont commencer à travailler tard, ceux qui ont fait des études par exemple, qui ont commencé à 25 ans, 26 ans, ils n'auront pas les 41 ans de cotisations. Donc, ils ne seront pas à la retraite à taux plein.
Oui nous savons ce cas, il est à craindre que beaucoup de carrières ne soient pas effectivement complétées, mais encore une fois nous avons une situation très difficile. Par contre a été maintenu ce qu'on appelle les longues carrières, qui coûtent deux milliards d'euros par an, qui concernent 100.000 personnes et ça, je crois que X. Bertrand a très bien fait de maintenir le système pour ceux qui ont commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans.
Sur les fonctionnaires, il y a aujourd'hui au Parlement le projet de loi sur la mobilité, les syndicats disent qu'au fond c'est un plan social déguisé, qu'est-ce que vous leur répondez ?
La mobilité c'est une revendication essentielle de 75 à 80 % des fonctionnaires, ce n'est pas assez relayé par les syndicats, je l'ai dit. Dans chaque réunion que j'ai faite, j'ai dit qu'est-ce qui vous préoccupe, le pouvoir d'achat, la mobilité. Les gens veulent pouvoir entrer dans la fonction publique à condition de pouvoir en sortir. Permettez-moi : c'est comme en amour, il faut pouvoir à un moment se séparer. Et aujourd'hui on multiplie les obstacles, un fonctionnaire qui a envie de bouger, on lui dit : "vous aurez du mal à revenir, c'est compliqué, vous allez perdre les primes". Nous voulons nous qu'il y ait un véritable droit à la mobilité.
Mais est-ce que la garantie de l'emploi dans la fonction publique est maintenue ?
La garantie de l'emploi est maintenue, chacun pourra aller dans sa propre fonction publique selon l'axe qu'il souhaitera. On pourra changer, passer de l'Etat à la territoriale et vice et versa. On pourra aller dans l'hospitalier, on pourra même aller dans le privé et si certains veulent reprendre une affaire ou en créer une, ils auront droit à deux années de traitement pour créer leur projet.
Les suppressions de poste, 35.000, 40.000 par an, c'est le chiffre qu'on annonce, c'est le bon chiffre ?
Oui, mais le président de la République l'a rappelé l'autre jour dans sa conférence avec les journalistes, l'objectif du non remplacement de un pour deux est maintenu, c'est absolument vital. Nous n'avons pas d'autres solutions. Chaque ministère, après, s'organise.
Et dans l'éducation, les lycéens recommencent à manifester aujourd'hui, là aussi l'objectif 11.500 c'est maintenu ?
X. Darcos a remarquablement expliqué que ce n'était pas en multipliant les recrutements qu'on allait résoudre le problème de l'école, il y a à faire, mais s'il vous plaît, écartons les vieilles méthodes, chaque fois qu'il y a un problème, on recrute des fonctionnaires.
Il n'y aura pas d'exception dans certains secteurs, il n'y aura pas des secteurs préservés dans la fonction publique, la police par exemple, les hôpitaux ?
Le président de la République, oui mais personne ne touche à des secteurs qui aujourd'hui sont sensibles. Par exemple, pour les infirmières, nous prévoyons la seconde carrière, vous voyez dans le dossier des retraites, c'est ce qui marche très bien avec l'armée. C'est le président de la République ou le Premier ministre qui décideront s'il y aura des exceptions.
Mais est-ce que les fonctionnaires au fond ne se sentent pas un petit peu mal aimés par le gouvernement ?
Si c'était par le Gouvernement seulement, ça irait vite. Mais dans toutes les rencontres que j'ai sur le Livre blanc, dont vous me parlerez peut-être, nous avons eu 300.000 interventions sur le site, 20.000 contributions, et dans les chats comme on dit habituel, les fonctionnaires disent, j'en ai assez d'être considéré comme le responsable du déficit. Il faut aujourd'hui que nous rendions les fonctionnaires fiers de la fonction publique. Il faut que nous réhabilitions...
Voilà ! Comment ça peut changer ?
Eh bien il faut que nous réhabilitions la fonction publique, mais quand vous comparez notre fonction publique avec celle des autres Etats comparables de l'OCDE, nous découvrons que c'est nous qui avons au pro rata le plus de fonctionnaires et les plus mal payés. Voilà pourquoi le président de la République avait dit, il faut qu'il y ait moins de fonctionnaires, et que la moitié de l'économie leur soit affectée pour réaménager leur carrière et leur situation.
Vous parliez du Livre blanc, c'est une réflexion qui a été conduite pour améliorer la productivité dans la fonction publique, avec notamment l'idée du salaire au mérite. Qui est-ce qui va décider de ce qu'est le mérite ? Il n'y a pas un risque d'arbitraire ?
Oui, le coefficient "gueule", etc, on connaît... La tête du client... Mais non, il y a déjà les directeurs ministères et les sous-directeurs qui font l'objet d'évaluations et une part de leur rémunération, j'ai signé récemment une note, doit être élaborée selon le travail accompli. Il y aura définition des objectifs. Quand l'entretien d'évaluation remplacera la notation comme nous l'avons décidé par un décret dès septembre, eh bien il faudra d'abord qu'on se mette d'accord sur les objectifs. Donc c'est un ensemble, c'est un groupe qui fixera les objectifs. La hiérarchie bien sûr sera consultée, mais il n'y a pas de coefficient "gueule".
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 avril 2008