Texte intégral
Cette discussion, à laquelle je n'ai pas assisté, a été riche et bien entendu incomplète car ce n'est qu'une étape.
Je n'ai pas assisté à toute la discussion. Je ne pourrais donc pas répondre à toutes vos interrogations. En revanche, j'ai préparé cette Conférence, dans ma tête et dans mon coeur, durant une bonne trentaine d'années et là, très directement, avec le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Santé.
Vous avez d'ailleurs entendu le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s'exprimer à midi, puis, le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, mon amie Mme Heidemarie Wieczorek-Zeul. Vous avez également pu écouter le représentant du gouvernement britannique et bien d'autres car il y avait 40 ou 50 ministres.
Alors, de quoi s'agit-il ?
Il s'agit de s'avancer sur le chemin de la prise en charge économique et, surtout, de l'implication des personnes malades dans leur propre destin et dans leur accès aux soins, accès différent selon les pays - le financement est également différent selon les pays. Sans rien refuser, ni le public car il faut des financements publics, ni même aucune assurance maladie privée, en dehors de celle qui serait réservée aux riches. Aucune assurance maladie ne pourra se développer sans financement public, sans le financement des fondations, sans, si j'ose dire, le financement d'un fonds.
La participation des personnes malades est à nos yeux tout à fait essentielle, notamment en raison de la globalisation. Le représentant du Kenya qui développe une assurance maladie, dans une période difficile, avec la participation des kenyans eux-mêmes, me disait combien leur démarche connaît le succès. Il y a l'exemple de l'Inde, de l'Ethiopie, du Rwanda. Des exemples qui vont tous dans le même sens. Cela ne veut pas dire que c'est facile ; c'est difficile. Cela ne veut pas dire que ce sera un succès immédiat ; ce ne sera pas un succès immédiat. Cela veut dire simplement que la tendance est irréversible parce qu'il existe une deuxième raison à cela : ce n'est pas seulement la globalisation mais également la participation des patients.
C'est difficile, et je dis cela en pesant mes mots, pour avoir participé à la création d'un certain nombre d'organisations non gouvernementales qui ont eu beaucoup de succès, un succès jugé impossible au moment où nous les avons créées.
Tout le monde trouvera toujours cela impossible lorsque l'on innove ; ensuite, on s'aperçoit que cela fonctionne. Mais cela ne fonctionne pas tout de suite, cela peut mettre dix ou quinze ans.
Nous avons créé "Médecins sans frontières" en 1971, nous sommes en 2008. Vous rendez-vous compte ! cela fait presque 40 ans et c'est tellement évident maintenant. Pourtant, cela ne l'était pas du tout ; toute la médecine était contre nous, toute l'Académie, toute la diplomatie et tous les responsables politiques. Nous étions nommés les hippies de la médecine. J'en ai entendu, vous savez, et je sais que ce n'est pas simple.
Nous avons entendu les mêmes choses quand nous avons créé, la France en particulier, mais pas seule, le Fonds Global qui, au départ, appartenait à une démarche construite par Kofi Annan, Jacques Chirac et bien d'autres.
Ensuite, le Fonds Global est sorti du cadre de l'ONU et il est devenu cet outil formidable, certes insuffisant, mais tellement efficace.
C'est la raison pour laquelle je trouve très heureux que nous ayons participé tous à cette séance qui en préfigure d'autres. Il y aura beaucoup de discussions, de rappels, il ne faut pas, bien sûr, baisser l'aide au développement. Seulement entre le "wishful thinking" et la réalité, il y a souvent, hélas, une petite différence. Pourtant, il faut faire les deux, il faut convaincre et je vous assure que nous convaincrons beaucoup mieux les pays riches qui contiennent, dans leur sein, un certain nombre de pauvres et de plus en plus de pauvres car il ne faut pas croire qu'il n'y a que des riches dans les pays riches ; il y a aussi des personnes qui ne savent pas où elles vont, des gens qui ne savent pas ce que deviennent leurs enfants et leurs familles et qui ont, eux aussi, un appétit de conservatisme.
Ils pensent qu'il y aura moins d'argent si nous partageons avec le reste du monde et ceux-là représentent le vrai danger. Il nous faut convaincre ces personnes-là. Nous vivons dans un pays où l'on a créé les franchises médicales. Je ne dis pas que ce fut la meilleure invention. Il y avait déjà le ticket modérateur, ce n'est pas non plus une invention révolutionnaire et scandaleuse, pas du tout. Je pense que la solidarité française, en ce qui concerne la Santé, se partage entre ceux qui ne sont pas malades et ceux qui le sont. Si vous dites à ces gens-là qu'il faut partager avec le reste du monde alors qu'eux ne sont pas satisfaits d'avoir un peu à payer pour un système de soins très performant, je vous assure que vous ne comprenez pas ce qui se passe dans la globalisation.
La globalisation, c'est de convaincre ces personnes-là que ce sera leur bénéfice, leur intérêt, ainsi que les bénéfices et les intérêts de leurs enfants que de partager différemment dans le monde et d'avoir plus d'égalité et de justice.
Voilà pourquoi je crois que nous avons fait un grand progrès, après avoir accepté tous les amendements qui nous rappellent nos devoirs, nos missions politiques.
Même si ce n'est pas fini, loin de là, je pense que nous sommes sur un chemin de partage des responsabilités avec un certain nombre de gens qui le méritent grandement et qui sont, en gros, les plus pauvres d'entre nous, dans un monde très inégalitaire, ceux qui n'ont pas accès aux soins.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2008
Je n'ai pas assisté à toute la discussion. Je ne pourrais donc pas répondre à toutes vos interrogations. En revanche, j'ai préparé cette Conférence, dans ma tête et dans mon coeur, durant une bonne trentaine d'années et là, très directement, avec le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Santé.
Vous avez d'ailleurs entendu le ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s'exprimer à midi, puis, le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, mon amie Mme Heidemarie Wieczorek-Zeul. Vous avez également pu écouter le représentant du gouvernement britannique et bien d'autres car il y avait 40 ou 50 ministres.
Alors, de quoi s'agit-il ?
Il s'agit de s'avancer sur le chemin de la prise en charge économique et, surtout, de l'implication des personnes malades dans leur propre destin et dans leur accès aux soins, accès différent selon les pays - le financement est également différent selon les pays. Sans rien refuser, ni le public car il faut des financements publics, ni même aucune assurance maladie privée, en dehors de celle qui serait réservée aux riches. Aucune assurance maladie ne pourra se développer sans financement public, sans le financement des fondations, sans, si j'ose dire, le financement d'un fonds.
La participation des personnes malades est à nos yeux tout à fait essentielle, notamment en raison de la globalisation. Le représentant du Kenya qui développe une assurance maladie, dans une période difficile, avec la participation des kenyans eux-mêmes, me disait combien leur démarche connaît le succès. Il y a l'exemple de l'Inde, de l'Ethiopie, du Rwanda. Des exemples qui vont tous dans le même sens. Cela ne veut pas dire que c'est facile ; c'est difficile. Cela ne veut pas dire que ce sera un succès immédiat ; ce ne sera pas un succès immédiat. Cela veut dire simplement que la tendance est irréversible parce qu'il existe une deuxième raison à cela : ce n'est pas seulement la globalisation mais également la participation des patients.
C'est difficile, et je dis cela en pesant mes mots, pour avoir participé à la création d'un certain nombre d'organisations non gouvernementales qui ont eu beaucoup de succès, un succès jugé impossible au moment où nous les avons créées.
Tout le monde trouvera toujours cela impossible lorsque l'on innove ; ensuite, on s'aperçoit que cela fonctionne. Mais cela ne fonctionne pas tout de suite, cela peut mettre dix ou quinze ans.
Nous avons créé "Médecins sans frontières" en 1971, nous sommes en 2008. Vous rendez-vous compte ! cela fait presque 40 ans et c'est tellement évident maintenant. Pourtant, cela ne l'était pas du tout ; toute la médecine était contre nous, toute l'Académie, toute la diplomatie et tous les responsables politiques. Nous étions nommés les hippies de la médecine. J'en ai entendu, vous savez, et je sais que ce n'est pas simple.
Nous avons entendu les mêmes choses quand nous avons créé, la France en particulier, mais pas seule, le Fonds Global qui, au départ, appartenait à une démarche construite par Kofi Annan, Jacques Chirac et bien d'autres.
Ensuite, le Fonds Global est sorti du cadre de l'ONU et il est devenu cet outil formidable, certes insuffisant, mais tellement efficace.
C'est la raison pour laquelle je trouve très heureux que nous ayons participé tous à cette séance qui en préfigure d'autres. Il y aura beaucoup de discussions, de rappels, il ne faut pas, bien sûr, baisser l'aide au développement. Seulement entre le "wishful thinking" et la réalité, il y a souvent, hélas, une petite différence. Pourtant, il faut faire les deux, il faut convaincre et je vous assure que nous convaincrons beaucoup mieux les pays riches qui contiennent, dans leur sein, un certain nombre de pauvres et de plus en plus de pauvres car il ne faut pas croire qu'il n'y a que des riches dans les pays riches ; il y a aussi des personnes qui ne savent pas où elles vont, des gens qui ne savent pas ce que deviennent leurs enfants et leurs familles et qui ont, eux aussi, un appétit de conservatisme.
Ils pensent qu'il y aura moins d'argent si nous partageons avec le reste du monde et ceux-là représentent le vrai danger. Il nous faut convaincre ces personnes-là. Nous vivons dans un pays où l'on a créé les franchises médicales. Je ne dis pas que ce fut la meilleure invention. Il y avait déjà le ticket modérateur, ce n'est pas non plus une invention révolutionnaire et scandaleuse, pas du tout. Je pense que la solidarité française, en ce qui concerne la Santé, se partage entre ceux qui ne sont pas malades et ceux qui le sont. Si vous dites à ces gens-là qu'il faut partager avec le reste du monde alors qu'eux ne sont pas satisfaits d'avoir un peu à payer pour un système de soins très performant, je vous assure que vous ne comprenez pas ce qui se passe dans la globalisation.
La globalisation, c'est de convaincre ces personnes-là que ce sera leur bénéfice, leur intérêt, ainsi que les bénéfices et les intérêts de leurs enfants que de partager différemment dans le monde et d'avoir plus d'égalité et de justice.
Voilà pourquoi je crois que nous avons fait un grand progrès, après avoir accepté tous les amendements qui nous rappellent nos devoirs, nos missions politiques.
Même si ce n'est pas fini, loin de là, je pense que nous sommes sur un chemin de partage des responsabilités avec un certain nombre de gens qui le méritent grandement et qui sont, en gros, les plus pauvres d'entre nous, dans un monde très inégalitaire, ceux qui n'ont pas accès aux soins.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 mai 2008