Texte intégral
Tout d'abord, je tiens à dire que le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, est un ami. Je suis heureux de le retrouver.
Je peux vous dire tout simplement que cette visite en Algérie fut fructueuse, riche d'enseignement pour moi, très chaleureuse. En un mot, je ne peux pas dire, je n'ose pas dire, que c'est une visite réussie, mais c'est ce que je pense. Sur tous ces sujets et Mourad l'a dit mieux que je ne saurais le dire, il y a beaucoup de choses qui se passent entre nos deux pays, beaucoup de choses. Ces visites régulières bien sûr, il y a quelques jours Mme Michèle Alliot-Marie ; dans quelques jours, Jean-Louis Borloo et bien sûr le Premier ministre, et puis d'autres. Et puis votre ministre des Finances, qui a été invité par Mme Christine Lagarde à Paris. Voilà, c'est vraiment la première des choses que l'on pense, sur chacun des sujets, bien sûr ce qui concerne la méditerranée mais pas seulement ce qui concerne le développement, mais pas seulement ce qui concerne les finances, les projets véritables d'infrastructures.
Eh bien nous pensons à l'Algérie et le climat est transformé. Et bien je suis prêt à répondre à toutes vos questions sur l'Union pour la Méditerranée ; oui, nous avons évolué, mais nous n'avons pas changé d'idée. Nous sommes attachés à l'idée originelle à ce que nous souhaitons, c'est-à-dire à ce que le Sud participe autant que le Nord, je parle de la rive sud comme de la rive nord de la Méditerranée, aux projets, à leur mise en place et au suivi, à la réflexion politique comme à l'action pratique. Voilà ce que nous voulons. Alors le ministre des Affaires étrangères a eu raison de vous dire que tout n'est pas réglé. Mais tout sera réglé, nous l'espérons, pour la réunion du 13 juillet. Et puisque pour cette réunion du 13 juillet à Paris, tous les pays devraient être invités, il y aura une déclaration. Cette déclaration en est encore au stade de brouillon. Mais nous ne publierons rien avant que nos amis algériens et que d'autres viennent apporter leur pierre, critiquer, proposer pour que la déclaration soit une déclaration commune. Ce n'est pas une action venue du nord qui serait mise à la disposition, comme une action humanitaire, du Sud. Ce n'est pas cela du tout. C'est une action concertée pour qu'il y ait un pont entre deux cultures, entre deux espérances, entre des personnes qui se connaissent et qui se sont souvent heurtées dans l'histoire et qui entendent à participer à la mondialisation de façon positive et fraternelle. Et lorsque le président Bouteflika disait tout à l'heure : "C'est vrai que l'on vous ramène l'Afrique; derrière nous il y a l'Afrique", je suis très heureux d'entendre ça. Oui, l'Afrique, j'ai tellement vécu en Afrique, je suis tellement attaché au développement de ce continent riche de possibilités. Nous pouvons répondre : "Eh bien nous, on vous apporte l'Europe ; derrière nous il y a l'Europe". Mais ce sont les deux rives de la Méditerranée qui agiront ensemble. S'il y a secrétariat, il sera au sud et il y aura un secrétariat, même si les dispositions ne sont pas toutes arrêtées. S'il y a des présidents, ils seront co-présidents, un du sud, un du nord. Voilà ce que nous souhaitons. Autour, des projets : s'il n'y a pas de projets, cela ne marchera pas, cela sera une construction bureaucratico-politico-administrative qui ne marchera pas. Autour, des projets à géométrie variable sur la Méditerranée, parfois tous ensemble, parfois à cinq pays et puis avec du public et du privé mêlés. Voilà toute la différence.
Donc je suis prêt à répondre à vos questions, mais bien sûr, il y a eu aussi une discussion très approfondie et très riche avec le président Bouteflika, avec le Premier ministre aussi. En ce qui concerne le problème du jour, du processus de paix d'Annapolis entre Paris et de la construction d'un Etat palestinien, et puis bien sûr de la situation au Liban, qui nous préoccupe tous et pour laquelle, mon collègue Mourad Medelci va bientôt partir dans une commission décidée par la Ligue arabe hier au Caire et je lui souhaite tout à fait bonne chance et nous sommes à leurs côtés. Au côté de cette délégation bien sûr.
Q - Vous êtes venu inviter le président algérien pour assister à la conférence du 13 juillet de l'Union pour la Méditerranée, est-ce que le président vous a confirmé sa présence dans cette conférence? C'est la première question. La deuxième question, en décembre dernier, il y avait un épisode, le ministre des Anciens combattants algérien avait parlé des origines du président français et vous avez déclaré que l'on ne voulait pas le recevoir. Alors cet épisode est oublié ?
R - On n'oublie pas ce genre de choses. Disons que nous n'en parlons plus.
Non, le président ne m'a pas dit directement qu'il répondrait à l'invitation, pour la simple raison que l'invitation n'a pas encore été envoyée et pour le reste je crois qu'il a confirmé son intérêt qui fut grand dès le premier jour ou nous avons parlé de l'Union pour la Méditerranée qui s'appelait l'Union de la Méditerranée à cette époque, et il a manifesté le même intérêt et nous avons même approfondi les questions qu'il soulevait. Voilà où nous en sommes. Les invitations seront lancées et je ne doute que l'on pourra à ce moment là vous répondre de la participation de tous.
Q - Bonjour, Monsieur le Ministre. Vous êtes intervenu en Birmanie et au Tibet. Est-ce que vous avez l'intention d'intervenir en Palestine où le peuple palestinien vit des massacres chaque jour ? Merci.
R - Pardon, pardon, pas merci. "Merci" le peuple palestinien me le dit, puisque j'interviens tous les jours y compris sur Gaza. Alors ne pensez pas que nous ne soyons intéressés que par le Tibet et la Birmanie. Nous sommes impliqués dans le processus de paix, pas seulement depuis que le président Sarkozy a été élu. Personnellement, j'ai travaillé, je crois vraiment dans tous les hôpitaux de Cisjordanie et en particulier aussi à l'hôpital de Gaza. Donc je crois, je ne vous ai pas attendu, mais je suis heureux de vous dire que depuis des années et des années je travaille en Palestine. Je serai à Bethléem dans quelques jours puisqu'il y a une réunion dont nous attendons beaucoup. C'est la réunion du secteur privé palestinien et du secteur privé israélien. Et nous y travaillons parce qu'il y a un suivi de la Conférence de Paris, où hélas, les projets ne sont pas tous mis en mouvement, hélas elles ne se transforment pas assez pour la vie quotidienne des Palestiniens aussi bien en Cisjordanie qu'à Gaza. Mais nous avons l'argent et nous proposons les projets. Argent de la Conférence de Paris qui n'est pas négligeable. Vous savez, c'était 7,7 milliards de dollars. Donc nous avons l'argent, nous avons les projets, il y a le Quartet, il y a Tony Blair, il y a Mme Benita Ferrero-Waldner, nous la Conférence de Paris, et puis aussi M. Jonas Stoere, le ministre des Affaires étrangères norvégien, et nous continuons à travailler dans ce sens, bien entendu au côté des Palestiniens.
Q - Monsieur Kouchner, vous avez déclaré récemment que l'Algérie est un élément clé et très important dans l'Union pour la Méditerranée. Vous confirmez qu'il y a la co-présidence et le secrétariat technique qui vont être créés dans la rive sud. Il y a des rumeurs ces derniers temps disant que la co-présidence revient à l'Egypte, la Tunisie c'est le siège de l'UPM, et le secrétariat technique c'est au Maroc. Confirmez-vous cette répartition dans l'organigramme ? Et qu'attendez-vous de l'Algérie exactement ? Merci.
R - Je le répète, l'Algérie est un pays clé. Pour nous, les relations avec le Maghreb commencent par l'Algérie, je vous le répète. Simplement, non, ce que vous dites n'est pas exact. L'organigramme n'est pas arrêté, il ne l'est pas. En tout cas, la vice-présidence avec l'Egypte en effet, il en est beaucoup question. L'autre vice-présidence serait la France, puisqu'il y aura un pays de la rive sud et un autre de la rive nord. Pour le reste rien n'est arrêté. Ni pour le secrétariat ni pour ce que vous avez appelé le conseil administratif ou exécutif. Nous discutons avec tout le monde et nous en sommes à des hypothèses qui seront de toute façon des hypothèses changeantes. Par exemple, la vice-présidence ne dure que deux ans. Et tout cela va changer, il faut que tout le monde y participe, il faut que tout le monde soit capable de suivre ces projets. C'est bien ce qui fait toute la difficulté de la création ex-nihilo sans modèle particulier de ce secrétariat très tourné vers l'action.
Q - Qu'attendez-vous alors de l'Algérie ?
R - J'attends de l'Algérie non seulement sa participation parce que c'est un pays essentiel, je vous l'ai dit. Mais bien entendu, d'abord la fourniture, si j'ose dire, de projets. Il y a déjà des projets algériens. Nous avons déjà réuni au Quai d'Orsay un certain nombre de responsables du secteur privé algérien qui s'entendaient avec les autres et nous sommes en pleine discussion, discussion permanente avec l'Algérie pour que l'encadrement, la conception, la création de cette Union pour la Méditerranée soit réalisée ensemble, avec les autres aussi et avec l'Algérie avant tout bien sûr.
(...)
Q - Monsieur Kouchner, en Algérie, au Maghreb, quand on parle de l'Union pour la Méditerranée, pour le simple citoyen, on dit que c'est une normalisation indirecte des pays arabes avec Israël qui est recherchée. L'autre question qui se pose, c'est comment construire une Union pour la Méditerranée avec des pays, trois par exemple au Maghreb, le Maroc, l'Algérie, et la Mauritanie, qui ont à leur frontière une poudrière qui est le Sahara Occidental où la position française n'est pour le moins pas très conforme aux résolutions des Nations unies, à la charte des Nations unies.
R - D'abord, ma connaissance personnelle est assez grande, puisque dans ma carrière médicale, il y a avait aussi le Polisario. Mais je voudrais simplement vous rappeler que la dernière proposition marocaine qui nous a semblé intéressante, je n'ai pas dit autre chose, a été bien accueillie par les Nations unies. Donc ne dites pas que c'est en contradiction avec l'intérêt des Nations unies ni avec les résolutions. Je ne connais pas de problème qui n'ait été tenté de trouver sa solution à travers les Nations unies comme celui-là. Il y a eu des envoyés spéciaux, il y a eu tout ce que l'on veut. Pour le moment il n'y a pas de solution, mais on ne va pas attendre la solution de tous les problèmes et de cette poudrière en particulier pour ce que les populations puissent bénéficier de projets communs. Projets communs, indépendamment des problèmes politiques. Nous ne prétendons pas régler les problèmes politiques à travers l'Union pour la Méditerranée. Nous pensons pouvoir régler un certain nombre de problèmes de développement, problèmes de coordination, problèmes de solidarité entre les peuples pourquoi pas, et de meilleurs rapports entre les peuples, mais pas les problèmes politiques. Ca été très clair avec le président Bouteflika aujourd'hui. J'espère qu'il y aura un jour et dans un avenir très proche un pays, une nation palestinienne, un Etat palestinien, auquel j'aspire depuis plusieurs dizaines d'années. Eh bien voilà, on ne va pas attendre que tous les problèmes politiques soient réglés pour que l'on puisse développer la dépollution de la mer, l'irrigation, le développement de l'agriculture, la façon de lutter contre les feux de forêts et les 25 projets ou les 40 projets qui sont à notre disposition, venus des pays eux-mêmes. C'est-à-dire qu'il y a toutes ces formations qui tournent autour de la Méditerranée, toutes ces entités politiques qui auront leur mot à dire. Et moi j'espère beaucoup qu'en se rencontrant, en travaillant ensemble, cela diminue les tensions.
Q - Avez-vous évoqué avec le chef de l'Etat la question du Sahara Occidental ? Qu'a été le contenu des discussions ?
R - Je vous ai dit notre sentiment, cela fait très longtemps que nous suivons l'affaire du Sahara Occidental. Nous en souhaitons la fin comme tout le monde. Je pense que cela se fera dans le dialogue et non dans l'affrontement. Toutes les personnes censées qui existent dans ce monde le souhaitent. Maintenant c'est une affaire entre le Polisario et le Maroc. L'Algérie est très proche de cette affaire. J'ai dit mon sentiment qu'il y avait un progrès, parce que je le pense, dans la proposition qui émane du Maroc et s'est dirigé vers les Nations unies. Si c'est suffisant j'en serai content, si c'est pas suffisant, hélas, j'y serai tout à fait ravi d'y travailler. Nous avons évoqué ce problème avec le président Bouteflika bien sûr et j'ai expliqué la position de la France comme je viens de le faire. Un jour vous savez, ce problème aura une fin. Il y a des problèmes qui durent comme Chypre. Celui là est encore plus ancien que Chypre et il ne trouve pas sa solution au fil des générations. C'est triste, il faut s'y acharner. Il y aura une solution de paix, une solution politique pour ce problème un jour proche je l'espère.
Q - On a reproché à la France d'avoir annoncé l'Union de la Méditerranée qui est devenue l'Union pour la Méditerranée sans donner de contenu. Peut-on dire maintenant qu'il y a un contenu et l'Union européenne est-elle d'accord de se contenu ?
R - L'Union européenne est d'accord et a voté, vous savez, sur un document qui a été un document franco-allemand, qui a été voté par les vingt-sept pays de l'Union européenne qui approuvent la proposition franco-allemande et sur laquelle d'ailleurs, le président de la commission, M. Barroso a travaillé et a remis un rapport récent qui nous inspire beaucoup. Voilà. A mon avis, il n'y aura pas de contenu quand il n'y aura pas de projets. C'est une méthode, méthode d'approche et comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères, en réalité c'est une méthode qui traite des problèmes sociaux et des problèmes économiques, mais qui n'a pas encore sélectionné un certain nombre de projets sur lequel on va s'arrimer. Des exemples de projets : c'est la dépollution de la mer, l'accès à l'eau, le plan solaire, les autoroutes, le volet méditerranéen d'Erasmus, c'est-à-dire les étudiants qui circuleraient à travers toutes les universités du bassin méditerranéen, la protection civile contre les feux de forêt. On peut vous en trouver. Au 13 juillet nous aurons établi ce contenu, nous nous serons mis d'accord et cela sera ça, le projet, des contenus pour que change la vie.
Q - Le président français a déclaré à partir de Tunis que cet ensemble devraient être pour concurrencer la Chine sur le continent africain d'où l'ouverture de ces projets qui vont permettre l'ouverture à l'Afrique qui semble être un souci majeur pour l'Europe et non pas seulement des pays de la rive sud.
R - Vous avez raison, c'est un souci majeur. Cela fait très longtemps que la France, - on n'a pas attendu cette conférence de presse pour s'intéresser au développement de l'Afrique. Vous avez raison. Et nos recettes d'ailleurs n'existent pas vraiment et les succès ne sont pas grandioses. Donc il faut continuer avec les Africains. Tant qu'on n'implique pas les gens, cela ne marche pas du tout. Là, dans le projet de l'Union pour la Méditerranée, les pays et les systèmes privés des industries comme les volontaires seront impliqués venus des pays qui proposent. C'est déjà une petite différence. Mais en dehors de ça, concurrencer la Chine, c'est un projet grandiose. Mais enfin, c'est vrai que la Chine a beaucoup d'importance dans le continent africain, elle remporte souvent des appels d'offre qui la mettent en position favorable parce que cela coûte moins cher. Elle ramène ses ouvriers, elle livre ?? temps. C'est une concurrence très rude. C'est au niveau de la qualité de l'invention et de la participation des gens que nous pourrions, si nous le souhaitions, car ce n'est pas le sens du projet de l'Union pour la Méditerranée, si nous voulions concurrencer la Chine ce serait dans ce sens là... Concurrencer, ce n'est pas s'opposer. La Chine existe, cela nous le savons, et elle est de ce point de vue extrêmement efficace.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2008
Je peux vous dire tout simplement que cette visite en Algérie fut fructueuse, riche d'enseignement pour moi, très chaleureuse. En un mot, je ne peux pas dire, je n'ose pas dire, que c'est une visite réussie, mais c'est ce que je pense. Sur tous ces sujets et Mourad l'a dit mieux que je ne saurais le dire, il y a beaucoup de choses qui se passent entre nos deux pays, beaucoup de choses. Ces visites régulières bien sûr, il y a quelques jours Mme Michèle Alliot-Marie ; dans quelques jours, Jean-Louis Borloo et bien sûr le Premier ministre, et puis d'autres. Et puis votre ministre des Finances, qui a été invité par Mme Christine Lagarde à Paris. Voilà, c'est vraiment la première des choses que l'on pense, sur chacun des sujets, bien sûr ce qui concerne la méditerranée mais pas seulement ce qui concerne le développement, mais pas seulement ce qui concerne les finances, les projets véritables d'infrastructures.
Eh bien nous pensons à l'Algérie et le climat est transformé. Et bien je suis prêt à répondre à toutes vos questions sur l'Union pour la Méditerranée ; oui, nous avons évolué, mais nous n'avons pas changé d'idée. Nous sommes attachés à l'idée originelle à ce que nous souhaitons, c'est-à-dire à ce que le Sud participe autant que le Nord, je parle de la rive sud comme de la rive nord de la Méditerranée, aux projets, à leur mise en place et au suivi, à la réflexion politique comme à l'action pratique. Voilà ce que nous voulons. Alors le ministre des Affaires étrangères a eu raison de vous dire que tout n'est pas réglé. Mais tout sera réglé, nous l'espérons, pour la réunion du 13 juillet. Et puisque pour cette réunion du 13 juillet à Paris, tous les pays devraient être invités, il y aura une déclaration. Cette déclaration en est encore au stade de brouillon. Mais nous ne publierons rien avant que nos amis algériens et que d'autres viennent apporter leur pierre, critiquer, proposer pour que la déclaration soit une déclaration commune. Ce n'est pas une action venue du nord qui serait mise à la disposition, comme une action humanitaire, du Sud. Ce n'est pas cela du tout. C'est une action concertée pour qu'il y ait un pont entre deux cultures, entre deux espérances, entre des personnes qui se connaissent et qui se sont souvent heurtées dans l'histoire et qui entendent à participer à la mondialisation de façon positive et fraternelle. Et lorsque le président Bouteflika disait tout à l'heure : "C'est vrai que l'on vous ramène l'Afrique; derrière nous il y a l'Afrique", je suis très heureux d'entendre ça. Oui, l'Afrique, j'ai tellement vécu en Afrique, je suis tellement attaché au développement de ce continent riche de possibilités. Nous pouvons répondre : "Eh bien nous, on vous apporte l'Europe ; derrière nous il y a l'Europe". Mais ce sont les deux rives de la Méditerranée qui agiront ensemble. S'il y a secrétariat, il sera au sud et il y aura un secrétariat, même si les dispositions ne sont pas toutes arrêtées. S'il y a des présidents, ils seront co-présidents, un du sud, un du nord. Voilà ce que nous souhaitons. Autour, des projets : s'il n'y a pas de projets, cela ne marchera pas, cela sera une construction bureaucratico-politico-administrative qui ne marchera pas. Autour, des projets à géométrie variable sur la Méditerranée, parfois tous ensemble, parfois à cinq pays et puis avec du public et du privé mêlés. Voilà toute la différence.
Donc je suis prêt à répondre à vos questions, mais bien sûr, il y a eu aussi une discussion très approfondie et très riche avec le président Bouteflika, avec le Premier ministre aussi. En ce qui concerne le problème du jour, du processus de paix d'Annapolis entre Paris et de la construction d'un Etat palestinien, et puis bien sûr de la situation au Liban, qui nous préoccupe tous et pour laquelle, mon collègue Mourad Medelci va bientôt partir dans une commission décidée par la Ligue arabe hier au Caire et je lui souhaite tout à fait bonne chance et nous sommes à leurs côtés. Au côté de cette délégation bien sûr.
Q - Vous êtes venu inviter le président algérien pour assister à la conférence du 13 juillet de l'Union pour la Méditerranée, est-ce que le président vous a confirmé sa présence dans cette conférence? C'est la première question. La deuxième question, en décembre dernier, il y avait un épisode, le ministre des Anciens combattants algérien avait parlé des origines du président français et vous avez déclaré que l'on ne voulait pas le recevoir. Alors cet épisode est oublié ?
R - On n'oublie pas ce genre de choses. Disons que nous n'en parlons plus.
Non, le président ne m'a pas dit directement qu'il répondrait à l'invitation, pour la simple raison que l'invitation n'a pas encore été envoyée et pour le reste je crois qu'il a confirmé son intérêt qui fut grand dès le premier jour ou nous avons parlé de l'Union pour la Méditerranée qui s'appelait l'Union de la Méditerranée à cette époque, et il a manifesté le même intérêt et nous avons même approfondi les questions qu'il soulevait. Voilà où nous en sommes. Les invitations seront lancées et je ne doute que l'on pourra à ce moment là vous répondre de la participation de tous.
Q - Bonjour, Monsieur le Ministre. Vous êtes intervenu en Birmanie et au Tibet. Est-ce que vous avez l'intention d'intervenir en Palestine où le peuple palestinien vit des massacres chaque jour ? Merci.
R - Pardon, pardon, pas merci. "Merci" le peuple palestinien me le dit, puisque j'interviens tous les jours y compris sur Gaza. Alors ne pensez pas que nous ne soyons intéressés que par le Tibet et la Birmanie. Nous sommes impliqués dans le processus de paix, pas seulement depuis que le président Sarkozy a été élu. Personnellement, j'ai travaillé, je crois vraiment dans tous les hôpitaux de Cisjordanie et en particulier aussi à l'hôpital de Gaza. Donc je crois, je ne vous ai pas attendu, mais je suis heureux de vous dire que depuis des années et des années je travaille en Palestine. Je serai à Bethléem dans quelques jours puisqu'il y a une réunion dont nous attendons beaucoup. C'est la réunion du secteur privé palestinien et du secteur privé israélien. Et nous y travaillons parce qu'il y a un suivi de la Conférence de Paris, où hélas, les projets ne sont pas tous mis en mouvement, hélas elles ne se transforment pas assez pour la vie quotidienne des Palestiniens aussi bien en Cisjordanie qu'à Gaza. Mais nous avons l'argent et nous proposons les projets. Argent de la Conférence de Paris qui n'est pas négligeable. Vous savez, c'était 7,7 milliards de dollars. Donc nous avons l'argent, nous avons les projets, il y a le Quartet, il y a Tony Blair, il y a Mme Benita Ferrero-Waldner, nous la Conférence de Paris, et puis aussi M. Jonas Stoere, le ministre des Affaires étrangères norvégien, et nous continuons à travailler dans ce sens, bien entendu au côté des Palestiniens.
Q - Monsieur Kouchner, vous avez déclaré récemment que l'Algérie est un élément clé et très important dans l'Union pour la Méditerranée. Vous confirmez qu'il y a la co-présidence et le secrétariat technique qui vont être créés dans la rive sud. Il y a des rumeurs ces derniers temps disant que la co-présidence revient à l'Egypte, la Tunisie c'est le siège de l'UPM, et le secrétariat technique c'est au Maroc. Confirmez-vous cette répartition dans l'organigramme ? Et qu'attendez-vous de l'Algérie exactement ? Merci.
R - Je le répète, l'Algérie est un pays clé. Pour nous, les relations avec le Maghreb commencent par l'Algérie, je vous le répète. Simplement, non, ce que vous dites n'est pas exact. L'organigramme n'est pas arrêté, il ne l'est pas. En tout cas, la vice-présidence avec l'Egypte en effet, il en est beaucoup question. L'autre vice-présidence serait la France, puisqu'il y aura un pays de la rive sud et un autre de la rive nord. Pour le reste rien n'est arrêté. Ni pour le secrétariat ni pour ce que vous avez appelé le conseil administratif ou exécutif. Nous discutons avec tout le monde et nous en sommes à des hypothèses qui seront de toute façon des hypothèses changeantes. Par exemple, la vice-présidence ne dure que deux ans. Et tout cela va changer, il faut que tout le monde y participe, il faut que tout le monde soit capable de suivre ces projets. C'est bien ce qui fait toute la difficulté de la création ex-nihilo sans modèle particulier de ce secrétariat très tourné vers l'action.
Q - Qu'attendez-vous alors de l'Algérie ?
R - J'attends de l'Algérie non seulement sa participation parce que c'est un pays essentiel, je vous l'ai dit. Mais bien entendu, d'abord la fourniture, si j'ose dire, de projets. Il y a déjà des projets algériens. Nous avons déjà réuni au Quai d'Orsay un certain nombre de responsables du secteur privé algérien qui s'entendaient avec les autres et nous sommes en pleine discussion, discussion permanente avec l'Algérie pour que l'encadrement, la conception, la création de cette Union pour la Méditerranée soit réalisée ensemble, avec les autres aussi et avec l'Algérie avant tout bien sûr.
(...)
Q - Monsieur Kouchner, en Algérie, au Maghreb, quand on parle de l'Union pour la Méditerranée, pour le simple citoyen, on dit que c'est une normalisation indirecte des pays arabes avec Israël qui est recherchée. L'autre question qui se pose, c'est comment construire une Union pour la Méditerranée avec des pays, trois par exemple au Maghreb, le Maroc, l'Algérie, et la Mauritanie, qui ont à leur frontière une poudrière qui est le Sahara Occidental où la position française n'est pour le moins pas très conforme aux résolutions des Nations unies, à la charte des Nations unies.
R - D'abord, ma connaissance personnelle est assez grande, puisque dans ma carrière médicale, il y a avait aussi le Polisario. Mais je voudrais simplement vous rappeler que la dernière proposition marocaine qui nous a semblé intéressante, je n'ai pas dit autre chose, a été bien accueillie par les Nations unies. Donc ne dites pas que c'est en contradiction avec l'intérêt des Nations unies ni avec les résolutions. Je ne connais pas de problème qui n'ait été tenté de trouver sa solution à travers les Nations unies comme celui-là. Il y a eu des envoyés spéciaux, il y a eu tout ce que l'on veut. Pour le moment il n'y a pas de solution, mais on ne va pas attendre la solution de tous les problèmes et de cette poudrière en particulier pour ce que les populations puissent bénéficier de projets communs. Projets communs, indépendamment des problèmes politiques. Nous ne prétendons pas régler les problèmes politiques à travers l'Union pour la Méditerranée. Nous pensons pouvoir régler un certain nombre de problèmes de développement, problèmes de coordination, problèmes de solidarité entre les peuples pourquoi pas, et de meilleurs rapports entre les peuples, mais pas les problèmes politiques. Ca été très clair avec le président Bouteflika aujourd'hui. J'espère qu'il y aura un jour et dans un avenir très proche un pays, une nation palestinienne, un Etat palestinien, auquel j'aspire depuis plusieurs dizaines d'années. Eh bien voilà, on ne va pas attendre que tous les problèmes politiques soient réglés pour que l'on puisse développer la dépollution de la mer, l'irrigation, le développement de l'agriculture, la façon de lutter contre les feux de forêts et les 25 projets ou les 40 projets qui sont à notre disposition, venus des pays eux-mêmes. C'est-à-dire qu'il y a toutes ces formations qui tournent autour de la Méditerranée, toutes ces entités politiques qui auront leur mot à dire. Et moi j'espère beaucoup qu'en se rencontrant, en travaillant ensemble, cela diminue les tensions.
Q - Avez-vous évoqué avec le chef de l'Etat la question du Sahara Occidental ? Qu'a été le contenu des discussions ?
R - Je vous ai dit notre sentiment, cela fait très longtemps que nous suivons l'affaire du Sahara Occidental. Nous en souhaitons la fin comme tout le monde. Je pense que cela se fera dans le dialogue et non dans l'affrontement. Toutes les personnes censées qui existent dans ce monde le souhaitent. Maintenant c'est une affaire entre le Polisario et le Maroc. L'Algérie est très proche de cette affaire. J'ai dit mon sentiment qu'il y avait un progrès, parce que je le pense, dans la proposition qui émane du Maroc et s'est dirigé vers les Nations unies. Si c'est suffisant j'en serai content, si c'est pas suffisant, hélas, j'y serai tout à fait ravi d'y travailler. Nous avons évoqué ce problème avec le président Bouteflika bien sûr et j'ai expliqué la position de la France comme je viens de le faire. Un jour vous savez, ce problème aura une fin. Il y a des problèmes qui durent comme Chypre. Celui là est encore plus ancien que Chypre et il ne trouve pas sa solution au fil des générations. C'est triste, il faut s'y acharner. Il y aura une solution de paix, une solution politique pour ce problème un jour proche je l'espère.
Q - On a reproché à la France d'avoir annoncé l'Union de la Méditerranée qui est devenue l'Union pour la Méditerranée sans donner de contenu. Peut-on dire maintenant qu'il y a un contenu et l'Union européenne est-elle d'accord de se contenu ?
R - L'Union européenne est d'accord et a voté, vous savez, sur un document qui a été un document franco-allemand, qui a été voté par les vingt-sept pays de l'Union européenne qui approuvent la proposition franco-allemande et sur laquelle d'ailleurs, le président de la commission, M. Barroso a travaillé et a remis un rapport récent qui nous inspire beaucoup. Voilà. A mon avis, il n'y aura pas de contenu quand il n'y aura pas de projets. C'est une méthode, méthode d'approche et comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères, en réalité c'est une méthode qui traite des problèmes sociaux et des problèmes économiques, mais qui n'a pas encore sélectionné un certain nombre de projets sur lequel on va s'arrimer. Des exemples de projets : c'est la dépollution de la mer, l'accès à l'eau, le plan solaire, les autoroutes, le volet méditerranéen d'Erasmus, c'est-à-dire les étudiants qui circuleraient à travers toutes les universités du bassin méditerranéen, la protection civile contre les feux de forêt. On peut vous en trouver. Au 13 juillet nous aurons établi ce contenu, nous nous serons mis d'accord et cela sera ça, le projet, des contenus pour que change la vie.
Q - Le président français a déclaré à partir de Tunis que cet ensemble devraient être pour concurrencer la Chine sur le continent africain d'où l'ouverture de ces projets qui vont permettre l'ouverture à l'Afrique qui semble être un souci majeur pour l'Europe et non pas seulement des pays de la rive sud.
R - Vous avez raison, c'est un souci majeur. Cela fait très longtemps que la France, - on n'a pas attendu cette conférence de presse pour s'intéresser au développement de l'Afrique. Vous avez raison. Et nos recettes d'ailleurs n'existent pas vraiment et les succès ne sont pas grandioses. Donc il faut continuer avec les Africains. Tant qu'on n'implique pas les gens, cela ne marche pas du tout. Là, dans le projet de l'Union pour la Méditerranée, les pays et les systèmes privés des industries comme les volontaires seront impliqués venus des pays qui proposent. C'est déjà une petite différence. Mais en dehors de ça, concurrencer la Chine, c'est un projet grandiose. Mais enfin, c'est vrai que la Chine a beaucoup d'importance dans le continent africain, elle remporte souvent des appels d'offre qui la mettent en position favorable parce que cela coûte moins cher. Elle ramène ses ouvriers, elle livre ?? temps. C'est une concurrence très rude. C'est au niveau de la qualité de l'invention et de la participation des gens que nous pourrions, si nous le souhaitions, car ce n'est pas le sens du projet de l'Union pour la Méditerranée, si nous voulions concurrencer la Chine ce serait dans ce sens là... Concurrencer, ce n'est pas s'opposer. La Chine existe, cela nous le savons, et elle est de ce point de vue extrêmement efficace.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2008