Texte intégral
Vous savez, Jean et moi-même pensons très souvent et même pratiquement toujours la même chose ; c'est une coopération absolument fraternelle qui vraiment vous réchauffe le coeur. Ne croyez pas que l'Europe soit quelque chose d'évident quand on est vingt-sept et qu'il y a des sujets extrêmement graves, le Kosovo, la Birmanie, le Traité simplifié devenu Traité de Lisbonne, etc. Je suis heureux de recevoir le ministre des Affaires étrangères du Luxembourg et de répondre à vos questions.
Tout d'abord, la Présidence française n'est pas commencée. Nous sommes sous Présidence slovène et les Slovènes - nos amis slovènes - font de leur mieux et ils font très bien. D'ailleurs, ce sont eux qui ont convoqué, cet après-midi, cette réunion sur la Birmanie et ils ont eu raison.
A partir du 1er juillet, en ayant travaillé avant bien sûr, en ayant constitué des groupes de travail avec beaucoup de pays, avec beaucoup de souplesse et d'écoute, nous serons à même de fournir quelques documents, certains venus de la Commission, d'autres dont nous sommes à l'origine, sur des sujets très importants que je vais énumérer. Tout se passera à l'écoute des citoyens européens.
Aujourd'hui, j'ai appris des choses de Jean, qui ce soir vient à un dîner des ministres, le deuxième dîner informel des ministres des Affaires étrangères de l'Europe. Nous en aurons trois. Les Vingt-sept seront invités et moi j'écoute, je ne fais qu'écouter. Qu'est-ce que vous attendez de la Présidence française ? Comment voyez-vous les choses ? Donnez-nous vos opinions. On se connaît tellement qu'en général nous sommes sincères.
Avec Jean, nous avons parlé des sujets bilatéraux - on va le voir, mais pas des certitudes de la Présidence française - nous n'avons aucune certitude, nous devons être humbles. Là où on nous attend arrogants, nous serons à l'écoute, le plus humblement possible. Une présidence ce n'est pas d'apporter ses idées, c'est d'écouter les autres et d'essayer d'en faire la synthèse. C'est essayer d'écouter les vingt-six autres - son pays aussi, on peut mettre vingt-sept, mais surtout les vingt-six autres - et de faire des propositions qui seraient acceptées, encore à l'unanimité. A partir du 1er janvier, il y aura, je l'espère, un autre fonctionnement avec des majorités qualifiées et ce sera autre chose. Mais pour l'instant, c'est comme cela.
Le premier sujet que nous voulons aborder, c'est l'énergie qui est un sujet très important. Nous avons des sources d'énergie communes dans l'Europe des Vingt-sept et nous en avons qui sont spécifiques à chaque pays. Nous avons cependant une source d'énergie commune, le gaz qui vient de Russie. Est-ce que nous pourrons, avec l'aide de la Commission, fabriquer ou, en tout cas, concevoir une position commune des pays consommateurs face aux Russes qui sont un partenaire essentiel pour l'Union européenne ? Quelle que soit notre position et quelle que soit la demande, les Russes seront un partenaire essentiel. On l'a bien vu, d'ailleurs, à l'occasion du sommet de Bucarest. On n'en parle pas mais c'était la même chose, les pays européens se sont retrouvés.
Nous voulons aussi aborder le paquet climat. Nous sommes en avance, nous sommes en pointe par rapport au réchauffement de l'atmosphère, à la taxe carbone, à toutes ces choses importantes, et nous ne devons pas pénaliser nos entreprises face à celles du reste du monde. Nous en avons parlé avec Jean, il faut trouver un équilibre et lorsqu'on nous demande un pourcentage très élevé d'énergie renouvelable, nous posons la question : d'accord, mais comment fait-on ? Il faut en discuter. Nous n'avons pas les mêmes sources d'énergie renouvelables et, surtout, nous avons un tabou européen - je le dis entre nous parce que je sais que vous allez le répéter - : on n'a pas le droit de parler du nucléaire. Eh bien ! Si on ne parle pas du nucléaire, ce n'est pas une bonne façon d'aborder les problèmes de l'énergie et du climat. Nous verrons bien mais, en tout cas, nous avons, face à ce problème énergie-climat, toute une démarche très importante et nous espérons qu'à la fin - deuxième réunion du Conseil, sans doute en décembre -, nous aurons un document à présenter. Nous le souhaitons, nous n'en sommes pas sûr.
Q - Au niveau du Conseil ?
R - Au niveau du Conseil, absolument. Pour le reste, en tout cas pour l'immigration, ce sera peut-être un peu plus facile. L'immigration est d'ailleurs le deuxième grand sujet. Nous avons découvert - alors que je pensais que l'attitude française était très rigide et sans doute je me disais un peu trop rigide - des problèmes, des préoccupations semblables aux nôtres chez nos voisins européens et, en particulier, ceux qui reçoivent les migrations comme nous, l'Italie, l'Espagne, etc..
Nous savons, mes Chers Amis, que dans l'espace Schengen - maintenant vingt-trois pays - on peut circuler comme on veut. On ne peut pas prendre une décision d'un côté sans que cela ne se répercute chez les autres, alors il faudra travailler dans ce domaine pour avoir un document, je l'espère, une espèce de charte de l'immigration. Il faudra également parler de l'asile, de la façon dont nous répondons aux normes du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Mais l'asile est devenu une préoccupation beaucoup moins importante que les migrations économiques. Donc là, il nous faudra vraiment être à l'écoute des uns et des autres.
Il faudra aussi parler du respect des Droits de l'Homme, de l'accueil des gens et d'un sujet difficile, le retour. Peux-t-on et dans quelles conditions raccompagner les gens chez eux ? Quelles seront les sanctions ? Je n'en sais rien. Quoiqu'il en soit, nous sommes face à un flux migratoire qui est préoccupant. Regardez l'attitude de pays socialistes, l'Espagne, par exemple, qui a régularisé ou l'Italie qui, avec le gouvernement de M. Prodi, avait adopté une attitude très rigoureuse face aux Roumains - et cela continue d'être le cas. Il convient donc de partager nos expériences et de trouver une position commune.
Il y a aussi la politique, c'est le troisième grand sujet. J'en citerai un quatrième - mais il y en a tellement -, c'est la politique de défense commune. Là-dessus nous sommes très clairs et nous n'avons surtout pas de certitude. Nous voulons travailler ensemble, écouter les autres, avoir une position commune. Nous pensons que nous n'aurons pas de diplomatie commune et cela pose des problèmes pour l'application du Traité, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que c'est qu'une diplomatie européenne à partir de demain, du Traité de Lisbonne ? Il faut que l'on en parle.
Nous avons le sentiment qu'il n'y aura pas de diplomatie, pas d'influence dans le monde, si nous n'avons pas de défense européenne. La défense européenne, nous en avons besoin. Cela ne veut pas dire que nous construisons la défense européenne contre l'OTAN, sûrement pas, puisque nous souhaitons un processus parallèle. Pour ce qui concerne la France, je ne parle pas là de l'Europe, nous adhérons à l'ensemble du conseil stratégique et de la préparation des plans ; nous le ferons dès lors que nous pourrons avancer, petit à petit, sur une Europe de la défense.
On ne peut pas à continuer, les uns dépensant beaucoup d'argent, les autres pas. On ne peut pas avoir une telle disproportion en Europe. Alors chacun est à sa place. Nous verrons bien, nous ne voulons pas en parler maintenant, nous ne voulons pas interférer dans le vote du Traité de Lisbonne.
Il y a beaucoup de choses à faire ensemble : la formation des officiers, un ERASMUS militaire, une industrie de l'armement qu'on a déjà tenté de mettre en commun. On ne pense pas à une armée européenne, il ne s'agit pas du tout de cela, il s'agit de préserver un outil, mais qui soit plus complémentaire à l'intérieur de l'Union.
Et puis, je crois qu'il y a une dernière chose qu'il faudra travailler, c'est la place des sociétés civiles, des organisations non gouvernementales dans leur rapport avec l'Etat. C'est un sujet beaucoup plus ambitieux et à la fois limité en termes politique. Si nous pouvons faire cela, ce sera bien.
Il faudra, bien évidemment, parler du développement. Nous avons, avec nos amis allemands, anglais et luxembourgeois une expérience formidable dans le domaine de la lutte contre le sida. Nous faisons beaucoup de choses ensemble. Je pense aussi qu'il faudra parler de la façon d'alimenter les assurances maladie, publics ou privés, dans les pays qui n'en ont pas, avec, peut-être, la mise en place de micro crédits, à l'échelle des communautés. Il ne s'agit évidemment pas d'envisager une énorme sécurité sociale mondiale, certainement pas, ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Q - Ce que nous allons faire au Ghana, par exemple ?
R - Ce que vous avez fait, en particulier au Rwanda, je le signale, où vous avez été absolument efficaces. Ce sont plein d'idées de ce type et il y en a beaucoup d'autres, bien évidemment, et dans des domaines différents.
Il y aura quatre-vingt dix réunions internationales pendant la Présidence française de l'Union européenne. Or, comme nous avons les mois de juillet et août, il nous manquera un mois, comprenez-le. Cela fera donc beaucoup en cinq mois.
Il y a aura des réunions européennes avec beaucoup de grands pays : la Chine, la Russie, l'Ukraine et de nombreux autres.
Q - Et le nouveau Président qui sera élu aux commandes de l'Union pour la Méditerranée, n'est-ce pas ?
R - Bien sûr, j'oubliais l'Union pour la Méditerranée. Ce sera l'une de nos préoccupations et nous y travaillons beaucoup.
Maintenant, avec le document franco-allemand, les choses sont allées très vite vers l'essentiel. Les pays du sud et les pays du nord de la Méditerranée se réuniront pour un système commun et équilibré et, bien sûr, il y aura l'élection du nouveau président de cette Union.
Pendant ce temps, nous devons avancer et donner un Carnet de route au monde. Il y a une mondialisation dont nous sommes, en Europe, d'une certaine façon et sans être prétentieux, - je vous l'ai dit, nous ne le sommes pas - un peu garante, quand même, il faut bien le dire.
Il faut que nous soyons habités par une préoccupation sociale permanente. Par rapport aux autres, nous avons des protections sociales extrêmement importantes. Il faut veiller - on le voit bien avec les mouvements sociaux chez Dacia-Renault en Roumanie -, à ce que tout cela s'équilibre assez vite. Il est un fait qu'ils ont besoin d'un dispositif de retraite et d'un système d'assurance.
Il y a beaucoup choses, l'Union de la Méditerranée étant une de nos hautes préoccupations et nous nous réunirons le 13 juillet à Paris avec tout le monde.
Q - Comment voyez-vous l'idée de la création d'un nouveau ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne ?
R - C'est une question difficile.
Tout d'abord, il faut évidemment que l'on s'entende sur un nom : le premier sera le président du Conseil ou le président de l'Europe, si l'on veut. Il faut que nous fassions cela ensemble de manière à ce qu'il y ait un nom qui soit choisi en commun, un nom sur lequel tout le monde doit être d'accord.
Je pense aussi qu'il faudra trouver le nom du haut représentant pour le service extérieur et il faudra se pencher sur ce que sera ce service extérieur diplomatique. Devra-t-on attendre, à ce propos, l'élection du nouveau Parlement européen, certains le demandent, d'autres non. En tout cas, pour le président du Conseil, c'est non. Nous devrons commencer avec lui.
Plusieurs noms circulent, je ne peux vous indiquer quel est mon choix car je ne l'ai pas encore fait. Je sais que l'on parle en particulier de Jean-Claude Junker qui est bien entendu un ami et dont je dis du bien. Il n'est pas le seul dans la course, mais, comme je parle à des Luxembourgeois, je vous dis mon sentiment.
Ce n'est pas à la France de dicter en rien la préférence des autres, il y a plusieurs noms. Le haut représentant de la politique extérieure recevra, lui, une définition extrêmement précise. Dans ce cas-là, que deviennent les ministres des Affaires extérieures des différents pays ? C'est une bonne question à laquelle il n'y a pas de réponse pour le moment. Le Service extérieur sera-t-il issu entièrement de la Commission ? Si c'est le cas, c'est évidemment la fin des politiques extérieures des différents Etats membres ; ceci ne me paraît pas être la solution.
Faudra-t-il trouver un compromis ? Certainement et dans quelle proportion ? Je ne le sais pas encore mais c'est une vraie bonne question.
Par ailleurs, je vous signale également qu'il faut financer ce service extérieur. Ce sont les Etats membres qui paient pour le moment alors que la Commission a déjà des moyens.
Ce sont des sujets graves et lourds et lorsque l'on voit ce qui nous attend et le rôle que devraient jouer les Américains et qu'ils ne joueront pas durant un certain temps, en raison des élections du nouveau président, nous devons prendre nos responsabilités.
Q - C'est très court pour le nouveau Président. Pensez-vous que l'on devrait revoir les compétences ?
R - Bien sûr, ces compétences sont définies dans le Traité de Lisbonne mais avec un flou qu'il faut dissiper. Par exemple, ce soir, durant la réunion des ministres, nous en parlerons. D'ailleurs, nous en parlons tout le temps.
Q - Pensez-vous que les débats qui ont lieu au Conseil Affaires générales ont certaines compétences ?
R - Oui, évidemment. Mais, il y aura plusieurs présidents.
Q - Mais deux seulement présideront.
R - Et pourquoi cela, il y a un troisième !
Q - Non, seulement deux présideront, celui du Conseil et celui de la Commission. Est-ce bien cela ?
R - Non, le Président du pays qui sera encore là, en exercice.
Q - Non, c'est le Président du Conseil européen et c'est le haut Représentant. Tandis que les autres Conseils seront présidés par la Présidence tournante à un niveau qui n'est pas encore défini.
R - Et il y a un gros rapport à ce sujet.
Q - Une question pour mieux comprendre quelle est la mission menée ces jours-ci par la Présidence slovène de l'Union européenne conjointement avec la Suède, la Lituanie et la Pologne en Géorgie. La composition normale de cette Troïka aurait du comprendre la France. Avez-vous une réaction à ce sujet?
R - En effet, ainsi que votre serviteur !
Q - Mais, vous êtes beaucoup mieux ici avec nous !
R - En effet, je suis beaucoup mieux. J'ai été, en effet Monsieur, un peu surpris mais je ne suis pas un formaliste, je pense que cela ne donne pas une bonne image ; il y a des institutions qu'il faut respecter. Il est déjà très compliqué d'être à Vingt-sept. Je n'en veux pas à M. Roupel, ni à mes amis qui faisaient partie de cette délégation, mais enfin, cette démarche m'a surpris en effet.
Q - Le 12 juin, un référendum aura lieu en Irlande. La Présidence française risque, le cas échéant, tout de suite, le début d'une crise. Comment évaluez-vous les résultats de ce référendum ?
R - Pour le moment, il n'y a pas de crise et je souhaite qu'il n'y en ait pas. J'espère que nos amis irlandais seront assez sages pour ne pas en provoquer. Je ne m'en mêle pas, je sais qu'il existe des problèmes internes qui sont très importants, en particulier au niveau de l'agriculture, et nous ferons tout pour qu'ils s'aplanissent. Nous ferons tout pour que cela se passe bien. C'est le seul référendum qui ait lieu sur le Traité de Lisbonne. Je "croise les doigts", je "touche du bois".
Q - Par ailleurs, il y aura les Jeux Olympiques à Pékin, également sous votre Présidence, quelle sera l'attitude que vous adopterez ?
R - Je n'adopterai aucune attitude car je ne suis pas invité et, par conséquent, je n'y vais pas. Mais, nous n'avons jamais voulu le boycott des Jeux Olympiques, jamais. Je me souviens très bien, je l'ai d'ailleurs rappelé à mes amis chinois, que le boycott de 1980 à Moscou était suivi par les Chinois. J'ai relu leurs textes justifiant leur boycott et ils étaient infiniment politiques. Maintenant qu'ils viennent nous reprocher de faire de la politique à propos du sport, je leur ai ressorti ces textes, ce fut intéressant.
Le président de la République sera président de l'Union européenne à ce moment-là. Il a toujours dit que c'est en fonction du dialogue qui a déjà redémarré entre le Dalaï-Lama et les autorités chinoises qu'il se prononcera. Je ne souhaite pas me prononcer à sa place.
Vous savez que certains pays reçoivent le Dalaï-Lama, moi je l'ai déjà fait tout à fait officiellement, dans une autre vie, avec une autre majorité et j'étais toujours socialiste. Alors, nous verrons bien.
Q - Une fois socialiste, toujours socialiste !
R - Voilà Monsieur.
Q - Acceptez-vous une nouvelle ouverture de la Russie vers l'ouest à présent, avec le nouveau président ?
R - Je l'espère. J'ai entendu ce qu'il a dit, ses discours tranchaient un peu sur ceux de M. Poutine. La répartition des tâches et l'équilibre nouveau entre le Premier ministre et le président m'a évidemment intéressé. Je ne sais pas ce que ce sera dans la réalité et si M. Poutine exercera plus de prérogatives que son prédécesseur à ce poste de Premier ministre.
Pour le moment, tout s'est bien passé. J'ai été un peu frappé par le défilé sur la Place Rouge. J'ai compris sa signification et je souhaite que les choses se passent bien. Mais, je l'ai dit tout à l'heure, de toute façon, l'Union européenne a un grand voisin, la Russie et il faut absolument inventer un langage commun qui soit meilleur que les langages précédents ; c'est certain.
Q - Vous êtes allé sept ou huit fois au Liban pour tenter de trouver une solution. Aujourd'hui, lorsque l'on voit ce qui s'y passe, n'avez-vous pas l'impression que l'on aurait trop soutenu M. Siniora, sans discuter avec les autres communautés du Liban ?
R - Monsieur, j'ai discuté avec tout le monde. J'ai même fait venir le Hezbollah à Paris et, croyez-moi, cela n'a pas été facile. J'ai parlé avec tout le monde et nous avons toujours dit que la France ne privilégiait aucune des communautés. Nous avons parlé avec tout le monde, mais le gouvernement de M. Siniora est le seul gouvernement qui soit légitime et élu. Comme il n'y a pas de président - la faute à qui, pas à la France -, M. Siniora est le représentant officiel des autorités libanaises et nous continuerons de le soutenir.
Maintenant, la solution passe-t-elle ailleurs ? Je l'espère mais ce que je veux, c'est qu'il n'y ait pas la guerre, j'insiste, pas la guerre ! Et que la tension s'apaise !
Malheureusement, lorsque des incidents comme ceux-là arrivent - il y a quand même eu près de 60 morts et 150 blessés -, c'est tout de même très dangereux pour le Liban. C'est très dangereux quand les communautés s'affrontent. Nous essayons, nous nous obstinons, j'y retournerai mais je ne veux pas contre-carrer les efforts de la Mission de la Ligue arabe que nous soutenons.
Q - Etes-vous toujours défenseur d'un droit d'ingérence, lorsque l'on voit la situation en Birmanie ?
R - Oui et nous avons même proposé de le faire valoir. Nous sommes très fiers de l'avoir fait, nous sommes très fiers d'avoir été soutenus par Mme Angela Merckel.
Q - Et, concrètement, comment l'imaginez-vous ?
R - Il est évident que le droit d'ingérence est né, il est devenu la responsabilité de protéger. Cela a été voté à la quasi-unanimité de l'Assemblée générale des Nations unies, ce n'est pas un document sans importance. Si, maintenant, ils ne souhaitent pas l'appliquer, c'est leur affaire.
Les situations de catastrophes naturelles ne figurent pas explicitement dans le texte adopté. Cependant, si on connaît l'histoire - je la connais bien puisque je l'ai inventée, je l'ai vécue - du devoir puis du droit d'ingérence, ceci est né des catastrophes naturelles. Lorsque l'on a un pays comme celui-ci où l'on ne sait pas si un ou deux millions de personnes risquent probablement de mourir de faim, sans abri et sans nourriture, est difficile d'accepter que les portes soient et demeurent fermées. La communauté internationale a réagi différemment, je lui laisse la responsabilité de ces refus. En tout cas, il ne s'agissait pas d'une intervention militaire. Il s'agissait simplement de dire : laissez-nous entrer, on vous donne le matériel, on le distribue et on s'en va.
Ce n'était même pas une résolution du Conseil de sécurité mais une demande d'explications qui a été à moitié acceptée. Le Conseil de sécurité a entendu M. John Holms, qui est le Représentant pour l'Action humanitaire.
J'espère que cela évoluera.
Vous savez, nous disposons d'un énorme bateau, le Mistral, qui s'approchera des côtes avec 1 500 tonnes de nourriture, ce qui est énorme, avec des bateaux à fond plat pour aller les distribuer. J'espère que cela fonctionnera mais nous arrivons 15 jours après le Cyclone. C'est vraiment très triste.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2008
Tout d'abord, la Présidence française n'est pas commencée. Nous sommes sous Présidence slovène et les Slovènes - nos amis slovènes - font de leur mieux et ils font très bien. D'ailleurs, ce sont eux qui ont convoqué, cet après-midi, cette réunion sur la Birmanie et ils ont eu raison.
A partir du 1er juillet, en ayant travaillé avant bien sûr, en ayant constitué des groupes de travail avec beaucoup de pays, avec beaucoup de souplesse et d'écoute, nous serons à même de fournir quelques documents, certains venus de la Commission, d'autres dont nous sommes à l'origine, sur des sujets très importants que je vais énumérer. Tout se passera à l'écoute des citoyens européens.
Aujourd'hui, j'ai appris des choses de Jean, qui ce soir vient à un dîner des ministres, le deuxième dîner informel des ministres des Affaires étrangères de l'Europe. Nous en aurons trois. Les Vingt-sept seront invités et moi j'écoute, je ne fais qu'écouter. Qu'est-ce que vous attendez de la Présidence française ? Comment voyez-vous les choses ? Donnez-nous vos opinions. On se connaît tellement qu'en général nous sommes sincères.
Avec Jean, nous avons parlé des sujets bilatéraux - on va le voir, mais pas des certitudes de la Présidence française - nous n'avons aucune certitude, nous devons être humbles. Là où on nous attend arrogants, nous serons à l'écoute, le plus humblement possible. Une présidence ce n'est pas d'apporter ses idées, c'est d'écouter les autres et d'essayer d'en faire la synthèse. C'est essayer d'écouter les vingt-six autres - son pays aussi, on peut mettre vingt-sept, mais surtout les vingt-six autres - et de faire des propositions qui seraient acceptées, encore à l'unanimité. A partir du 1er janvier, il y aura, je l'espère, un autre fonctionnement avec des majorités qualifiées et ce sera autre chose. Mais pour l'instant, c'est comme cela.
Le premier sujet que nous voulons aborder, c'est l'énergie qui est un sujet très important. Nous avons des sources d'énergie communes dans l'Europe des Vingt-sept et nous en avons qui sont spécifiques à chaque pays. Nous avons cependant une source d'énergie commune, le gaz qui vient de Russie. Est-ce que nous pourrons, avec l'aide de la Commission, fabriquer ou, en tout cas, concevoir une position commune des pays consommateurs face aux Russes qui sont un partenaire essentiel pour l'Union européenne ? Quelle que soit notre position et quelle que soit la demande, les Russes seront un partenaire essentiel. On l'a bien vu, d'ailleurs, à l'occasion du sommet de Bucarest. On n'en parle pas mais c'était la même chose, les pays européens se sont retrouvés.
Nous voulons aussi aborder le paquet climat. Nous sommes en avance, nous sommes en pointe par rapport au réchauffement de l'atmosphère, à la taxe carbone, à toutes ces choses importantes, et nous ne devons pas pénaliser nos entreprises face à celles du reste du monde. Nous en avons parlé avec Jean, il faut trouver un équilibre et lorsqu'on nous demande un pourcentage très élevé d'énergie renouvelable, nous posons la question : d'accord, mais comment fait-on ? Il faut en discuter. Nous n'avons pas les mêmes sources d'énergie renouvelables et, surtout, nous avons un tabou européen - je le dis entre nous parce que je sais que vous allez le répéter - : on n'a pas le droit de parler du nucléaire. Eh bien ! Si on ne parle pas du nucléaire, ce n'est pas une bonne façon d'aborder les problèmes de l'énergie et du climat. Nous verrons bien mais, en tout cas, nous avons, face à ce problème énergie-climat, toute une démarche très importante et nous espérons qu'à la fin - deuxième réunion du Conseil, sans doute en décembre -, nous aurons un document à présenter. Nous le souhaitons, nous n'en sommes pas sûr.
Q - Au niveau du Conseil ?
R - Au niveau du Conseil, absolument. Pour le reste, en tout cas pour l'immigration, ce sera peut-être un peu plus facile. L'immigration est d'ailleurs le deuxième grand sujet. Nous avons découvert - alors que je pensais que l'attitude française était très rigide et sans doute je me disais un peu trop rigide - des problèmes, des préoccupations semblables aux nôtres chez nos voisins européens et, en particulier, ceux qui reçoivent les migrations comme nous, l'Italie, l'Espagne, etc..
Nous savons, mes Chers Amis, que dans l'espace Schengen - maintenant vingt-trois pays - on peut circuler comme on veut. On ne peut pas prendre une décision d'un côté sans que cela ne se répercute chez les autres, alors il faudra travailler dans ce domaine pour avoir un document, je l'espère, une espèce de charte de l'immigration. Il faudra également parler de l'asile, de la façon dont nous répondons aux normes du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies. Mais l'asile est devenu une préoccupation beaucoup moins importante que les migrations économiques. Donc là, il nous faudra vraiment être à l'écoute des uns et des autres.
Il faudra aussi parler du respect des Droits de l'Homme, de l'accueil des gens et d'un sujet difficile, le retour. Peux-t-on et dans quelles conditions raccompagner les gens chez eux ? Quelles seront les sanctions ? Je n'en sais rien. Quoiqu'il en soit, nous sommes face à un flux migratoire qui est préoccupant. Regardez l'attitude de pays socialistes, l'Espagne, par exemple, qui a régularisé ou l'Italie qui, avec le gouvernement de M. Prodi, avait adopté une attitude très rigoureuse face aux Roumains - et cela continue d'être le cas. Il convient donc de partager nos expériences et de trouver une position commune.
Il y a aussi la politique, c'est le troisième grand sujet. J'en citerai un quatrième - mais il y en a tellement -, c'est la politique de défense commune. Là-dessus nous sommes très clairs et nous n'avons surtout pas de certitude. Nous voulons travailler ensemble, écouter les autres, avoir une position commune. Nous pensons que nous n'aurons pas de diplomatie commune et cela pose des problèmes pour l'application du Traité, n'est-ce pas ? Qu'est-ce que c'est qu'une diplomatie européenne à partir de demain, du Traité de Lisbonne ? Il faut que l'on en parle.
Nous avons le sentiment qu'il n'y aura pas de diplomatie, pas d'influence dans le monde, si nous n'avons pas de défense européenne. La défense européenne, nous en avons besoin. Cela ne veut pas dire que nous construisons la défense européenne contre l'OTAN, sûrement pas, puisque nous souhaitons un processus parallèle. Pour ce qui concerne la France, je ne parle pas là de l'Europe, nous adhérons à l'ensemble du conseil stratégique et de la préparation des plans ; nous le ferons dès lors que nous pourrons avancer, petit à petit, sur une Europe de la défense.
On ne peut pas à continuer, les uns dépensant beaucoup d'argent, les autres pas. On ne peut pas avoir une telle disproportion en Europe. Alors chacun est à sa place. Nous verrons bien, nous ne voulons pas en parler maintenant, nous ne voulons pas interférer dans le vote du Traité de Lisbonne.
Il y a beaucoup de choses à faire ensemble : la formation des officiers, un ERASMUS militaire, une industrie de l'armement qu'on a déjà tenté de mettre en commun. On ne pense pas à une armée européenne, il ne s'agit pas du tout de cela, il s'agit de préserver un outil, mais qui soit plus complémentaire à l'intérieur de l'Union.
Et puis, je crois qu'il y a une dernière chose qu'il faudra travailler, c'est la place des sociétés civiles, des organisations non gouvernementales dans leur rapport avec l'Etat. C'est un sujet beaucoup plus ambitieux et à la fois limité en termes politique. Si nous pouvons faire cela, ce sera bien.
Il faudra, bien évidemment, parler du développement. Nous avons, avec nos amis allemands, anglais et luxembourgeois une expérience formidable dans le domaine de la lutte contre le sida. Nous faisons beaucoup de choses ensemble. Je pense aussi qu'il faudra parler de la façon d'alimenter les assurances maladie, publics ou privés, dans les pays qui n'en ont pas, avec, peut-être, la mise en place de micro crédits, à l'échelle des communautés. Il ne s'agit évidemment pas d'envisager une énorme sécurité sociale mondiale, certainement pas, ce n'est pas ce que nous souhaitons.
Q - Ce que nous allons faire au Ghana, par exemple ?
R - Ce que vous avez fait, en particulier au Rwanda, je le signale, où vous avez été absolument efficaces. Ce sont plein d'idées de ce type et il y en a beaucoup d'autres, bien évidemment, et dans des domaines différents.
Il y aura quatre-vingt dix réunions internationales pendant la Présidence française de l'Union européenne. Or, comme nous avons les mois de juillet et août, il nous manquera un mois, comprenez-le. Cela fera donc beaucoup en cinq mois.
Il y a aura des réunions européennes avec beaucoup de grands pays : la Chine, la Russie, l'Ukraine et de nombreux autres.
Q - Et le nouveau Président qui sera élu aux commandes de l'Union pour la Méditerranée, n'est-ce pas ?
R - Bien sûr, j'oubliais l'Union pour la Méditerranée. Ce sera l'une de nos préoccupations et nous y travaillons beaucoup.
Maintenant, avec le document franco-allemand, les choses sont allées très vite vers l'essentiel. Les pays du sud et les pays du nord de la Méditerranée se réuniront pour un système commun et équilibré et, bien sûr, il y aura l'élection du nouveau président de cette Union.
Pendant ce temps, nous devons avancer et donner un Carnet de route au monde. Il y a une mondialisation dont nous sommes, en Europe, d'une certaine façon et sans être prétentieux, - je vous l'ai dit, nous ne le sommes pas - un peu garante, quand même, il faut bien le dire.
Il faut que nous soyons habités par une préoccupation sociale permanente. Par rapport aux autres, nous avons des protections sociales extrêmement importantes. Il faut veiller - on le voit bien avec les mouvements sociaux chez Dacia-Renault en Roumanie -, à ce que tout cela s'équilibre assez vite. Il est un fait qu'ils ont besoin d'un dispositif de retraite et d'un système d'assurance.
Il y a beaucoup choses, l'Union de la Méditerranée étant une de nos hautes préoccupations et nous nous réunirons le 13 juillet à Paris avec tout le monde.
Q - Comment voyez-vous l'idée de la création d'un nouveau ministre des Affaires étrangères de l'Union européenne ?
R - C'est une question difficile.
Tout d'abord, il faut évidemment que l'on s'entende sur un nom : le premier sera le président du Conseil ou le président de l'Europe, si l'on veut. Il faut que nous fassions cela ensemble de manière à ce qu'il y ait un nom qui soit choisi en commun, un nom sur lequel tout le monde doit être d'accord.
Je pense aussi qu'il faudra trouver le nom du haut représentant pour le service extérieur et il faudra se pencher sur ce que sera ce service extérieur diplomatique. Devra-t-on attendre, à ce propos, l'élection du nouveau Parlement européen, certains le demandent, d'autres non. En tout cas, pour le président du Conseil, c'est non. Nous devrons commencer avec lui.
Plusieurs noms circulent, je ne peux vous indiquer quel est mon choix car je ne l'ai pas encore fait. Je sais que l'on parle en particulier de Jean-Claude Junker qui est bien entendu un ami et dont je dis du bien. Il n'est pas le seul dans la course, mais, comme je parle à des Luxembourgeois, je vous dis mon sentiment.
Ce n'est pas à la France de dicter en rien la préférence des autres, il y a plusieurs noms. Le haut représentant de la politique extérieure recevra, lui, une définition extrêmement précise. Dans ce cas-là, que deviennent les ministres des Affaires extérieures des différents pays ? C'est une bonne question à laquelle il n'y a pas de réponse pour le moment. Le Service extérieur sera-t-il issu entièrement de la Commission ? Si c'est le cas, c'est évidemment la fin des politiques extérieures des différents Etats membres ; ceci ne me paraît pas être la solution.
Faudra-t-il trouver un compromis ? Certainement et dans quelle proportion ? Je ne le sais pas encore mais c'est une vraie bonne question.
Par ailleurs, je vous signale également qu'il faut financer ce service extérieur. Ce sont les Etats membres qui paient pour le moment alors que la Commission a déjà des moyens.
Ce sont des sujets graves et lourds et lorsque l'on voit ce qui nous attend et le rôle que devraient jouer les Américains et qu'ils ne joueront pas durant un certain temps, en raison des élections du nouveau président, nous devons prendre nos responsabilités.
Q - C'est très court pour le nouveau Président. Pensez-vous que l'on devrait revoir les compétences ?
R - Bien sûr, ces compétences sont définies dans le Traité de Lisbonne mais avec un flou qu'il faut dissiper. Par exemple, ce soir, durant la réunion des ministres, nous en parlerons. D'ailleurs, nous en parlons tout le temps.
Q - Pensez-vous que les débats qui ont lieu au Conseil Affaires générales ont certaines compétences ?
R - Oui, évidemment. Mais, il y aura plusieurs présidents.
Q - Mais deux seulement présideront.
R - Et pourquoi cela, il y a un troisième !
Q - Non, seulement deux présideront, celui du Conseil et celui de la Commission. Est-ce bien cela ?
R - Non, le Président du pays qui sera encore là, en exercice.
Q - Non, c'est le Président du Conseil européen et c'est le haut Représentant. Tandis que les autres Conseils seront présidés par la Présidence tournante à un niveau qui n'est pas encore défini.
R - Et il y a un gros rapport à ce sujet.
Q - Une question pour mieux comprendre quelle est la mission menée ces jours-ci par la Présidence slovène de l'Union européenne conjointement avec la Suède, la Lituanie et la Pologne en Géorgie. La composition normale de cette Troïka aurait du comprendre la France. Avez-vous une réaction à ce sujet?
R - En effet, ainsi que votre serviteur !
Q - Mais, vous êtes beaucoup mieux ici avec nous !
R - En effet, je suis beaucoup mieux. J'ai été, en effet Monsieur, un peu surpris mais je ne suis pas un formaliste, je pense que cela ne donne pas une bonne image ; il y a des institutions qu'il faut respecter. Il est déjà très compliqué d'être à Vingt-sept. Je n'en veux pas à M. Roupel, ni à mes amis qui faisaient partie de cette délégation, mais enfin, cette démarche m'a surpris en effet.
Q - Le 12 juin, un référendum aura lieu en Irlande. La Présidence française risque, le cas échéant, tout de suite, le début d'une crise. Comment évaluez-vous les résultats de ce référendum ?
R - Pour le moment, il n'y a pas de crise et je souhaite qu'il n'y en ait pas. J'espère que nos amis irlandais seront assez sages pour ne pas en provoquer. Je ne m'en mêle pas, je sais qu'il existe des problèmes internes qui sont très importants, en particulier au niveau de l'agriculture, et nous ferons tout pour qu'ils s'aplanissent. Nous ferons tout pour que cela se passe bien. C'est le seul référendum qui ait lieu sur le Traité de Lisbonne. Je "croise les doigts", je "touche du bois".
Q - Par ailleurs, il y aura les Jeux Olympiques à Pékin, également sous votre Présidence, quelle sera l'attitude que vous adopterez ?
R - Je n'adopterai aucune attitude car je ne suis pas invité et, par conséquent, je n'y vais pas. Mais, nous n'avons jamais voulu le boycott des Jeux Olympiques, jamais. Je me souviens très bien, je l'ai d'ailleurs rappelé à mes amis chinois, que le boycott de 1980 à Moscou était suivi par les Chinois. J'ai relu leurs textes justifiant leur boycott et ils étaient infiniment politiques. Maintenant qu'ils viennent nous reprocher de faire de la politique à propos du sport, je leur ai ressorti ces textes, ce fut intéressant.
Le président de la République sera président de l'Union européenne à ce moment-là. Il a toujours dit que c'est en fonction du dialogue qui a déjà redémarré entre le Dalaï-Lama et les autorités chinoises qu'il se prononcera. Je ne souhaite pas me prononcer à sa place.
Vous savez que certains pays reçoivent le Dalaï-Lama, moi je l'ai déjà fait tout à fait officiellement, dans une autre vie, avec une autre majorité et j'étais toujours socialiste. Alors, nous verrons bien.
Q - Une fois socialiste, toujours socialiste !
R - Voilà Monsieur.
Q - Acceptez-vous une nouvelle ouverture de la Russie vers l'ouest à présent, avec le nouveau président ?
R - Je l'espère. J'ai entendu ce qu'il a dit, ses discours tranchaient un peu sur ceux de M. Poutine. La répartition des tâches et l'équilibre nouveau entre le Premier ministre et le président m'a évidemment intéressé. Je ne sais pas ce que ce sera dans la réalité et si M. Poutine exercera plus de prérogatives que son prédécesseur à ce poste de Premier ministre.
Pour le moment, tout s'est bien passé. J'ai été un peu frappé par le défilé sur la Place Rouge. J'ai compris sa signification et je souhaite que les choses se passent bien. Mais, je l'ai dit tout à l'heure, de toute façon, l'Union européenne a un grand voisin, la Russie et il faut absolument inventer un langage commun qui soit meilleur que les langages précédents ; c'est certain.
Q - Vous êtes allé sept ou huit fois au Liban pour tenter de trouver une solution. Aujourd'hui, lorsque l'on voit ce qui s'y passe, n'avez-vous pas l'impression que l'on aurait trop soutenu M. Siniora, sans discuter avec les autres communautés du Liban ?
R - Monsieur, j'ai discuté avec tout le monde. J'ai même fait venir le Hezbollah à Paris et, croyez-moi, cela n'a pas été facile. J'ai parlé avec tout le monde et nous avons toujours dit que la France ne privilégiait aucune des communautés. Nous avons parlé avec tout le monde, mais le gouvernement de M. Siniora est le seul gouvernement qui soit légitime et élu. Comme il n'y a pas de président - la faute à qui, pas à la France -, M. Siniora est le représentant officiel des autorités libanaises et nous continuerons de le soutenir.
Maintenant, la solution passe-t-elle ailleurs ? Je l'espère mais ce que je veux, c'est qu'il n'y ait pas la guerre, j'insiste, pas la guerre ! Et que la tension s'apaise !
Malheureusement, lorsque des incidents comme ceux-là arrivent - il y a quand même eu près de 60 morts et 150 blessés -, c'est tout de même très dangereux pour le Liban. C'est très dangereux quand les communautés s'affrontent. Nous essayons, nous nous obstinons, j'y retournerai mais je ne veux pas contre-carrer les efforts de la Mission de la Ligue arabe que nous soutenons.
Q - Etes-vous toujours défenseur d'un droit d'ingérence, lorsque l'on voit la situation en Birmanie ?
R - Oui et nous avons même proposé de le faire valoir. Nous sommes très fiers de l'avoir fait, nous sommes très fiers d'avoir été soutenus par Mme Angela Merckel.
Q - Et, concrètement, comment l'imaginez-vous ?
R - Il est évident que le droit d'ingérence est né, il est devenu la responsabilité de protéger. Cela a été voté à la quasi-unanimité de l'Assemblée générale des Nations unies, ce n'est pas un document sans importance. Si, maintenant, ils ne souhaitent pas l'appliquer, c'est leur affaire.
Les situations de catastrophes naturelles ne figurent pas explicitement dans le texte adopté. Cependant, si on connaît l'histoire - je la connais bien puisque je l'ai inventée, je l'ai vécue - du devoir puis du droit d'ingérence, ceci est né des catastrophes naturelles. Lorsque l'on a un pays comme celui-ci où l'on ne sait pas si un ou deux millions de personnes risquent probablement de mourir de faim, sans abri et sans nourriture, est difficile d'accepter que les portes soient et demeurent fermées. La communauté internationale a réagi différemment, je lui laisse la responsabilité de ces refus. En tout cas, il ne s'agissait pas d'une intervention militaire. Il s'agissait simplement de dire : laissez-nous entrer, on vous donne le matériel, on le distribue et on s'en va.
Ce n'était même pas une résolution du Conseil de sécurité mais une demande d'explications qui a été à moitié acceptée. Le Conseil de sécurité a entendu M. John Holms, qui est le Représentant pour l'Action humanitaire.
J'espère que cela évoluera.
Vous savez, nous disposons d'un énorme bateau, le Mistral, qui s'approchera des côtes avec 1 500 tonnes de nourriture, ce qui est énorme, avec des bateaux à fond plat pour aller les distribuer. J'espère que cela fonctionnera mais nous arrivons 15 jours après le Cyclone. C'est vraiment très triste.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2008