Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, à "RTL" le 15 mai 2008, sur les grèves dans la Fonction publique contre les suppressions de postes, la réforme des retraites et sur le cumul des mandats.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie.- Bonjour, A. Santini. Beaucoup de fonctionnaires seront dans les rues cet après midi pour protester contre les suppressions de poste dans la Fonction publique, beaucoup de fonctionnaires encore, jeudi prochain, dans les rues, pour protester cette fois contre la réforme des retraites. Pensez-vous que les fonctionnaires sont heureux en France ?

Actuellement, non ! Mais c'est un malaise qui date, qui vient de loin.

Mal payés ? Mal considérés ?

Quand vous prenez les statistiques de l'OCDE qui sont un bon élément (c'est notre jardin) vous découvrez que, quand on additionne la rémunération de ce qu'on appellera les agents publics - par exemple, les professeurs du privé ne sont pas fonctionnaires, mais ils sont payés par l'Etat, donc leur rémunération par prélèvement doit être rapportée à cette masse - vous découvrez qu'en France, ça représente à peu près 13% du PIB. Quand vous regardez en Angleterre, où Mme Thatcher avait nettoyé beaucoup - M. Tony Blair -d'où sa popularité ! - avait recruté pratiquement ce qui avait été éliminé avant ; et puis au moment où il n'y avait plus de recrutement, il a préféré partir -, ils sont à douze. En Italie où on a opté pour la contractualisation, c'est-à-dire qu'on n'a rien réglé du tout, on a mis tout le monde en contrat avec + 15%, on n'a pas diminué les dépenses...

Je ne comprends pas ce que vous dites !

Vous allez voir. En France, on constate que c'est là que nous avons le plus de fonctionnaires et le plus mal payés. Donc, depuis vingt ans, on a pris les deux mauvaises options.

Donc, vous comprenez leur manifestation, vous comprenez leurs mauvaises humeurs qu'ils expriment aujourd'hui, par exemple ?

Oui. Mais il faut aussi qu'ils sachent que nous les comprenons, que nous les respectons, que nous devons dialoguer avec eux et que c'est l'intérêt de chacun que nous ayons une Fonction publique moderne, évolutive et mieux rémunérée. Nous avons la meilleure administration du monde

Ah bon !

On en est bien conscient. Oui. Je le dis.

Ah bon ! Qu'est-ce qui dit ça ? Ça c'est vrai, c'est vous ! C'est ça ?

Mais on le dit partout. On le reconnaît. J'ai été en Allemagne, j'ai été en Belgique, en Espagne. Partout, on nous dit, on s'occupe de ce que l'on fait d'ailleurs ; et même nos méthodes pour gérer aujourd'hui, le reformatage de la fonction publique intéressent les autres pays. Nous devons avoir là aussi la confiance des fonctionnaires et d'ailleurs, nous sentons bien qu'il y a parfois un déphasage entre ce que demandent les syndicats et ce que réclament les fonctionnaires.

Alors, 22.000 suppressions de postes cette année ?

Oui.

Ça, bien sûr, ce sera fait. 35.000 l'année prochaine, vous le confirmez ?

Oui, mais c'est la seule façon.

Et 35.000 l'année d'après ? Et 35.000 encore, l'année d'après ?

Oui et alors ! Quand on aura à la fin du quinquennat atteint les chiffres obtenus par - encore une fois, ce qui n'est pas un plan social, on ne licencie personne, on ne renouvelle pas un sur deux...

On ne renouvelle pas les postes de gens qui partent à la retraite. ...

Eh bien, nous serons revenus aux effectifs fonctionnaires de 1992.

C'est une manière de dire qu'il y a trop de fonctionnaires en France, aujourd'hui, ?

Il y en a peut-être un peu trop ! Pourquoi a-t-on embauché 200.000 fonctionnaires d'Etat après la décentralisation ? Pourquoi dans les collectivités territoriales, a-t-on embauché, là encore tellement de fonctionnaires ? Cela fait un million de fonctionnaires en quelques années. Ce n'est pas toujours justifié.

Votre proposition de porter un brassard plutôt que de faire grève. C'était quoi ?

Oui, c'est Hondelatte qui s'amuse !

Ah non, ce n'est pas Hondelatte qui s'amuse ! Il y a des dépêches, il y a des réactions de syndicats, Hondelatte s'amuse mais il y a d'autres choses aussi.

J'ai fait ça dans ma commune.

Vous avez fait ça, quoi, dans votre commune ?

Eh bien, je leur ai expliqué qu'une grève est difficilement compréhensive dans une collectivité locale parce qu'il y a un lien direct, d'abord entre les fonctionnaires et le maire, et puis il y a un lien direct entre les fonctionnaires et les contribuables, qui savent que c'est eux qui paient. Alors je leur ai dit : plutôt que de provoquer la pagaille dans les crèches, dans les écoles, dans les services même, eh bien vous devriez dire : un bandeau, un brassard : "fonctionnaires en grève". Voilà. Et ça a été très apprécié.

La grève, c'est la pagaille ?

C'est un mode de réclamations qui est certainement daté.

Vous pourriez prendre un texte, un décret, quelque chose qui encadrerait cette pratique ?

Non, pas question, c'est constitutionnel. Non, il vaut mieux perdre du temps, qui est gagné deux fois, en pédagogie. Nous avons négocié l'autre jour avec les syndicats jusqu'à 4 heures du matin encore. Nous prenons notre temps. Nous écoutons.

L'inflation est forte. Elle est repartie à la hausse : 3%.

Oui, c'est vrai

Vous pouvez faire un effort pour les salaires des fonctionnaires, pour corriger ce que l'inflation provoque sur la perte du pouvoir d'achat ?

N'oubliez pas que le ministre de la Fonction publique est maintenant le ministre du Budget, donc ça facilite le rapport.

Et alors, c'est une promesse pour les fonctionnaires qui nous écoutent ?

Ah, je n'ose rien promettre parce qu'E. Woerth a beaucoup de mal, vous le savez, à préparer le Budget. Mais il tiendra forcément compte de ces paramètres.

C'est-à-dire que dans les prochaines négociations salariales, le fait que l'inflation soit à 3% sera pris en compte de manière à ce que les salaires augmentent en proportion ?

Nous avons proposé aux fonctionnaires une garantie du pouvoir d'achat, garantie individuelle, ce qu'on appelle la GIPA. Alors, ça n'a pas été bien reçu au début ; et puis maintenant, je crois qu'avec l'inflation, on commence à découvrir que c'est finalement une bonne méthode.

Vous êtes ministre, secrétaire d'Etat à la Fonction publique, c'est presque ministre. On ne saisit pas toujours bien la différence.

Oui j'ai été déjà ministre. Ministre, c'est bien, mais ancien ministre, ça dure plus longtemps.

Là, vous l'êtes encore. Vous êtes toujours maire d'Issy-les- Moulineaux ?

Oui.

Voilà !

Je suis pour le cumul.

Vous êtes pour le cumul. Alors, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté, hier, un amendement. Un amendement surprise, dit la dépêche. Alors, c'est la surprise qui est formidable.

Il n'y a que ça, actuellement, à l'Assemblée. Ce n'est plus une assemblée, c'est un happening !

Ah, c'est vrai ! C'est grâce à Jean François Copé ?

Ah, je ne sais pas.

C'est grâce à qui, que c'est un happening ?

Non, non, c'est un certain climat, tant mieux. Ça foisonne.

C'est un peu le bazar quand même, non ?

Non, non, non, ce n'est pas le bazar. Vous avez vu pour les OGM. Il y a eu un petit moment et puis voilà. On est revenu à l'ordre souhaitable.

Dans les comptes-rendus des réunions du groupe UMP aujourd'hui qu'il y a dans la presse, il y a des députés qui proposent de sanctionner les députés absentéistes, les sanctionner financièrement.

Ah, c'est une vieille idée, ça.

Une bonne idée ou une mauvaise idée ?

Je crois que c'est un peu simpliste.

Un peu simpliste. On ne peut pas sanctionner les députés qui ne font pas leur travail. On ne peut pas les sanctionner ?

Voilà. Ce n'est pas dans l'hémicycle que tout se passe. Vous êtes trop fin observateur et vous le savez très bien. C'est d'ailleurs idiot de dire aux gens...

Ouf ! On est trop fin, oui des fois !

Non, non.

Si, si.

Mais un député travaille tout le temps. C'est incontestable. Quand on reçoit, par exemple, des syndicats, quand on reçoit des groupes, ça ne figure pas dans les heures de travail, alors c'est complètement stupide, c'est peut-être ce qui est le plus important.

L'amendement surprise, j'y reviens. Les fonctions d'un membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat de maire dans une commune de plus de 20.000 habitants. Pas mal comme amendement ?

Oui. On verra. Il faut que ça avance.

La force d'inertie triomphera de tous ces amendements, c'est ça ? Vous n'êtes pas inquiet ?

Oui, l'immobilisme est en marche et rien ne saurait l'arrêter, je vous vois venir avec E. Faure ! Non. La vérité c'est que je suis plus que jamais persuadé qu'il faut que les élus parlementaires, que les ministres aient un mandat local. C'est comme ça qu'on voit les choses. Quand vous êtes à la tête d'une mairie, vous savez les problèmes qu'ont les fonctionnaires pour vivre et vous n'êtes pas un technocrate qui gère des masses.

Où allez-vous passer votre journée ? Au ministère, compter les manifestants ?

Aujourd'hui, je suis au Syndicat des eaux.

Au Syndicat des eaux pour Issy-les-Moulineaux, alors ?

Non, pour la région Ile-de-France.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2008