Déclaration de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, sur les enjeux de l'engagement de l'Etat et des entreprises pour l'emploi des jeunes des quartiers populaires, Paris le 15 mai 2008.

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Circonstance : Visite de terrain dans l'entreprise ACCENTURE, à Paris le 15 mai 2008

Texte intégral

Madame la ministre, chère Fadela,
Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Nous sommes ici à une nouvelle étape d'un projet clef pour l'emploi des jeunes des quartiers populaires, qui a déjà porté ses fruits.
Et j'en profite pour saluer également la présence de jeunes participant aux opérations « accent sur l'emploi » et « nos quartiers ont des talents ». Laissez-moi vous rappeler les enjeux, et déjà, les réalisations de ce projet.
I/ Rappel des enjeux de l'Engagement national pour l'emploi des jeunes des quartiers
a) les engagements du président pour l'emploi des jeunes des quartiers
Le président de la République a adressé, le 8 février 2008, dans le cadre de la nouvelle politique de la ville, un appel aux entreprises françaises pour qu'elles redonnent un espoir à cette jeunesse confrontée à une discrimination inacceptable parce qu'elle habite dans certains quartiers.
Certaines entreprises ont évoquées dès novembre 2007 la possibilité de prendre des engagements volontaires de recrutement, de stage, de contrat en alternance avec des jeunes des quartiers, et d'en augmenter progressivement le nombre tout en assurant un recrutement sur les compétences, qui est le seul recrutement durable. Elles souhaitaient ainsi s'engager contre toute discrimination, notamment par l'adresse et donc le lieu d'habitation.
Le 15 février dernier, devant 70 jeunes venus des quatre coins de l'Île-de-France, les responsables des 38 premières entreprises signataires de « l'engagement national pour l'emploi des jeunes des quartiers » sont venus à Bercy et ont conclu un engagement global pour 2008 sur 10 897 emplois, 2 000 contrats de travail en alternance et 9 400 stages.
Permettez-moi de vous de dire tout d'abord, que je suis honoré, en tant que secrétaire d'État chargé de l'Emploi, d'être présent parmi vous aujourd'hui avec Fadela Amara, et d'assurer la poursuite de cette formidable et fructueuse expérience. Nous sommes ici aujourd'hui pour une nouvelle séance de signatures avec les entreprises, en présence de jeunes, qui confirme l'élan impulsé par le président de la République. Le plan espoir Banlieues, est une réalité économique et sociale en marche. Il a lancé une nouvelle dynamique pour la ville essentielle à nos progrès dans la lutte contre le chômage de masse et le combat pour le plein-emploi, qui est notre objectif à terme; et ceci sur tous les territoires et dans tous les quartiers.
L'année 2007 a été marquée par une baisse massive du chômage à 7,5 %, son plus bas niveau depuis un quart de siècle. Il faut maintenant s'attaquer au chômage structurel, c'est-à-dire procéder à un véritable changement des mentalités qui conforte notre projet de valoriser le travail : endiguer durablement les préjugés professionnels et sociologiques enracinés à l'encontre certaines catégories comme les jeunes des quartiers, responsables d'années d'immobilisme et de pérennisation d'idées reçues, et plus grave, fausses.
b) l'exclusion injustifiée des jeunes des quartiers du marché du travail
La mise à l'écart des jeunes de nos quartiers dans un pays riche comme la France est une idée particulièrement insupportable, et qui plus est, économiquement stérile. Même si le chômage recule dans les quartiers comme dans le reste du pays, il part d'un niveau malheureusement beaucoup plus élevé, près du double de la moyenne nationale.
Nous avons encore devant nous un formidable potentiel de croissance, dont les réformes en cours nous permettront de mieux profiter. Nous pouvons nous permettre d'être confiant en l'avenir. Nos entrepreneurs ont le moral. Mais on a parfois l'impression que la croissance a ses exclus : notre dynamisme économique incontestable semble avoir oublié des centaines de quartiers, de cités, où habite pourtant près de 10 % de la population française. Nous voulons aujourd'hui leur redonner de l'espoir, c'est-à-dire un emploi, car un emploi, pour ces jeunes, c'est le premier facteur déterminant pour leur avenir. Il faut que les quartiers dits sensibles redeviennent, pour emprunter l'expression du président de la République, « des quartiers populaires où il fait bon vivre ».
En tant que secrétaire d'État chargé de l'Emploi, je suis aux cotés de Christine Lagarde plus particulièrement chargé des mesures qui ont trait à l'emploi et à l'insertion professionnelle, notamment celle des jeunes, au sein du plan « Espoir Banlieues » présenté par le président le 8 février.
c) l'engagement de l'État et des entreprises pour les jeunes des quartiers
Cette bataille pour le plein-emploi, objectif fixé par le président de la République à l'horizon 2012, elle se gagne avec les demandeurs d'emploi et avec les entreprises. Pour cela je le répète, il y a un vrai changement à opérer du côté des mentalités. Un vrai engagement à prendre dans la manière dont on gère l'insertion des jeunes demandeurs d'emploi -dont le premier emploi est synonyme de début de la vie active, d'entrée dans la société- sur le marché du travail.
Nous ne gagnerons cette bataille que si chacun décide de prendre de bonnes habitudes : les entreprises doivent écarter fermement toute discrimination sur la couleur de peau, le nom ou l'adresse ; et les jeunes de leur côté doivent comprendre que le travail est une valeur capitale, clef de toute leur réussite de vie. L'économie française ne peut se permettre de laisser tant de talents et d'énergie de côté. Si nous n'opérons pas ce changement, c'est une double perte qui s'ensuivra, perte pour les jeunes, perte pour les entreprises et l'économie française. Il existe en effet une vitalité inouïe dans les quartiers, trop peu ou trop mal exploitée, pour les raisons, qui sont de mauvaises raisons, que j'ai citées tout à l'heure.
Ce que j'ai vu au cours de mes visites de terrain dans les entreprises ces dernières semaines, me laisse penser que nous mènerons ce combat avec succès. Que se soit aux Garennes, dans la localité des Mureaux, ou à Lille, dans le Nord, j'ai visité des entreprises florissantes, des PME ou des grands groupes, qui embauchaient des jeunes venus des cités. Et je précise que se ne sont pas seulement de gros groupes ; aux Mureaux, dans une PME de 40 salariés spécialisée dans la production de matériel électrique, des jeunes de la localité travaillent et s'épanouissent auprès des autres salariés. L'un d'eux, Hamar, 24 ans, m'expliquait son embauche et les économies qu'il avait pu faire, notamment grâce au dispositif sur les heures supplémentaires défiscalisées, pour finir de faire construire sa maison. Un jeune homme « des banlieues », « issu de l'immigration », comme le veulent les étiquettes qu'on leur colle trop souvent. Eh bien, cela n'avait en rien entamé la détermination du patron à l'embaucher, car il avait les compétences et la volonté de travailler, et a su le prouver sur le terrain. Ce chef d'entreprise me confiait à son tour qu'il cherchait d'autres jeunes de ce profil ; il était très en demande. On voit bien que les idées reçues que j'évoquais sont d'une part erronées, d'autres part loin d'être unanimes : la plupart des chefs d'entreprises sont conscients du potentiel de ces jeunes et de la valeur ajoutée qu'ils peuvent apporter dans un marché du travail en perpétuel évolution et à la demande de plus en plus ciblée et diversifiée. Ces jeunes constituent les ressources, les forces vives, de demain, celles dont la France a tant besoin.
L'autre idée qu'il faut avoir constante à l'esprit, c'est que ces jeunes veulent travailler, ils ne demandent même que ça ! L'accès à l'emploi, c'est évidemment le passage obligé pour construire durablement sa vie et son parcours citoyen. Mais c'est aussi la perspective d'avoir non seulement davantage de pouvoir d'achat, mais de participer à la vie économique nationale et à la création de richesses, condition essentielle à une vraie justice sociale. Je sais combien de nombreux jeunes des quartiers s'investissent dans leurs études, que ce soit dans l'apprentissage, en classe préparatoire ou à l'université. Ils aspirent comme tous les étudiants, souvent mieux et plus que d'autres, à donner le meilleur d'eux-mêmes pour réussir leur vie et réaliser leurs ambitions.
Ensemble, nous allons les aider à franchir ces portes. Pour cela, le président de la République a fixé un objectif à l'action de l'État : trouver un emploi à plus de 100 000 jeunes dans les quartiers d'ici trois ans : 100 000 emplois en fonction de chaque situation. Il faut faire du sur mesure. Nous disposions déjà des outils du plan de cohésion sociale : CIVIS, CIE, CAE, accompagnement renforcé pour les jeunes diplômés, mais nous disposerons d'autres outils: le contrat d'autonomie, le soutien à la création d'entreprise simplifié et renforcé. Je vous rappelle que le président de la République souhaite que la réforme de la formation professionnelle prenne mieux en compte les besoins des jeunes sans qualification.
Cette action ne peut réussir sans l'action de tous : entreprises, service public de l'emploi, associations, élus locaux et bien sûr jeunes eux-mêmes. C'est le sens de votre présence aujourd'hui dans votre diversité : je veux remercier et encourager les dirigeants des entreprises présents ici, et qui veulent attester de leur volonté de progresser dans cette voie, les élus des collectivités locales qui agissent sur le terrain et soutiennent notamment les missions locales, les associations ou fondations d'entreprises qui agissent dans le champ de l'insertion professionnelle, les associations de quartiers, des agents publics impliqués dans la politique de l'emploi et de la ville.
II/ Le point sur l'avancée du projet aujourd'hui
L'Engagement national est déjà signé avec 38 chefs d'entreprise. 15 entreprises les rejoignent aujourd'hui. Ensemble ces 53 entreprises proposent plus de 40 000 emplois en trois ans, plus de 9 000 contrats en alternance qualifiant et 36 000 stages professionnalisant. Ces entreprises volontaires s'engagent non seulement à faire appliquer de manière stricte les principes de l'égalité des chances par leurs recruteurs, mais aussi à embaucher chaque année des jeunes venus des quartiers. Cet engagement s'étend sur trois ans, et nous attendons naturellement que beaucoup d'autres entreprises les rejoignent et le prennent.
Cette nouvelle séance de signatures montre bien que nous sommes dans une dynamique qui s'inscrit dans la durée, à l'image du plan Espoir Banlieues : outre 53 entreprises signataires, 10 fédérations et associations d'entreprises désormais s'engagent également, une trentaine d'entreprises supplémentaires devraient adhérer dans les semaines et mois qui viennent. Les fédérations notamment, relayent auprès de leurs membres cette démarche et nous communiqueront des candidatures. Notre objectif est d'atteindre une centaine d'entreprises adhérentes d'ici la fin de l'année.
Les préfets auxquels Christine Lagarde a écrit une lettre le 12 mars dernier pour leur détailler leur rôle dans l'Engagement national pour l'emploi des jeunes des quartiers, ont tenu dans leur région et département des réunions avec des entreprises signataires. Ainsi lundi 5 mai le préfet de région Île-de-France réunissait une trentaine d'entreprises. Des entreprises régionales et même départementales s'informent et désirent s'engager.
La séance de signature de ce jour est particulièrement importante pour deux raisons supplémentaires :
Tout d'abord, elle se tient chez l'un des signataires précédents de l'engagement national pour l'emploi des jeunes des quartiers, et je remercie Accenture de son accueil et de ses réalisations. Nous voulons témoigner à cette occasion que c'est bien l'ensemble des secteurs économiques et des entreprises qui sont ouverts à la diversité et pas seulement certains métiers en tension et que l'on cite fréquemment (BTP, restauration, transport). Les métiers du chiffre, les métiers financiers, les métiers de l'assurance, les industries de haute technologie s'engagent également pour l'emploi des jeunes des quartiers. Rappelons que les jeunes diplômés des quartiers sont malheureusement plus longtemps en recherche de leur premier emploi que dans le reste du pays. Ils doivent être les premiers bénéficiaires de l'engagement des entreprises.
D'autre part, nous accueillons aujourd'hui aux cotés de grandes entreprises du Cac 40 quelques entreprises de taille moyenne et dont le siège est en région : ce sont ces entreprises moyennes dont le gouvernement veut soutenir la croissance pour qu'elles deviennent des championnes européennes et mondiales de leur secteur: Cari, Graveleau, la Société méditerranéenne de nettoyage...
Celles qui nous rejoignent aujourd'hui ont suivi depuis plusieurs années une démarche d'entreprises socialement responsables et visent à poursuivre leur action dans ce sens. La présence de ces « grosses » PME est pour moi essentielle et très significative. Pourquoi ? Parce que cela nous montre, encore une fois, que ce se sont pas seulement des grands groupes qui s'engagent; des PME le font également, Rappel, si besoin est, qu'il s'agit d'un contrat équilibré : loin d'une philanthropie éphémère ou d'un avatar de l'économiquement correct, on est dans une vraie dynamique d'investissement réciproque pour les entreprises qui vont bénéficier des talents de jeunes des quartiers,et pour les jeunes qui s'insèrent ainsi avec succès dans le marché de l'emploi.
Les réalisations commencent à être chiffrées. Les premières remontées sont positives. Elles sont en cours de synthèse et feront l'objet d'un bilan d'étape en juin 2008. Il reste à simplifier la possibilité d'identifier pour les entreprises si les recrutements qu'elles ont opérés étaient parmi les jeunes qui résident dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Nous travaillons avec le secrétariat d'État à la ville, avec Fadela Amara, et avec l'ANPE qui participe depuis l'origine à cette opération, pour faciliter cette identification. La création du Nouvel opérateur du Service Public de l'Emploi, issu de la fusion ANPE-Assédic, opérationnelle au premier janvier 2009 est pour ce faire un outil clef : elle va renforcer les moyens sur l'accompagnement des jeunes, et tout particulièrement ceux des quartiers les moins favorisés - donc ceux qui en ont le plus besoin - grâce à la mutualisation des moyens et ceci en tout point du territoire. Cela signifie aussi une démarche personnalisée pour chacun, et c'est ce dont ces jeunes ont besoin, d'être pris au sérieux, et non d'être un simple numéro administratif. C'est d'autant plus important qu'il s'agit souvent pour eux d'un premier emploi : il faut aller à l'efficacité dès le premier entretien. M. Charpy en a dit un mot tout à l'heure.
Autre point important: la création d'entreprise. La loi de modernisation de l'économie prévoit une simplification radicale de l'exercice des activités des créateurs d'entreprises notamment avec un prélèvement social et fiscal unique mensuel et proportionnel à l'activité conduite. Des dizaines de milliers de projets devraient être facilités. Par ailleurs un dispositif de soutien technique et financier sera mis en place en lien avec la Caisse des dépôts pour faciliter le passage de l'idée au projet de création d'entreprise. Nous espérons réaliser 20 000 créations d'entreprises en quatre ans dans les quartiers.
Je voudrais remercier les entrepreneurs, qui avaient participé à la signature de la charte de la diversité, ou à l'opération « nos quartiers ont des talents » organisée par le Medef, et tous ceux qui sont ici aujourd'hui, pour montrer que l'essai a bien été transformé, et que nous continuons sur leur lancée.
C'est au coeur de ces synergies et de ces problématiques indissociables de création d'emploi, de création d'entreprise, de développement de la formation professionnelle et de modernisation économique que nous construisons ensemble le nouveau visage de l'emploi de demain.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 16 mai 2008