Texte intégral
1. Le gouvernement français a plusieurs fois reproché à la BCE de ne pas assez prendre en compte la situation de la croissance et de l'emploi. La France préfère-t-elle un euro faible à une monnaie stable ?
J'espère en tout cas qu'aujourd'hui personne ne s'inquiète d'une faiblesse de l'euro ! Les chefs d'entreprises que je rencontre évoquent plutôt le défi que représente l'évolution de notre monnaie pour leur compétitivité.
Plus généralement, je crois que ce qui est mauvais pour nos entreprises comme pour nos économies, ce sont des marchés des changes volatiles et marqués, comme récemment, par des évolutions brutales. Nous avons besoin d'un système financier international fort et stable et non de fluctuations excessives. C'était le sens de l'appel que nous avions lancé il y a quelques semaines à Washington. Je pense que notre point de vue n'a pas évolué sur cet objectif central, tout au contraire.
Enfin, j'ai le sentiment que dans certaines régions du monde, notamment en Asie, les marchés des changes ne reflètent pas les fondamentaux d'économies très dynamiques, dont les monnaies sont parfois pilotées de manière administrative.
2. Pourriez-vous donner des exemples qui illustrent que la France souffre de la politique monétaire et de taux d'intérêts actuelle de la BCE.
Les effets de la politique monétaire sur l'économie sont complexes. En luttant contre l'inflation dans la zone euro, la Banque Centrale Européenne contribue sans aucun doute à améliorer le cadre global des activités économiques européennes. L'euro fort permet aussi d'amortir les effets des hausses de prix des matières premières et du pétrole. Cependant, la forte appréciation de l'euro nuit à la compétitivité des exportations européennes et peut accélérer les phénomènes de délocalisations. En outre, le fait que d'autres devises ne s'ajustent que graduellement aux fondamentaux de leur économie tend à faire peser sur la zone euro l'essentiel du fardeau de l'ajustement du dollar.
3. Nous assistons actuellement à un fort renchérissement des produits alimentaires, mais aussi de nombreux autres produits. Comment peut-il être contenu à l'avenir ? Comment le pouvoir d'achat peut-il être préservé ?
C'est un vrai problème et il ne faut par conséquent pas se tromper de cible et ne pas se tromper de remède. A ce titre, le retour à un contrôle des prix constitue un chemin qui ne mène nulle part. Ma politique pour peser sur les prix en France, c'est de favoriser la concurrence, en particulier dans le secteur de la grande distribution. Les effets sur les prix d'une saine concurrence alliant transparence, liberté contractuelle et responsabilité des acteurs se produiront au terme de la réforme structurelle. C'est la seule solution durable pour l'économie en la matière.
4. Vous venez en visite en Autriche. Quels sont les objectifs de votre visite ?
Comme vous le savez la France assurera la présidence du conseil de l'Union européenne à partir du 1er juillet. Dans cette perspective, il est essentiel pour moi d'aller à la rencontre de mes collègues pour être à l'écoute de leurs attentes et de leurs priorités dans le domaine économique et financier pour les 6 mois à venir.
C'est donc tout naturellement que je viens à Vienne pour avoir une discussion approfondie avec Wilhelm Mölterer, que je connais par ailleurs, très bien puisque nous participons chaque mois ensemble aux réunions des ministres des finances européens et que nous avons déjà eu de nombreuses discussions bilatérales. J'ajoute que Wilhelm est aussi un participant très actif et un acteur de poids dans nos débats pour défendre ses positions mais aussi faire émerger des consensus. C'est aussi pour cela que j'ai choisi Vienne pour ce premier déplacement de préparation de présidence.
La volonté de la France au cours de sa présidence n'est pas de tenter de faire avancer des objectifs nationaux de façon égoïste mais c'est au contraire de se mettre au service de l'intérêt communautaire et de faire émerger des consensus aussi ambitieux que possible. Il me semble, par exemple, que dans la continuité des travaux de la présidence slovène nous pouvons encore travailler à renforcer la stabilité et la solidité du système financier européen en harmonisant sa supervision. L'Europe peut aussi être plus ambitieuse pour offrir un environnement porteur à ses petites et moyennes entreprises qui sont un des moteurs essentiels de notre croissance économique.
5. L'Autriche et la France envisagent avec beaucoup de scepticisme l'entrée de la Turquie dans l'UE. Mais une telle entrée ne représenterait-elle pas de gros avantages économiques pour toutes les parties ?
La France veut maintenir avec la Turquie une relation bilatérale d'une grande qualité. C'est notamment le cas dans le domaine économique où les entreprises françaises sont très engagées sur ce grand marché. Nous accueillons également très volontiers les entreprises turques en France.
Au niveau européen, en tant que future présidence nous renforcerons le dialogue étroit engagé avec la Turquie. Nous avons l'ambition de pouvoir ouvrir de nouveaux chapitres. Je suis pleinement convaincue qu'il est de l'intérêt de l'Union européenne comme de la Turquie d'approfondir ce partenariat.
6. On parle toujours de l'éventualité d'un impôt unique pour les entreprises au sein de l'UE. A votre avis, est-ce que cela aurait du sens pour empêcher le dumping fiscal ?
Rappelons d'abord que dans ce domaine toute réforme suppose l'unanimité. Par conséquent quelle que soit l'orientation finalement retenue sur ce sujet, elle devra recueillir l'accord de tous les Etats membres. Nous n'en sommes donc pas à décider d'un impôt unique !
Au cours des derniers mois, la Commission européenne a orienté ses travaux sur la question d'une assiette de l'impôt sur les sociétés calculée selon les mêmes règles. Chaque Etat pourrait taxer, au taux qu'il souhaite, la fraction de cette assiette qui concerne son territoire.
C'est une réflexion très intéressante et vous savez que la France comme d'autres pays européens y attache une grande importance. Chacun se déterminera en fonction de la position précise de la Commission quand nous la connaîtrons.
Au-delà, je crois qu'on ne peut pas chercher à supprimer toute concurrence fiscale entre Etats européens : ce serait illusoire et d'ailleurs, la concurrence est stimulante dans tous les domaines, y compris dans le domaine fiscal.
7. Sous présidence française sera à nouveau négociée la mise en oeuvre des objectifs de protection climatique de l'UE. Estimez-vous ces objectifs réalistes ? Comment peut-on empêcher que ces objectifs apportent à l'industrie européenne des désavantages compétitifs ?
Les objectifs fixés lors du conseil de mars 2007 visent une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020. Il s'agit d'un point de passage obligé sur le chemin qui doit nous conduire à diviser nos émissions de gaz à effet de serre par 4 en 2050, ce qui est l'objectif de long terme visé par la France dans sa politique de lutte contre le changement climatique. En tant que ministre en charge de l'économie et de l'industrie je souhaite toutefois que ces objectifs soient atteints au moindre coût, notamment pour l'industrie, qui est à l'origine de l'essentiel des progrès environnementaux constatés ces dernières années. Il faut pour cela permettre le recours à tous les outils : mécanisme d'ajustement aux frontières, quotas attribués gratuitement quand cela est nécessaire, investissement dans les pays en voie de développement...
8. Que pensez-vous de la proposition d'instaurer, en mesure de rétorsion, des mesures fiscales ou douanières sur les produits qui viennent de pays où le niveau de protection climatique est moins élevé que dans l'UE ?
La question des "fuites de carbone" est une préoccupation majeure que la politique climatique européenne doit traiter, sans quoi cette politique aura des effets néfastes tant sur l'environnement que sur le tissu industriel européen. Sur ce sujet, la France n'est pas favorable à des mesures de rétorsion, mais défend plutôt l'idée d'un mécanisme d'ajustement aux frontières permettant de mettre sur un pied d'égalité les importateurs de biens à fort contenu en carbone et les entreprises qui produisent ces mêmes biens sur le territoire européen. Les importateurs de pays qui ne s'engageraient pas dans la suite du protocole de Kyoto pourraient par exemple être intégrés au système européen de quotas de CO2.
Source http://www.ambafrance-at.org, le 20 mai 2008
J'espère en tout cas qu'aujourd'hui personne ne s'inquiète d'une faiblesse de l'euro ! Les chefs d'entreprises que je rencontre évoquent plutôt le défi que représente l'évolution de notre monnaie pour leur compétitivité.
Plus généralement, je crois que ce qui est mauvais pour nos entreprises comme pour nos économies, ce sont des marchés des changes volatiles et marqués, comme récemment, par des évolutions brutales. Nous avons besoin d'un système financier international fort et stable et non de fluctuations excessives. C'était le sens de l'appel que nous avions lancé il y a quelques semaines à Washington. Je pense que notre point de vue n'a pas évolué sur cet objectif central, tout au contraire.
Enfin, j'ai le sentiment que dans certaines régions du monde, notamment en Asie, les marchés des changes ne reflètent pas les fondamentaux d'économies très dynamiques, dont les monnaies sont parfois pilotées de manière administrative.
2. Pourriez-vous donner des exemples qui illustrent que la France souffre de la politique monétaire et de taux d'intérêts actuelle de la BCE.
Les effets de la politique monétaire sur l'économie sont complexes. En luttant contre l'inflation dans la zone euro, la Banque Centrale Européenne contribue sans aucun doute à améliorer le cadre global des activités économiques européennes. L'euro fort permet aussi d'amortir les effets des hausses de prix des matières premières et du pétrole. Cependant, la forte appréciation de l'euro nuit à la compétitivité des exportations européennes et peut accélérer les phénomènes de délocalisations. En outre, le fait que d'autres devises ne s'ajustent que graduellement aux fondamentaux de leur économie tend à faire peser sur la zone euro l'essentiel du fardeau de l'ajustement du dollar.
3. Nous assistons actuellement à un fort renchérissement des produits alimentaires, mais aussi de nombreux autres produits. Comment peut-il être contenu à l'avenir ? Comment le pouvoir d'achat peut-il être préservé ?
C'est un vrai problème et il ne faut par conséquent pas se tromper de cible et ne pas se tromper de remède. A ce titre, le retour à un contrôle des prix constitue un chemin qui ne mène nulle part. Ma politique pour peser sur les prix en France, c'est de favoriser la concurrence, en particulier dans le secteur de la grande distribution. Les effets sur les prix d'une saine concurrence alliant transparence, liberté contractuelle et responsabilité des acteurs se produiront au terme de la réforme structurelle. C'est la seule solution durable pour l'économie en la matière.
4. Vous venez en visite en Autriche. Quels sont les objectifs de votre visite ?
Comme vous le savez la France assurera la présidence du conseil de l'Union européenne à partir du 1er juillet. Dans cette perspective, il est essentiel pour moi d'aller à la rencontre de mes collègues pour être à l'écoute de leurs attentes et de leurs priorités dans le domaine économique et financier pour les 6 mois à venir.
C'est donc tout naturellement que je viens à Vienne pour avoir une discussion approfondie avec Wilhelm Mölterer, que je connais par ailleurs, très bien puisque nous participons chaque mois ensemble aux réunions des ministres des finances européens et que nous avons déjà eu de nombreuses discussions bilatérales. J'ajoute que Wilhelm est aussi un participant très actif et un acteur de poids dans nos débats pour défendre ses positions mais aussi faire émerger des consensus. C'est aussi pour cela que j'ai choisi Vienne pour ce premier déplacement de préparation de présidence.
La volonté de la France au cours de sa présidence n'est pas de tenter de faire avancer des objectifs nationaux de façon égoïste mais c'est au contraire de se mettre au service de l'intérêt communautaire et de faire émerger des consensus aussi ambitieux que possible. Il me semble, par exemple, que dans la continuité des travaux de la présidence slovène nous pouvons encore travailler à renforcer la stabilité et la solidité du système financier européen en harmonisant sa supervision. L'Europe peut aussi être plus ambitieuse pour offrir un environnement porteur à ses petites et moyennes entreprises qui sont un des moteurs essentiels de notre croissance économique.
5. L'Autriche et la France envisagent avec beaucoup de scepticisme l'entrée de la Turquie dans l'UE. Mais une telle entrée ne représenterait-elle pas de gros avantages économiques pour toutes les parties ?
La France veut maintenir avec la Turquie une relation bilatérale d'une grande qualité. C'est notamment le cas dans le domaine économique où les entreprises françaises sont très engagées sur ce grand marché. Nous accueillons également très volontiers les entreprises turques en France.
Au niveau européen, en tant que future présidence nous renforcerons le dialogue étroit engagé avec la Turquie. Nous avons l'ambition de pouvoir ouvrir de nouveaux chapitres. Je suis pleinement convaincue qu'il est de l'intérêt de l'Union européenne comme de la Turquie d'approfondir ce partenariat.
6. On parle toujours de l'éventualité d'un impôt unique pour les entreprises au sein de l'UE. A votre avis, est-ce que cela aurait du sens pour empêcher le dumping fiscal ?
Rappelons d'abord que dans ce domaine toute réforme suppose l'unanimité. Par conséquent quelle que soit l'orientation finalement retenue sur ce sujet, elle devra recueillir l'accord de tous les Etats membres. Nous n'en sommes donc pas à décider d'un impôt unique !
Au cours des derniers mois, la Commission européenne a orienté ses travaux sur la question d'une assiette de l'impôt sur les sociétés calculée selon les mêmes règles. Chaque Etat pourrait taxer, au taux qu'il souhaite, la fraction de cette assiette qui concerne son territoire.
C'est une réflexion très intéressante et vous savez que la France comme d'autres pays européens y attache une grande importance. Chacun se déterminera en fonction de la position précise de la Commission quand nous la connaîtrons.
Au-delà, je crois qu'on ne peut pas chercher à supprimer toute concurrence fiscale entre Etats européens : ce serait illusoire et d'ailleurs, la concurrence est stimulante dans tous les domaines, y compris dans le domaine fiscal.
7. Sous présidence française sera à nouveau négociée la mise en oeuvre des objectifs de protection climatique de l'UE. Estimez-vous ces objectifs réalistes ? Comment peut-on empêcher que ces objectifs apportent à l'industrie européenne des désavantages compétitifs ?
Les objectifs fixés lors du conseil de mars 2007 visent une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020. Il s'agit d'un point de passage obligé sur le chemin qui doit nous conduire à diviser nos émissions de gaz à effet de serre par 4 en 2050, ce qui est l'objectif de long terme visé par la France dans sa politique de lutte contre le changement climatique. En tant que ministre en charge de l'économie et de l'industrie je souhaite toutefois que ces objectifs soient atteints au moindre coût, notamment pour l'industrie, qui est à l'origine de l'essentiel des progrès environnementaux constatés ces dernières années. Il faut pour cela permettre le recours à tous les outils : mécanisme d'ajustement aux frontières, quotas attribués gratuitement quand cela est nécessaire, investissement dans les pays en voie de développement...
8. Que pensez-vous de la proposition d'instaurer, en mesure de rétorsion, des mesures fiscales ou douanières sur les produits qui viennent de pays où le niveau de protection climatique est moins élevé que dans l'UE ?
La question des "fuites de carbone" est une préoccupation majeure que la politique climatique européenne doit traiter, sans quoi cette politique aura des effets néfastes tant sur l'environnement que sur le tissu industriel européen. Sur ce sujet, la France n'est pas favorable à des mesures de rétorsion, mais défend plutôt l'idée d'un mécanisme d'ajustement aux frontières permettant de mettre sur un pied d'égalité les importateurs de biens à fort contenu en carbone et les entreprises qui produisent ces mêmes biens sur le territoire européen. Les importateurs de pays qui ne s'engageraient pas dans la suite du protocole de Kyoto pourraient par exemple être intégrés au système européen de quotas de CO2.
Source http://www.ambafrance-at.org, le 20 mai 2008