Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "Itélé" le 15 mai 2008, sur les relations entre le Premier ministre et le Président de la République, la réforme de l'Etat, et sur les réductions d'effectifs notamment dans l'Education nationale.

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Média : Itélé

Texte intégral

N. Iannetta et L. Bazin.- N. Iannetta : E. Woerth, qu'est-ce qui se passe exactement entre la majorité et le Gouvernement ? Il y a un ministre qui dit, "ce n'est pas du tout une fronde ou une grogne, c'est une Intifada"...

Il y a toujours des propos excessifs. Ce n'est pas le cas du tout. Moi j'ai un peu d'expérience maintenant, j'ai même été conseiller parlementaire d'un Premier ministre à une époque où les choses étaient très tendues. J'ai déjà connu des tensions plus importantes.

L. Bazin : A. Juppé ?

Oui, A. Juppé. J'ai déjà connu des tensions plus importantes donc il n'y a pas de tension, il y a simplement beaucoup de textes. Il y a des textes aussi qui vont au fond des choses.

N. Iannetta : Trop ?

Non, pas trop, je pense qu'au contraire les Français demandent plus de réformes. Donc il y a des textes qui sont des textes compliqués, qui vont au fond des choses. Vous savez, quand on parle de rien, en réalité il ne se passe rien, mais quand on parle de choses, il y a une expression qui peut aller très loin.

N. Iannetta : Il y a quand même des états d'âme.

Les OGM c'est un texte très fort.

L. Bazin : Disons qu'ils sont un peu autonomistes les députés UMP en ce moment, non ?

Mais un député, par nature, il est un peu indépendant. Enfin, il fait partie d'un groupe parlementaire et quand il est à l'UMP, c'est un grand parti, donc il y a beaucoup d'expressions possibles. Un député, ça ne se caporalise pas et heureusement d'ailleurs. Mais ce n'est pas du tout la volonté du Gouvernement parce que si c'était...

L. Bazin : Ça ne se caporalise plus, parce que c'était quand même le cas avant.

Oui, certainement, ça a changé. Si c'était le cas, on ne ferait pas d'ailleurs la réforme des institutions. Quand le président de la République demande à ce que le Parlement ait plus de pouvoirs, c'est qu'il reconnaît aussi, d'une certaine façon, que le Parlement doit jouer un rôle plus important et donc que les députés ont plus de choses à dire. Sur les OGM, c'est un texte qui va très loin. C'est enfin un texte très équilibré sur un sujet extraordinairement polémique et sensible. Alors on peut continuer à ne rien faire, on peut aussi essayer de réglementer les choses, peut-être avec une réglementation "une des plus prudentes au monde", a dit hier J.-L. Borloo. Donc c'est un sujet en soi qui provoque, peut provoquer des tensions. En l'occurrence d'ailleurs, c'était une tension très passagère, c'était sur un seul article. C'est un coup monté par le Parti socialiste qui a utilisé les possibilités règlementaires de l'Assemblée nationale, a réussi à finalement retarder le texte. C'est un coup politique comme ça [inaud.]. Vous savez, le Parti socialiste, ils sont très habitués aux toutes petites victoires et très habitués aussi aux très grandes défaites.

L. Bazin : Gardez-en sous le pied pour l'interview politique.

Nous avons donc rétabli les choses. Voilà, ça aura pris quelques jours de retard.

[Interruption par le journal de I>Téle]

N. Iannetta : E. Woerth, ministre des Comptes publics et de la Fonction publique, une fonction publique massivement en grève aujourd'hui, est notre invité politique. Avant de parler de cette grève, si je vous dis 2,2%, vous me répondez que c'est quoi ?

C'est la croissance révisée 2007, donc c'est une bonne surprise.

N. Iannetta : C'était 1,9 %, selon les prévisions.

Oui, la dernière appréciation était de 1,9 mais vous savez, il faut toujours être prudent dans ce domaine. D'ailleurs en plus et en moins, parce que ce sont des chiffres qui peuvent varier, qui répondent à des calculs très précis. Donc ça, il s'agit de réviser...

L. Bazin : Cela arrange vos affaires vis-à-vis de Bruxelles ou pas ?

Ecoutez, c'est une bonne surprise. Cela veut dire que la croissance en France tient plutôt bien. Avant, il y avait un décalage très fort entre la moyenne des pays européens et la France et on s'aperçoit que ce décalage s'est complètement réduit. Ça veut dire quoi ?

N. Iannetta : Il y a toujours un décalage ? On est à plus 0,6 en France sur le premier trimestre ; l'Allemagne 1,5 quand même, c'est énorme !

Oui, plus 0,6... Oui, peut-être sur l'Allemagne, mais sur la moyenne des pays européens, nous avons complètement réduit l'écart entre la France et la moyenne des pays européens, donc ça veut dire que la France tient mieux. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire plus et mieux, mais tient mieux que d'autres pays devant la crise internationale. 0,6 au premier trimestre, il faut prendre ça comme un premier trimestre. Il y aura d'autres trimestres, donc cela appelle évidemment, toujours, énormément de prudence. Mais cela veut dire que nos prévisions de 1,7 sont aujourd'hui des prévisions qui sont évidemment crédibilisées.

L. Bazin : Voire presque pessimistes, si tout va bien ?

Je crois qu'il faut rester prudent dans cette matière-là, mais 0,6, c'est effectivement une bonne surprise.

L. Bazin : Un mot de L'Express, « Pourquoi ils se détestent ».

N. Iannetta : Oui, pourquoi ? L. Bazin : Ils se détestent ? Ca va si mal que ça ?

Je ne comprends pas cette couverture. Pour tout vous dire, j'ai plutôt tendance à détester cette couverture parce que je pense que c'est faux. Ce n'est pas le type de... je n'ai pas lu les articles parce que c'est paru ce matin mais je trouve que ça rend compte d'une façon qui n'est pas juste du rapport entre le président de la République et un Premier ministre, qui sont des hommes qui sont différents, qui sont extrêmement complémentaires d'ailleurs je trouve, et puis qui, en même temps, ont un long passé politique ensemble.

L. Bazin : L'un n'est plus le collaborateur de l'autre, en tous cas. C'est clair.

L'un ne déteste pas l'autre et l'autre ne déteste pas l'un. Enfin, ce n'est pas comme ça que ça marche. Je suis avec eux très souvent, encore hier dans des réunions de travail, la confiance est là, le travail se fait. Ce n'est vraiment pas un sujet. Je ne comprends pas cette couverture. C'est une couverture polémique. C'est une couverture pour faire vendre.

L. Bazin : Est-ce que tout le monde est d'accord sur le cap fixé, par exemple qui est tenu par X. Darcos, on ne lâchera pas, les postes qui vont être supprimés le seront bel et bien ?

Mais évidemment. Vous parlez au ministre du Budget qui est aussi ministre de la Fonction publique.

L. Bazin : Tout le monde est d'accord ?

Bien sûr, mais évidemment, heureusement d'ailleurs ! Et je pense qu'une bonne partie des Français, d'ailleurs, sont d'accord à partir du moment où on explique correctement les choses.

L. Bazin : Pas ceux qui sont dans la rue, c'est une bonne partie des Français.

Non, il y a 64 millions de Français quand même, donc il faut un peut relativiser les choses, même si l'expression dans la rue, on doit en tenir compte. Mais les Français sont d'accord pour qu'on modernise l'Etat et moderniser l'Etat, c'est aussi réorganiser les services publics. On ne peut pas se contenter de l'école d'aujourd'hui, ce n'est pas polémique de dire ça. C'est de dire, elle n'a pas les résultats qu'elle devrait avoir. Et ce n'est pas parce que nous ne mettons pas assez de moyens, on n'a jamais mis autant de moyens dans l'école. Aujourd'hui, un lycéen français coûte 20 % plus cher qu'un lycéen de l'OCDE, qu'un lycéen des autres grands pays. Donc ne disons pas que c'est une logique de moyen, c'est une logique de contenu.

L. Bazin : On peut poser l'école en matière de coût, vous voyez le problème ?

N. Iannetta : Oui, est-ce que c'est une équation, un lycéen ?

On ne doit pas poser l'école en matière de coût. On doit poser l'école comme le fait très bien d'ailleurs X. Darcos, on doit poser ce problème en termes de contenu des programmes, rénover les programmes, revoir les horaires, revoir les options, revoir la manière dont on... Moi, ce n'est pas mon métier donc c'est aux enseignants et au ministère de le faire, mais pas toujours, systématiquement et uniquement comme on le fait depuis vingt ans, raisonner en termes de moyens.

L. Bazin : C'est archaïque pour vous ?

Oui, c'est archaïque parce que ce n'est pas les résultats. C'est même contre les enfants, c'est contre les enfants. C'est tellement facile de demander plus d'argent, plus de moyens. Si c'est pour rien en faire, à quoi ça sert ?

N. Iannetta : Là, ils ne demandent pas plus d'argent, ils demandent au moins de garder ce qu'ils ont.

Vos enfants vont continuer à avoir une éducation qui ne donnera pas ce qu'elle devrait donner. Regardez tous les tests internationaux, on ne peut pas les mettre en cause ces tests internationaux : on voit que les enfants français, ils ont perdu sur toutes les dernières années par rapport aux autres enfants. On ne peut pas se satisfaire de ça. Enfin, c'est quand même de l'avenir des enfants dont il s'agit. Et défiler avec des pancartes pour dire, "je veux plus de moyens", c'est une manière très égoïste de voir les choses. Il faut accepter de se remettre plus en cause. Ce n'est pas un problème de droite, ce n'est pas un problème de gauche, c'est un problème d'efficacité du service public.

N. Iannetta : Alors l'efficacité : il va y avoir des lettres de mission, vous avez tous recevoir dans vos ministères ces fameuses lettres budgétaires pour 2009. On nous dit maintenant que ce sera sur trois ans pour avoir plus de visibilité. Donc nous, on a calculé ; on nous a dit qu'il ne fallait pas remplacer un fonctionnaire sur deux. On a fait le calcul avec nos confrères de L'Express ce matin : cela ferait, si on ne remplace pas un fonctionnaire, un départ sur deux à la retraite dans l'Education nationale uniquement, cela ferait 54.000 suppressions de postes sur trois ans.

L. Bazin : Ce sera ça ?

N. Iannetta : 18.000 par an...

D'abord, les lettres, je ne suis pas sûr qu'il y ait des lettres parce qu'il n'y en a pas eu l'année dernière.

N. Iannetta : Il parait que vous allez en avoir une en juillet.

C'est moi qui les prépare, je suis ministre du Budget.

L. Bazin : C'est votre boulot, c'est pour ça qu'on vous pose la question.

N. Iannetta : Vous n'êtes pas sûr de les envoyer ?

On cadre les choses sur le plan budgétaire avec chacun des ministres. Je commence bientôt une série de réunions avec chaque ministère. Je vais d'abord évidemment travailler avec le Premier ministre et le président de la République pour que les choses soient bien cadrées. Donc, tout ça, c'est ce que je fais en ce moment. Et en même temps, on va évidemment aller vers une réduction des effectifs de la fonction publique.

L. Bazin : 54.000, ce n'est pas aberrant ?

Je suis désolé. Ce n'est pas un scoop, je suis désolé.

L. Bazin : Non mais 54.000, ce n'est pas aberrant pour l'Education nationale ?

Nous avons dit un fonctionnaire sur deux non remplacé.

N. Iannetta : Y compris dans l'Education nationale ?

C'est un chiffre global, je redis ce que j'ai toujours dit : c'est un chiffre global sur l'ensemble de la fonction publique. Il y a des chiffres qui sont plus importants dans certains ministères. Le mien par exemple, c'est plus de 60 % de non-remplacement d'ailleurs, c'est donc un effort très important. Et je salue les fonctionnaires qui acceptent cet effort. Et puis, deuxième point, il y a d'autres ministères qui auront moins de réductions d'emplois. C'est vrai, par exemple, pour la Justice. La Justice ouvre des prisons, la Justice, etc., donc il y a moins de réduction d'emplois. Dans d'autres cas, il y en a plus. Cela doit varier en fonction de la nature des services publics. L'Education nationale...

L. Bazin : Vous avez bien une petite idée pour l'Education nationale, c'est le gros morceau de la fonction publique...

L'Education nationale sera évidemment concernée par cette réduction du nombre de fonctionnaires. Mais réduction du nombre de fonctionnaires pour réorganiser les services publics et pour les réorganiser plutôt en mieux, pour essayer de répondre aux problèmes qui sont les leurs, faire plus de productivité, faire aussi que les fonctionnaires aient des parcours professionnels plus riches, que d'une certaine façon aussi ils puissent être mieux payés.

L. Bazin : 54 000 départs en trois ans, ce n'est pas un chiffre aberrant ?

Le nombre de fonctionnaires en France est de deux millions et demi pour l'Etat, c'est plus que pour les autres pays d'Europe. Le nombre de fonctionnaires dans...

L. Bazin : ...Et c'est 1,3 million dans l'Education nationale.

Pour l'Education nationale, c'est 1,3 million, et on est en train de parler là, de 11.000 réductions de postes. Moi, je voudrais juste, quand même, remettre les choses au point : l'Education nationale a perdu des élèves depuis bien longtemps, X. Darcos l'a très bien dit...

N. Iannetta : Elle va en regagner...

Non, pas dans le secondaire. Dans le primaire, elle en a gagnés, donc nous augmentons le nombre de postes. Cela dit, dans le primaire, on a perdu 200.000 élèves à peu près en vingt ans et on a continué à augmenter le nombre de professeurs. Dans le secondaire, on a perdu plus de 140.000 élèves depuis 2005. Nous réduisons le nombre de professeurs. C'est quand même assez naturel, enfin tout le monde peut comprendre cela ! Moi, je pense que là-dessus, il devrait y avoir un consensus, je ne comprends pas pourquoi il n'y a pas de consensus. Peut-être doit-on continuer à expliquer les choses. Alors on va continuer à expliquer les choses inlassablement. Nous devons avoir un service public qui bouge, mobile, avec un seul objectif ; le seul objectif en ce qui concerne l'Education nationale, c'est évidemment l'éducation des enfants, la qualité de l'éducation des enfants, et ce n'est pas une logique de moyens qui permet d'y répondre. Et de l'autre, évidemment, pour l'ensemble des autres services publics, la qualité du service qui est délivrée aux usagers, et cela dans un volume financier - c'est le ministre du Budget qui parle - qui soit compatible avec nos capacités financières. Tout le monde peut comprendre cela.

N. Iannetta : Quand on n'est pas d'accord, est-ce qu'on a le droit d'aller faire grève ?

Evidemment.

N. Iannetta : Ou est-ce qu'il vaut mieux porter un brassard à la japonaise ?

On a évidemment le droit d'aller faire grève, heureusement. On est dans une grande démocratie et le droit de grève est un droit constitutionnel.

N. Iannetta : Est-ce qu'A. Santini a fait une boulette en disant, "il vaudrait mieux porter un brassard à la japonaise", puisque c'est ce qu'il a dit hier ? Au lieu d'aller faire grève, ils feraient mieux de faire la grève comme les Japonais... Quand on connaît le niveau social des Japonais, on est un peu inquiet ! On a été un peu interpellés.

Vous connaissez le sens de l'humour d'A. Santini...

N. Iannetta : C'est de l'humour, pas de la provoc ?

L. Bazin : Un peu.

Vous savez, qu'est-ce qu'il veut dire A. Santini ? Il veut dire que quand on n'est pas d'accord, enfin le moyen d'expression de son désaccord n'est pas nécessairement toujours de faire grève. Je veux dire, les enfants, aujourd'hui, qui ne vont pas à l'école, c'est une journée perdue d'éducation et je ne suis pas sûr que la cause qui est défendue soit une cause qui vaille cette journée d'éducation. Nous parlons beaucoup, X. Darcos parle beaucoup avec les syndicats de fonctionnaires de son ministère, je parle beaucoup avec les syndicats de fonctionnaires d'une manière générale et aussi les syndicats de fonctionnaires de mon ministère. Et puis, en même temps, on doit bien se rendre compte qu'on est dans un monde qui bouge sans arrêt, qu'il faut bien que nos services publics évoluent. L'Etat français doit se moderniser. L'Etat français ne peut pas être géré, on est au XXIème siècle, on ne peut pas gérer l'Etat français comme on le gérait au XXème siècle.

L. Bazin : Est-ce que se moderniser, c'est demander... Il y a une bagarre du service minimum, les maires disent, "ce n'est pas à nous de le faire, nous, on fait le périscolaire". Le ministre dit, "c'est à eux de mettre en place", etc. Bon, très bien. Oublions cette bagarre deux secondes ; et si on demandait aux profs d'assurer le service minimum en temps de grève, cous seriez pour ?

C'est une discussion que doit avoir X. Darcos.

L. Bazin : Vous seriez pour où pas ?

Je ne vais pas m'exprimer là-dessus parce que je ne veux pas polémiquer. Mais ce que je dis, c'est que X. Darcos a eu bien raison de lancer un service minimum, service minimum d'accueil, vous le savez, ce n'est pas de l'enseignement, c'est de l'accueil. Il y a plein de parents qui travaillent - enfin, heureusement -, on n'est pas là pour les embêter, on n'est pas là pour faire en sorte que la vie soit plus compliquée. Il y a un service public, ça veut dire quoi "service public" ? Un service public, ça devrait être ouvert tous les jours. Un service public, il doit se permettre, quand même, d'aider les concitoyens et pas de leur mettre des bâtons dans les roues. Donc quand on propose aux municipalités, celles qui ont du périscolaire, celles qui sont organisées, qui ont des effectifs pour cela, d'ouvrir les écoles, donc de demander aux enseignants quand même de prévenir s'ils vont être en grève parce qu'il faut l'organiser, il y a plus de 3.000 municipalités qui le font. C'est une chance formidable pour les parents et c'est une très bonne idée. Il faut évidemment continuer là-dessus. Je suis très étonné que les socialistes soient contre cela. Les socialistes, à mon avis, là, ont une vision très archaïque des choses.

N. Iannetta : Il n'y a pas que les socialistes, il y a 10 % des municipalités qui mettent en place ce service minimum.

Mais pourquoi 10% ?

L. Bazin : Moins de 10%...

N. Iannetta : 3.000 communes sur 36 000.

Mais toutes les communes n'ont pas d'école. La majorité des communes, d'ailleurs, n'ont pas d'école. Les communes, elles ont des regroupements, elles ont des regroupements communaux, heureusement.

N. Iannetta : Toutes les municipalités UMP mettent en place ?

Il y a plein de petites communes qui n'ont pas d'école.

N. Iannetta : Toutes les municipalités UMP vont le mettre en place ?

La plupart des municipalités de droite, puisque c'est des municipalités qui assument leurs responsabilités, quand elles le peuvent. Après, c'est la liberté de chaque maire, mettre en place un service d'accueil des enfants. Je suis très choqué que le Parti socialiste donne quasiment des instructions aux maires socialistes de ne pas le faire. C'est contre les parents d'élèves, c'est contre les parents.

L. Bazin : Entendu. Merci d'avoir été notre invité ce matin avec cette fougue et cette passion qui vous animent au Budget qui est un ministère plus austère d'habitude. Si vous en avez le temps, restez pour le zapping politique. [Zapping, avec les propos de J. Stiglitz, Prix Nobel d'économie 2001]. C'est l'Américain qui défend le service public français. C'est un libéral, cela dit, Stiglitz en tendance économique...

Il a tort, personne n'a rien sous-estimé. On connaît la puissance du service public en France, on connaît l'attachement des Français. Je ne sais pas si vous remarquez mais on vit dans le même pays. Donc on connaît bien l'attachement, on partage la même culture. Donc on connaît bien l'attachement des Français au service public. On est même, en plus, élu, donc on représente des gens dont on connaît à peu près les sentiments. Et en même temps, on ne peut pas rester immobile. Le service public est un service public qui doit évoluer. Certains pays ont fait évoluer leur service public en dégradant le service public. Nous voulons faire évoluer le service public en l'organisant mieux. Il y a des questions qu'on a le droit de se poser. Est-ce qu'il est bien délivré, est-ce qu'il coûte pas trop cher ? L'argent qui permet de financer les services publics, c'est de l'argent qui ne tombe pas du ciel. Ce n'est pas un miracle, ce n'est pas de la magie, c'est pris dans la poche des Français. On a le droit de se poser la question, de savoir à quel prix est délivré le service public, est-il efficace pour ce prix-là ? Ce sont des questions qui sont au coeur de notre engagement. Réformer un Etat, c'est se poser la question de la qualité des services publics, de l'opportunité des services publics et, en même temps, de l'évaluation des services publics. Heureusement qu'on doit se poser ce type de questions. Je vous rappellerai qu'on est en déficit public très important.

N. Iannetta : C'est ce que j'allais vous dire. Est-ce que vous craignez la lettre du 28 mai que va vous adresser Bruxelles, qui risque d'être une mise en demeure ?

Ce n'est pas agréable, bien sûr. On risque d'avoir, on verra ce qui se passe, mais on risque d'avoir un avertissement de la part de l'Europe parce que les déficits publics français sont trop importants. Je le dis.

L. Bazin : Trop d'argent dans le paquet fiscal ?

Non, parce que le paquet fiscal, c'est aussi une manière de relancer l'économie. D'ailleurs, si l'économie française tient mieux, c'est probablement aussi grâce au paquet fiscal et au fait qu'on ait réconcilié, je pense, une idée toute simple, c'est que pour avoir plus de pouvoir d'achat, il faut travailler plus longtemps. Il y a bien un lien entre le travail et le pouvoir d'achat, entre la feuille de paie et le pouvoir d'achat - enfin entre la feuille de paie et le travail, le volume de travail, il y a un lien. Les 35 heures avaient rompu ce lien, nous l'avons rétabli. Il faudra certainement plusieurs années pour expliquer tout cela.

L. Bazin : Merci d'avoir été notre invité.

Je vous en prie.

L. Bazin : Le chiffre qu'on a appris pendant votre interview, c'est effectivement que la croissance française en 2007 a été évaluée à 2,1%.

Bonne nouvelle sur la croissance.

L. Bazin : ...Et que la dette est repassée en dessous des 64 %, ce qui réjouira le ministre du Budget.

Bien sûr. Mais quand vous parliez d'effort de l'Allemagne, l'Allemagne elle a réduit ses déficits publics. Donc vous voyez bien que la réduction des déficits publics, c'est se donner plus de marge de manoeuvre et, à terme, se donner plus de croissance et plus de pouvoir d'achat. Ce n'est pas des théories, c'est de la réalité.

N. Iannetta : Oui, on en parlera hors antenne, mais l'Allemagne a dégusté pour réussir. L. Bazin : Et nous avons un déficit horaire.

Les fonctionnaires allemands ont accepté de travailler plus, ils ont été augmentés. Pas augmentés pendant trois, quatre ans, augmentés un peu cette année. En échange ils travaillent plus.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 mai 2008