Texte intégral
Q - Monsieur le Ministre, nos téléspectateurs, certains d'entre eux vous connaissent - ils sont extrêmement nombreux -, d'autres ne vous connaissent pas. Alors, nous savons que vous avez créé ces ONG "Médecins du monde", "Médecins sans frontières". Entre le ministre et le citoyen, comment conciliez-vous les deux démarches ?
R - J'ai compris le côté provocant de votre question, mais c'est assez simple, c'est une continuité. Des "Médecins sans frontières" au ministère des Affaires étrangères, il y a une même préoccupation du monde, de la condition des gens. C'était plus facile, peut-être plus intéressant, "Médecins sans frontières - Médecins du monde", parce que c'était la réalité, les contacts étroits sur le terrain avec les hommes. J'aime beaucoup les hommes et les femmes, je veux dire que j'aime le genre humain. Alors, je crois que c'est la même chose, dans un registre et avec des techniques différentes. Donc, je ne peux pas choisir entre le ministre et Bernard Kouchner. Et si j'avais à choisir, je préfère Bernard Kouchner.
Q - Vous avez dit des choses extrêmement positives sur les élections, ici en Russie. Alors, quand vous l'avez dit, est-ce que c'était votre position de citoyen ?
R - Oui, j'ai trouvé que vous auriez pu être un peu plus souple avec les opposants. Mais nous avons constaté qu'il y avait un très grand mouvement évident en faveur de M. Poutine et donc, le résultat des élections n'en était pas surprenant. J'ai dit du bien du système électoral, si on pense à vingt ans en arrière.
Q - Aujourd'hui, Monsieur le Ministre, ont lieu des élections en Géorgie et nous savons que des déclarations ont été faites à ce sujet. Nous savons quel est le rôle de l'Abkhazie. Apparemment, la diplomatie française, il y a quelques jours, a déclaré que des contacts avaient été établis avec Moscou à ce propos. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui ce que vous pensez de la situation en Géorgie ?
R - Je pense que c'est une situation très dangereuse. Il faut être très calme à ce propos et considérer les choses d'un point de vue politique et non pas d'un point de vue émotionnel. Pourtant je comprends. La position de la France est très simple, elle a été rappelée dans les résolutions du Conseil de sécurité. Nous pensons que l'Abkhazie fait partie de l'intégrité territoriale de Géorgie, mais, encore une fois, tout doit être fait pour que la tension s'apaise. La France est prête à cela et nous avons déjà tenté de le faire.
Q - J'ai lu avec beaucoup d'attention les déclarations du ministre britannique des Affaires étrangères qui indiquaient que quand on examine les relations entre la Russie et les Européens, et que l'on commence des négociations dans ce domaine, les Russes essaient toujours de profiter d'une certaine désunion des Européens. Vous êtes à la veille de la Présidence française de l'Union européenne. Est-ce qu'il y a une position unie de l'Union européenne dans ses relations avec la Russie ?
R - Non, il n'y en a pas, mais nous devons travailler à cela, vous avez raison. C'est une contribution récente, l'Europe. Il y a 27 pays, c'est difficile, mais avec le nouveau Traité, qui j'espère, sera entré en application au début de l'année prochaine, nous pourrons et nous devons avoir une position commune. Vous vous considérez vous-même comme un pays émergent, vous émergez du communisme, n'est-ce pas ? C'était il y a vingt ans, c'est très court, les choses vont donc vite. Bien sûr, nous ne sommes pas toujours en accord et sans arrogance sur votre façon de concevoir l'universalité des Droits de l'Homme. Il y a des progrès à faire. De notre côté, nous ne sommes pas contents, je ne suis pas content, de la façon dont l'Europe vous parle. Nous devons vraiment agir comme des voisins, comme des amis et inventer un nouveau langage entre l'Union européenne et la Russie.
Q - La France, qui va prendre la Présidence de l'Union européenne, est certainement la dernière présidence, en quelque sorte, selon l'ancien système. Comment va se passer ensuite la présidence de l'Union européenne ? Qui sera le président de l'Union européenne ? Pourquoi la France est-elle devenue plus tiède à l'égard de Tony Blair ? Peut-être que l'Irlande va aussi opposer son veto, comme cela a été le cas, en son temps, de la France et des Pays-Bas. Bref, quelle sera la nouvelle loi de l'Union européenne ?
R - L'Union européenne est une aventure, nous ne savons pas exactement comment elle se déroulera. Ce n'est pas une ligne droite, c'est un processus en mouvement, dynamique, étonnant, nouveau, un modèle, peut-être. Nous sommes tout à fait amis avec Tony Blair. Un certain nombre de gens pense qu'il faut que le futur président du Conseil de l'Union européenne soit un homme ou une femme qui fasse partie des pays qui ont accepté l'euro et non pas des pays minoritaires qui ne l'ont pas accepté. Nous verrons, il y a d'autres noms. D'ailleurs ce sera pendant la Présidence française qu'il faudra choisir. Quant à l'Irlande, nous espérons beaucoup, sans vouloir nous mêler directement du référendum, que le résultat soit positif.
Q - Nous avons constaté des attitudes extrêmement diverses en ce qui concerne les relations entre la Russie et l'Union européenne. Il n'y avait pas de position unie à l'intérieur même de l'Union européenne. La Russie s'est un peu perdue dans cette affaire et c'est pour cela qu'elle a eu cette attitude à l'égard de l'Union européenne. Nous allons dire quelques mots concernant les relations de la Russie avec la France, du temps de M. Chirac, des premiers mois de la présidence Sarkozy, du temps de M. Poutine et des débuts de M. Medvedev. Pouvez-vous nous dire quels sont les projets, dans les domaines de l'espace, de l'aviation ? Allons-nous signer des accords ? Bref, où en sommes-nous ?
R - Nous poursuivons sur une dynamique déjà lancée et sur une amitié qui est ancienne. Vous êtes un très grand pays et vous serez même, à l'avenir, un plus grand pays encore. Votre puissance s'étend du Pacifique jusqu'à l'Europe. Nous, nous sommes vingt-sept. C'est plus compliqué, mais cela nous paraît quand même plus révélateur à la fois de la globalisation du monde et de sa complexité. C'est ainsi que cela va se passer, les pays vont se regrouper. Ils auront chacun leur façon de se regrouper. En tout cas, la France et la Russie continuent à être des amis, des amis solides de très longue date. Que ce soit Chirac, Poutine, Sarkozy ou Medvedev, je suis sûr que l'on va continuer sur le même élan, sur la même nécessité. Pour l'Europe, la France dans l'Europe, vous êtes nos voisins, vous devez être nos partenaires. Dans l'histoire, cela a toujours été ainsi.
Q - Il y a une église en face de l'ambassade, l'Eglise Saint-Jean le Guerrier. Apparemment, Napoléon a été dans cette église...
R - Cette église a toujours été ouverte et a toujours fonctionné. Enfin, il y a eu un temps où il n'y avait plus que cette église qui fonctionnait.
Q - Vous vous êtes bien préparé à la visite en Russie !
R - C'est parce que je visite souvent la Russie.
Q - Vous avez parlé de l'arithmétique européenne, des 27 Etats et il y en aura de plus en plus, pour évoquer le Kosovo, que certains ont reconnu et d'autres ne l'ont pas reconnu. Etes-vous content de ce qui se passe là-bas ? Est-ce que les Kosovars ont mérité leur indépendance ? Certains sont déçus voire épouvantés, en particulier pour ce qui concerne la minorité serbe. Que pensez-vous de cela ?
R - Non, je ne suis pas très satisfait. J'aurais espéré un dialogue et une décision commune entre les Serbes et les Kosovars. Malheureusement, ils ne se sont pas parlé pendant les vingt mois de négociation et je crois qu'à un moment donné, il fallait décider. Nous ne voulions pas laisser une situation comme à Chypre pendant 30 ans avec une séparation et des soldats, des casques bleus. Cette situation n'était pas possible au milieu de l'Europe. Ce n'est pas la meilleure solution dont j'aurais rêvée, mais dans l'état actuel des choses, c'est une solution nécessaire et provisoire. D'abord, je pense à la minorité serbe. Je pense qu'elle sera mieux protégée avec un Kosovo indépendant et ensuite, surtout, j'ai dit provisoire, parce que nous avons multiplié les gestes à l'égard de la Serbie. Ce n'est pas une défaite pour la Serbie, c'est un départ. La Serbie a vocation à adhérer à l'Union européenne et, certainement, le Kosovo aussi. Après, on verra. Il y aura beaucoup de choses qui se passeront entre toutes ces étapes, c'est pourquoi j'ai dit provisoire. En tout cas, tout était préférable à la poursuite de la guerre.
Q - Merci.
R - Merci beaucoup et vous allez voir il y aura un accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et la Russie. Ce sera le début d'une nouvelle période.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mai 2008
R - J'ai compris le côté provocant de votre question, mais c'est assez simple, c'est une continuité. Des "Médecins sans frontières" au ministère des Affaires étrangères, il y a une même préoccupation du monde, de la condition des gens. C'était plus facile, peut-être plus intéressant, "Médecins sans frontières - Médecins du monde", parce que c'était la réalité, les contacts étroits sur le terrain avec les hommes. J'aime beaucoup les hommes et les femmes, je veux dire que j'aime le genre humain. Alors, je crois que c'est la même chose, dans un registre et avec des techniques différentes. Donc, je ne peux pas choisir entre le ministre et Bernard Kouchner. Et si j'avais à choisir, je préfère Bernard Kouchner.
Q - Vous avez dit des choses extrêmement positives sur les élections, ici en Russie. Alors, quand vous l'avez dit, est-ce que c'était votre position de citoyen ?
R - Oui, j'ai trouvé que vous auriez pu être un peu plus souple avec les opposants. Mais nous avons constaté qu'il y avait un très grand mouvement évident en faveur de M. Poutine et donc, le résultat des élections n'en était pas surprenant. J'ai dit du bien du système électoral, si on pense à vingt ans en arrière.
Q - Aujourd'hui, Monsieur le Ministre, ont lieu des élections en Géorgie et nous savons que des déclarations ont été faites à ce sujet. Nous savons quel est le rôle de l'Abkhazie. Apparemment, la diplomatie française, il y a quelques jours, a déclaré que des contacts avaient été établis avec Moscou à ce propos. Pouvez-vous nous dire aujourd'hui ce que vous pensez de la situation en Géorgie ?
R - Je pense que c'est une situation très dangereuse. Il faut être très calme à ce propos et considérer les choses d'un point de vue politique et non pas d'un point de vue émotionnel. Pourtant je comprends. La position de la France est très simple, elle a été rappelée dans les résolutions du Conseil de sécurité. Nous pensons que l'Abkhazie fait partie de l'intégrité territoriale de Géorgie, mais, encore une fois, tout doit être fait pour que la tension s'apaise. La France est prête à cela et nous avons déjà tenté de le faire.
Q - J'ai lu avec beaucoup d'attention les déclarations du ministre britannique des Affaires étrangères qui indiquaient que quand on examine les relations entre la Russie et les Européens, et que l'on commence des négociations dans ce domaine, les Russes essaient toujours de profiter d'une certaine désunion des Européens. Vous êtes à la veille de la Présidence française de l'Union européenne. Est-ce qu'il y a une position unie de l'Union européenne dans ses relations avec la Russie ?
R - Non, il n'y en a pas, mais nous devons travailler à cela, vous avez raison. C'est une contribution récente, l'Europe. Il y a 27 pays, c'est difficile, mais avec le nouveau Traité, qui j'espère, sera entré en application au début de l'année prochaine, nous pourrons et nous devons avoir une position commune. Vous vous considérez vous-même comme un pays émergent, vous émergez du communisme, n'est-ce pas ? C'était il y a vingt ans, c'est très court, les choses vont donc vite. Bien sûr, nous ne sommes pas toujours en accord et sans arrogance sur votre façon de concevoir l'universalité des Droits de l'Homme. Il y a des progrès à faire. De notre côté, nous ne sommes pas contents, je ne suis pas content, de la façon dont l'Europe vous parle. Nous devons vraiment agir comme des voisins, comme des amis et inventer un nouveau langage entre l'Union européenne et la Russie.
Q - La France, qui va prendre la Présidence de l'Union européenne, est certainement la dernière présidence, en quelque sorte, selon l'ancien système. Comment va se passer ensuite la présidence de l'Union européenne ? Qui sera le président de l'Union européenne ? Pourquoi la France est-elle devenue plus tiède à l'égard de Tony Blair ? Peut-être que l'Irlande va aussi opposer son veto, comme cela a été le cas, en son temps, de la France et des Pays-Bas. Bref, quelle sera la nouvelle loi de l'Union européenne ?
R - L'Union européenne est une aventure, nous ne savons pas exactement comment elle se déroulera. Ce n'est pas une ligne droite, c'est un processus en mouvement, dynamique, étonnant, nouveau, un modèle, peut-être. Nous sommes tout à fait amis avec Tony Blair. Un certain nombre de gens pense qu'il faut que le futur président du Conseil de l'Union européenne soit un homme ou une femme qui fasse partie des pays qui ont accepté l'euro et non pas des pays minoritaires qui ne l'ont pas accepté. Nous verrons, il y a d'autres noms. D'ailleurs ce sera pendant la Présidence française qu'il faudra choisir. Quant à l'Irlande, nous espérons beaucoup, sans vouloir nous mêler directement du référendum, que le résultat soit positif.
Q - Nous avons constaté des attitudes extrêmement diverses en ce qui concerne les relations entre la Russie et l'Union européenne. Il n'y avait pas de position unie à l'intérieur même de l'Union européenne. La Russie s'est un peu perdue dans cette affaire et c'est pour cela qu'elle a eu cette attitude à l'égard de l'Union européenne. Nous allons dire quelques mots concernant les relations de la Russie avec la France, du temps de M. Chirac, des premiers mois de la présidence Sarkozy, du temps de M. Poutine et des débuts de M. Medvedev. Pouvez-vous nous dire quels sont les projets, dans les domaines de l'espace, de l'aviation ? Allons-nous signer des accords ? Bref, où en sommes-nous ?
R - Nous poursuivons sur une dynamique déjà lancée et sur une amitié qui est ancienne. Vous êtes un très grand pays et vous serez même, à l'avenir, un plus grand pays encore. Votre puissance s'étend du Pacifique jusqu'à l'Europe. Nous, nous sommes vingt-sept. C'est plus compliqué, mais cela nous paraît quand même plus révélateur à la fois de la globalisation du monde et de sa complexité. C'est ainsi que cela va se passer, les pays vont se regrouper. Ils auront chacun leur façon de se regrouper. En tout cas, la France et la Russie continuent à être des amis, des amis solides de très longue date. Que ce soit Chirac, Poutine, Sarkozy ou Medvedev, je suis sûr que l'on va continuer sur le même élan, sur la même nécessité. Pour l'Europe, la France dans l'Europe, vous êtes nos voisins, vous devez être nos partenaires. Dans l'histoire, cela a toujours été ainsi.
Q - Il y a une église en face de l'ambassade, l'Eglise Saint-Jean le Guerrier. Apparemment, Napoléon a été dans cette église...
R - Cette église a toujours été ouverte et a toujours fonctionné. Enfin, il y a eu un temps où il n'y avait plus que cette église qui fonctionnait.
Q - Vous vous êtes bien préparé à la visite en Russie !
R - C'est parce que je visite souvent la Russie.
Q - Vous avez parlé de l'arithmétique européenne, des 27 Etats et il y en aura de plus en plus, pour évoquer le Kosovo, que certains ont reconnu et d'autres ne l'ont pas reconnu. Etes-vous content de ce qui se passe là-bas ? Est-ce que les Kosovars ont mérité leur indépendance ? Certains sont déçus voire épouvantés, en particulier pour ce qui concerne la minorité serbe. Que pensez-vous de cela ?
R - Non, je ne suis pas très satisfait. J'aurais espéré un dialogue et une décision commune entre les Serbes et les Kosovars. Malheureusement, ils ne se sont pas parlé pendant les vingt mois de négociation et je crois qu'à un moment donné, il fallait décider. Nous ne voulions pas laisser une situation comme à Chypre pendant 30 ans avec une séparation et des soldats, des casques bleus. Cette situation n'était pas possible au milieu de l'Europe. Ce n'est pas la meilleure solution dont j'aurais rêvée, mais dans l'état actuel des choses, c'est une solution nécessaire et provisoire. D'abord, je pense à la minorité serbe. Je pense qu'elle sera mieux protégée avec un Kosovo indépendant et ensuite, surtout, j'ai dit provisoire, parce que nous avons multiplié les gestes à l'égard de la Serbie. Ce n'est pas une défaite pour la Serbie, c'est un départ. La Serbie a vocation à adhérer à l'Union européenne et, certainement, le Kosovo aussi. Après, on verra. Il y aura beaucoup de choses qui se passeront entre toutes ces étapes, c'est pourquoi j'ai dit provisoire. En tout cas, tout était préférable à la poursuite de la guerre.
Q - Merci.
R - Merci beaucoup et vous allez voir il y aura un accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et la Russie. Ce sera le début d'une nouvelle période.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 mai 2008