Texte intégral
Monsieur le Président,
Madame le Ministre,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents de Commission,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Croissance et plein emploi : c'est pour atteindre ces deux objectifs, en réformant profondément la France, qu'une large majorité de nos concitoyens a élu Nicolas Sarkozy Président de la République. Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement se consacre à cette tâche depuis un an. Beaucoup de travail a déjà été accompli : la France est en mouvement. De grands chantiers sont encore devant nous pour les quatre ans à venir. Aujourd'hui, ce projet de loi de modernisation de l'économie, sur lequel nous travaillons depuis plus de 10 mois, engage d'importantes réformes de structure, et consolide le socle de notre stratégie économique.
1. Contexte historique
Comme l'Allemagne dans les années 2000, comme les États-Unis dans les années 90, comme l'Espagne dans les années 80, la France entreprend aujourd'hui de moderniser son économie. Il était temps : dans un monde en croissance perpétuelle, ne pas avancer, c'est se condamner à reculer. Ainsi, selon le FMI, la France était encore 10e dans le monde en 1985 en termes de PIB par habitant, et seulement 21e vingt ans plus tard.
Pourtant, notre pays a connu il n'y a pas si longtemps une période de prospérité inédite dans l'histoire économique mondiale ; une période de créativité, de plein emploi : c'étaient les Trente glorieuses. On y réclamait plus de liberté, et pas plus de sécurité. C'était une génération qui ne connaissait pas le chômage, qui ne pensait pas au financement de sa retraite, qui voyait son pouvoir d'achat augmenter rapidement (5,6 % par an), qui était convaincue que demain serait meilleur qu'aujourd'hui.
Mais les temps ont changé. Nous avons traversé, depuis le deuxième choc pétrolier, trente années qu'il faut bien appeler les trente laborieuses. Notre économie s'est fait prendre de vitesse. Nous avons laissé s'accumuler des archaïsmes réglementaires et des bizarreries administratives. Cela a fait le régal des juristes, mais le désespoir des entrepreneurs.
Nous connaissons tous la volonté, l'énergie, les talents de nos concitoyens, ce « génie français » qui a bien souvent étonné le monde. Ce potentiel, il faut maintenant en faire une réalité économique. Car nous voulons donner à la France et aux Français le visage heureux d'une « nouvelle croissance », pour reprendre l'expression du Premier ministre dans son discours de politique générale.
2. Politique économique
L'été dernier, nous avons pris des mesures d'urgence pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Elles ont commencé à porter leurs fruits, si j'en crois les chiffres... - non, Mesdames et Messieurs les députés, je ne pensais même pas aux 2,2 % de la croissance, qui sont conformes, ni plus, ni moins, à nos prévisions, mais plutôt aux 352 000 créations d'emploi - voilà pour le travail ; aux 7,5 % de chômage - voilà pour l'emploi ; et au pouvoir d'achat, celui des 6 millions de salariés qui font des heures supplémentaires, celui du million de ménages qui bénéficie du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt.
Aujourd'hui, nous sommes rassemblés autour d'un projet de loi, de « notre » projet de loi puisque beaucoup d'entre vous y ont participé, qui contient des mesures de fond, des mesures structurelles ; des mesures courageuses mais peu coûteuses : ce texte ne coûtera que quelques centaines de millions d'euros au contribuable - 300 Meuros environ. Il vise deux objectifs essentiels : plus d'entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets : plus de croissance, plus d'emplois, et plus de pouvoir d'achat.
Plus d'entreprises, plus de concurrence : ce ne sont pas seulement des valeurs économiques, ce sont des valeurs fondatrices de notre démocratie, des valeurs que seule la Révolution française a réussi à imposer. Rappelez-vous la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 : en interdisant les vieilles corporations, ils affirment la liberté du commerce et la liberté d'entreprendre, afin de servir - je cite - « l'intérêt de chaque individu aussi bien que l'intérêt général ». Les blocages, aujourd'hui, ce sont les pratiques déloyales, ce sont les rigidités administratives. Ces blocages sont autant de freins au développement de notre pays et à la possibilité d'entreprendre. Avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec les secrétaires d'État qui sont présents à mes côtés aujourd'hui, Anne-Marie Idrac, Luc Chatel, Hervé Novelli et Éric Besson, nous sommes déterminés à faire souffler un vent de liberté sur notre économie. Cela rejoint tout à fait, Monsieur le Rapporteur, cher Jean-Paul Charié, votre souhait de « remettre l'homme au coeur de nos lois et pratiques ».
Plus de concurrence et moins de blocages, cela signifie aussi : moins de surcoûts pesant in fine sur le consommateur. Pouvons-nous accepter aujourd'hui que l'ensemble de notre système de distribution commerciale soit organisé de telle manière que les yaourts, les boissons gazeuses ou les pâtes à tartiner soient moins chers pour un Allemand, un Anglais ou un Italien que pour un Français? Cette réalité, nos concitoyens la vivent tous les jours. Il y a quinze jours, Luc Chatel est allé à Strasbourg remplir le même caddie dans deux supermarchés situés de part et d'autre du Rhin. Le caddie français coûtait 37,34 euros, le caddie allemand 31,99 euros, soit une différence de prix de 16 %, alors même que le salaire moyen en Allemagne est supérieur de 4 % au salaire moyen en France ! C'est cette situation injustifiable à laquelle nous voulons mettre un terme.
3. Les principes de la loi
Notre projet de loi s'articule autour de trois principes : croissance, liberté, équilibre. Car il n'y a pas de croissance durable sans la liberté pour chacun de créer et d'entreprendre ; et il n'y a pas de liberté acceptable sans une régulation équilibrée.
L'équilibre, il se situe d'abord entre le titre II du projet de loi consacré à la concurrence, qui va demander des efforts à chacun, et le titre I consacré aux entreprises, qui va donner à tous de nouveaux ressorts pour avancer.
Enfin, les titres III et IV, consacrés à l'attractivité et au financement de l'économie, permettront d'assurer l'équilibre des différentes forces économiques, que ce soit sur le plan international, national ou territorial.
Moderniser l'économie, c'est, en un sens, la rendre à ceux qui la font.
4. La méthode
Le projet de loi que je vais vous présenter aujourd'hui est une ambition qui nous mobilise tous depuis plus de 10 mois, que ce soit les membres du Gouvernement, les Parlementaires, ou les acteurs économiques. Il répond à la lettre de mission que m'ont adressée le Président de la République et le Premier ministre en juillet dernier, en me demandant de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ».
Il y eut le temps des experts : ce fut la Commission Attali, réunissant des personnalités de tous les horizons. Notre projet de loi couvre un quart des 140 propositions qui concernent le ministère de l'Economie, de l'industrie et de l'emploi - quant aux autres, elles sont pour leur majeure partie déjà intégrées à notre calendrier de réformes. Ce furent les propositions de ceux du groupe UMP mobilisés sur l'analyse des propositions Attali.
Il y eut le temps du débat. Je n'ai pas peur de l'affirmer : ce projet loi n'est pas né dans les coulisses des cabinets et les couloirs des administrations ; il est le fruit d'un véritable travail collectif. Nous avons travaillé, cher Jean-François Copé, en coproduction avec les parlementaires de la majorité, qui pourront en témoigner. Je tiens à remercier Patrick Ollier pour avoir su mener les débats avec tant d'énergie, d'habileté et de bonne humeur.
L'ensemble de l'équipe ministérielle a également mené une concertation importante avec les parties prenantes : j'ai installé un Haut Comité de Place pour le secteur financier ; Luc Chatel a travaillé sur la négociabilité, la réforme des soldes et l'urbanisme commercial ; Hervé Novelli s'est engagé au service des PME et de l'entrepreneuriat ; et Eric Besson s'est investi fortement dans le combat pour le Très Haut Débit. Ce n'est donc pas un hasard si, selon les sondages, plus de la moitié des Français a déjà entendu parler des mesures clés de ce projet de loi.
Il y a aujourd'hui le temps de la décision : elle est entre vos mains, Mesdames et Messieurs les députés. Je suis prête à passer toutes les nuits qu'il faudra au banc du Gouvernement pour que, point par point, vous puissiez vous décider sans regrets.
Et il y aura demain le temps de la mise en oeuvre : pour que la future loi de modernisation de l'économie rencontre l'écho qu'elle mérite et soit pleinement appliquée, je vous propose de poursuivre cette coproduction en mettant en place des instances de suivi où les parlementaires auront toute leur place. Certains d'entre vous ont déjà déposé des amendements en ce sens. Il s'agit de mieux associer le Parlement à la mise en oeuvre de la loi, pour que vous puissiez constater concrètement sur le terrain l'application des mesures que vous aurez votées.
Aujourd'hui, je pourrais résumer notre projet en quelques chiffres : 30 mesures, 44 articles, au moins +0,3 % de croissance par an à partir de 2009, et 50 000 emplois supplémentaires par an ; tout cela pour -seulement, ai-je envie de dire - 300 millions d'euros de coût. Je suis preneuse de tous les amendements qui pourront améliorer ces chiffres déjà fort ambitieux.
J'aimerais vous présenter à présent dans le détail les quatre grands titres de notre projet de loi : encourager les entrepreneurs, relancer la concurrence, renforcer l'attractivité de notre économie, et améliorer son financement.
Titre 1 : mobiliser les entrepreneurs
Les créations d'entreprises progressent depuis un an à un rythme sans précédent en France : le record historique a été atteint en décembre 2007, et la tendance se poursuit mois après mois. Le dernier chiffre, qui concerne le mois d'avril, ne dément pas cet optimisme, avec plus de 28 000 créations d'entreprise. C'est donc le bon moment pour soutenir l'esprit d'entreprise dans notre pays.
Ce titre concerne donc toutes les étapes de la vie de l'entrepreneur : (1) la création d'entreprise, (2) le fonctionnement de l'entreprise, (3) le développement de l'entreprise, et (4) la transmission de l'entreprise.
(1) Six mesures phares pour la création d'entreprise :
- Première mesure : créer un statut de l'entrepreneur individuel [ articles 1 et 3 ]. La moitié des Français se disent prêts à créer un jour leur propre entreprise. Ce statut leur permettra de passer plus facilement à l'acte. Celui qui veut vendre des souvenirs, concevoir des sites internet, fabriquer des bijoux fantaisie ou donner des cours de chant, aura pour seule formalité un document à remplir, sur internet, afin de déclarer son activité. La loi supprime toute obligation d'immatriculation pour les petites activités indépendantes, et notamment celles effectuées en cumul d'un salaire ou d'une retraite. De plus, chaque entrepreneur individuel pourra s'acquitter en une fois de ses impôts et cotisations sociales en payant en tout et pour tout 13 % (pour les activités de commerce) ou 23 % (pour les activités de services) d'impôts, libératoires des prélèvements sociaux et fiscaux, dans la mesure où son chiffre d'affaires annuel reste inférieur à 76 300 euros pour le commerce et 27 000 euros pour les services. Je pense que ce statut simple, fiscalement avantageux, peut fournir le même tremplin à tous ceux qui veulent entreprendre que celui mis en place pour les associations par la loi de 1901.
- Deuxième mesure : renforcer la protection du patrimoine personnel (pour l'entrepreneur individuel) [ article 5 ]. L'insaisissabilité, qui existe déjà pour la résidence principale, est élargie à tous ses biens fonciers bâtis et non bâtis non affectés à l'usage professionnel. Quelles que soient les difficultés financières, l'entrepreneur individuel conserve ses biens immobiliers.
- Troisième mesure : faciliter l'utilisation du local d'habitation comme local professionnel [ article 4 ], en supprimant l'obligation d'autorisation préfectorale pour les rez-de-chaussée.
- Quatrième mesure : créer un cadre fiscal favorable aux sociétés en amorçage [ article 9 ], en permettant aux petites sociétés de capitaux d'opter pour le régime des sociétés de personnes. Ainsi, l'entrepreneur pourra imputer d'éventuelles premières pertes sur son impôt sur le revenu.
- Cinquième mesure : étendre l'action des plateformes de microcrédit à tous les créateurs de très petites entreprises [ article 20 ].
- Sixième mesure : réformer le système des sanctions commerciales [ article 18 ], en laissant la décision sur l'incapacité à l'appréciation du juge, au cas par cas : il ne faut pas automatiquement dénier à celui qui a purgé une peine, la possibilité de créer une nouvelle entreprise.
(2) Pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise, nous proposons :
- des mesures de simplification, pour lesquelles votre travail, Monsieur le Rapporteur de la Commission des Lois (Éric Ciotti), a été précieux : étendre le champ du rescrit social [ article 2 ] ; et simplifier le droit des sociétés applicable aux PME, qu'il s'agisse de statuts types, d'allégement du régime de publicité légale, ou de simplification en matière de gestion des pièces comptables... [ articles 13 et 14 ]
- la réforme des baux commerciaux [ article 11 ]. Les hausses de loyers des baux commerciaux sont en effet plafonnées aujourd'hui en référence à l'indice trimestriel du coût de la construction, ce qui ne semble guère logique et cause du tort à de nombreuses entreprises. Nous voulons donc donner la possibilité d'utiliser d'autres indices de révision des loyers, en particulier un indice issu d'un récent accord interprofessionnel entre propriétaires et de locataires, qui tient compte de l'évolution des prix à la consommation.
- la réduction des délais de paiement. [ article 6 ] C'est un sujet majeur pour la vie des entreprises, dont les Parlementaires se sont fait depuis longtemps l'écho. A ce sujet, je tiens à saluer particulièrement le travail de Martial Saddier, pour sa contribution essentielle à ce débat. Quel est le problème ? Aujourd'hui, les délais de paiement sont nettement supérieurs à la moyenne européenne (67 contre 57 jours). Nous proposons de les ramener à 60 jours. Les PME pourront ainsi améliorer leur fond de roulement ; et des accords secteur par secteur permettront de réduire encore davantage ces délais. L'Etat a pour sa part déjà montré l'exemple, en réduisant par décret ses délais de paiement à 30 jours.
(3) Pour aider les PME à se développer, il faut :
- moderniser les instruments de capital risque [ article 10 ], en créant un cadre juridique pour des fonds communs de placement à risques contractuels, qui auront vocation à investir dans les entreprises non cotées.
- atténuer l'effet des dépassements de seuils de 10 et 20 salariés [ article 12 ]. Nous allons mettre en place un dispositif de gel sur trois ans et de lissage progressif sur quatre ans des conséquences financières de ces franchissements de seuil. Concrètement, les cotisations sociales n'augmenteront plus lorsque le chef d'entreprise décidera de recruter de nouveaux salariés.
- mettre en place une sorte de Small Business Act à la française [ article 7 ], permettant aux acheteurs publics de réserver aux PME innovantes jusqu'à 15 % des marchés de haute technologie.
- soutenir nos exportations. [ article 8 ] Avec Anne-Marie Idrac, nous allons permettre à Ubifrance de posséder des bureaux à l'étranger, ce qui aboutira à la création d'une grande agence nationale consacrée au développement international de nos entreprises.
- enfin, renforcer l'attractivité de la procédure de sauvegarde pour les entreprises en difficulté [ article 19 ] Ne soyons pas angéliques : là où certains chefs d'entreprise réussissent, d'autres échouent, processus certes douloureux mais indispensable au bon fonctionnement d'une économie de marché. Pour leur éviter le pire, nous proposons d'assouplir les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde, et d'alléger les formalités nécessaires.
(4) La reprise et la transmission d'entreprises doivent être facilitées. [ articles 15 et 16 ]
Ceci est d'autant plus important que nous savons que 700 000 entreprises doivent changer de mains dans les 10 prochaines années.
- Les droits de mutation à titre onéreux des cessions de droits et des mutations de fonds de commerce seront abaissés de 5 % à 3 %. De plus, si le repreneur doit s'endetter pour réaliser son opération : nous proposons d'élargir le mécanisme de réduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour les repreneurs d'entreprise. Dans cette nouvelle version, la réduction d'impôt pourra atteindre 10 000 euros par an pour un couple.
- Les transmissions d'entreprise à la famille ou aux salariés seront totalement exonérées de droit de mutation à titre onéreux jusqu'à 300 000 euros.
Titre 2 : dynamiser la concurrence
La concurrence est le moyen le plus naturel et le plus sain d'agir sur les prix. Renforcer la concurrence résulte d'un équilibre entre : (1) assouplir les conditions de négociation des prix, (2) augmenter le nombre d'acteurs présents sur le marché, et (3) lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Il n'est pas normal que certains produits de base - je pense à une boisson gazeuse composée de cola ou à une pâte à tartiner au chocolat et noisettes - coûtent jusqu'à deux fois moins cher lorsqu'on franchit la frontière entre la France et l'Allemagne.
(1) Assouplir les conditions de négociation des prix
[ articles 21 et 22 ] Avec Luc Chatel, nous voulons mettre fin au système absurde des marges arrière en laissant fournisseurs et distributeurs négocier librement, comme c'est aujourd'hui le cas dans tous les pays développés : Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Suède, États-Unis... Arrêtons la partie de poker menteur entre ceux qui achètent et ceux qui vendent, et jouons cartes sur table : la transparence des prix doit être totale entre ce que le consommateur paie au distributeur, et ce que le distributeur paie au producteur.
Parallèlement, nous allons sanctionner plus fermement les abus qui peuvent se produire dans la relation commerciale, qu'ils soient du côté de la vente ou de l'achat. Nous ne laisserons pas s'installer la loi du plus fort dans les négociations.
[article 24 ] Les soldes sont aussi à leur manière une grande période de négociation entre vendeur et acheteur - ainsi qu'un moment festif. Nous allons donc autoriser les commerçants à pratiquer deux semaines complémentaires de soldes par an, à des dates qu'ils choisiront librement, tout en réduisant d'une semaine les deux périodes officielles, qui sont aujourd'hui, tout le monde en convient, un peu trop longues.
(2) Augmenter le nombre d'acteurs présents sur le marché
[ article 27 ] Aujourd'hui, les quatre premières enseignes de distribution détiennent plus de la moitié des parts de marché. Une étude de l'INSEE publiée fin mai montre qu'une zone sans concurrence entre distributeurs peut avoir des prix plus élevés de 10 % à 15 % qu'une zone concurrentielle, cette distorsion étant imputable aux effets de la loi Galland.
Nous allons donc simplifier les conditions d'installation de nouvelles surfaces commerciales en supprimant le critère de densité commerciale par zone de chalandise et en portant le seuil d'autorisation de 300 m² à 1 000 m². Ce que nous voulons, c'est donner le choix au consommateur entre différents modes de distribution, et davantage d'opérateurs, pour lui permettre d'acheter là où les produits sont les moins chers, et pour inciter les distributeurs à baisser leurs prix. Car dans la guerre des prix, le grand gagnant, c'est toujours le consommateur.
Encourager l'installation de nouvelles surfaces commerciales, c'est pousser à son terme la logique de transparence et d'équité de la négociabilité, en faisant peser sur les distributeurs la contrainte de la concurrence et de la diversité, comme elle pèse déjà sur les producteurs.
Comme je le disais en introduction, plus de liberté implique une régulation plus ferme : nous maintenons donc pour l'implantation des nouvelles surfaces commerciales de plus de 1 000 m² une procédure d'autorisation collégiale, dans laquelle le rôle des élus se trouvera renforcé, puisqu'ils détiendront la majorité des sièges au sein des CDAC. Dans ce cadre, les projets d'implantation devront répondre à des critères stricts d'aménagement du territoire et de développement durable.
Naturellement, ces procédures ont vocation à s'articuler avec celles du code de l'urbanisme. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat. Et je pense que ce débat nous permettra de constater un accord de principe sur l'objectif d'une intégration des règles de l'urbanisme commercial dans le droit de l'urbanisme. Le Gouvernement est à l'écoute des propositions précises d'amendement que la Commission des Affaires économiques pourra faire en ce sens.
[ articles 25 et 26 ] Je suis consciente que ces dispositions demanderont des efforts particuliers aux petits commerces pour valoriser leurs atouts et conserver leur clientèle. Pour les aider à s'adapter à cette situation nouvelle, nous allons d'une part réformer la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) pour qu'elle pèse davantage sur les grands et moins sur les petits, et d'autre part renforcer les aides en faveur du petit commerce en élargissant le champ d'intervention du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). Je vous annonce d'ailleurs que nous avons décidé d'augmenter les crédits du FISAC de 80 à 100 Meuros pour l'année prochaine.
(3) Lutter contre les pratiques anticoncurrentielles
[ article 23 ] Il ne sert à rien d'édicter des lois en faveur de la concurrence si elles ne sont pas respectées. Pour lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles, nous proposons de créer une Autorité de la concurrence aux compétences élargies, qui aura pour mission d'examiner tous les projets de concentrations, et disposera de ses propres pouvoirs d'enquête pour mieux sanctionner les abus.
Titre 3 : renforcer l'attractivité de l'économie
[ article 29 ] Renforcer l'attractivité du territoire, cela suppose d'abord de le moderniser. La France est connue pour son avant-gardisme en matière technologique. Nous avons été parmi les premiers pays à nous doter d'un réseau téléphonique national dans les années 70. Nous avons inventé le minitel. Nous avons des lignes de train à grande vitesse admirées dans le monde entier. Aujourd'hui, avec Éric Besson et Luc Chatel, nous voulons gagner le pari du Très Haut Débit en étendant l'usage de la fibre optique : je souhaite qu'en 2012, au moins 4 millions de ménages puissent bénéficier de la télévision haute définition, de la téléassistance à domicile pour les personnes âgées, de l'e-enseignement, du web 2.0, etc...
Notre projet de loi généralise donc le pré-câblage des immeubles neufs et facilite le raccordement des immeubles existants, en incitant les opérateurs à prendre à leurs frais le coût du câblage, et en réalisant dans les immeubles un réseau unique de fibre optique ouvert à tous les opérateurs.
Être attractif, c'est aussi pouvoir attirer des talents, des idées et des financements.
[ articles 31 et 32 ] Pour attirer les talents, nous prévoyons d'une part d'assouplir le régime des impatriés, en étendant ce statut à tous les recrutements directs de salariés à l'étranger ; et, d'autre part, de faciliter la délivrance d'un titre de résident pour les cadres étrangers de haut niveau.
[ articles 34, 35 et 36 ] Les idées, elles s'incarnent aujourd'hui dans l'innovation. Nous avons déjà triplé le crédit impôt-recherche au début de cette année - ce qui n'est sans doute pas étranger à des décisions d'investissement récentes, comme celles de Peugeot-PSA. Ce triplement du crédit d'impôt-recherche permettra d'augmenter à lui seul la croissance de 0,05 % par an à partir de 2009. Afin de perfectionner ce dispositif, nous allons étoffer le rescrit fiscal relatif au crédit impôt-recherche en renforçant le rôle d'OSEO dans la procédure.
Mais nous voulons surtout à présent agir en amont, et mieux protéger la propriété intellectuelle, en modernisant le système d'enregistrement et de délivrance des titres de propriété industrielle. Un article d'habilitation permettra également de rendre conforme le code de la propriété intellectuelle aux nouveaux traités internationaux que la France a signés dans ce domaine.
[ article 37 ] Enfin, toujours dans le domaine de l'attractivité, la création de « fonds de dotation » permettra d'attirer des financements privés pour des missions d'intérêt général, telles que les laboratoires de recherche, les hôpitaux, les bibliothèques ou les musées.
Titre 4 : améliorer le financement de l'économie
Améliorer le financement de l'économie, cela mobilise deux circuits : (1) le circuit interne, pour mieux gérer l'épargne disponible, et (2) le circuit international, pour attirer des capitaux.
(1) Le circuit interne
[ articles 39 et 40 ] Nous proposons de généraliser à toutes les banques la possibilité de distribuer le livret A, qui devrait donc être disponible dans 40 000 agences bancaires au lieu de 22 000 aujourd'hui. Je tiens à remercier Monsieur le Rapporteur Forissier pour l'excellent travail qu'il a fourni à ce sujet.
En effet, peut-on continuer à accepter que le produit d'épargne préféré des Français ne soit disponible que dans trois établissements bancaires ? Désormais, chacun pourra ouvrir un compte d'épargne défiscalisé dans sa banque, ce qui améliorera à l'autre bout de la chaîne le financement - déjà très dynamique - du logement social. Je n'ai pas l'intention de faire le moindre cadeau aux banques : au contraire, ce que propose le Gouvernement, c'est de prendre aux banques pour donner au logement social. La commission qu'elles perçoivent pour la collecte sera réduite de près de moitié, ce qui permettra de dégager des économies supplémentaires pour la construction de logements sociaux.
[ article 41 ] Une réforme mesurée de la Caisse des dépôts et consignations me paraît essentielle non seulement pour améliorer le circuit de financement du logement social, mais au-delà pour renforcer la participation de cette institution publique à notre économie. Nous allons donc préciser le rôle de la Caisse des dépôts comme investisseur de long terme au service du développement des entreprises, et moderniser sa gouvernance, quasi inchangée depuis 1816 - sans remettre en cause le contrôle du Parlement sur cette institution, qui pour « vénérable » n'en doit pas moins se moderniser.
(2) Le circuit international
[ article 42 ] Nous voulons moderniser la place financière française, en mettant en oeuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut Comité de Place que j'ai créé. L'industrie financière est une industrie de haute technologie qui représente près d'un million d'emplois et contribue à hauteur de plus de 4 % à la richesse nationale. Aujourd'hui, notre système de régulation et de supervision fait de nombreux envieux. C'est donc le moment ou jamais de faire de Paris la place de cotation en bourse de référence de la zone euro.
Dès décembre dernier, nous avons supprimé, dans le cadre de la loi de finances pour 2008, l'impôt de bourse qui favorisait la délocalisation des transactions financières à Londres ou à New-York. Les premiers résultats de cette mesure sont encourageants. Sur les premiers mois de l'année 2008, les professionnels ont observé une augmentation sensible des transactions réalisées à Paris sur valeurs françaises et étrangères.
L'enjeu principal qui est devant nous, c'est de simplifier notre réglementation et de la rendre plus conforme aux standards internationaux connus des investisseurs. C'est pourquoi j'ai souhaité engager avec ce projet de loi une réforme en profondeur de la notion historique qui fonde notre droit financier : l'appel public à l'épargne. Il faut nous adapter pour que notre longue tradition financière ne devienne pas un handicap.
Pour se rapprocher des standards en vigueur chez nos partenaires européens, nous allons diviser le régime juridique de « l'appel public à l'épargne » en deux avec la « cotation sur un marché réglementé » d'un côté et « l'offre au public de valeurs mobilières » de l'autre. Pour chacun de ces deux régimes - désormais distincts - nous examinerons les obligations d'information et de transparence qui sont les plus adaptées, le cas échéant en procédant à des simplifications. C'est ainsi que nous pourrons attirer les capitaux de pays comme la Chine ou le Brésil.
Dans la même optique, je vous propose également d'habiliter le Gouvernement à moderniser par ordonnance le cadre juridique de la gestion d'actifs, afin de faciliter l'exportation de fonds d'investissement depuis la France. Concrètement, nous allons simplifier les règles de fonctionnement des fonds qui sont réservés aux investisseurs avertis, en laissant davantage de place à la liberté contractuelle. Il faut que les gestionnaires d'actifs disposent en France des outils leur permettant de concurrencer les places étrangères. Notre pays est aujourd'hui leader européen de la gestion d'actifs : ne nous endormons pas sur nos lauriers.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les députés, les 30 principales mesures de notre loi de modernisation de l'économie, qui correspondent aux engagements pris par le Président de la République devant les Français. C'est une loi courageuse, qui examine sans tabous les problèmes structurels de l'économie française. Courageuse, mais peu coûteuse, comme je le disais en introduction : j'ai veillé à ce qu'elle soit compatible avec nos engagements de maîtrise des finances publiques, que j'ai réitérés ce matin même devant nos partenaires de l'Eurogroupe. Son coût est estimé, comme je vous l'ai dit, à environ 300 Meuros à terme.
Ce projet de loi de modernisation de l'économie consolide le socle de notre stratégie économique. Celle-ci vise essentiellement, vous l'aurez compris, là où il y avait des blocages et de la pesanteur, à offrir un véritable tremplin à tous ceux qui ont l'envie d'entreprendre, le goût du risque, le sens de la compétition. C'est la même la logique qui inspire depuis près d'un an nos réformes économiques ; une logique de création de valeur et de compétitivité. Ma formule pour la croissance, c'est : productivité, employabilité, attractivité.
Les gains de productivité, nous les obtiendrons à la fois par le développement de l'innovation - c'est tout le but de la réforme du crédit impôt-recherche, qui fait désormais de la France le pays le plus compétitif de l'OCDE pour l'investissement en R&D - et par une meilleure organisation du travail - ce à quoi concourent le dispositif des heures supplémentaires ainsi que la réforme du contrat de travail.
L'employabilité, elle passait d'abord par la fusion de l'ANPE et des Assédic, qui rendra plus simple et plus efficace le marché de l'emploi, en créant une plate-forme unique, modernisée et opérationnelle, pour les entreprises et les demandeurs d'emploi - que je préfère d'ailleurs appeler des « candidats à l'emploi ». J'ai également lancé la réforme de la formation professionnelle : les consultations des partenaires sociaux sont en cours, avec comme objectif d'aboutir à une loi avant la fin de l'année.
Quant à l'attractivité, cela doit rester une de nos premières préoccupations, car c'est la clé du succès de notre pays dans une économie mondialisée. Nous aurons l'occasion de proposer, dans le cadre des réformes de notre fiscalité sur lesquelles je travaille, des mesures significatives pour faire de la France un pays toujours plus attractif pour l'activité économique et la localisation des emplois.
L'été dernier, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat a permis, en anticipant les effets de la crise internationale, de redistribuer du pouvoir d'achat aux nombreux Français qui veulent travailler plus : les heures supplémentaires sont aujourd'hui utilisées par 6 entreprises sur 10, selon les derniers chiffres pour le mois de mars 2008. Demain, la loi de modernisation de l'économie permettra de libérer de nouvelles énergies et d'actionner les forces de la concurrence.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 4 juin 2008
Madame le Ministre,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Présidents de Commission,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Croissance et plein emploi : c'est pour atteindre ces deux objectifs, en réformant profondément la France, qu'une large majorité de nos concitoyens a élu Nicolas Sarkozy Président de la République. Sous l'autorité du Premier ministre, le Gouvernement se consacre à cette tâche depuis un an. Beaucoup de travail a déjà été accompli : la France est en mouvement. De grands chantiers sont encore devant nous pour les quatre ans à venir. Aujourd'hui, ce projet de loi de modernisation de l'économie, sur lequel nous travaillons depuis plus de 10 mois, engage d'importantes réformes de structure, et consolide le socle de notre stratégie économique.
1. Contexte historique
Comme l'Allemagne dans les années 2000, comme les États-Unis dans les années 90, comme l'Espagne dans les années 80, la France entreprend aujourd'hui de moderniser son économie. Il était temps : dans un monde en croissance perpétuelle, ne pas avancer, c'est se condamner à reculer. Ainsi, selon le FMI, la France était encore 10e dans le monde en 1985 en termes de PIB par habitant, et seulement 21e vingt ans plus tard.
Pourtant, notre pays a connu il n'y a pas si longtemps une période de prospérité inédite dans l'histoire économique mondiale ; une période de créativité, de plein emploi : c'étaient les Trente glorieuses. On y réclamait plus de liberté, et pas plus de sécurité. C'était une génération qui ne connaissait pas le chômage, qui ne pensait pas au financement de sa retraite, qui voyait son pouvoir d'achat augmenter rapidement (5,6 % par an), qui était convaincue que demain serait meilleur qu'aujourd'hui.
Mais les temps ont changé. Nous avons traversé, depuis le deuxième choc pétrolier, trente années qu'il faut bien appeler les trente laborieuses. Notre économie s'est fait prendre de vitesse. Nous avons laissé s'accumuler des archaïsmes réglementaires et des bizarreries administratives. Cela a fait le régal des juristes, mais le désespoir des entrepreneurs.
Nous connaissons tous la volonté, l'énergie, les talents de nos concitoyens, ce « génie français » qui a bien souvent étonné le monde. Ce potentiel, il faut maintenant en faire une réalité économique. Car nous voulons donner à la France et aux Français le visage heureux d'une « nouvelle croissance », pour reprendre l'expression du Premier ministre dans son discours de politique générale.
2. Politique économique
L'été dernier, nous avons pris des mesures d'urgence pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Elles ont commencé à porter leurs fruits, si j'en crois les chiffres... - non, Mesdames et Messieurs les députés, je ne pensais même pas aux 2,2 % de la croissance, qui sont conformes, ni plus, ni moins, à nos prévisions, mais plutôt aux 352 000 créations d'emploi - voilà pour le travail ; aux 7,5 % de chômage - voilà pour l'emploi ; et au pouvoir d'achat, celui des 6 millions de salariés qui font des heures supplémentaires, celui du million de ménages qui bénéficie du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt.
Aujourd'hui, nous sommes rassemblés autour d'un projet de loi, de « notre » projet de loi puisque beaucoup d'entre vous y ont participé, qui contient des mesures de fond, des mesures structurelles ; des mesures courageuses mais peu coûteuses : ce texte ne coûtera que quelques centaines de millions d'euros au contribuable - 300 Meuros environ. Il vise deux objectifs essentiels : plus d'entreprises et plus de concurrence, pour trois résultats concrets : plus de croissance, plus d'emplois, et plus de pouvoir d'achat.
Plus d'entreprises, plus de concurrence : ce ne sont pas seulement des valeurs économiques, ce sont des valeurs fondatrices de notre démocratie, des valeurs que seule la Révolution française a réussi à imposer. Rappelez-vous la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 : en interdisant les vieilles corporations, ils affirment la liberté du commerce et la liberté d'entreprendre, afin de servir - je cite - « l'intérêt de chaque individu aussi bien que l'intérêt général ». Les blocages, aujourd'hui, ce sont les pratiques déloyales, ce sont les rigidités administratives. Ces blocages sont autant de freins au développement de notre pays et à la possibilité d'entreprendre. Avec le Président de la République, avec le Premier ministre, avec les secrétaires d'État qui sont présents à mes côtés aujourd'hui, Anne-Marie Idrac, Luc Chatel, Hervé Novelli et Éric Besson, nous sommes déterminés à faire souffler un vent de liberté sur notre économie. Cela rejoint tout à fait, Monsieur le Rapporteur, cher Jean-Paul Charié, votre souhait de « remettre l'homme au coeur de nos lois et pratiques ».
Plus de concurrence et moins de blocages, cela signifie aussi : moins de surcoûts pesant in fine sur le consommateur. Pouvons-nous accepter aujourd'hui que l'ensemble de notre système de distribution commerciale soit organisé de telle manière que les yaourts, les boissons gazeuses ou les pâtes à tartiner soient moins chers pour un Allemand, un Anglais ou un Italien que pour un Français? Cette réalité, nos concitoyens la vivent tous les jours. Il y a quinze jours, Luc Chatel est allé à Strasbourg remplir le même caddie dans deux supermarchés situés de part et d'autre du Rhin. Le caddie français coûtait 37,34 euros, le caddie allemand 31,99 euros, soit une différence de prix de 16 %, alors même que le salaire moyen en Allemagne est supérieur de 4 % au salaire moyen en France ! C'est cette situation injustifiable à laquelle nous voulons mettre un terme.
3. Les principes de la loi
Notre projet de loi s'articule autour de trois principes : croissance, liberté, équilibre. Car il n'y a pas de croissance durable sans la liberté pour chacun de créer et d'entreprendre ; et il n'y a pas de liberté acceptable sans une régulation équilibrée.
L'équilibre, il se situe d'abord entre le titre II du projet de loi consacré à la concurrence, qui va demander des efforts à chacun, et le titre I consacré aux entreprises, qui va donner à tous de nouveaux ressorts pour avancer.
Enfin, les titres III et IV, consacrés à l'attractivité et au financement de l'économie, permettront d'assurer l'équilibre des différentes forces économiques, que ce soit sur le plan international, national ou territorial.
Moderniser l'économie, c'est, en un sens, la rendre à ceux qui la font.
4. La méthode
Le projet de loi que je vais vous présenter aujourd'hui est une ambition qui nous mobilise tous depuis plus de 10 mois, que ce soit les membres du Gouvernement, les Parlementaires, ou les acteurs économiques. Il répond à la lettre de mission que m'ont adressée le Président de la République et le Premier ministre en juillet dernier, en me demandant de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ».
Il y eut le temps des experts : ce fut la Commission Attali, réunissant des personnalités de tous les horizons. Notre projet de loi couvre un quart des 140 propositions qui concernent le ministère de l'Economie, de l'industrie et de l'emploi - quant aux autres, elles sont pour leur majeure partie déjà intégrées à notre calendrier de réformes. Ce furent les propositions de ceux du groupe UMP mobilisés sur l'analyse des propositions Attali.
Il y eut le temps du débat. Je n'ai pas peur de l'affirmer : ce projet loi n'est pas né dans les coulisses des cabinets et les couloirs des administrations ; il est le fruit d'un véritable travail collectif. Nous avons travaillé, cher Jean-François Copé, en coproduction avec les parlementaires de la majorité, qui pourront en témoigner. Je tiens à remercier Patrick Ollier pour avoir su mener les débats avec tant d'énergie, d'habileté et de bonne humeur.
L'ensemble de l'équipe ministérielle a également mené une concertation importante avec les parties prenantes : j'ai installé un Haut Comité de Place pour le secteur financier ; Luc Chatel a travaillé sur la négociabilité, la réforme des soldes et l'urbanisme commercial ; Hervé Novelli s'est engagé au service des PME et de l'entrepreneuriat ; et Eric Besson s'est investi fortement dans le combat pour le Très Haut Débit. Ce n'est donc pas un hasard si, selon les sondages, plus de la moitié des Français a déjà entendu parler des mesures clés de ce projet de loi.
Il y a aujourd'hui le temps de la décision : elle est entre vos mains, Mesdames et Messieurs les députés. Je suis prête à passer toutes les nuits qu'il faudra au banc du Gouvernement pour que, point par point, vous puissiez vous décider sans regrets.
Et il y aura demain le temps de la mise en oeuvre : pour que la future loi de modernisation de l'économie rencontre l'écho qu'elle mérite et soit pleinement appliquée, je vous propose de poursuivre cette coproduction en mettant en place des instances de suivi où les parlementaires auront toute leur place. Certains d'entre vous ont déjà déposé des amendements en ce sens. Il s'agit de mieux associer le Parlement à la mise en oeuvre de la loi, pour que vous puissiez constater concrètement sur le terrain l'application des mesures que vous aurez votées.
Aujourd'hui, je pourrais résumer notre projet en quelques chiffres : 30 mesures, 44 articles, au moins +0,3 % de croissance par an à partir de 2009, et 50 000 emplois supplémentaires par an ; tout cela pour -seulement, ai-je envie de dire - 300 millions d'euros de coût. Je suis preneuse de tous les amendements qui pourront améliorer ces chiffres déjà fort ambitieux.
J'aimerais vous présenter à présent dans le détail les quatre grands titres de notre projet de loi : encourager les entrepreneurs, relancer la concurrence, renforcer l'attractivité de notre économie, et améliorer son financement.
Titre 1 : mobiliser les entrepreneurs
Les créations d'entreprises progressent depuis un an à un rythme sans précédent en France : le record historique a été atteint en décembre 2007, et la tendance se poursuit mois après mois. Le dernier chiffre, qui concerne le mois d'avril, ne dément pas cet optimisme, avec plus de 28 000 créations d'entreprise. C'est donc le bon moment pour soutenir l'esprit d'entreprise dans notre pays.
Ce titre concerne donc toutes les étapes de la vie de l'entrepreneur : (1) la création d'entreprise, (2) le fonctionnement de l'entreprise, (3) le développement de l'entreprise, et (4) la transmission de l'entreprise.
(1) Six mesures phares pour la création d'entreprise :
- Première mesure : créer un statut de l'entrepreneur individuel [ articles 1 et 3 ]. La moitié des Français se disent prêts à créer un jour leur propre entreprise. Ce statut leur permettra de passer plus facilement à l'acte. Celui qui veut vendre des souvenirs, concevoir des sites internet, fabriquer des bijoux fantaisie ou donner des cours de chant, aura pour seule formalité un document à remplir, sur internet, afin de déclarer son activité. La loi supprime toute obligation d'immatriculation pour les petites activités indépendantes, et notamment celles effectuées en cumul d'un salaire ou d'une retraite. De plus, chaque entrepreneur individuel pourra s'acquitter en une fois de ses impôts et cotisations sociales en payant en tout et pour tout 13 % (pour les activités de commerce) ou 23 % (pour les activités de services) d'impôts, libératoires des prélèvements sociaux et fiscaux, dans la mesure où son chiffre d'affaires annuel reste inférieur à 76 300 euros pour le commerce et 27 000 euros pour les services. Je pense que ce statut simple, fiscalement avantageux, peut fournir le même tremplin à tous ceux qui veulent entreprendre que celui mis en place pour les associations par la loi de 1901.
- Deuxième mesure : renforcer la protection du patrimoine personnel (pour l'entrepreneur individuel) [ article 5 ]. L'insaisissabilité, qui existe déjà pour la résidence principale, est élargie à tous ses biens fonciers bâtis et non bâtis non affectés à l'usage professionnel. Quelles que soient les difficultés financières, l'entrepreneur individuel conserve ses biens immobiliers.
- Troisième mesure : faciliter l'utilisation du local d'habitation comme local professionnel [ article 4 ], en supprimant l'obligation d'autorisation préfectorale pour les rez-de-chaussée.
- Quatrième mesure : créer un cadre fiscal favorable aux sociétés en amorçage [ article 9 ], en permettant aux petites sociétés de capitaux d'opter pour le régime des sociétés de personnes. Ainsi, l'entrepreneur pourra imputer d'éventuelles premières pertes sur son impôt sur le revenu.
- Cinquième mesure : étendre l'action des plateformes de microcrédit à tous les créateurs de très petites entreprises [ article 20 ].
- Sixième mesure : réformer le système des sanctions commerciales [ article 18 ], en laissant la décision sur l'incapacité à l'appréciation du juge, au cas par cas : il ne faut pas automatiquement dénier à celui qui a purgé une peine, la possibilité de créer une nouvelle entreprise.
(2) Pour améliorer le fonctionnement de l'entreprise, nous proposons :
- des mesures de simplification, pour lesquelles votre travail, Monsieur le Rapporteur de la Commission des Lois (Éric Ciotti), a été précieux : étendre le champ du rescrit social [ article 2 ] ; et simplifier le droit des sociétés applicable aux PME, qu'il s'agisse de statuts types, d'allégement du régime de publicité légale, ou de simplification en matière de gestion des pièces comptables... [ articles 13 et 14 ]
- la réforme des baux commerciaux [ article 11 ]. Les hausses de loyers des baux commerciaux sont en effet plafonnées aujourd'hui en référence à l'indice trimestriel du coût de la construction, ce qui ne semble guère logique et cause du tort à de nombreuses entreprises. Nous voulons donc donner la possibilité d'utiliser d'autres indices de révision des loyers, en particulier un indice issu d'un récent accord interprofessionnel entre propriétaires et de locataires, qui tient compte de l'évolution des prix à la consommation.
- la réduction des délais de paiement. [ article 6 ] C'est un sujet majeur pour la vie des entreprises, dont les Parlementaires se sont fait depuis longtemps l'écho. A ce sujet, je tiens à saluer particulièrement le travail de Martial Saddier, pour sa contribution essentielle à ce débat. Quel est le problème ? Aujourd'hui, les délais de paiement sont nettement supérieurs à la moyenne européenne (67 contre 57 jours). Nous proposons de les ramener à 60 jours. Les PME pourront ainsi améliorer leur fond de roulement ; et des accords secteur par secteur permettront de réduire encore davantage ces délais. L'Etat a pour sa part déjà montré l'exemple, en réduisant par décret ses délais de paiement à 30 jours.
(3) Pour aider les PME à se développer, il faut :
- moderniser les instruments de capital risque [ article 10 ], en créant un cadre juridique pour des fonds communs de placement à risques contractuels, qui auront vocation à investir dans les entreprises non cotées.
- atténuer l'effet des dépassements de seuils de 10 et 20 salariés [ article 12 ]. Nous allons mettre en place un dispositif de gel sur trois ans et de lissage progressif sur quatre ans des conséquences financières de ces franchissements de seuil. Concrètement, les cotisations sociales n'augmenteront plus lorsque le chef d'entreprise décidera de recruter de nouveaux salariés.
- mettre en place une sorte de Small Business Act à la française [ article 7 ], permettant aux acheteurs publics de réserver aux PME innovantes jusqu'à 15 % des marchés de haute technologie.
- soutenir nos exportations. [ article 8 ] Avec Anne-Marie Idrac, nous allons permettre à Ubifrance de posséder des bureaux à l'étranger, ce qui aboutira à la création d'une grande agence nationale consacrée au développement international de nos entreprises.
- enfin, renforcer l'attractivité de la procédure de sauvegarde pour les entreprises en difficulté [ article 19 ] Ne soyons pas angéliques : là où certains chefs d'entreprise réussissent, d'autres échouent, processus certes douloureux mais indispensable au bon fonctionnement d'une économie de marché. Pour leur éviter le pire, nous proposons d'assouplir les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde, et d'alléger les formalités nécessaires.
(4) La reprise et la transmission d'entreprises doivent être facilitées. [ articles 15 et 16 ]
Ceci est d'autant plus important que nous savons que 700 000 entreprises doivent changer de mains dans les 10 prochaines années.
- Les droits de mutation à titre onéreux des cessions de droits et des mutations de fonds de commerce seront abaissés de 5 % à 3 %. De plus, si le repreneur doit s'endetter pour réaliser son opération : nous proposons d'élargir le mécanisme de réduction d'impôt au titre des intérêts d'emprunt pour les repreneurs d'entreprise. Dans cette nouvelle version, la réduction d'impôt pourra atteindre 10 000 euros par an pour un couple.
- Les transmissions d'entreprise à la famille ou aux salariés seront totalement exonérées de droit de mutation à titre onéreux jusqu'à 300 000 euros.
Titre 2 : dynamiser la concurrence
La concurrence est le moyen le plus naturel et le plus sain d'agir sur les prix. Renforcer la concurrence résulte d'un équilibre entre : (1) assouplir les conditions de négociation des prix, (2) augmenter le nombre d'acteurs présents sur le marché, et (3) lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Il n'est pas normal que certains produits de base - je pense à une boisson gazeuse composée de cola ou à une pâte à tartiner au chocolat et noisettes - coûtent jusqu'à deux fois moins cher lorsqu'on franchit la frontière entre la France et l'Allemagne.
(1) Assouplir les conditions de négociation des prix
[ articles 21 et 22 ] Avec Luc Chatel, nous voulons mettre fin au système absurde des marges arrière en laissant fournisseurs et distributeurs négocier librement, comme c'est aujourd'hui le cas dans tous les pays développés : Allemagne, Italie, Espagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Suède, États-Unis... Arrêtons la partie de poker menteur entre ceux qui achètent et ceux qui vendent, et jouons cartes sur table : la transparence des prix doit être totale entre ce que le consommateur paie au distributeur, et ce que le distributeur paie au producteur.
Parallèlement, nous allons sanctionner plus fermement les abus qui peuvent se produire dans la relation commerciale, qu'ils soient du côté de la vente ou de l'achat. Nous ne laisserons pas s'installer la loi du plus fort dans les négociations.
[article 24 ] Les soldes sont aussi à leur manière une grande période de négociation entre vendeur et acheteur - ainsi qu'un moment festif. Nous allons donc autoriser les commerçants à pratiquer deux semaines complémentaires de soldes par an, à des dates qu'ils choisiront librement, tout en réduisant d'une semaine les deux périodes officielles, qui sont aujourd'hui, tout le monde en convient, un peu trop longues.
(2) Augmenter le nombre d'acteurs présents sur le marché
[ article 27 ] Aujourd'hui, les quatre premières enseignes de distribution détiennent plus de la moitié des parts de marché. Une étude de l'INSEE publiée fin mai montre qu'une zone sans concurrence entre distributeurs peut avoir des prix plus élevés de 10 % à 15 % qu'une zone concurrentielle, cette distorsion étant imputable aux effets de la loi Galland.
Nous allons donc simplifier les conditions d'installation de nouvelles surfaces commerciales en supprimant le critère de densité commerciale par zone de chalandise et en portant le seuil d'autorisation de 300 m² à 1 000 m². Ce que nous voulons, c'est donner le choix au consommateur entre différents modes de distribution, et davantage d'opérateurs, pour lui permettre d'acheter là où les produits sont les moins chers, et pour inciter les distributeurs à baisser leurs prix. Car dans la guerre des prix, le grand gagnant, c'est toujours le consommateur.
Encourager l'installation de nouvelles surfaces commerciales, c'est pousser à son terme la logique de transparence et d'équité de la négociabilité, en faisant peser sur les distributeurs la contrainte de la concurrence et de la diversité, comme elle pèse déjà sur les producteurs.
Comme je le disais en introduction, plus de liberté implique une régulation plus ferme : nous maintenons donc pour l'implantation des nouvelles surfaces commerciales de plus de 1 000 m² une procédure d'autorisation collégiale, dans laquelle le rôle des élus se trouvera renforcé, puisqu'ils détiendront la majorité des sièges au sein des CDAC. Dans ce cadre, les projets d'implantation devront répondre à des critères stricts d'aménagement du territoire et de développement durable.
Naturellement, ces procédures ont vocation à s'articuler avec celles du code de l'urbanisme. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat. Et je pense que ce débat nous permettra de constater un accord de principe sur l'objectif d'une intégration des règles de l'urbanisme commercial dans le droit de l'urbanisme. Le Gouvernement est à l'écoute des propositions précises d'amendement que la Commission des Affaires économiques pourra faire en ce sens.
[ articles 25 et 26 ] Je suis consciente que ces dispositions demanderont des efforts particuliers aux petits commerces pour valoriser leurs atouts et conserver leur clientèle. Pour les aider à s'adapter à cette situation nouvelle, nous allons d'une part réformer la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) pour qu'elle pèse davantage sur les grands et moins sur les petits, et d'autre part renforcer les aides en faveur du petit commerce en élargissant le champ d'intervention du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). Je vous annonce d'ailleurs que nous avons décidé d'augmenter les crédits du FISAC de 80 à 100 Meuros pour l'année prochaine.
(3) Lutter contre les pratiques anticoncurrentielles
[ article 23 ] Il ne sert à rien d'édicter des lois en faveur de la concurrence si elles ne sont pas respectées. Pour lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles, nous proposons de créer une Autorité de la concurrence aux compétences élargies, qui aura pour mission d'examiner tous les projets de concentrations, et disposera de ses propres pouvoirs d'enquête pour mieux sanctionner les abus.
Titre 3 : renforcer l'attractivité de l'économie
[ article 29 ] Renforcer l'attractivité du territoire, cela suppose d'abord de le moderniser. La France est connue pour son avant-gardisme en matière technologique. Nous avons été parmi les premiers pays à nous doter d'un réseau téléphonique national dans les années 70. Nous avons inventé le minitel. Nous avons des lignes de train à grande vitesse admirées dans le monde entier. Aujourd'hui, avec Éric Besson et Luc Chatel, nous voulons gagner le pari du Très Haut Débit en étendant l'usage de la fibre optique : je souhaite qu'en 2012, au moins 4 millions de ménages puissent bénéficier de la télévision haute définition, de la téléassistance à domicile pour les personnes âgées, de l'e-enseignement, du web 2.0, etc...
Notre projet de loi généralise donc le pré-câblage des immeubles neufs et facilite le raccordement des immeubles existants, en incitant les opérateurs à prendre à leurs frais le coût du câblage, et en réalisant dans les immeubles un réseau unique de fibre optique ouvert à tous les opérateurs.
Être attractif, c'est aussi pouvoir attirer des talents, des idées et des financements.
[ articles 31 et 32 ] Pour attirer les talents, nous prévoyons d'une part d'assouplir le régime des impatriés, en étendant ce statut à tous les recrutements directs de salariés à l'étranger ; et, d'autre part, de faciliter la délivrance d'un titre de résident pour les cadres étrangers de haut niveau.
[ articles 34, 35 et 36 ] Les idées, elles s'incarnent aujourd'hui dans l'innovation. Nous avons déjà triplé le crédit impôt-recherche au début de cette année - ce qui n'est sans doute pas étranger à des décisions d'investissement récentes, comme celles de Peugeot-PSA. Ce triplement du crédit d'impôt-recherche permettra d'augmenter à lui seul la croissance de 0,05 % par an à partir de 2009. Afin de perfectionner ce dispositif, nous allons étoffer le rescrit fiscal relatif au crédit impôt-recherche en renforçant le rôle d'OSEO dans la procédure.
Mais nous voulons surtout à présent agir en amont, et mieux protéger la propriété intellectuelle, en modernisant le système d'enregistrement et de délivrance des titres de propriété industrielle. Un article d'habilitation permettra également de rendre conforme le code de la propriété intellectuelle aux nouveaux traités internationaux que la France a signés dans ce domaine.
[ article 37 ] Enfin, toujours dans le domaine de l'attractivité, la création de « fonds de dotation » permettra d'attirer des financements privés pour des missions d'intérêt général, telles que les laboratoires de recherche, les hôpitaux, les bibliothèques ou les musées.
Titre 4 : améliorer le financement de l'économie
Améliorer le financement de l'économie, cela mobilise deux circuits : (1) le circuit interne, pour mieux gérer l'épargne disponible, et (2) le circuit international, pour attirer des capitaux.
(1) Le circuit interne
[ articles 39 et 40 ] Nous proposons de généraliser à toutes les banques la possibilité de distribuer le livret A, qui devrait donc être disponible dans 40 000 agences bancaires au lieu de 22 000 aujourd'hui. Je tiens à remercier Monsieur le Rapporteur Forissier pour l'excellent travail qu'il a fourni à ce sujet.
En effet, peut-on continuer à accepter que le produit d'épargne préféré des Français ne soit disponible que dans trois établissements bancaires ? Désormais, chacun pourra ouvrir un compte d'épargne défiscalisé dans sa banque, ce qui améliorera à l'autre bout de la chaîne le financement - déjà très dynamique - du logement social. Je n'ai pas l'intention de faire le moindre cadeau aux banques : au contraire, ce que propose le Gouvernement, c'est de prendre aux banques pour donner au logement social. La commission qu'elles perçoivent pour la collecte sera réduite de près de moitié, ce qui permettra de dégager des économies supplémentaires pour la construction de logements sociaux.
[ article 41 ] Une réforme mesurée de la Caisse des dépôts et consignations me paraît essentielle non seulement pour améliorer le circuit de financement du logement social, mais au-delà pour renforcer la participation de cette institution publique à notre économie. Nous allons donc préciser le rôle de la Caisse des dépôts comme investisseur de long terme au service du développement des entreprises, et moderniser sa gouvernance, quasi inchangée depuis 1816 - sans remettre en cause le contrôle du Parlement sur cette institution, qui pour « vénérable » n'en doit pas moins se moderniser.
(2) Le circuit international
[ article 42 ] Nous voulons moderniser la place financière française, en mettant en oeuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut Comité de Place que j'ai créé. L'industrie financière est une industrie de haute technologie qui représente près d'un million d'emplois et contribue à hauteur de plus de 4 % à la richesse nationale. Aujourd'hui, notre système de régulation et de supervision fait de nombreux envieux. C'est donc le moment ou jamais de faire de Paris la place de cotation en bourse de référence de la zone euro.
Dès décembre dernier, nous avons supprimé, dans le cadre de la loi de finances pour 2008, l'impôt de bourse qui favorisait la délocalisation des transactions financières à Londres ou à New-York. Les premiers résultats de cette mesure sont encourageants. Sur les premiers mois de l'année 2008, les professionnels ont observé une augmentation sensible des transactions réalisées à Paris sur valeurs françaises et étrangères.
L'enjeu principal qui est devant nous, c'est de simplifier notre réglementation et de la rendre plus conforme aux standards internationaux connus des investisseurs. C'est pourquoi j'ai souhaité engager avec ce projet de loi une réforme en profondeur de la notion historique qui fonde notre droit financier : l'appel public à l'épargne. Il faut nous adapter pour que notre longue tradition financière ne devienne pas un handicap.
Pour se rapprocher des standards en vigueur chez nos partenaires européens, nous allons diviser le régime juridique de « l'appel public à l'épargne » en deux avec la « cotation sur un marché réglementé » d'un côté et « l'offre au public de valeurs mobilières » de l'autre. Pour chacun de ces deux régimes - désormais distincts - nous examinerons les obligations d'information et de transparence qui sont les plus adaptées, le cas échéant en procédant à des simplifications. C'est ainsi que nous pourrons attirer les capitaux de pays comme la Chine ou le Brésil.
Dans la même optique, je vous propose également d'habiliter le Gouvernement à moderniser par ordonnance le cadre juridique de la gestion d'actifs, afin de faciliter l'exportation de fonds d'investissement depuis la France. Concrètement, nous allons simplifier les règles de fonctionnement des fonds qui sont réservés aux investisseurs avertis, en laissant davantage de place à la liberté contractuelle. Il faut que les gestionnaires d'actifs disposent en France des outils leur permettant de concurrencer les places étrangères. Notre pays est aujourd'hui leader européen de la gestion d'actifs : ne nous endormons pas sur nos lauriers.
Voilà donc, Mesdames et Messieurs les députés, les 30 principales mesures de notre loi de modernisation de l'économie, qui correspondent aux engagements pris par le Président de la République devant les Français. C'est une loi courageuse, qui examine sans tabous les problèmes structurels de l'économie française. Courageuse, mais peu coûteuse, comme je le disais en introduction : j'ai veillé à ce qu'elle soit compatible avec nos engagements de maîtrise des finances publiques, que j'ai réitérés ce matin même devant nos partenaires de l'Eurogroupe. Son coût est estimé, comme je vous l'ai dit, à environ 300 Meuros à terme.
Ce projet de loi de modernisation de l'économie consolide le socle de notre stratégie économique. Celle-ci vise essentiellement, vous l'aurez compris, là où il y avait des blocages et de la pesanteur, à offrir un véritable tremplin à tous ceux qui ont l'envie d'entreprendre, le goût du risque, le sens de la compétition. C'est la même la logique qui inspire depuis près d'un an nos réformes économiques ; une logique de création de valeur et de compétitivité. Ma formule pour la croissance, c'est : productivité, employabilité, attractivité.
Les gains de productivité, nous les obtiendrons à la fois par le développement de l'innovation - c'est tout le but de la réforme du crédit impôt-recherche, qui fait désormais de la France le pays le plus compétitif de l'OCDE pour l'investissement en R&D - et par une meilleure organisation du travail - ce à quoi concourent le dispositif des heures supplémentaires ainsi que la réforme du contrat de travail.
L'employabilité, elle passait d'abord par la fusion de l'ANPE et des Assédic, qui rendra plus simple et plus efficace le marché de l'emploi, en créant une plate-forme unique, modernisée et opérationnelle, pour les entreprises et les demandeurs d'emploi - que je préfère d'ailleurs appeler des « candidats à l'emploi ». J'ai également lancé la réforme de la formation professionnelle : les consultations des partenaires sociaux sont en cours, avec comme objectif d'aboutir à une loi avant la fin de l'année.
Quant à l'attractivité, cela doit rester une de nos premières préoccupations, car c'est la clé du succès de notre pays dans une économie mondialisée. Nous aurons l'occasion de proposer, dans le cadre des réformes de notre fiscalité sur lesquelles je travaille, des mesures significatives pour faire de la France un pays toujours plus attractif pour l'activité économique et la localisation des emplois.
L'été dernier, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat a permis, en anticipant les effets de la crise internationale, de redistribuer du pouvoir d'achat aux nombreux Français qui veulent travailler plus : les heures supplémentaires sont aujourd'hui utilisées par 6 entreprises sur 10, selon les derniers chiffres pour le mois de mars 2008. Demain, la loi de modernisation de l'économie permettra de libérer de nouvelles énergies et d'actionner les forces de la concurrence.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 4 juin 2008