Conférence de presse conjointe de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, et de Mme Rama Yade, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et aux droits de l'homme, sur la présentation du programme pour la célébration du 60ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l'homme, Paris le 4 juin 2008.

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Texte intégral

M. Kouchner - Je vais saluer les ministères présents, mais avant tout, je voudrais saluer l'Organisation des Nations unies, représentée par Mme Afsané Bassir-Pour.
Je salue donc les ministères de l'Education nationale et de la Culture ainsi que toutes les ONG.
Je remercie les collectivités locales, les entreprises et en particulier la FNAC, les institutions comme la HALDE, l'Organisation internationale de la Francophonie et je voudrais bien sûr saluer Stéphane Hessel, grand témoin de la célébration du 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.
Nous nous sommes posé la question pourquoi célébrer spécialement le soixantième anniversaire ?
Nous pourrions le fêter tous les ans, mais qu'y a-t-il de nouveau dans cette célébration d'un événement tout de même déjà ancien ? Par ailleurs, que peut-on y apporter comme optimisme, comme modernité, peut-être de reprendre un peu l'information à propos des Droits de l'Homme ? Parce que, justement, cela allait peut-être de soi que les Droits de l'Homme en soient parvenus à ce tournant des soixante ans, mais un peu de lumière ne leur ferait pas de mal. Non pas que des progrès n'aient pas été accomplis entre temps, notamment sur la peine de mort, l'adoption de la Convention sur les disparitions forcées, la Cour pénale internationale, la Convention concernant les personnes handicapées, mais il y a surtout eu une déperdition du sens : comme si cela allait de soi que, dans les discussions internationales, dans les rencontres entre chefs d'Etat, dans les Accords qui sont signés, les Droits de l'Homme ne soient plus une exception mais figurent comme une évidence.
Peut-être cela explique-t-il cette sorte, non pas de dédain mais peut-être d'indifférence, par rapport au combat qui doit continuer en faveur des Droits de l'Homme.
Par ailleurs, il y a aussi un pessimisme qui règne et qui ne favorise pas l'émergence de ces préoccupations. Ce pessimisme est venu après la chute du Mur de Berlin et après cette sorte de vent de démocratie qui soufflait. Il est peut-être aussi venu de la globalisation et, sans aucun doute, du terrorisme.
Il est venu de la globalisation parce que la lutte pour les Droits de l'Homme est passée après les préoccupations immédiates de leurs défenseurs traditionnels, en particulier les pays occidentaux, les pays plus riches par rapport aux autres. Je ne dis pas que les militants dans les pays en difficultés, dans les pays en développement aient cessé leurs actions, au contraire et il faut se battre à chaque fois pour ceux qui sont persécutés.
Je pense à ce qui s'est passé pour le Tibet, je pense à l'Afrique et à bien d'autres continents. Il faut continuer, nous persévérons et il existe même, au Quai d'Orsay, des structures spécialisées pour la défense des personnes arrêtées, inquiétées ou menacées.
Je crois que la caractéristique de ce temps, c'est qu'il existe une angoisse qui vient des pays les plus riches. Cette globalisation, cette mondialisation, cette émergence d'un progrès - parce que c'est un progrès que l'Afrique se prenne en charge, qu'il y ait plus de croissance que l'on ne le croit en Afrique, qu'il y ait une avancée notable dans les pays d'Asie - s'accompagne d'une inquiétude dans les pays occidentaux.
C'est tout à fait clair : si nous partageons, nous partagerons plus du côté de la richesse vers la pauvreté que dans le sens contraire.
Cet état de fait n'a peut-être pas permis suffisamment de constance dans ce combat pour les Droits de l'Homme. A l'occasion du soixantième anniversaire, nous avons un projet que Rama Yade a confié à François Zimeray, notre ambassadeur en charge des Droits de l'Homme, qui consiste à organiser des célébrations qui vont dans le sens de la nécessité de saisir cette flamme, de la passer aux générations qui se succèdent pour raffermir nos certitudes par rapport à ce combat nécessaire.
C'est tout le sens de ce soixantième anniversaire. A côté de la globalisation, il y a une autre préoccupation, qui date seulement de quelques semaines mais que nous aurions pu anticiper et qui correspond à ce qui s'est passé hier à Rome, c'est-à-dire la préoccupation alimentaire. Nous parlons des Droits de l'Homme, il faut en parler et continuer le combat. Les Droits de l'Homme accompagnent la démocratie, la démocratie et les Droits de l'Homme sont évidemment mêlés, complémentaires. Il n'empêche qu'il y a maintenant une préoccupation, pour près d'un milliard d'individus, qui est de savoir si, en se levant le matin, ils parviendront à manger en fin de journée. Ce n'est pas sans rapport avec les préoccupations des militants des Droits de l'Homme.
Il y a, en effet, eu les droits que nous célébrons, il y a eu cette formidable déclaration universelle, il y a eu le combat mené après la guerre qui concernait surtout les droits politiques. Il s'est maintenant ajouté - et nous pouvons en parler, Rama Yade en parlera - les droits sociaux. Le droit à manger à sa faim, le droit à l'existence et c'est pourquoi il nous semble qu'il est tout à fait nécessaire de relancer ce mouvement. Je ne dis pas du tout - nous les avons encore reçues hier - que les associations ne soient pas capables de cela, mais c'est une globalisation si je puis dire - après l'avoir un peu décriée - de la préoccupation concernant ce que René Cassin appelait la "famille humaine".
Voilà pourquoi il faut, au contraire, célébrer, mais pas seulement, l'universalité. L'universalité est en même temps la nécessité d'en faire un choix politique permanent pour soi-même. Les militants dans les associations ne dépendent pas, comme ceux des partis politiques, seulement d'un mouvement collectif, ni d'une conscience personnelle que je salue une fois de plus ici.
Cette conception exigeante, nous voulons la défendre et nous voulons continuer à faire de nos ambassades des Maisons des Droits de l'Homme.
Rama Yade va vous parler de notre démarche pour ce soixantième anniversaire et François Zimeray complétera cette présentation.
Mme Yade - La Déclaration universelle des Droits de l'Homme est célébrée chaque année le 10 décembre, qui est le jour des Droits de l'Homme. Le 10 décembre 2008 nous célébrerons le Soixantième anniversaire de la Déclaration.
C'est un événement important parce que, comme l'a indiqué Bernard Kouchner, le Soixantième anniversaire de cette Déclaration universelle des Droits de l'Homme sera porté par la France, parce que, l'un de ses auteurs importants, l'un de ses inspirateurs a été un Français, René Cassin.
C'est pour cela que la France se doit d'être à l'avant-garde de ces commémorations qui ne doivent pas être, évidemment, des moments figés, mais qui doivent donner une impulsion politique sur la question des Droits de l'Homme. C'est une question qui est un peu malmenée, qui l'est même beaucoup, dans certains pays, mais cela ne doit pas nous empêcher de rester déterminés sur le caractère universel de cette notion, comme l'a dit Bernard Kouchner. Ce caractère universel est aussi malmené par certains Etats qui défendent une vision plus culturelle, plus culturaliste, plus régionale des choses alors que nous estimons que, par exemple, sur la question des femmes, une Bangladeshi comme Taslima Nasreen doit avoir les mêmes droits qu'une Parisienne.
C'est cela l'universalité. C'est ne pas accepter que, pour des femmes de certaines régions, des droits soient mineurs, soient minorés alors qu'un maximum est accordé aux femmes d'Europe ou d'Amérique du Nord.
Ce coup d'envoi a été donné le 10 décembre 2007, la commémoration se terminera le 10 décembre 2008. Cela doit coïncider avec un moment important : la Présidence française de l'Union européenne. Cela pourra donc donner un peu plus de lustre à ces commémorations. Précisément, la Présidence française de l'Union européenne sera pour moi l'occasion de défendre deux projets :
- le premier concerne l'égalité homme-femme et plus précisément la lutte contre les violences faites aux femmes, à travers l'adoption de lignes directrices. Les lignes directrices est un instrument européen qui consiste à mobiliser nos ambassades françaises et européennes pour qu'elles fassent très attention à ce qui se passe dans le monde, concernant les violences faites aux femmes, avec des projets ainsi que des financements
- Le second projet que je tenterai de porter durant cette Présidence française de l'Union européenne, c'est la lutte contre l'homophobie, afin de tenter, à un niveau universel, d'amener certains Etats à renoncer à la pénalisation de l'homosexualité.
Aujourd'hui, 90 pays dans le monde considèrent que l'homosexualité est passible de peines et dans six pays, de peine de mort.
Alors évidemment, nous tenterons de porter cela à partir d'une initiative transrégionale à l'Assemblée générale des Nations unies. Nous n'aurons peut-être pas les moyens de convaincre 90 pays de renoncer à cette pénalisation, mais au moins, ce sera un premier pas.
C'est avec beaucoup de fierté que je tenterai de porter ce concept, c'est d'autant plus important que cela coïncide avec cet anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.
Par ailleurs, j'ajouterai que nous venons d'être réélus comme membres du Conseil des Droits de l'Homme, ce ne fut pas facile. Ce qui montre la fragilité des positions acquises - elles ne le sont jamais d'ailleurs - mais en même temps, nous sommes arrivés premier parmi les membres du Groupe de l'Europe occidentale réélus au Conseil des Droits de l'Homme.
Là aussi, nous avons un message d'universalité à porter et c'est dans ce contexte-là que, ainsi que le disait Bernard Kouchner, l'ambassadeur des Droits de l'Homme a été chargé, aux côtés d'un grand témoin qui se nomme Stéphane Hessel, de présider ces cérémonies, de porter ces commémorations et je vais donc lui laisser la parole afin qu'il puisse vous en parler.
Je crois qu'il y a des choses très intéressantes à dire à ce sujet, concernant ces cérémonies qui connaîtront leur point d'orgue le 13 décembre 2008.
Q - Je me demande si ce que le monde retiendra cette année, ce ne sera pas plutôt ce que sera l'attitude de la France et de l'Europe vis-à-vis de la Chine par exemple, plutôt que ces célébrations ?
R - M. Zimeray - Je peux peut-être laisser le ministre répondre à cela mais, si je peux me permettre, avec sa permission, je souhaiterai dire un mot à ce sujet.
Les Droits de l'Homme, et on l'oublie trop souvent, c'est d'abord des droits qui existent ou qui n'existent pas, qui sont appliqués ou qui ne le sont pas. Ils sont produits par des gens à Paris, à Bruxelles, à Genève, à New York et ce sont eux qui rédigent des conventions sur les disparitions forcées, sur les enfants dans les conflits armés, sur les violences faites aux femmes. Ils les négocient, ils les amendent, ils les adoptent et finalement, ils veillent à leur application.
Le travail de la diplomatie, avant toute chose, c'est d'abord cela et c'est ainsi que progressent les Droits de l'Homme, plus que par des prises de positions, des postures.
La substance du travail qui s'élabore ici est celui-là. Alors, il est nécessairement discret, il est nécessairement ingrat, il suppose évidemment de la négociation, du compromis car il faut le faire avec les autres.
Mais, comme l'a rappelé le ministre tout à l'heure, il y a eu de très grandes avancées dans les dernières années qui sont à mettre au profit de cette production de droit et de travail diplomatique extrêmement intense.
Je pense que c'est d'abord là-dessus que nous devons être jugés et attendus.
R - M. Kouchner - C'est aux Droits de l'Homme chinois de venir célébrer avec nous ce soixantième anniversaire, ce n'est pas à nous d'en profiter pour créer un Tribunal !
La position de la France par rapport à l'application et surtout aux violations des Droits de l'Homme est très connue. Dans chacun des pays, nous sommes attentifs, je l'ai dit, au respect des Droits de l'Homme et à dénoncer ces violations lorsqu'elles existent.
La position de la France par rapport à la Chine a été très clairement définie et nous n'allons pas confondre les Jeux Olympiques avec les Droits de l'Homme ! Ce n'est pas pareil. Nous nous sommes réjouis au début du dialogue entre la Chine et le Dalaï-Lama, une autre réunion doit avoir lieu dans la première quinzaine de juin. Nous verrons bien ce que disent ceux qui y participeront, c'est-à-dire les envoyés du Dalaï-Lama et les envoyés chinois. Tout le monde, les ambassadeurs de tous les pays y seront également invités.
C'est comme si vous me disiez : "Hier, à la FAO, il y avait Robert Mugabe". Certes, mais cela n'empêche pas que les problèmes alimentaires dépassent le problème de sa présence. Il faut vraiment avancer dans le sens des progrès nécessaires et indispensables. A chaque fois, c'est ce que fera la France, c'est ce qu'elle a fait, c'est-à-dire de dénoncer les violations et de tenter de prévenir, avec des moyens qui seraient efficaces et pas seulement déclamatoires, les pays où les violations de ces Droits de l'Homme ont lieu - il y en a beaucoup -.
Q - Monsieur le Ministre, quelle est la place des Droits de l'Homme dans la future Union pour la Méditerranée ?
R - La place des Droits de l'Homme est dans toutes les déclarations que nous avons faites et dans ce que nous avons proposé. C'est à la première réunion, le 13 juillet, que les choses se préciseront. Nous avons souvent parlé et de façon précise avec des personnes qui respectent plus ou moins ces principes, qui les approuvent ou qui mettent en lumière les progrès réalisés, non seulement en matière de droits culturels, mais aussi de Droits de l'Homme. Cela a fait partie complètement de notre démarche.
Vous posez une question que je connais par coeur, qui doit déboucher sur une vision plus ample. Est-ce qu'en favorisant les progrès économiques, nous favorisons l'accès à la démocratie ? Oui, je le pense. Est-ce que la démocratie suffit pour imposer les Droits de l'Homme ? Elle y participe très grandement. Est-ce que c'est suffisant ? Ce n'est jamais suffisant. Est-ce que le respect des Droits de l'Homme est plus effectif dans les pays pauvres ? Non.
Les projets sont économiques. Nous en proposerons le 13 juillet, quelques-uns seront sélectionnés, pour que commence cet approfondissement par rapport au processus de Barcelone et dont nous prenons non pas la suite mais dont nous maintenons le socle. C'est sur les progrès que nous jugerons les avancées et non pas sur les déclarations.
Je pense que cela donnera de meilleures résultats pour que les choses avancent sur le pourtour méditerranéen. Certes, cela ne se fera pas dès le 13 juillet parce que ces projets privés, publics et à géométrie variable prendront du temps, parce qu'il faudra les financer, parce qu'il faudra les mettre en oeuvre. Mais, j'espère que tout le monde répondra présent.
Q - Monsieur l'Ambassadeur a parlé de progrès dans les Droits de l'Homme, mais il y a eu beaucoup de critiques de la part des pays développés, des pays occidentaux. Si la France est toujours considérée comme une vitrine des Droits de l'Homme, ce n'est pas le cas de tout le monde en Occident.
Depuis le 11 septembre, nous avons connu une période d'arrestations arbitraires, de conditions extraordinaires, allégations de torture, de détention sans procès, je parle notamment des Etats-Unis après le 11 septembre, mais il n'y a pas que cela. Il y a l'Afghanistan, il y a la situation en Irak. Nous, les Occidentaux, nous devons faire exemple dans les pays démocratiques pour les pays moins développés. Qu'est-ce que vous pensez pouvoir faire ou est-ce que vous croyez que ce programme élaboré soigneusement va donner l'exemple et rétablir la confiance des pays en voie de développement quand ils voient les pratiques qui ont été témoignées dans les pays occidentaux ?
R - La façon dont vous posez votre question est très particulière. D'abord, la France a toujours dénoncé ces violations et puisque vous y faites allusion, celles de Guantanamo en particulier. Seulement, ne prendre que cet aspect du sujet sans parler du terrorisme, n'est pas, je crois, tout à fait convenable. Il faut parler de ces atteintes. Le terrorisme est une violation massive des droits de la personne puisque c'est une bombe jetée au hasard dans la foule, comme disait André Breton.
Bien sûr, nous le condamnons, nous l'avons toujours fait. Nous l'avons fait au moment d'Abou Ghraib puisque vous avez cité l'Irak. Nous n'avons pas participé à ce que j'appellerais la démarche américaine puisque nous avons pensé à ce moment là - ne me dites que j'ai pensé le contraire puisque c'était exactement le titre de l'article que j'ai écrit "Non à la guerre, non à Saddam" - qu'il devait s'agir d'opérations menées par les Nations unies avec l'accord du Conseil de sécurité, ce qui n'a pas été fait.
Parlons maintenant de l'avenir. Est-ce que nous allons continuer à dénoncer dans tous les pays, quels qu'ils soient, les violations des Droits de l'Homme ? Oui. Est-ce que nous sommes partisans de la peine de mort ? Non. Est-ce que nous dénonçons l'application de la peine de mort dans tous les pays du monde ? Oui. Mais nous ne dirigeons pas tous les pays, ni la Chine, ni les Etats-Unis par exemple. D'ailleurs, ces deux exemples sont assez manifestement balancés pour que vous compreniez que nous, nous avons une attitude différente. Seulement, il faut être efficace et je pense qu'autour de cette manifestation du 13 décembre, en la préparant, avec tout ce que M. François Zimeray et Mme Rama Yade ont dit, nous faisons notre travail de militants des Droits de l'Homme. Certains d'entre nous dans ce gouvernement sont des militants des Droits de l'Homme et ne changent pas d'attitude.
D'ailleurs, en recevant récemment les ONG regroupées dans le cadre de la plateforme "contrôlez les armes", nous avons, vis-à-vis de ces préoccupations, donné quelques exemples, en particulier de ce qui s'est passé il y a quelques jours à Dublin, avec la volonté de bannissement des armes à sous-munitions. Nous étions vice-président de la Conférence, nous avons proposé que les stocks de ces munitions soient détruits dans notre pays. Je crois que l'on ne peut pas mieux donner l'exemple. Ce n'est pas parfait. J'imagine qu'il y a des choses qui nous échappent et, comme vous le savez, dans la politique quotidienne, il y a souvent des glissements consentis par tous les pays du monde s'ils veulent diriger leur économie.
Le Moyen-Orient est un exemple que vous avez choisi. Nous sommes tout à fait d'accord, et un certain nombre de critiques ont été émises sur la politique de la France dans ces régions. Ont-elles été émises par des pays qui respectent les Droits de l'Homme ? Pas toujours. Doit-on dénoncer ces violations des Droits de l'Homme dans les pays qui émettent des critiques ? Oui. Une fois qu'on les a dénoncées, il faut convaincre les populations de lutter elles-même contre ces violations, cela est plus facile à faire dans notre pays que sur place.
Q - Je voudrais savoir si pendant ce temps fort de la commémoration de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, nous aurons quelques espaces pour traiter des Droits de l'Homme en France, pour aborder toutes ces questions : le droit des étrangers, les détentions, cette réforme de l'ordonnance de 1945 qui risque d'abaisser l'âge de la responsabilité pénale des mineurs, etc.. Parce que parler des autres pays, oui, mais je crois que chez nous aussi, nous avons un certain nombre de points à traiter ensemble.
R - Bien sûr. Nous ne vous avons jamais empêché de les traiter. Au contraire, nous l'avons volontiers fait avec vous. Il y aura toutes les tribunes que vous voulez, il suffit que vous en manifestiez le désir. Nous pourrons d'ailleurs organiser des débats critiques si vous le souhaitez. Je vous signale qu'à propos de l'immigration, je pense qu'il faudra que le débat soit européen. Le pacte sur l'immigration que, je l'espère, nous pourrons faire adopter au cours de la Présidence française sera un pacte européen.
Il fallait qu'il y ait une attitude commune, y compris une attitude de défense des Droits de l'Homme, d'accueil, d'intégration, de respect d'un certain nombre de conventions qui doit être européenne puisque l'espace Schengen comprend 23 pays et 21 membres de l'Union européenne. Le débat sera lancé tout au long de la Présidence française. Il est lancé depuis longtemps, un texte circule déjà et il sera amendé car il n'est pas parfait. Dans l'Europe, il faut absolument que les 27 pays en attendant l'application du Traité de Lisbonne, soient d'accord. J'espère qu'ils seront d'accord sur ce pacte sur l'immigration. Nous verrons bien, mais les choses avancent très bien en ce sens.
Ce qui sera plus difficile, c'est évidemment le droit d'asile, puisque c'est une tradition que nous connaissons bien, que nous respectons au mieux même si ce n'est pas parfait, que les pays du Nord respectent, que les pays de l'Est ne connaissent pas du tout. Les 27 représentent exactement non seulement la même voix mais le même respect pour les petits pays comme pour les grands. La Présidence française ne sera pas une présidence arrogante. Nous n'allons pas leur dire qu'ils n'ont pas le droit de s'exprimer parce qu'ils sont de nouveaux venus. Il y a, sur le droit d'asile en effet, des divergences assez importantes. Sur le reste, toutes les propositions seront les bienvenues. Nous pourrons organiser, avec vous si vous le souhaitez, des débats sur les droits des enfants, sur les droits des adultes. Nous avons six mois.
Q - Pour suivre ce que vous disiez, il y a une centaine de médecins qui dénoncent l'inaccessibilité pour les étrangers à la santé parce qu'il faut passer par des médecins agréés, agrément donné par les préfectures. La santé, n'est-ce pas le premier Droit de l'Homme ?
R - Non. Parce que sinon ils sont tous les premiers. C'est un des Droits de l'Homme mais la santé, dès que vous fumez une cigarette vous n'y avez plus droit. Le droit à la santé est un concept un peu compliqué. On a droit aux soins. Il faudra, en effet, élargir le champ de cette définition du droit à la santé, qui est un des droits sociaux évident.
En ce moment, il n'est pas respecté dans près de 130 pays des 196 que compte le monde. Si l'on évoque la France, vous avez raison c'est plus facile, c'est tout de même l'un des meilleurs systèmes de santé du monde sinon le meilleur. On peut très bien critiquer ce système, le sort fait aux étrangers, le fait qu'il faille aller chez des médecins particuliers.
Nous avons beaucoup lutté pour que les étrangers, même en situation d'illégalité soient pris en charge dans les hôpitaux et jusqu'à présent, dans une directive qui ne date pas de ce gouvernement mais du gouvernement précédent, les choses ont plutôt été arrangées dans presque tous les cas. De la même façon, nous nous sommes opposés complètement à l'expulsion des étrangers illégaux en situation d'exigence thérapeutique, en particulier à propos des personnes atteintes du sida.
Il faut qu'en France, clandestin ou pas, on puisse être soigné. On répond donc qu'un certain nombre de personnes viennent se faire soigner en France parce qu'elles ne seront pas expulsées. C'est une critique sur cette démarche qui est réelle. Moi j'ai toujours pensé qu'il fallait soigner les gens même si on ne peut pas soigner - comme le disait Michel Rocard, mais il faut continuer la phrase jusqu'au bout, on ne peut pas soigner tous les malades du monde nous-mêmes. Cependant quand ils sont là, il faut le faire, du moins c'est mon sentiment.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 2008