Texte intégral
Si l'on en croit les statistiques officielles, ils représentent environ 15 % des effectifs des trois fonctions publiques. Un peu moins à l'État (11 %), un peu plus à la Territoriale. Et pourtant on n'en parle pas ; impossible ou quasi-impossible de les faire prendre en compte dans les discussions, concertations ou négociations : l'agenda social annoncé par le Premier ministre pour la fonction publique les ignore ; tout comme le rapport Pochard sur la condition enseignante ; tout au plus peut-on en traiter par la bande ou à l'occasion du toilettage de quelques textes. De qui s'agit-il ? Bien évidemment des non-titulaires, contractuels et vacataires.
Lorsque l'on pense fonction publique, on pense immédiatement sécurité de l'emploi, stabilité, pérennité. Et pourtant la précarité existe dans la fonction publique et pas seulement à doses homéopathiques. Et pourtant nous avons le sentiment que les choses se sont dégradées en la matière ; que non seulement il y a permanence de la précarité mais que les précaires d'aujourd'hui sont encore plus précaires, plus taillables et corvéables, plus mal payés et plus ignorés.
Du côté des gouvernements successifs on a fait comme si le vote de la loi créant les CDI avait réglé le problème : il ne suffirait plus que de toiletter les textes d'application pour enlever quelques malheureuses scories.
Pourtant les textes qui permettent de recruter successivement des non-titulaires n'ont pas été touchés : le robinet reste grand ouvert. Et la Lolf nous semble avoir en la matière des effets qui mériteraient d'être mesurés mais qui nous paraissent redoutables : la tentation est grande pour les gestionnaires de recourir à des précaires pour se donner des marges de manoeuvre, encore plus grandes dans un contexte de réduction et d'incertitude budgétaires. Et ce sont les mêmes phénomènes qui produisent ces nouveaux précaires encore plus démunis de droits et plus mal traités : multiplication des contrats de dix mois pour éviter toute transformation en CDI, vacataires se substituant aux contractuels avec- bien sûr - moins de droits, rémunérations de plus en plus individualisées et arbitraires...
À cela s'ajoutent les multiples « emplois aidés » relevant du « traitement social du chômage » qui produisent auprès des employeurs publics un véritable « effet d'aubaine » : au moment où ces lignes sont écrites, un vif conflit a éclaté dans les DOM sur la situation des contrats aidés dans les établissements de l'Éducation nationale : avec des personnels qui parfois de TUC en CES, CAV, CIA... sont allés d'emplois-aidés en emplois-aidés, sans jamais avoir la formation ou l'aide à la validation de l'expérience voire l'aide à la recherche d'emploi qu'impliquait leur situation ; des personnels qui sont devenus indispensables pour faire fonctionner les établissements et que l'on licencie sans autre forme de procès parce qu'ils ont fait leur temps, qu'ils doivent laisser la place à d'autres ou que les crédits sont supprimés. Et, - hypocrisie supplémentaire - ils subissent la fiction d'un employeur théorique qui n'est qu'un écran pour l'employeur réel qu'est l'État.
Ainsi celui-ci, au lieu d'être exemplaire comme il devrait l'être, ne se comporte pas beaucoup mieux que certains employeurs parfois qualifiés de « patrons voyous ».
Les conséquences de cette situation, ce sont d'abord les intéressés qui les subissent : payés souvent à peine de quoi survivre, sans la moindre perspective de carrière (le ministère de la Fonction publique a pris soin pour les contractuels de récuser tout ce qui pouvait se rapprocher d'une carrière), contraints à d'incessants allers-retours entre l'ANPE et leur employeur, alors qu'ils répondent souvent à des besoins permanents, ils sont encore plus que d'autres soumis à l'arbitraire. Comment lorsqu'on est jeune se projeter dans l'avenir ? Comment construire des projets ? Comment préparer des concours quand on doit se battre pour vivre au jour le jour ? Comment s'insérer efficacement dans une équipe lorsqu'on n'a aucune garantie sur la pérennité de son emploi, lorsqu'on est à la merci de l'arbitraire ou des coupes budgétaires ? Nos collègues s'y efforcent et les réactions des équipes lorsqu'ils sont licenciés montrent qu'ils y réussissent souvent, mais c'est une situation dommageable pour tous, y compris les usagers.
Et pour ces mêmes raisons, l'existence de cette précarité ne répond en rien aux besoins des services publics : si les gestionnaires peuvent penser y trouver dans l'immédiat leur compte, c'est un très mauvais calcul pour l'avenir.
L'existence d'une fonction publique de carrière, la distinction du grade et de l'emploi, la garantie de l'emploi sont autant de conditions pour bien répondre aux exigences du service public : pérennité, égalité de traitement, qualification, indépendance des agents par rapport aux intérêts particuliers... Des personnels titulaires stables sont aussi indispensables pour ce qui doit caractériser aujourd'hui le travail dans les services publics : le collectif, la collaboration, la coopération.
Nous avons depuis des mois demandé que l'on prenne à bras-le-corps cette question et que l'on ouvre une négociation spécifique sur cette question. En vain.
Pourtant les voies existent et nous avons des propositions : d'abord donner aux précaires actuels des garanties individuelles de réemploi et faire en sorte que les employeurs publics se comportent comme des employeurs exemplaires ; ensuite, discuter des moyens - sans doute divers en fonction des situations -, pour faire accéder ces personnels à un statut de titulaires ; et complémentairement limiter les possibilités légales et réglementaires de recruter des précaires. Bien évidemment, cela nécessite une politique de l'emploi public qui réponde aux besoins et se donne parmi ses objectifs celui de résorber la précarité : et c'est peut-être là que réside l'explication du refus persistant de traiter du problème.
La FSU a organisé, le 12 mars, une journée destinée à mettre en avant cette précarité et ses problèmes. Qu'on ne s'y trompe pas : nous avons de la suite dans les idées et s'il est une question que nous n'oublierons pas, c'est bien celle-là.Source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 30 mai 2008