Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, C. Albanel.
Bonjour, J.-M. Aphatie.
La Commission Copé, qui réfléchit au financement de l'audiovisuel public, se réunit aujourd'hui ; et c'est la première fois depuis que le président de la République qui était à votre place sur RTL, mardi dernier, a catégoriquement exclu toute augmentation de la redevance pour financer la perte des ressources publicitaires. Pourtant, cette solution, la Commission Copé l'envisageait. Quelle est la crédibilité d'une commission quand elle est ainsi désavouée par le chef de l'Etat, C. Albanel ?
Vous savez, c'est une commission qui travaille depuis février, qui travaille bien, je crois avec acharnement. Il reste d'ailleurs à peine une vingtaine de jours avant la fin de cette commission. Elle a ouvert, elle a fait des préconisations : la suppression de la pub à 20 heures, elle a évoqué des réformes de structure, de France Télévision qui sont tout à fait intéressantes ; et elle a ouvert effectivement des pistes de financement. Dont la redevance ! Oui, mais qu'est-ce qu'elle a dit ?
Et le chef de l'Etat a dit : "Pas question !"
Oui mais qu'est-ce que dit la Commission Copé ? Elle a dit : au fond, il y a trois façons de financer réellement l'audiovisuel public, sachant qu'il manque à peu près 450 millions avec cette suppression partielle de la pub. Ces 450 millions, on peut les trouver de plusieurs façons. Et elle a ouvert, en effet : la première façon c'était la redevance massivement, une augmentation massive ; la deuxième, effectivement, c'est un mélange des taxes sur les Télécom, plus sur les chaînes privées. D'ailleurs, dans les trois solutions, il y a une taxation des chaînes privées qui vont bénéficier du transfert.
On va en reparler.
Et dernière solution : taxation de l'électronique grand public, je ne sais pas quoi : les écrans télé, etc. Donc, ça veut dire que dans les trois cas, on trouve les 450 millions. Je crois que c'est la chose importante. Ca veut dire qu'il y a possibilité de financer, et il y a volonté de financer.
N'est-ce pas maladroit de la part du chef de l'Etat de fermer une porte alors que la Commission n'a pas encore rendu ses conclusions ?
Vous savez, le chef de l'Etat, bon, il était interrogé... Depuis le début, il est contre l'augmentation de la redevance. Tous les professionnels souhaitent l'augmentation de la redevance mais les Français ne la souhaitent pas. Bon. On est en plein problème de pouvoir d'achat aujourd'hui, donc la position c'est de dire : il faut financer mais sans augmentation de la redevance. Après, J.-F. Copé a dit qu'il y avait un peu d'augmentation de coût de la vie, qu'il ne fallait peut-être pas que la redevance baisse, ça c'est encore un autre débat. Mais sur l'augmentation, clairement la position du chef de l'Etat c'est non depuis le début, en réalité.
Et donc, c'est la vôtre aussi ?
Et ce n'est pas pour autant...
C'est la vôtre aussi, C. Albanel ?
Ah, je ne vais pas avoir une autre position évidemment que celle du chef de l'Etat.
Est-ce que vous êtes favorable, pour être très précis, à l'indexation de la redevance sur l'inflation ?
Je pense qu'il faut en parler, c'est ce que J.-F. Copé disait qu'évidemment, s'il y avait l'inflation et qu'elle n'augmentait pas, la redevance baissait.
Quand vous dites qu'il faut en parler, ça veut dire que vous y êtes favorable ?
Ca veut dire qu'il faut en parler. Je ne peux pas dire davantage pour l'instant.
Vous ne voulez pas vous avancer plus ?
Non, absolument pas parce que je crois qu'il va y avoir une discussion avec le Président, avec le Premier ministre, il faut trancher. Mais ce qui est sûr, c'est qu'il faut que les financements soient là. Et ils seront là, je vous assure.
Ils seront là quand ?
Ils seront là pour 2009. On était en train de parler de quoi ? On parle du budget 2009. On sait que c'est là qu'il faut qu'il y ait effectivement ce qui était prévu dans le contrat, c'est-à-dire les 800 millions d'euros. Voilà.
Vous dites : la Commission Copé préconise la suppression de la publicité à partir de 20 heures, à partir du 1er septembre 2009. P. Santini, PDG de France Télévisions Publicité, dans "Stratégie", la semaine dernière : "Il est difficile de n'avoir à commercialiser que la journée en publicité parce que c'est grâce au soir que l'on vend la journée. Il faut des tracteurs pour drainer l'audience ; et là, c'est comme si on n'avait plus de remorque". On ne l'écoute pas, P. Santini, on n'écoute pas les professionnels de la publicité ?
Ecoutez, on peut aussi regarder le modèle allemand, par exemple, où il n'y a pas de publicité le soir, justement à partir de 20 heures.
Mais on n'est pas en Allemagne ! On est en France.
Non, on n'est pas en Allemagne, mais moi je crois qu'on peut aussi inventer un modèle où effectivement il n'y aurait pas de publicité à partir de 20 heures avec donc une liberté dans le choix des programmes, avec peut-être justement de l'audace, avec des horaires différents, avec des programmes à 20h35 ; et la deuxième partie à 22h15, en voyant ce qu'on voyait d'habitude à 1 heure du matin. Je crois qu'on peut inventer et avoir, en effet, de la publicité quand même dans la journée. Voilà. Et être tout à fait aussi grand public.
On invente mais France Télévisions, c'est 11.000 salariés qui sont dans l'incertitude, aujourd'hui. Vous comprenez leur angoisse ?
Mais bien sûr, je la comprends tout à fait. D'abord, je crois que les pistes qui ont été ouvertes c'est plus que des pistes. Ca veut dire : on veut financer, ça veut dire : il y a des moyens de financer, et nous le ferons. Après, il va être dit précisément : comment ? C'est-à-dire : est-ce que c'est 0,7% - 0,8% sur les télécoms, par exemple. Des choses de ce genre. Des ajustements. Mais sur la volonté, elle est claire.
Les dirigeants des chaînes privées vous ont écrit : TF1, M6, Canal Plus. Ils refusent la taxation, je les cite, "préjudiciable et illégitime. Elle ne servirait, vous ont-ils écrit qu'à compenser la mauvaise gestion structurelle de France Télévisions". Que leur répondezvous, C. Albanel ?
Vous savez, l'enjeu général, aujourd'hui, c'est de renforcer l'ensemble du secteur. Il faut qu'on ait un audiovisuel public capable de se financer, et je vous assure qu'il sera en situation. Il faut qu'on ait...
Et les chaînes privées seront taxées ?
... Et il faut qu'on ait des chaînes privées... Mais oui, elles vont avoir des transferts. De toute façon, elles vont avoir des transferts de pub ; donc il est logique qu'elles contribuent naturellement d'autant plus qu'elles vont avoir aussi l'ouverture de nouvelles fenêtres de publicité. Pourquoi ? Parce qu'on est dans un système qui est quand même complètement "corseté", qu'on ait dans un paysage complètement différent, qu'il y a l'Internet, qu'il y a les chaînes TNT aujourd'hui et que les chaînes privées historiques ont aussi besoin de se développer. Et qui va en profiter ? Vous savez, c'est aussi les producteurs, ce sont les auteurs. Parce qu'un secteur audiovisuel qui a justement des moyens, c'est un secteur audiovisuel qui peut aussi soutenir Production et Création, puisque les deux sont étroitement liés.
Vous y avez référence, C. Albanel. Vous venez d'annoncer que vous étiez favorable à une deuxième coupure de publicité dans les films pour les chaînes privées. Donc, ce seront des ressources supplémentaires pour eux. H. Chabalier, PDG de l'agence Capa, disait ceci dans le "Journal du Dimanche" : "Le moment choisi pour faire cette annonce d'une deuxième coupure publicitaire est regrettable. Les personnels de France Télévisions vont finir par se dire qu'on se fout de leur gueule. C'est d'une maladresse incroyable, à la limite de la malveillance." H. Chabalier siège dans la commission Copé. C'est violent comme attaque ?
Je regrette vraiment ces propos d'H. Chabalier que, par ailleurs, j'estime beaucoup. On est face, je crois, à une transformation assez complète du secteur. Tout l'audiovisuel public va évoluer, tout le monde le sait, ça va être annoncé vraiment, on voit bien, dans les semaines qui viennent ; et on voit déjà les grandes directions ; et tout le reste va également évoluer, c'est-à-dire qu'il faut que ces transferts de publicité puissent aussi trouver tout simplement plus de fenêtres pour exister. Et ça va apporter plus de ressources. Et les transferts, ça sera aussi en direction des chaînes de la TNT, ça sera aussi je l'espère de tout coeur, en direction de la presse écrite, qui est encore un autre sujet, et autour de laquelle seront organisés des états généraux.
Vous n'avez pas joué à l'apprenti sorcier en déclarant, d'un coup, comme ça, violemment, brutalement, la fin de la suppression de la publicité sur le service public ?
D'abord, le président de la République l'a annoncée le 8 janvier, tout le monde le sait. Je crois que c'est une réforme et on voit bien d'ailleurs l'émotion...
Il l'a annoncée sans en parler à grand monde, de manière spectaculaire.
Sans en parler à grand monde, tout à fait ; mais on voit bien que c'est une réforme structurante, probablement la plus forte depuis 1986.
Vous avez entendu, A. Duhamel, C. Albanel ?
Oui, j'ai entendu A. Duhamel.
R. Dati est assez sévèrement mise en cause à la fois pour son jugement fluctuant sur le jugement de Lille et aussi on attitude, hier, à l'Assemblée nationale.
Vous savez, c'est vraiment une affaire très complexe. Et A. Duhamel a rappelé ce contexte naturellement religieux. Je crois que c'était très juste. Il est certain que c'est gênant de se dire qu'en France, la non virginité puisse être un motif d'annulation de mariage, même si elle faisait partie quelque part d'un contrat religieux, dirais-je, dans un contexte religieux. C'est très, très gênant parce que ça peut ouvrir la porte à toutes sortes de choses et à une espèce de façon d'aller sur le terrain, le terrain éthique, le terrain religieux de l'autre. Et on n'est pas prêt à ça.
Et quand votre collègue de la Justice, hier encore à l'Assemblée nationale, disait que ce jugement pouvait protéger la jeune femme ?
C'est-à-dire... C'est vrai que c'est peut-être la façon la plus, comme le disait A. Duhamel, la façon la plus discrète, la plus rapide de sortir d'une situation ; mais ça crée un précédent et ça crée une situation qui est pénible pour toutes les femmes de France.
C. Albanel, qui veut innover à propos du financement de l'audiovisuel public, était l'invitée de RTL ce matin. Bonne journée.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 4 juin 2008