Conférence de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur les conséquences du rejet irlandais du Traité de Lisbonne sur la poursuite du processus de ratification dans l'Union européenne, le renforcement du partenariat européen avec Israël et les pourparlers de paix au Proche-Orient, le nucléaire iranien, Luxembourg le 16 juin 2008.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Nous respectons le vote des Irlandais, je dirais même nous sommes tous des Irlandais. Nous sommes déçus mais nous devons, d'abord, donner du temps aux Irlandais pour qu'ils comprennent les raisons de ce vote "non" au référendum sur le Traité de Lisbonne et pour qu'ils nous offrent - ils le feront dans un avenir assez proche - un certain nombre d'explications qui viennent de leur propre réflexion.
Cela n'est pas un drame, ce n'est pas un tremblement de terre, c'est une défaite pour ceux qui croient que le Traité de Lisbonne était tout à fait nécessaire, mais on ne peut plus parler de la même façon des institutions que l'on en parlait il y a une génération. Les générations se succèdent et ne sont plus les mêmes. L'évidence européenne n'est plus la même et, je le crois profondément, il y a un refus de la globalisation dont pâtit l'Europe. Il y a une anxiété qui se reporte sur l'Europe. Il y a une déception qui se reporte sur les gouvernements qui modèlent l'Europe, sans informer suffisamment leur peuple. Nous sommes tous responsables, je ne parle pas du gouvernement irlandais, mais de tous les gouvernements qui n'ont pas su faire aimer l'Europe, la rendre attractive.
Alors que faut-il faire ? Il faut - c'est ce que nous diront les Irlandais ce soir - continuer le processus de ratification. Nous verrons bien s'il faut des textes. Mais il faut aussi agir, offrir - en informant - de quoi nourrir l'imagination, de quoi apaiser l'anxiété des peuples européens. Cela signifie aussi que l'Europe ne se résume pas à un problème institutionnel. Je ne cesse de répéter que l'institution ne semble pas attractive, ne semble pas proche des citoyens européens.
L'Europe est une solution, il faut la rendre populaire, c'est ce que nous allons faire. Cela prendra le temps qu'il faudra. Il était très intéressant d'entendre notre ami le ministre irlandais des Affaires étrangères, puis tous les ministres des Affaires étrangères ont pris la parole et c'était nécessaire.
Q - Qu'est-ce qui fait la différence avec le "non" français ? Pourquoi il y a quelques années on n'a pas demandé aux Français et aux Néerlandais, il faut aujourd'hui continuer et attendre que les Irlandais proposent des solutions ?
R - D'abord je n'ai jamais dit qu'il fallait que les Irlandais revotent. C'est vous qui l'avez dit. Moi, j'attends les explications, et le temps suffisant pour que les Irlandais reviennent vers nous. Rien dans le Traité de Lisbonne n'indique comme impératif la fin des ratifications si un pays a voté "non", rien ! Pour le moment tout continue avec un fardeau supplémentaire, c'est un obstacle comme il y en a eu beaucoup et ceux qui sont là depuis longtemps ont surmonté d'autres difficultés, mais avec le respect absolu du vote irlandais. Nous n'allons pas nous arrêter parce qu'il y a ce "non" au référendum irlandais sur le chemin. Avec le premier sujet de la Présidence française concernant le pacte sur l'immigration, nous n'allons pas nous arrêter, nous avons commencé il y a trois mois, nous allons continuer, et d'ailleurs c'est le souhait des Irlandais.
Q - Que dit le ministre irlandais ?
R - Je vous laisserai l'entendre, je ne peux vraiment pas parler à sa place. Si nous respectons le vote du peuple irlandais, nous respectons aussi sa parole. Il vous parlera ce soir, c'est lui qui vous le dira.
Q - Que va faire le Conseil européen ?
R - C'est un débat que nous avons eu. Est-ce nécessaire d'être aussi rapide pour donner des indications ? Nous verrons bien. La discussion a été très riche mais il n'y a pas eu de décisions, d'ailleurs ce n'est pas à nous, ministres des Affaires étrangères, de prendre la décision pour les chefs d'Etat. Nous nous retrouverons dans la même formation jeudi soir et parallèlement, les chefs d'Etat se rencontreront aussi jeudi soir.
Q - Regrettez-vous vos propos d'il y a une semaine disant que les Irlandais finalement seraient les premières victimes d'un rejet ?
R - Je n'ai pas dit cela, j'ai dit : "Si l'on devait voter, ce serait quelque chose de surprenant car il y a des personnes qui veulent entrer dans l'Europe et d'autres qui y étant ne s'y sentent pas bien". Cela n'a rien à voir avec ce que vous avez dit, il faut reprendre toutes les phrases. D'autre part, je ne me sens pas coupable d'avoir dit cela, ni coupable ni comptable de rien du tout. Les Irlandais ne me considèrent ni coupable ni comptable.
Q - Allez-vous poursuivre avec la fonction du président du Conseil européen ?
R - Mais comment cela ? Bien sûr que oui. Nous avons même produit ce matin des calendriers de la Troïka c'est-à-dire des trois pays qui vont se succéder sur 18 mois. Tout ce que nous entendions faire maintenant, il faudra un petit peu le modifier parce que les choses ont changé, mais le travail continue. Ce matin, nous avons présenté un calendrier.
Q - Je parlais de la présidence fixe prévue dans le Traité de Lisbonne.
R - Evidemment cela va être modifié, il y aura quelques corrections mais laissez-nous vivre. On ne va pas vous dire cela maintenant, il y aura quelques modifications par rapport à la présentation du programme des 18 mois. Nous les ferons mais nous avons été aussi surpris que vous. C'est un accident de parcours, c'est une déception, surtout pour les Irlandais, ils le disent eux-mêmes, mais il faut continuer.
Q - Sur les sanctions à l'égard de Cuba ?
R - Il y avait tellement de sujets ce matin que nous avons repoussé la discussion à jeudi.
Q - Et quelle est votre position ?
R - Je vous le dirai jeudi. Personnellement je suis favorable mais attendons je ne suis pas tout seul.
Q - Il y a des problèmes sur l'adoption de relations renforcées avec Israël ?
R - Non, je crois que cela aura lieu ce soir. C'est décidé et cela a été voté ce matin.
Q - Enfin on va y aller quand même très doucement ?
R - Non pas du tout, qu'est-ce qui vous fait dire cela ? Il y a un texte très clair que tout le monde a accepté.
Q - Sur la réaction des pays arabes ?
R - Il faudra que les pays arabes s'y fassent, surtout qu'ils demandent eux aussi en général des partenariats et des partenariats renforcés que nous leur accorderons forcément. Personne n'ignore qu'il y a un processus de paix qui nous importe beaucoup. Dans l'Union européenne, nous y sommes très attentifs. Non seulement nous sommes très attentifs mais nous avons donné beaucoup de moyens, nous souhaitons que cela marche, mais cela n'a pas empêché que ce partenariat renforcé soit voté.
Q - inaudible
R - Je comprends qu'il y ait un certain nombre de pays arabes, qui l'ont fait savoir bien entendu, en particulier à propos des colonies. Mais à ce propos nous avons souligné la décision de M. Olmert qui ne nous a pas semblé productive sur 884 colonies supplémentaires. D'ailleurs Mme Condoleezza Rice l'a fait hier en des termes très forts, l'Europe pense la même chose. Nous souhaitons que le processus de paix se poursuive et qu'il y ait le moins d'obstacles possibles. Cela n'a pas empêché cette décision d'être prise ce matin.
Q - Avez-vous adopté des sanctions contre l'Iran ?
R - Pourquoi êtes-vous tellement pressés ? Hier, M. Solana a porté la lettre à Téhéran et il est rentré ce matin. Nous avons eu beaucoup de travail. Je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait autant de sujets à l'ordre du jour mais nous étions forcés par les évènements parce que sur des sujets comme ceux-là il faudrait avoir des heures et des heures de discussion. Il n'empêche que nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt la façon dont il a porté la lettre au gouvernement de Téhéran et la façon dont le dialogue avec les Iraniens s'est noué. C'était intéressant d'écouter une impression, qui n'était pas négative, de la part de M. Solana.
Q - La République tchèque a-t-elle dit qu'elle allait ratifier ?
R - Je crois qu'il faut demander à chacun des pays, avec des circonstances différentes. Je ne suis pas chargé de vous parler des Tchèques, je vous dis que le processus continuera.
Q - Vous dites que cela prendra du temps ?
R - Il est impossible de vous répondre maintenant. C'est encore récent, surtout ne nous précipitons pas pour apporter des solutions qui n'en seraient pas, pour porter des jugements qui seraient extrêmement déplacés surtout de la part de la France pour les raisons que vous avez dites.
Q - (inaudible)
R - En tout cas, il y a un accord pour ne pas arrêter le processus de ratification. Chacun a ses problèmes, chacun peut vous les expliquer. Il y a un certain nombre de pays qui n'ont pas encore ratifié, qui se posent la question de la date à laquelle procéder. Je ne veux pas parler pour eux, nous avons décidé comme c'était pressenti de poursuivre le processus de ratification.
Q - Qu'allez-vous faire pour rapprocher la Serbie de l'Europe ?
R - Nous avons six mois et nous poursuivons sur cette volonté de voir la Serbie se rapprocher de l'Europe, nous souhaitons qu'il y ait un gouvernement qui puisse conduire ce rapprochement et nous sommes très disposés à le faire au plus vite....Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juin 2008