Déclaration de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, à l'Assemblée nationale le 24 juin 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Monsieur le Président, 
Monsieur le Rapporteur, 
Mesdames et messieurs les Députés,
Je suis très heureux d'être ici parmi vous pour l'examen d'un projet de loi qui au fond, prépare largement nos débats à venir autour du Grenelle Environnement puisque nous y retrouvons de nombreuses questions qui ont été abordées au sein des groupes de travail puis parfois au sein des comités opérationnels en matière de responsabilité, de lutte contre les pollutions, de préservation de la biodiversité, d'indemnisation...
Les choses sont assez simples : plus nous serons exemplaires, dans notre droit, dans nos politiques publiques, plus nous serons crédibles dans les discussions à venir sur le climat, sur la consommation durable, sur l'éco-conception...
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais juste rappeler deux ou trois choses en guise d'introduction.
La loi engage une véritable révolution philosophique, économique et écologique en traduisant dans les faits un des principes essentiels de la Charte de l'Environnement, à savoir le principe dit du « pollueur-payeur ».
Pour la première fois, on reconnaît un préjudice écologique totalement déconnecté du seul préjudice économique. Pour la première fois, le droit français dit « oui, la biodiversité a un prix ; oui, elle rend des services à la collectivité ; oui, ces services doivent être dans la mesure du possible valorisés... ».
Ainsi, notre droit intègrera la prévention et la réparation de tous les dommages écologiques purs comme la pollution des sols, les atteintes à la qualité des eaux de surface et souterraines, la préservation des espèces et des habitats naturels protégés...Au fond, c'est là qu'on voit qu'avec ce texte sur la responsabilité environnementale, on se situe au coeur des problématiques du Grenelle avec la notion de juste prix écologique, de valorisation des services rendus par la biodiversité, d'équilibre entre droits et devoirs de chacun, de responsabilité, de changement de paradigme...
Parce que ce projet de loi va beaucoup plus loin qu'une simple indemnisation dans la mesure où il impose une véritable obligation de prévention et de réparation à la charge de l'exploitant dont l'activité représente une menace potentielle pour l'environnement. 
Ainsi, l'exploitant devra prendre toutes les mesures de prévention et de protection pour éviter tous les risques. En cas d'accident, son obligation s'étend jusqu'à la réparation des dommages, à la remise en état des habitats naturels, des milieux protégés, des espèces...Et puis, à défaut, le représentant de l'Etat pourra l'obliger à agir ou dans les cas les plus extrêmes, se substituer à lui.
La conséquence, c'est qu'avec cette directive, on crée un nouveau régime de responsabilité pour les dommages environnementaux les plus graves qui ne se substitue pas pour autant au droit existant qui assure déjà un bon niveau de protection et de prévention contre les dommages inévitables. C'est d'ailleurs pour cette raison que ce nouveau régime concerne uniquement les dommages qui n'entrent pas dans un régime existant.
Je pense notamment : 
- aux dommages aux biens et aux personnes, 
- aux dommages couverts par certaines conventions internationales relatives au transport maritime d'hydrocarbures ou de substances chimiques dangereuses, ou relatives aux activités nucléaires, 
- aux dommages étendus ou diffus, à savoir ceux dont les auteurs sont trop nombreux pour que la définition et la répartition de leur responsabilité soit possible.
A cette occasion, je souhaite revenir sur deux choix opérés par le gouvernement : 
- les exploitants bénéficiant d'une autorisation d'exploitation ne seront pas exonérés de toute responsabilité ; 
- en revanche, les exploitants pourront invoquer le risque de développement pour échapper à la charge financière de la réparation, sous réserve toutefois de prouver qu'il n'a commis aucune faute ou négligence.
Le texte, qui est soumis à votre examen, a atteint un équilibre que reconnaissent d'ailleurs volontiers les représentants aussi bien des professionnels que des ONG. Il pose les bases d'un dialogue constructif entre l'exploitant et l'autorité compétente, qui sera le préfet du département. Les mesures contraignantes n'interviennent quant à elles que lorsqu'on ne peut plus faire autrement pour garantir la sécurité de chacun.
Je prendrai quelques exemples dans le titre II : L'article 6 du projet de loi permet de transposer dans sa totalité, puisqu'aucune disposition réglementaire complémentaire n'est nécessaire, la directive 2005/35/CE « relative à la pollution par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions ».
Il s'agit d'un grand progrès et d'une réponse très concrète à une préoccupation récurrente et légitime de nos concitoyens, alors que l'affaire « Erika » est encore sur toutes les lèvres et dans tous les esprits.
L'article 7 comporte, quant à lui, des dispositions qui complètent la transposition de deux directives traitant du sujet tout aussi sensible de la qualité de l'air. Le volet réglementaire qui doit les mettre en oeuvre pourra normalement être publié dans des délais raisonnables.
L'article 8 apporte des compléments et des précisions cruciales pour la transposition de trois directives concernant la lutte contre le changement climatique.
L'article 9 contribue à parfaire notre transposition de la directive de 1998 sur les produits biocides et notre mise en conformité avec plusieurs règlements communautaires dans le même domaine. Là encore, on est sur un sujet où l'attente du public est très forte en matière de transparence, de sécurité, d'information, de prévention...
L'article 10 complète la transposition de la directive de 2002 sur le traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques, et introduit conformément à un règlement communautaire sur les polluants organiques persistants des sanctions pénales.
L'article 11 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter notre législation à un règlement communautaire de 2006 consacré aux transferts de déchets.
L'article 12 habilite également le Gouvernement à légiférer par ordonnance, pour adapter notre législation à cinq autres règlements, dont le très important « REACH », relatifs aux substances et produits chimiques, tels certains gaz à effet de serre fluorés, les polluants organiques persistants ou autres substances qui appauvrissent la couche d'ozone.
Ces adaptations extrêmement techniques seront vite finalisées et le Parlement sera dûment associé à leur mise en oeuvre lorsqu'il sera appelé à ratifier les ordonnances. 
L'article 13 enfin aborde le très délicat sujet de la protection des espèces et des habitats naturels envisagée par la directive de 1992 « Habitats, faune, flore ».
Nous devons rapidement nous mettre en conformité avec certaines dispositions de cette directive qui ont d'ailleurs été précisée par la jurisprudence de la Cour de justice. L'objectif est d'adapter rapidement notre droit pour éviter que la Cour, qui a été saisie le 2 juin dernier sur cette question, ne nous impose des dispositions encore plus strictes que celles recommandées par la Commission.
Monsieur le Président, 
Monsieur le Rapporteur, 
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je sais que nous travaillons un peu dans l'urgence et dans des conditions parfois difficiles mais nous devons impérativement rattraper notre retard avant le début de la PFUE.
A nouveau, je tiens à remercier vivement votre rapporteur, M. Alain GEST et la Commission des Affaires économiques qui, au terme d'un travail de consultation considérable, se sont complètement approprié ce texte tout en le complétant et en l'améliorant sur de nombreux points.
Je serai extrêmement vigilant sur l'élaboration des textes règlementaires nécessaires à l'achèvement des transpositions ou des adaptations pour concilier à la fois exigence de rapidité et de transparence.
Je vous remercie.
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 25 juin 2008