Interview de M. Xavier Bertand, ministre du travail, des relations sociales, de la solidarité et de la famille, à France Inter le 10 juin 2008, sur l'appel à la grève dans la fonction publique et les transports en commun, ainsi que sur le projet de loi sur la représentativité syndicale.

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Média : France Inter

Texte intégral

N. Demorand.- Bonjour X. Bertrand. Grève aujourd'hui en France dans les transports notamment, la fonction publique, l'école... On voyait tout à l'heure dans le journal de P. Cohen qu'il y avait des perturbations. Le climat social n'est pas très bon, monsieur le ministre des Relations sociales.
 
Un vrai changement aujourd'hui c'est qu'il y a certes des grèves dans les transports, mais que le pays n'est plus paralysé ; les Français peuvent aller travailler, ils pourront rentrer de leur travail ce soir, et même s'il y a une gêne, le service minimum aujourd'hui est devenu une réalité. Ce qui montre bien d'ailleurs que les réformes que nous mettons en place, ce ne sont pas des réformes qu'on aurait voulues par caprice, c'est pour améliorer le quotidien des Français et ça marche. On le voit aujourd'hui notamment à la SCNCF, trois syndicats ont appelé à faire grève, trois seulement, parce que l'alarme social qui amène chacun à se mettre autour d'une table plutôt que de faire grève au départ, cela a amené certains syndicats à ne pas aller dans ce conflit. Et c'est la garantie justement que les usagers auront davantage de trains, c'est ce qui se passe aujourd'hui.
 
Encore une grève, pourtant.
 
Parce que je pense qu'aujourd'hui en France, il faut bien comprendre que le Gouvernement n'a pas besoin d'avoir un mouvement de grève pour comprendre les inquiétudes ou les questions qui sont posées. On peut aujourd'hui se parler, on peut justement se comprendre sans qu'il y ait ce besoin de la grève. Et je trouve que les choses évoluent.
 
Vous trouvez cela suranné ou pas de faire grève ?
 
Je n'ai pas à qualifier la grève qui est un droit constitutionnel. Ce que je souhaite, c'est qu'on puisse se parler avant, et c'est ce qui s'est fait, notamment avec le service minimum, c'est-à-dire cette nécessité de se mettre autour d'une table, avant, pour comprendre les raisons d'une grève, et notamment ça marche à la RATP, à la SNCF. Depuis qu'on a mis cela en place, il y a beaucoup moins de conflits qui vont jusqu'à la grève.
 
Il y a un autre texte très controversé et du coup, une autre journée de mobilisation, mardi prochain : c'est sur ce fameux texte sur la représentativité syndicale, texte auquel vous avez adjoint l'idée d'une négociation entreprise par entreprise du temps de travail. Ce n'était pas dans l'accord syndical et vous mettez ça dans le texte. La CFDT vous demande de disjoindre les choses. Que répondez-vous à F. Chérèque ?
 
Pour être très clair, il y a la partie "représentativité-financement". Et sur cette partie-là, je le sais bien, il y a un accord de deux syndicats, CGT et CFDT, avec le Medef et la CGPME. Et le Gouvernement l'a dit, sur ce point-là, le Gouvernement respectera l'esprit et la lettre. Sur l'aspect "temps de travail", c'est vrai et il faut assumer les divergences, nous avons voulu aller plus loin, mais ce n'est pas une surprise, et les Français ne sont pas surpris. Nous l'avons tout le temps dit, depuis un an et demi. Personne n'est pas pris par surprise. Vous connaissez N. Sarkozy, pendant toute sa campagne électorale, il a joué carte sur table en indiquant que sur les 35 heures, nous voulions garder la durée légale du travail à 35 heures, et je ne joue pas sur les mots. C'est essentiel pour mieux payer les heures supplémentaires à partir de la 35ème heure, mais nous voulons aussi sortir du carcan des 35 heures. Comment ? Par la négociation.
 
Mais là, ce n'est pas le cas, ce n'est pas négocié.
 
Par la négociation. Où ? Dans les entreprises. Dans les entreprises. Parce que c'est là au plus près du terrain que l'on voit le mieux les choses, avec à la fois des libertés pour les salariés et les entrepreneurs, et des garanties pour les salariés. Voilà ce qu'il y a dans ce texte.
 
F. Chérèque vous demande de disjoindre les choses. Donc, vous lui dites que vous ne les dissocierez pas, vous ne les disjoindrez pas ?
 
Parce qu'il est important aussi d'avoir des règles pour passer ces accords sur le temps de travail, et quelles règles ? Celles qu'il y a dans la partie représentativité. Mais vous savez, il s'agit aussi d'être clair en ce qui concerne le Gouvernement. Je sais que sur la partie "représentativité-financement", il y a un accord entre les partenaires sociaux, et nous sommes sur la même logique que cet accord. Sur le temps de travail, nous avons aussi le droit de ne pas être d'accord sur tout. Mais il n'empêche que nous aurons demain une commission nationale de la négociation collective avec les partenaires. J'écouterai leurs remarques. J'ai déjà entendu leurs remarques, parce qu'il y a un certain nombre de questions qui étaient posées, notamment...
 
Mais est-ce que vous disjoignez, que les choses soient claires, la CFDT vous demande de dissocier les deux choses sur ce texte.
 
On va aller au fond des choses : c'est-à-dire disjoindre, cela veut dire retarder l'examen d'un des textes.
 
C'est-à-dire négocier ce qui ne l'a pas été.
 
Mais il y a un point, notamment l'article 17, mais nous le disons très clairement, nous voulons, nous, aller plus loin pour simplifier également les choses. Nous avons aujourd'hui un code du travail qui est complexe comme ça n'est pas permis. Nous pensons qu'il est possible de simplifier, avec une garantie essentielle : tout accord dans les entreprises sur le temps de travail, il faudra un accord des salariés et des représentants des salariés, c'est-à-dire pas de possibilité de changer les choses tout seul pour un chef d'entreprise. Obligatoirement un accord, c'est la meilleure des garanties.
 
Donc, vous renvoyez la CFDT dans les cordes ?
 
Ecoutez ! F. Chérèque a dit, je crois que c'était dimanche, qu'il était un syndicaliste de dialogue. Je suis un ministre de dialogue...
 
Et vous n'avez pas dialogué sur ce plan-là. Le dialogue est rompu, X. Bertrand.
 
Cela fait tout simplement six mois que le sujet est clairement sur la table et que le Premier ministre a écrit, le 26 décembre, à l'ensemble des partenaires sociaux, leur disant : "voilà ce sur quoi nous vous demandons de négocier". Reconnaissons les choses, les partenaires sociaux n'ont pas souhaité répondre aux questions que le Gouvernement a posés. Cela veut bien dire qu'ils n'ont pas l'intention d'aller aussi loin que nous, nous le souhaitons.
 
Vous invitez F. Chérèque, ce matin à venir dialoguer avec vous, sur ce point ?
 
Il sait que ma porte a toujours été ouverte, et qu'elle le sera tout le temps.
 
Citation de F. Chérèque : "l'horizon d'un syndicalisme responsable et de réforme s'éloigne. Pourquoi le Gouvernement traite-t-il le dialogue social par le mépris ? Comment le Gouvernement espèret- il avancer durant les quatre ans qui viennent en ayant rompu la confiance que nous avons tant de mal à faire vivre en France ? Avec qui le Gouvernement veut-il conduire les réformes qu'attendent les Français ?". Signé : Chérèque. La CFDT !
 
Je vous disais une chose : le même propos, pas de F. Chérèque, j'ai déjà entendu. Quand ? En novembre dernier, au moment de la réforme des régimes spéciaux où on m'avait dit : avec votre réforme des régimes spéciaux, vous cassez toute perspective de dialogue social en France. Un mois après, un accord historique entre les partenaires sociaux sur le contrat de travail. N. Demorand, le dialogue social c'est plus fort que tout, et le dialogue social, ça n'est pas fait pour faire plaisir au Gouvernement, c'est l'intérêt des salariés et des entreprises.
 
Et vous entendez le ton ?
 
Et moi, je vais vous dire une chose : je ne suis pas là, moi, pour faire de la surenchère verbale, moi je suis là pour réussir les réformes, dans l'intérêt des salariés et dans l'intérêt aussi des entreprises, parce que c'est le même intérêt. Voilà aujourd'hui, moi, ce qui m'intéresse.
 
Vous revenez, et ce sera ma dernière question, d'une négociation marathon à l'échelle européenne. Le temps de travail en Europe est fixé à combien d'heures par semaine ?
 
Il était jusqu'à hier fixé à 78 heures par semaine, et nous avons pu obtenir que ça reste à 48 heures, avec la possibilité dans certains Etats de recourir à l'up out, jusqu'à 60 heures ou 65 heures. Ça n'est pas le cas de la France. En France, c'est 48 heures aujourd'hui la durée maximale. Ça restera demain et après demain la durée maximale à 48 heures. Aucun changement pour la France, sauf que les deux textes d'hier symbolisent une relance de l'Europe sociale, avec notamment, pour les travailleurs intérimaires dans toute l'Europe, l'égalité de traitement au premier jour. Avec également un allongement des périodes pendant lesquelles les salariés, dans certains pays comme l'Angleterre, auront des garanties par rapport à cet up out. Et puis, nous en France, il y a un point qui est très important : nous avons permis aussi, j'ai fait une déclaration, hier, au nom du Gouvernement qu'à l'hôpital les règles actuelles ne changent pas ni demain, ni après demain. C'est-à-dire que le temps de garde à l'hôpital est bien considéré comme un temps de travail, pas comme un temps de repos, et nous avons dit, j'ai dit aux partenaires européens de la France, que quand on transposerait cette directive, sur ce point-là, nous garderions les mêmes règles qu'actuellement. C'est un point essentiel pour les urgentistes, c'est une garantie que nous devions apporter. C'est fait.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 10 juin 2008