Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la solidarité et de la famille, sur le bilan de la négociation en 2007 et la revalorisation du SMIC, Paris le 13 juin 2008.

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Circonstance : Commission nationale de la négociation collective à Paris le 13 juin 2008

Texte intégral

Nous sommes réunis comme chaque année à la fois pour faire le bilan de la négociation collective de l'année écoulée dans notre pays et examiner ensemble l'augmentation annuelle du SMIC.
Cette commission siège dans un contexte de réforme, mais nous n'avons pas souhaité que ce rendez-vous annuel voit son ordre du jour modifié pour intégrer les sujets de réforme, qu'il s'agisse de la représentativité et du temps de travail dont nous avons déjà parlé le 11 juin, ou des sujet dont nous allons parler le 1er juillet : la participation, l'intéressement, le SMIC et la conditionnalité des allègements de cotisations patronales (qui fait actuellement l'objet de concertations entre vous, mon cabinet et ceux de Christine Lagarde et Laurent Wauquiez.)
Aujourd'hui, comme il est de tradition, nous aborderons d'abord le bilan annuel de l'activité conventionnelle au niveau interprofessionnel des branches et des entreprises. Vous en trouverez la présentation détaillée dans le rapport de la Direction Générale du Travail.
Vous aviez souhaité l'an passé voir évoluer la méthode d'élaboration de ce bilan afin que vos analyses et vos appréciations soient prises en compte. Le bilan 2007 s'inscrit dans cette nouvelle donne, puisqu'il s'enrichit de vos contributions afin de mieux retracer, au delà du bilan quantitatif, la réalité de la négociation, celle des acteurs du dialogue social eux-mêmes. C'est un début pour cet exercice commun qui devra encore être amélioré l'an prochain. J'en profite pour adresser à tous mes remerciements car j'ai le sentiment que le bilan gagne ainsi en qualité et précision.
J'aborderai ensuite le second point de l'ordre du jour, qui sera consacré au SMIC et à l'avis de votre commission sur le projet de revalorisation envisagé par le Gouvernement.
1 - Je voudrais d'abord vous présenter le bilan de la négociation collective aux trois niveaux, interprofessionnel, de branche et d'entreprise.
1.1 S'agissant de la négociation nationale et interprofessionnelle, 2007 témoigne de la vitalité de la négociation collective et du rôle majeur du dialogue social.
Cette vitalité se manifeste par un nombre toujours élevé de textes signés - 26 accords interprofessionnels avec notamment l'accord du 12 mars 2007 sur la prévention des risques professionnels et l'ANI sur le marché du travail du 11 janvier 2008. Cet accord très important, qui est la première illustration de l'application de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, a donné lieu, vous le savez, à l'adoption de la loi de modernisation du marché du travail qui va être promulguée dans les jours qui viennent.
Dès sa publication, les textes réglementaires seront également publiés et l'accord sera quant à lui étendu.
1.2 La négociation de branche se maintient également à un niveau élevé : l'année 2007 a vu la signature de 1012 accords, soit presque le même nombre que l'année précédente (on en dénombrait 1 096 en 2006), ce qui confirme la tendance observée en 2005. Parmi ces accords, 496 ont été consacrés aux salaires qui demeurent le premier thème de la négociation, notamment grâce à l'impulsion donnée par la démarche de revalorisation des minima de branche, menée par le comité de suivi de la négociation salariale et qui a été pérennisé l'an dernier.
La négociation de branche sur les classifications a elle aussi été importante, avec 55 avenants et 11 textes nouveaux : ceci montre que le comité a atteint son objectif de peser sur l'ensemble des grilles et plus uniquement sur le premier niveau, puisque la renégociation ou la mise en place d'une nouvelle classification doit nécessairement conduire à une meilleure reconnaissance, y compris salariale, des compétences et des métiers. Le nombre d'accords portant sur la VAE témoigne aussi de cette préoccupation.
Cet effort pour moderniser le cadre conventionnel de branche et l'adapter aux nouveaux métiers et aux nouveaux diplômes trouve son prolongement dans l'adaptation des salariés aux emplois : 147 branches ont revu ou conclu un accord sur la formation professionnelle dans le cadre de l'ANI du 5 décembre 2003 et de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie. Ceci montre l'attachement des partenaires sociaux au développement des formations, notamment dans le domaine de la formation en alternance, de l'apprentissage et des contrats de professionnalisation.
Un autre thème important est celui de l'égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes. En ce domaine, si les progrès dans la négociation sont bien réels, ils restent encore trop lents, comme en témoignent le bilan de l'année 2007 et les échanges que le comité de suivi de la négociation collective a pu avoir le 9 juin dernier sur ce sujet : nous comptons 33 accords de branche (contre 19 en 2006) et six nouvelles conventions collectives en ce domaine. Certes, les négociateurs commencent à prendre en compte ce thème, mais ce mouvement doit s'amplifier. Les branches ont en effet un rôle moteur à jouer en faveur de l'égalité professionnelle et salariale, en particulier pour appuyer les négociations dans les entreprises. Je rappelle que, d'ici le 31 décembre 2009, les entreprises devront avoir mis en place, sur la base du rapport de situation comparée, un plan d'action pour résorber les écarts salariaux, faute de quoi elles se verront infliger une sanction financière.
L'Etat continue d'apporter son appui à la négociation de branche avec 98 branches professionnelles qui sont en en commission mixte : cela représente 541 réunions (soit 6 % de plus qu'en 2006) qui se sont tenues principalement sur les thèmes des salaires, des classifications mais aussi de la retraite prévoyance.
Je note également que le nombre d'accords étendus est en augmentation : 937 demandes d'extension sont parvenues à la Direction générale du travail, traduisant une hausse de près de 50 % des demandes au regard de la moyenne qui a été enregistrée entre 2002 et 2005. Vous aviez souhaité que nous réduisions le plus possible les délais d'extension : le directeur général du travail nous indique qu'ils sont en diminution de 45 jours par rapport à 2006. Je pense que nous pouvons saluer les efforts de l'administration et des membres de la sous-commission des accords (qui a été réunie six fois et consultée quinze fois en 2007 dans le cadre de la procédure accélérée relative aux seuls accords salaires).
1.3 S'agissant enfin des entreprises, la négociation collective connaît une légère baisse, de 11%, avec 20 170 textes signés par des délégués syndicaux ou des salariés mandatés. Cette évolution, on peut le dire, tient compte du caractère exceptionnel de certains types d'accords qui ont été assez répandus en 2006 : prime exceptionnelle, à la journée de solidarité, à la durée des mandats des délégués du personnel. Il n'y a donc pas de véritable recul de la négociation salariale. A ce niveau comme à celui de la branche, le thème des salaires reste prépondérant avec 7 233 accords, suivi par celui du temps de travail (près de 5 000 accords) et, comme en 2006, par l'épargne salariale qui bénéficie de modalités de ratification souples, qui permet un grand nombre d'accords signés (plus de 4 000 accords.)
2 - Je voudrais maintenant aborder le second sujet de cette séance qui est relatif au SMIC.
Vous le savez, la commission réunie aujourd'hui doit donner au Gouvernement un avis motivé sur la revalorisation du salaire minimum au 1er juillet 2008. Cet avis pourra s'appuyer sur l'analyse des perspectives économiques et des comptes de la Nation que le représentant de la Direction Générale du Trésor et de la politique économique va nous présenter dans un instant.
Je voudrais rappeler, même si vous le savez tous ici, qu'en vertu du code du travail, le SMIC est revalorisé en tenant compte :
- d'une part de l'évolution entre mai 2007 et mai 2008 de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé,
- d'autre part de l'évolution du pouvoir d'achat, du taux de salaire horaire de base ouvrier au cours des 4 derniers trimestres connus.
Les prix à la consommation des ménages urbains ont augmenté de 3,2 % entre mai 2007 et mai 2008. De mars 2007 à mars 2008, le taux de salaire horaire de base ouvrier a enregistré une hausse de 2,9 %, alors que les prix ont progressé de 3,0 % au cours de la même période, d'où une évolution du pouvoir d'achat de -0,1 %. La moitié de l'évolution du pouvoir d'achat du SHBO est donc de -0,05 %. Du coup, cette composante ne joue pas dans l'indexation du SMIC cette année, puisqu'il ne saurait être question qu'elle vienne en déduction ou en minoration, la référence légale au pouvoir d'achat du SHBO étant une garantie de participation des salariés au développement économique de la nation.
Dès lors, en application des clauses légales, nous obtenons une augmentation du taux horaire du SMIC, par rapport au taux en vigueur au 1er juillet 2007, correspondant à l'augmentation de l'indice des prix, soit 3,2 %. Le seuil de déclenchement de la revalorisation automatique ayant été franchi en mars 2008, conduisant à une revalorisation anticipée de 2,3 % au 1er mai, l'augmentation du SMIC au 1er juillet par rapport à celle intervenue au 1er mai 2008 s'élèvera donc à 0,9% (soit 3,2%).
Au total, le montant du SMIC brut horaire s'élèverait au 1er juillet 2008 à 8,71 euros, soit 1 321,02 euros bruts mensuels sur la base de la durée légale de 35 heures hebdomadaires. Comme vous le savez, le Président de la République a souhaité que les modalités de fixation du SMIC soient rénovées. Nous examinerons la semaine prochaine, lors de la CNNC, ce projet qui comporte aussi, comme je l'ai indiqué, un volet relatif à l'intéressement et à la participation et un volet relatif à la conditionnalité des allègements de charges. Ce projet de texte vous sera transmis au plus tard demain. Comme vous le savez, à l'issue de cette réforme, la décision du Gouvernement sera éclairée par une commission indépendante qui dira publiquement quel doit être le niveau du SMIC le mieux adapté aux circonstances économiques du moment. Le Gouvernement pourra ne pas suivre cet avis, mais il devra alors s'en expliquer. La CNNC qui recevra elle aussi ce rapport conservera naturellement toutes ses prérogatives.
D'autre part, la date de revalorisation du SMIC sera avancée au 1er janvier, de sorte que les partenaires sociaux disposent d'un délai plus important pour négocier entre eux les minima les mieux adaptés à la situation de chaque branche. Je signale que le directeur de la DARES vous a remis une étude sur l'évolution des salaires de base par branche professionnelle en 2007, et je veux le remercier. Cette publication permettra d'améliorer l'information des partenaires sociaux. Elle marque l'aboutissement d'un chantier important, lancé par Gérard Larcher, pour disposer des statistiques de salaires par branches ou regroupements de branches.
La DARES a tenu compte, dans la mesure du possible, des attentes que vous avez exprimées depuis le 16 octobre dernier, lorsque la grille d'analyse vous a été proposée.
Indépendamment de la réforme des modalités de fixation du SMIC, je rappelle ma détermination à poursuivre la démarche de revalorisation des minima de branches engagée par Gérard Larcher. Comme je l'ai évoqué tout à l'heure, cette démarche a déjà produit des résultats importants, que le comité de suivi de la négociation salariale de branche du 9 juin a permis de mesurer. Sur les 18 branches qui étaient considérées en difficulté structurelle en octobre dernier, et qui regroupaient 1,2 million de salariés, il ne subsistait plus, au 1er mai, que 7 branches, regroupant 220 000 salariés, à ne pas avoir actualisé leur grille salariale. Pour les autres branches dont la grille est passée sous le SMIC à l'occasion du relèvement du 1er mai, je sais que de nombreux négociateurs attendent la revalorisation du 1er juillet pour revoir les grilles : ils vont pouvoir y travailler très bientôt.
De fait, c'est bien l'ensemble de la négociation salariale qu'il faut prendre en compte. Nous avons toujours indiqué, et je le redis aujourd'hui, que le « coup de pouce » aux salaires doit bénéficier à l'ensemble des salariés et pas uniquement à ceux qui sont au SMIC.
Tel est bien l'esprit des mesures que nous nous proposons de prendre dans le cadre du projet de loi en faveur des revenus du travail. Mesdames et messieurs, le Président de la République a annoncé en 2007 son intention de réformer notre pays en profondeur, notamment dans le domaine économique et social. Le bilan de la négociation collective de l'année écoulée atteste que les réformes sont désormais largement engagées, grâce aux efforts conjoints du Gouvernement et des partenaires sociaux.
Je voudrais vous remercier de votre attention. Je donne maintenant la parole à M. BOUYOUX, directeur de la politique économique à la DGTPE pour le ministère de l'économie.Source http://www.travail.gouv.fr, le 25 juin 2008