Texte intégral
Q - Nous allons commencer par la petite phrase de la semaine, on écoute Patrick de Carolis : "Lorsqu'on dit qu'il n'y a pas de différences entre la télévision de service public et la télévision privée, je trouve cela faux, je trouve cela stupide et je trouve cela injuste". Est-ce que vous trouvez ce jugement qui émane du président de la République faux, stupide et injuste ? Est-ce que Patrick de Carolis a raison de s'insurger ?
R - J'ai dit que France télévision n'était pas une entreprise comme les autres et qu'on devait respecter les spécificités de l'entreprise publique audiovisuelle. Pour autant, c'est un dirigeant d'entreprise publique et il n'est pas dans mes conceptions, quel que soit le président de la République, de dire que ce que dit le président de la République est stupide.
Q - En tant que téléspectateur, est-ce que vous trouvez les programmes de la télévision publique pas assez différents de la télévision privée ?
R - Il y a certains programmes sur les chaînes du service public qui ne sont pas très différents de ce qui existe sur la télévision privée. Quand je vois Patrick Sébastien par exemple, je ne peux pas dire que cela me fasse une impression très différente de ce qui existe sur TF1. Que l'on puisse réorienter cela ne me paraît pas choquant. Pour autant, le fait que le service public reste généraliste n'est pas mauvais. En revanche, ce qui me paraît important est que celui qui dirige ait la maîtrise des programmes. Ce n'est pas au pouvoir politique de diriger les programmes de France télévision.
Q - Est-ce que vous comprenez que Patrick de Carolis ait quelques inquiétudes sur sa marge de manoeuvre financière ? Il a eu l'air de mettre sa démission dans la balance si, à l'automne, il n'a pas de bonnes nouvelles sur le plan budgétaire et en tout cas, aujourd'hui, il dit que le compte n'y est pas.
R - J'allais dire c'est de bonne guerre. Je reprends une casquette que j'ai occupée antérieurement : membre du conseil d'administration de France télévision. Vous avez toujours, entre l'actionnaire et celui qui est à la tête de l'entreprise, des litiges sur le fait que le compte y soit ou n'y soit pas. Je crois qu'avec plus de 400 ou 420 millions annuels mais je ne suis pas un spécialiste, c'est Christine Albanel qui gère ce dossier, nous compenserons ce qui est dû au défaut de publicité après 20 heures. Je ne crois donc pas là qu'il y ait matière à s'inquiéter. Jean-François Copé y veillera. Je lui fais toute confiance à cet égard ainsi qu'à la commission. Le parlement prévoit bien qu'il y ait des indexations, je ne veux pas rentrer dans les détails. Comme vous le savez, il y a une partie qui sera financée sur les télévisions privées, ce n'est pas un cadeau pour les télévisions privées, et d'autres parties sur les télécoms. Je compte sur les opérateurs de télécoms pour ne pas répercuter cette charge supplémentaire sur leurs marges, dont je crois savoir qu'elles sont importantes. Les opérateurs de télécoms, à mon avis, font une meilleure affaire en finançant assez abondamment la télévision publique plutôt qu'en ayant une quatrième licence de télécommunication.
Q - En tout cas, en marge de l'émission de France 3 de mardi dernier, une vidéo pirate a été tournée juste avant l'émission, je vous propose d'en regarder un extrait...Est-ce que pour vous c'est choquant que cette vidéo circule ou finalement c'est la transparence, on voit comment le président est avec les journalistes avant une émission ? Quitte à ce qu'il dise des choses choquantes au passage ?
R - Il y a deux éléments. Le premier, c'est sur ce qui circule de manière pirate : c'est tout le problème de la liberté du net et des vidéos pirates. Je pense que tout n'est pas permis. Je ne dis pas cela pour le président de la République, je dis cela parce que vous pouvez trouver des insultes ou des incriminations à caractère racial qui circulent librement. A un certain moment il faudra s'interroger sur tout cela. C'est ma conviction personnelle. Deuxièmement, sur ce qui est la courtoisie, quand on reproche à quelqu'un de ne pas dire bonjour. J'ai moi-même été attaqué dans la presse parce que je n'avais pas dit bonjour à Benoît Hamon. Depuis ce temps là, il m'en veut alors que j'ai plutôt le sentiment en général, de dire bonjour.
Q - A son tour, le président n'a pas forcément été très courtois avec Gérard Leclerc en lui disant "cela faisait combien d'année que tu étais au placard" ?
R - Qu'il y ait des problèmes de sureffectif dans les entreprises publiques et dans l'audiovisuel... J'ai été surpris du chiffre que l'on m'a annoncé pour France 3 au cours de cette émission. Je crois que tout le monde doit être employé dans le service public, comme ailleurs. Cela fait partie aussi de la réforme de l'Etat.
Q - La première journée de la Présidence française à la tête de l'Union européenne, c'était mardi. Une première journée marquée par des polémiques lancées par Nicolas Sarkozy. Première polémique, le commissaire européen Peter Mandelson, chargé du commerce, qui a été accusé de sacrifier la politique de la production agricole européenne pour obtenir un accord à l'OMC. Est-ce que vous êtes d'accord avec Nicolas Sarkozy pour juger Mandelson coupable de vouloir sacrifier l'agriculture européenne ?
R - Nous estimons qu'il convient d'avoir un accord équilibré dans le cadre de l'OMC. On peut comprendre les efforts de Pascal Lamy, le directeur général de l'OMC, pour arriver à un accord. On peut comprendre les efforts du Commissaire européen. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, notre position est claire. Elle a été répétée au président de la Commission européenne et aux différentes autorités. Nous estimons que l'accord n'est pas équilibré et nous ne sommes pas isolés.
Q - Est-ce que la France mettrait son veto pour un accord ?
R - Nous n'en sommes pas là. Nous aurions tort d'exhiber cette menace, parce que nous sommes à un accord intérimaire. Nous devons nous demander si, à ce stade, il est nécessaire d'aller plus loin dans cet accord et dans les phases préparatoires de cet accord, compte tenu du déséquilibre que nous constatons. C'est pour cela qu'Anne-Marie Idrac tiendra un conseil avant les réunions qui sont prévues à Genève le 21 juillet pour voir si nous nous rapprochons d'un équilibre. Pour le reste, je ne crois pas que nous ayons à stigmatiser untel ou untel.
Q - Est-ce que les attaques de Nicolas Sarkozy affaiblissent la position européenne ? C'est ce que dit Peter Mandelson.
R - Je connais bien Peter Mandelson. J'étais hier avec lui à Paris pour discuter de ces sujets. Il devait aller à Marseille et il y est allé. C'est très bien qu'il participe à cette réunion Euromed à Marseille. C'est un homme très fin. La Présidence française jouera son rôle qui est de veiller à savoir si la Commission reste dans le cadre de son mandat, qui est large...
Q - Il faudrait réviser son mandat justement lors de cette réunion ?
R - Il faut veiller à ce que le mandat soit respecté, notamment en ce qui concerne l'agriculture. Ce que nous demandons c'est qu'il y ait de la transparence. C'est pour cela que nous demandons un Conseil. Ce sont des négociations qui se passent un peu comme dans des boîtes noires. Ce que l'on souhaite, c'est de voir clair et de savoir si l'accord que l'on nous propose est équilibré. S'il ne l'est pas entre l'agriculture, l'industrie et les services, je parle surtout de l'industrie à ce stade, nous ne pouvons pas aller de l'avant. Cela étant, nous jouerons notre rôle de Présidence. Il faut savoir que c'est une étape intermédiaire qui n'est pas l'étape finale en ce qui concerne les accords commerciaux.
Q - Autre polémique, autour d'un autre homme que vous connaissez bien, M. Jean-Claude Trichet. La BCE, c'est évident, va augmenter ses taux.
R - Comprenez bien ce que dit Jean-Claude Trichet ! Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est vous.
Q - Est-ce que la BCE devrait s'occuper d'autre chose que purement le taux d'inflation ? Est-ce que vous approuvez les quelques pays qui viennent de rejoindre pour critiquer la position très orthodoxe de la BCE ?
R - Il est dans le mandat de la BCE de lutter contre l'inflation. Après, on doit se demander s'il est pertinent de relever les taux lorsque l'inflation est d'origine importée. Il faut se demander si le fait de relever les taux va avoir une efficacité alors que l'essentiel de votre inflation vient d'un renchérissement considérable des prix du pétrole. Elle ne vient pas de l'augmentation de votre salaire ou du mien.
Q - C'est compréhensible pour un cerveau moyen. Donc pourquoi Jean-Claude Trichet ne comprend pas cela ?
R - Parce qu'il est dans sa mission de lutte contre l'inflation. Je pense que la mission de Jean-Claude Trichet est aussi de regarder, plusieurs l'ont souligné, que l'écart de taux entre les Etats-Unis et l'Europe ne soit pas trop grand. Je répète que les taux d'intérêt aux Etats-Unis sont de 2 %, ils vont être de 4 % en Europe. Il y a une trop grande divergence dans les politiques de taux entre les Etats-Unis et l'Europe, dans un monde qui est interdépendant, pour reprendre une expression de Jean-Claude Trichet.
Q - C'est les Etats-Unis qui doivent monter leur taux ou l'Europe qui doit baisser le sien ?
R - Je pense que Jean-Claude Trichet a tendance à penser que ce sont les Etats-Unis qui doivent le monter. Je constate, en tant que citoyen ou responsable, comme n'importe quelle personne de bon sens, que cela créerait un handicap pour certaines entreprises et pour la croissance, alors que les Etats-Unis vont rester avec le même taux. Je suis assez d'accord pour jouer au poker mais il faut à un moment savoir si on arrive à faire plier le partenaire.
Q - La Pologne. Le président va-t-il ratifier ?
R - En ce qui concerne la Pologne, c'est quand même le président polonais qui a signé le Traité de Lisbonne. Ce n'est pas Donald Tusk, le Premier ministre ou le gouvernement.
Q - Cela va durer combien de temps le poker ?
R - Cela pourrait durer jusqu'au mois d'octobre ou de novembre. Je pense que le président polonais suit le président tchèque, qui ne va pas donner son fin mot avant le mois de novembre. Cela peut donc durer un certain temps. Mais la position du président polonais n'est pas morale, quand vous avez pris des engagements et quand une parole a été donnée. Avec l'aide des Français et d'un certain nombre de partenaires, les Britanniques, les Espagnols. Il avait donné son mot après des négociations téléphoniques. Aujourd'hui, après un changement de majorité il veut reprendre son mot. Il y a dans ce comportement quelque chose qui n'est pas moral.
Q - Nous allons terminer par les pronostics. Combien de temps d'après vous Jean-Claude Trichet va pouvoir rester à la tête de la BCE puisqu'il y a de nombreux pays qui se mettent à le critiquer ?
R - Il est indépendant. Il restera le temps de son mandat. Il est irrévocable.
Q - Quand, d'après vous, le tarif du gaz sera finalement augmenté ?
R - C'est une colle. Je ne peux pas vous le dire, je ne suis plus à Bercy. Dans les conditions actuelles, il faut faire attention. Tout ne doit pas être répercuté sur le consommateur.
(...)
Q - Est-ce que Nicolas Sarkozy ira au JO ?
R - Ce que fera le président de la République sera ce qui sera décidé en Europe. Je ne crois pas non plus qu'il faille stigmatiser un pays d'1 milliard 300 millions d'habitants.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 juillet 2008
R - J'ai dit que France télévision n'était pas une entreprise comme les autres et qu'on devait respecter les spécificités de l'entreprise publique audiovisuelle. Pour autant, c'est un dirigeant d'entreprise publique et il n'est pas dans mes conceptions, quel que soit le président de la République, de dire que ce que dit le président de la République est stupide.
Q - En tant que téléspectateur, est-ce que vous trouvez les programmes de la télévision publique pas assez différents de la télévision privée ?
R - Il y a certains programmes sur les chaînes du service public qui ne sont pas très différents de ce qui existe sur la télévision privée. Quand je vois Patrick Sébastien par exemple, je ne peux pas dire que cela me fasse une impression très différente de ce qui existe sur TF1. Que l'on puisse réorienter cela ne me paraît pas choquant. Pour autant, le fait que le service public reste généraliste n'est pas mauvais. En revanche, ce qui me paraît important est que celui qui dirige ait la maîtrise des programmes. Ce n'est pas au pouvoir politique de diriger les programmes de France télévision.
Q - Est-ce que vous comprenez que Patrick de Carolis ait quelques inquiétudes sur sa marge de manoeuvre financière ? Il a eu l'air de mettre sa démission dans la balance si, à l'automne, il n'a pas de bonnes nouvelles sur le plan budgétaire et en tout cas, aujourd'hui, il dit que le compte n'y est pas.
R - J'allais dire c'est de bonne guerre. Je reprends une casquette que j'ai occupée antérieurement : membre du conseil d'administration de France télévision. Vous avez toujours, entre l'actionnaire et celui qui est à la tête de l'entreprise, des litiges sur le fait que le compte y soit ou n'y soit pas. Je crois qu'avec plus de 400 ou 420 millions annuels mais je ne suis pas un spécialiste, c'est Christine Albanel qui gère ce dossier, nous compenserons ce qui est dû au défaut de publicité après 20 heures. Je ne crois donc pas là qu'il y ait matière à s'inquiéter. Jean-François Copé y veillera. Je lui fais toute confiance à cet égard ainsi qu'à la commission. Le parlement prévoit bien qu'il y ait des indexations, je ne veux pas rentrer dans les détails. Comme vous le savez, il y a une partie qui sera financée sur les télévisions privées, ce n'est pas un cadeau pour les télévisions privées, et d'autres parties sur les télécoms. Je compte sur les opérateurs de télécoms pour ne pas répercuter cette charge supplémentaire sur leurs marges, dont je crois savoir qu'elles sont importantes. Les opérateurs de télécoms, à mon avis, font une meilleure affaire en finançant assez abondamment la télévision publique plutôt qu'en ayant une quatrième licence de télécommunication.
Q - En tout cas, en marge de l'émission de France 3 de mardi dernier, une vidéo pirate a été tournée juste avant l'émission, je vous propose d'en regarder un extrait...Est-ce que pour vous c'est choquant que cette vidéo circule ou finalement c'est la transparence, on voit comment le président est avec les journalistes avant une émission ? Quitte à ce qu'il dise des choses choquantes au passage ?
R - Il y a deux éléments. Le premier, c'est sur ce qui circule de manière pirate : c'est tout le problème de la liberté du net et des vidéos pirates. Je pense que tout n'est pas permis. Je ne dis pas cela pour le président de la République, je dis cela parce que vous pouvez trouver des insultes ou des incriminations à caractère racial qui circulent librement. A un certain moment il faudra s'interroger sur tout cela. C'est ma conviction personnelle. Deuxièmement, sur ce qui est la courtoisie, quand on reproche à quelqu'un de ne pas dire bonjour. J'ai moi-même été attaqué dans la presse parce que je n'avais pas dit bonjour à Benoît Hamon. Depuis ce temps là, il m'en veut alors que j'ai plutôt le sentiment en général, de dire bonjour.
Q - A son tour, le président n'a pas forcément été très courtois avec Gérard Leclerc en lui disant "cela faisait combien d'année que tu étais au placard" ?
R - Qu'il y ait des problèmes de sureffectif dans les entreprises publiques et dans l'audiovisuel... J'ai été surpris du chiffre que l'on m'a annoncé pour France 3 au cours de cette émission. Je crois que tout le monde doit être employé dans le service public, comme ailleurs. Cela fait partie aussi de la réforme de l'Etat.
Q - La première journée de la Présidence française à la tête de l'Union européenne, c'était mardi. Une première journée marquée par des polémiques lancées par Nicolas Sarkozy. Première polémique, le commissaire européen Peter Mandelson, chargé du commerce, qui a été accusé de sacrifier la politique de la production agricole européenne pour obtenir un accord à l'OMC. Est-ce que vous êtes d'accord avec Nicolas Sarkozy pour juger Mandelson coupable de vouloir sacrifier l'agriculture européenne ?
R - Nous estimons qu'il convient d'avoir un accord équilibré dans le cadre de l'OMC. On peut comprendre les efforts de Pascal Lamy, le directeur général de l'OMC, pour arriver à un accord. On peut comprendre les efforts du Commissaire européen. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, notre position est claire. Elle a été répétée au président de la Commission européenne et aux différentes autorités. Nous estimons que l'accord n'est pas équilibré et nous ne sommes pas isolés.
Q - Est-ce que la France mettrait son veto pour un accord ?
R - Nous n'en sommes pas là. Nous aurions tort d'exhiber cette menace, parce que nous sommes à un accord intérimaire. Nous devons nous demander si, à ce stade, il est nécessaire d'aller plus loin dans cet accord et dans les phases préparatoires de cet accord, compte tenu du déséquilibre que nous constatons. C'est pour cela qu'Anne-Marie Idrac tiendra un conseil avant les réunions qui sont prévues à Genève le 21 juillet pour voir si nous nous rapprochons d'un équilibre. Pour le reste, je ne crois pas que nous ayons à stigmatiser untel ou untel.
Q - Est-ce que les attaques de Nicolas Sarkozy affaiblissent la position européenne ? C'est ce que dit Peter Mandelson.
R - Je connais bien Peter Mandelson. J'étais hier avec lui à Paris pour discuter de ces sujets. Il devait aller à Marseille et il y est allé. C'est très bien qu'il participe à cette réunion Euromed à Marseille. C'est un homme très fin. La Présidence française jouera son rôle qui est de veiller à savoir si la Commission reste dans le cadre de son mandat, qui est large...
Q - Il faudrait réviser son mandat justement lors de cette réunion ?
R - Il faut veiller à ce que le mandat soit respecté, notamment en ce qui concerne l'agriculture. Ce que nous demandons c'est qu'il y ait de la transparence. C'est pour cela que nous demandons un Conseil. Ce sont des négociations qui se passent un peu comme dans des boîtes noires. Ce que l'on souhaite, c'est de voir clair et de savoir si l'accord que l'on nous propose est équilibré. S'il ne l'est pas entre l'agriculture, l'industrie et les services, je parle surtout de l'industrie à ce stade, nous ne pouvons pas aller de l'avant. Cela étant, nous jouerons notre rôle de Présidence. Il faut savoir que c'est une étape intermédiaire qui n'est pas l'étape finale en ce qui concerne les accords commerciaux.
Q - Autre polémique, autour d'un autre homme que vous connaissez bien, M. Jean-Claude Trichet. La BCE, c'est évident, va augmenter ses taux.
R - Comprenez bien ce que dit Jean-Claude Trichet ! Ce n'est pas moi qui l'ai dit, c'est vous.
Q - Est-ce que la BCE devrait s'occuper d'autre chose que purement le taux d'inflation ? Est-ce que vous approuvez les quelques pays qui viennent de rejoindre pour critiquer la position très orthodoxe de la BCE ?
R - Il est dans le mandat de la BCE de lutter contre l'inflation. Après, on doit se demander s'il est pertinent de relever les taux lorsque l'inflation est d'origine importée. Il faut se demander si le fait de relever les taux va avoir une efficacité alors que l'essentiel de votre inflation vient d'un renchérissement considérable des prix du pétrole. Elle ne vient pas de l'augmentation de votre salaire ou du mien.
Q - C'est compréhensible pour un cerveau moyen. Donc pourquoi Jean-Claude Trichet ne comprend pas cela ?
R - Parce qu'il est dans sa mission de lutte contre l'inflation. Je pense que la mission de Jean-Claude Trichet est aussi de regarder, plusieurs l'ont souligné, que l'écart de taux entre les Etats-Unis et l'Europe ne soit pas trop grand. Je répète que les taux d'intérêt aux Etats-Unis sont de 2 %, ils vont être de 4 % en Europe. Il y a une trop grande divergence dans les politiques de taux entre les Etats-Unis et l'Europe, dans un monde qui est interdépendant, pour reprendre une expression de Jean-Claude Trichet.
Q - C'est les Etats-Unis qui doivent monter leur taux ou l'Europe qui doit baisser le sien ?
R - Je pense que Jean-Claude Trichet a tendance à penser que ce sont les Etats-Unis qui doivent le monter. Je constate, en tant que citoyen ou responsable, comme n'importe quelle personne de bon sens, que cela créerait un handicap pour certaines entreprises et pour la croissance, alors que les Etats-Unis vont rester avec le même taux. Je suis assez d'accord pour jouer au poker mais il faut à un moment savoir si on arrive à faire plier le partenaire.
Q - La Pologne. Le président va-t-il ratifier ?
R - En ce qui concerne la Pologne, c'est quand même le président polonais qui a signé le Traité de Lisbonne. Ce n'est pas Donald Tusk, le Premier ministre ou le gouvernement.
Q - Cela va durer combien de temps le poker ?
R - Cela pourrait durer jusqu'au mois d'octobre ou de novembre. Je pense que le président polonais suit le président tchèque, qui ne va pas donner son fin mot avant le mois de novembre. Cela peut donc durer un certain temps. Mais la position du président polonais n'est pas morale, quand vous avez pris des engagements et quand une parole a été donnée. Avec l'aide des Français et d'un certain nombre de partenaires, les Britanniques, les Espagnols. Il avait donné son mot après des négociations téléphoniques. Aujourd'hui, après un changement de majorité il veut reprendre son mot. Il y a dans ce comportement quelque chose qui n'est pas moral.
Q - Nous allons terminer par les pronostics. Combien de temps d'après vous Jean-Claude Trichet va pouvoir rester à la tête de la BCE puisqu'il y a de nombreux pays qui se mettent à le critiquer ?
R - Il est indépendant. Il restera le temps de son mandat. Il est irrévocable.
Q - Quand, d'après vous, le tarif du gaz sera finalement augmenté ?
R - C'est une colle. Je ne peux pas vous le dire, je ne suis plus à Bercy. Dans les conditions actuelles, il faut faire attention. Tout ne doit pas être répercuté sur le consommateur.
(...)
Q - Est-ce que Nicolas Sarkozy ira au JO ?
R - Ce que fera le président de la République sera ce qui sera décidé en Europe. Je ne crois pas non plus qu'il faille stigmatiser un pays d'1 milliard 300 millions d'habitants.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 juillet 2008