Interview de Luc Chatel, Secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "RTL" le 28 juillet 2008, sur l'affaire Tapie et la baisse de la consommation des ménages.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

P. Corbé.- On va commencer par cette affaire de B. Tapie, l'organisme public qui doit verser 285 millions d'euros à B. Tapie, doit dire aujourd'hui s'il conteste cette sentence du tribunal arbitral. Est-ce que finalement, le ministère de l'Economie, l'Etat n'aurait pas intérêt à reprendre le combat judiciaire, même s'il est long, plutôt que de verser des dizaines des millions d'euros à B. Tapie ?

De quoi s'agit-il dans cette affaire, pour que ce soit bien clair pour vos auditeurs : Il y avait plus d'une dizaine de procédures judicaires en cours, depuis près d'une quinzaine d'années, pour un montant total de plus de 3 milliards d'euros. Les parties ont considéré que, comme cela se pratique régulièrement, quotidiennement, dans le domaine du droit des affaires, d'avoir recours à un tribunal arbitral, tribunal arbitral complètement indépendant. Tout à l'heure, T. Legrand [ndlr : dans sa chronique] rappelait qu'il y avait trois personnalités hautement qualifiées en la matière qui avaient décidé de délibérer. Je rappelle qu'il s'agit de P. Mazeaud ; vous êtes un bon connaisseur de la vie politique pour savoir qu'il ne s'agit pas du premier sarkozyste historique. Je rappelle qu'il y avait J.-D. Bredin, qu'il y avait l'ancien président du tribunal de la cour d'appel de Versailles. Donc des personnalités totalement indépendantes, qui ont décidé de transiger...

Est-ce que trois arbitres privés peuvent demander que l'Etat doive verser 285 millions d'euros à B. Tapie, dont 45 millions d'euros pour préjudice moral ?

Mais c'est le droit ! Et le droit s'applique, pas plus pas moins, que sur une autre affaire. Et j'observe que dans ce cas, si cette décision était confirmée, l'immense majorité des sommes versées, reviendrait à l'Etat via les créances qu'il a vis-à-vis de B. Tapie et de ces affaires.

Vous, vous rendez compte qu'en confirmant cette décision vous prêtez flanc aux accusations de l'opposition de F. Bayrou sur RTL, qui avait dénoncé les protections de haut niveau de la part de N. Sarkozy envers son ami B. Tapie ?

Mais protections de haut niveau, ce n'est pas N. Sarkozy qui a fait rentrer B. Tapie au Gouvernement, que je sache. J'observe que cette décision, elle sera rendue, encore une fois, par des personnalités complètement indépendantes. Donc je ne vois pas de quoi il s'agit. Je suis un peu surpris par la tournure de ces évènements.

45 millions d'euros pour préjudice moral, ça le vaut ?

Encore une fois, ce n'est pas à moi, à vous de juger, il y a des personnes compétentes en la matière. Nous sommes dans un Etat de droit, et le droit va s'appliquer sur cette affaire, pas plus pas moins que sur une autre affaire.

Vous êtes le secrétaire d'Etat chargé de la Consommation, donc des prix qui montent, qui baissent, de l'argent que les Français vont dépenser ou pas pendant ces vacances. Mercredi dernier, vous vous félicitiez d'un début de baisse des prix dans l'alimentaire et voilà que vendredi, l'Insee nous annonce que les fruits et légumes ont bondi en un an : plus 17 %, plus 11 %, on parle même de plus 21 % pour les melons que vous allez peut-être achetés en vacances, on a du mal à comprendre...

Vous devriez être plus précis. J'ai annoncé une baisse des prix dans les matières premières alimentaires, c'est-à-dire le blé, notamment toutes celles qui avaient énormément augmenté, qui avaient presque doublé en un an. Ce que j'ai indiqué, c'est que les cours mondiaux, globalement, étaient à la baisse et que tôt ou tard, cela allait se traduire dans les magasins. Il y a un décalage entre le moment où les produits arrivent sur le marché, ils sont achetés par les industriels, ils sont transformés, ils sont disponibles dans les magasins. Ce que j'ai indiqué, c'est qu'effectivement dans les matières premières alimentaires qui avaient énormément augmenté depuis dix-huit mois, il y avait aujourd'hui une baisse assez forte sur certaines d'entre elles et que donc à la fin de cette année, on devrait avoir une répercussion sur ces prix qui avaient beaucoup augmenté.

Parce que pour l'instant, les Français consomment de moins en moins, en juin, moins 0,4 % ; est-ce que vous avez des indications par exemple pour le mois de juillet ? Est-ce que vous avez des indications pour les soldes qui s'annoncent plutôt en demi-teinte ?

D'abord, il faut relativiser le chiffre de 0,4 %, parce qu'il est essentiellement dû à un tassement de la consommation des automobiles qui avait été très forte au mois précédent. Donc on voit bien qu'on a des mois très irréguliers de consommation. Ce qui est important, c'est le moyen-long terme ; on voit que sur une longue période, sur un peu plus d'un an, on est à plus 1 % de consommation. Donc la consommation, elle se tient, même si on voit bien qu'elle est plus difficile qu'il y a quelques mois.

C'est inquiétant, parce que c'est un des moteurs de la croissance pour la France.

Bien sûr, que c'est un des moteurs, et c'est la raison pour laquelle avec C. Lagarde, nous avons fait voter la loi de modernisation de l'économie, qui va permettre de mettre plus de liberté dans la négociation commerciale et de faire baisser les prix dans la grande distribution.

En attendant qu'elle soit appliquée...

Elle sera appliquée très vite, à la rentrée.

...Les soldes, en juin-juillet ?

Alors les soldes, nous avions eu une très bonne période, un très bon début de période de soldes, qui s'était marquée par des augmentations de chiffres d'affaires par rapport à l'année dernière. J'ai entendu les résultats de la Chambre de commerce de Paris nous indiquer que sur l'ensemble de la période il y avait quelques déceptions. Nous n'avons pas encore les résultats définitifs, puisque la période se termine actuellement, et donc je ne peux pas encore vous dire, quel sera le résultat définitif de cette période de solde. Mais vous savez que j'ai une bonne nouvelle à vous annoncer, puisqu'à partir de l'année prochaine les Français auront plus de soldes, plus de périodes de soldes, puisque la loi de modernisation de l'économie prévoit qu'au-delà des périodes historiques de janvier et de juin-juillet, il y aura la possibilité, à la demande des commerçants ou des unions commerçants de ville, d'organiser une période complémentaire, deux fois une semaine complémentaire.

Autre prix qui monte, le prix du baril du pétrole qui a doublé en un an, qui s'est tassé ces derniers jours après un pic historique à 147 dollars, il est désormais à 125 dollars, moins 15 %, et pourtant, à la pompe, on ne voit pas ces 15 % de baisses répercutées pour l'instant ?

Là encore, j'ai été ferme, les relevés de prix, on commence à voir moins... C'est très peu moins 1 centime, c'est très faible, je le reconnais.

Ce n'est pas 15 %...

Simplement, ce que je peux vous dire, c'est que nous avons, à plusieurs reprises, réunis les différents pétroliers, pour qu'ils appliquent la règle suivante : quand il y a une hausse, qu'on lisse cette hausse dans le temps et quand il y a une baisse, que dès que possible, on assure la répercussion vis-à-vis des consommateurs. C'est ce qui s'est passé...

Mais comment vous le contrôlez ça ?

Nous le contrôlons parce qu'à Bercy il y a notamment la Direction de la concurrence et de la répression des fraudes, nous effectuons des relevés. Il y a un site Internet que j'encourage les auditeurs de RTL d'aller voir, qui permet de comparer les prix de toutes les stations services de France. Vous vous apercevrez que vous pouvez faire 15 à 20 centimes d'économies sur un plein de carburant par litre, selon l'endroit où vous achetez votre essence. Sur un trajet pour partir en vacances, cela permet de faire des économies substantielles. Et j'observe que sur la hausse qui s'est produite, il y a eu 10 % de hausse à la pompe moins importante que n'aurait été la répercussion intégrale. Et deuxièmement, nous avons déjà un premier début de baisse avec 1 centime, c'est encore trop faible, vous avez raison, mais compte tenu de la baisse de 15 %, il est probable que dans les prochains jours, il y aura une répercussion à la pompe.

Tout le monde s'attend à une hausse du prix du gaz après plus 4 % en janvier et plus 5,5 % fin avril. La Commission de régulation de l'énergie a conseillé plus de 12 % d'augmentation du prix du gaz, C. Lagarde avait dit que cela ne se ferait pas avant fin juillet, on y est. Est-ce qu'il va y avoir un augmentation ?

Non, nous n'avons encore pas tranché sur cette question. Je rappelle que ce qui dicte le Gouvernement, c'est deux choses. D'abord, comme vous l'avez indiqué, les prix du gaz, ils sont globalement indexés sur les prix du pétrole et on sait ce qu'a été l'évolution du prix du pétrole depuis un an. Deuxièmement, nous savons que le gaz c'est un élément important dans la dépense du budget des ménages, et donc c'est la raison pour laquelle nous avons modéré cette hausse. Elle est de l'ordre de 10 %, ce qui est cher, certes, mais ce qui est nettement inférieur au doublement du prix du pétrole depuis un an.

Elle aura lieu bientôt ?

Donc ce sont est ces deux facteurs qui vont guider la décision du Gouvernement.

Très bientôt ?

Dernier élément : le Gouvernement souhaite qu'il y ait un mode de calcul, de fixation des prix du gaz qui soit beaucoup plus indépendant, et qui soit plus facile à ajuster au jour le jour.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 juillet 2008