Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation, porte-parole du gouvernement, à "RMC" le 10 juillet 2008, sur des décisions controversées de Nicolas Sarkozy en matière de politique étrangère (sa présence aux J0 de Pékin, son invitation du président Syrien au défilé militaire du 14 juillet).

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

G. Cahour.- Notre invité ce matin est L. Chatel. Bonjour.

Bonjour, G. Cahour.

L. Chatel, secrétaire d'Etat à la Consommation et porte-parole du Gouvernement. Avec vous, bien évidemment, il y a les deux casquettes. Donc, on va commencer avec la politique et ensuite on parlera de votre portefeuille, et nous parlerons aussi de ces alarmes de piscine dont on a beaucoup parlé il y a une quinzaine de jours avec des problèmes de fiabilité sur ces alarmes et vous avez demandé une enquête et les résultats de cette enquête sont maintenant connus. On en parlera tout à l'heure. D'abord, la politique avec la Chine et N. Sarkozy qui décide donc d'assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques. La Chine qui ne montre pas un enthousiasme particulier sur cette annonce, et même l'ambassadeur de Chine en France qui nous reproche de vouloir recevoir le Dalaï-lama. Alors, faut-il vraiment faire tous ces efforts diplomatiques avec la Chine ?

Ecoutez, je crois que les choses sont rentrées dans l'ordre puisque B. Kouchner a rencontré hier, a reçu après avoir convoqué l'ambassadeur de Chine, ils ont eu l'occasion d'évoquer ces questions et le ministre des Affaires étrangères a rappelé que la France prenait ses décisions librement, sans aucune pression de qui que ce soit.

Mais à peine sorti de son entretien, l'ambassadeur a redit la même chose qu'avant, donc...

Oui, enfin, encore une fois ce qui compte c'est la façon dont la France prend ses décisions et ce qu'elle décide. Qu'a décidé N. Sarkozy ? Il a consulté en tant que Président en exercice de l'Union européenne les Chefs d'Etat européens, il a beaucoup réfléchi, beaucoup consulté depuis plusieurs mois, et il a décidé, effectivement, de se rendre à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques. Il ne s'agit pas d'un blanc-seing en la matière, il s'agit simplement de respecter les engagements qu'il avait pris. Il avait indiqué il y a plusieurs mois qu'il souhaitait, si la France pouvait jouer un rôle dans le fait de pouvoir renouer le dialogue entre le Dalaï-lama et la Chine, eh bien il pouvait le faire. Force est de constater que ce dialogue a repris et donc le président de la République a considéré que c'était légitime d'assister à la cérémonie d'ouverture.

Et donc, il doit rencontrer le Dalaï-lama, ce qui ne plaît pas à la Chine. Vous comprenez que la Chine s'offusque de cette démarche ?

D'abord, rien n'a été acté en la matière. Ce qui est important c'est sa présence aux Jeux Olympiques. Alors, elle fait couler beaucoup d'encre ici ou là. Vous savez, quand on responsable politique, membre de l'exécutif, président de l'Europe en exercice, il faut vraiment prendre ses responsabilités. J'entends des parlementaires européens critiquer la décision, c'est normal, ça suscite un débat, mais chacun est dans son rôle. Le rôle des responsables de l'exécutif c'est de décider, c'est de trancher. Ce sont des décisions lourdes, difficiles. La Chine est devenue un acteur majeur, en même temps le rôle de la France c'est d'être capable d'aller dans les pays - comme N. Sarkozy l'a fait en Israël, comme il l'a fait en Palestine, comme il l'a fait en Tunisie - et de parler de tout, de dire la vérité, y compris les sujets qui fâchent.

Et donc, le Dalaï-lama, il n'est pas encore sûr qu'il le rencontre ?

Ecoutez, pour l'instant, ça n'a pas été confirmé, les choses sont en discussion, et rien n'a été indiqué à ce sujet.

Et ça sera un incident diplomatique s'il le rencontre.

Non, encore une fois, la France délibère librement, de manière autonome. C'est elle qui fixe sa politique étrangère et personne d'autre.

Et pour aller dans le côté des mauvais esprits peut-être, combien de centrales nucléaires vendues si N. Sarkozy va en Chine ?

Non, vous savez, ça ce sont des caricatures. Encore une fois, ce que nous pensons c'est que la Chine est un acteur majeur au niveau mondial, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a son mot à dire quand par exemple on délibère sur des choses très compliquées concernant l'Iran, et c'est à ce titre-là, la Chine, membre du concert mondial des nations, que le Président de la République a décidé d'assister à cette cérémonie d'ouverture, sachant qu'il y a d'autres chefs d'Etat et de gouvernement européens qui vont par exemple assister à la cérémonie de clôture. Donc, je crois qu'il faut arrêter de caricaturer les choses.

L. Chatel, justement vous parliez des parlementaires européens, aujourd'hui N. Sarkozy sera au Parlement européen, et hier, il y a eu un débat, parfois vif, justement, sur cette présence du Chef de l'Etat à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques, débat très vif alimenté par D. Cohn-Bendit. Ecoutez. D. Cohn-Bendit (pdt du groupe des Verts au Parlement européen) : Le président du Conseil et le Président de la république française va dire, « bravo les Chinois, vous montrez ce qu'il faut faire quand quelqu'un bouge. C'est le Kärcher chinois dans lequel se reconnaît le Kärcher de Sarkozy. Voilà la vérité. Les Chinois sont en train de gagner, plus ils sont durs, plus vous vous mettez à genou. Ils vont contrôler les radios, ils vont contrôler les télévisions, mais ils ne vont pas contrôler Sarkozy, ça c'est vrai, ils vont lui offrir même un dîner avec des baguettes, ça va être très sympa. Ils vont dire, « ah, Monsieur le Président, on vous fait des guili-guili, des câlins-câlins », et Sarkozy va dire « ça fait trois centrales nucléaires, ça fait 36 TGV et je sais pas quoi ». C'est immonde, c'est ignoble.

C'est ignoble ?

Mais, Monsieur Cohn-Bendit est dans l'incantation. Vous savez, l'histoire du monde et ce qui s'est passé ces vingt ou trente dernières années montre que c'est compliqué pour des démocraties de tendre la main et d'essayer de faire avancer vers le bon chemin un certain nombre de pays. Les choses ne sont pas manichéennes, il n'y a pas d'un côté les gentils, de l'autre côté ceux qui ne respectent pas les droits de l'Homme. Je crois que tout ça est beaucoup plus complexe. Et encore une fois, la France a pris une décision en connaissance de cause, en prenant en compte la donne en matière de Droits de l'Homme, et encore une fois, N. Sarkozy a démontré depuis un an qu'à chaque fois qu'il a fallait monter au créneau sur ce terrain, il le faisait, qu'il était capable de dire la vérité et des choses qui dérangent un certain nombre de pays en matière de Droits de l'Homme. Et en même temps de prendre en compte le fait que la Chine elle va dépasser les Etats-Unis dans les vingt prochaines années en matière de puissance économique, elle est au Conseil de sécurité des Nations unies, et c'est donc une puissance mondiale incontournable.

Et dans le même registre, recevoir B. Al Assad le jour du défilé du 14 juillet, ce n'est pas de la provocation ?

Ce n'est pas de provocation quand on est en train de créer l'Union pour la Méditerranée. N. Sarkozy, souvenez-vous, il a eu une grande idée, c'était pendant la campagne présidentielle, il a dit, « je souhaiterais, de la même manière qu'il existe l'Union européenne, que les pays qui sont concernés par l'avenir de la Méditerranée et qui quelque part partagent une culture, des valeurs communes, se retrouvent sur un certain nombre de grands dossiers ». Ben, c'est vrai, dans les pays qui bordent la Méditerranée, il n'y a pas...

... mais est-ce qu'ils partagent les valeurs pour être dans cette Union de la Méditerranée ?

Ce sont des Méditerranéens, les Syriens.

La torture, les prisonniers politiques, est-ce que ces valeurs peuvent être dans cette Union de la Méditerranée ?

Ce sont des Méditerranéens les Syriens, et donc c'est quand même délicat de traiter les questions de l'avenir de la Méditerranée sans un certain nombre de pays qui bordent cette Méditerranée.

Ca veut dire qu'il n'y a plus de limite alors.

Alors, ça ne veut pas dire qu'on partage tout ce qui se passe dans les pays qui bordent la Méditerranée, mais ça veut dire que, G. Cahour, vous savez, la paix ça ne se fait pas avec les colombes, la paix ça se fait avec les faucons, et à un moment il faut savoir tendre la main pour faire en sorte que les choses changent et qu'on aille dans une logique d'harmonisation et une logique de paix tout autour de cette Méditerranée. Et c'est l'esprit des invitations...

Mais Kadhafi, ça a changé quoi de recevoir Kadhafi ? Qu'est-ce que ça a changé dans son pays en matière de Droits de l'Homme ?

Ecoutez, à chaque fois qu'on pourra dissocier, rapprocher des pays qui à un moment où un autre ont été au ban des nations, les rapprocher de la démocratie, les rapprocher de nos valeurs, ça va dans le bon sens, tout ce qui peut être fait en la matière doit être positif. J'observe qu'il y a eu beaucoup de polémiques sur Kadhafi, je n'en avais pas beaucoup entendues quand d'autres gouvernements européens et internationaux avaient noué un certain nombre de contrats avec la Libye. Donc, tout ça est parfois caricatural.

Mais quels résultats aujourd'hui dans son pays, parce que c'est un pari de dire : voilà, ça va l'aider à améliorer son pays.

Mais bien sûr, c'est un...

... mais qu'est-ce que ça a changé...

... mais c'est un pari sur l'avenir.

C'est un pari sur l'avenir !

Encore une fois, je pense que ça n'est pas une solution...

... mais si d'ici la fin de son mandat, du mandat de N. Sarkozy, les choses ne changent pas en Libye ou par exemple en Syrie, est-ce que cette politique-là, de ce pari sur l'avenir, sera remise en cause ?

D'abord, donnez-nous acte qu'en un an les choses ont changé. Le fait que l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent le 13 juillet prochain, c'est une avancée considérable. Vous vous rendez compte qu'à la même table, vous allez avoir le Premier ministre israélien et les Premiers ministres ou les représentants des pays arabes à Paris ! Je veux dire c'est exceptionnel, c'est une avancée qui est très importante. Donc, de grâce, ne faisons pas des plans sur la comète et constatons les avancées qui ont eu lieu.

Nous sommes avec L. Chatel jusqu'à 9 heures sur RMC et sur BFM TV, en duplex. Dans quelques instants, nous reparlons des piscines, nous allons revenir plus près de notre quotidien avec les vacances qui commencent...

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2008