Déclaration de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la réaffirmation de la nécessaire maîtrise de la dépense publique, à l'Assemblée nationale le 15 juillet 2008.

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Circonstance : Débat d'orientation des finances publiques,à l'Assemblée nationale le 15 juillet 2008

Texte intégral

Monsieur le président,
Messieurs les présidents de commission, Didier Migaud et Pierre Méhaignerie
Messieurs les rapporteurs généraux, Gilles Carrez et Yves Bur
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le débat d'orientation "des finances publiques" est toujours un moment important, car il permet de débattre le fond des orientations, au-delà des détails techniques. Il recouvre aujourd'hui une importance encore plus grande, car j'ai l'honneur de vous transmettre, pour la première fois dans l'histoire des finances publiques de notre pays, les plafonds de dépenses par mission non pas pour l'année prochaine uniquement, mais pour les trois prochaines années. C'est une avancée majeure pour la clarté, la crédibilité, la gestion des finances de l'État.
Un an a passé depuis que j'ai eu pour la première fois l'occasion de vous présenter les orientations retenues par le gouvernement pour nos finances publiques. Beaucoup a été accompli au cours de cette année, et notamment la RGPP sous l'autorité du président de la République et du Premier ministre. Un an pendant lequel j'ai essayé d'être le plus transparent possible avec vous, y compris dans ce processus de révision des politiques publiques.
Nous sommes désormais à un moment crucial pour nos finances publiques :
- nous ne pouvons plus nous réfugier derrière les solutions de facilité du passé, et notamment celle de l'endettement à bas coût ;
- nous devons faire face à l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom.
L'ensemble des travaux que le gouvernement a mené et que nous avons mené ensemble depuis un an seront les fondements du premier budget triennal et de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. La contrainte financière est extrêmement forte, comme le souligne également le rapporteur général de votre commission des Finances, Gilles Carrez, avec la ténacité qui sied à ceux qui veulent réellement rééquilibrer les finances publiques. Mais avec les travaux engagés, nous nous sommes donné les moyens de concilier cette contrainte financière avec le maintien d'un service public de qualité et d'un système social protecteur.
Je voudrais tout d'abord, comme il est d'usage, faire un point sur l'année 2008. Où en sommes-nous ?
L'objectif de 2,5 points de PIB de déficit public pour 2008 demeure. Il nécessite cependant d'être extrêmement vigilant sur la dépense.
Les recettes fiscales de l'État seraient en moins values par rapport à la loi de finances initiale. Quand nous avons révisé notre prévision de croissance du PIB en avril avec une fourchette de 1,7 % à 2 %, nous supposions implicitement une moins-value de recettes fiscales de 3 à 5 Md euros par rapport à la LFI. Cette prévision tenait également comptes des résultats de 2007. Les données supplémentaires disponibles à ce jour sur 2008 ne remettent pas en cause cette fourchette de 3 à 5 Md euros.
Sur les dépenses de l'État, l'élément essentiel qui pèse sur l'exécution c'est la révision à la hausse de la charge de la dette, de 2 à 3 Md euros par rapport à la LFI - soit de 5 à 7 %. Ce dérapage provient essentiellement :
- de l'augmentation des taux d'intérêt depuis la LFI ;
- mais surtout de l'augmentation de l'inflation qui pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées.
La mise en réserve de crédits réalisée en début d'année 2008 est typiquement destinée à faire face aux besoins apparaissant en cours d'exécution. À ce stade de l'année, il est difficile de déterminer avec précision quel peut être le rendement net d'une utilisation pertinente de cette mise en réserve. Toutefois, j'estime qu'environ la moitié des crédits mis en réserve (soit de l'ordre de 3 Md euros) pourrait faire l'objet d'une annulation.
En dépit du poids croissant des charges d'intérêt, je conserve donc l'objectif de respecter l'enveloppe de la LFI que vous avez votée.
En ce qui concerne la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la LFSS. Tel que je peux aujourd'hui l'estimer, le déficit du régime général serait de 8,9 Md euros contre 9,5 Md euros en 2007, ce qui est exactement en phase avec la LFSS 2008 (-8,8 Md euros).
Ces résultats s'expliquent principalement par les mesures votées dans la LFSS pour 2008, par la situation de l'emploi et la bonne tenue des recettes.
Les mesures votées à l'automne dernier nous ont permis, en particulier, d'afficher une maitrise crédible des dépenses d'assurance maladie. Le comité d'alerte a prévu un dépassement de l'Ondam entre 500 et 900 M euros, alors que le seuil d'alerte est autour de 1,1 Md euros. Le comité n'a donc pas déclenché d'alerte. Mais, avec Roselyne Bachelot, je reste particulièrement vigilant, car nous ne nous satisfaisons pas de ce dépassement, même s'il est inférieur au seuil d'alerte. Et même s'il est bien inférieur au dérapage de 3 Md euros à la même époque l'année dernière... Je suis persuadé que Pierre Méhaignerie et Yves Bur pensent de même.
Je voudrais aussi souligner que la conjoncture a beau être tendue, la situation de l'emploi s'améliore, les recettes des organismes de sécurité sociale s'accroissent, alors que certaines prestations ralentissent fortement, comme celles à la charge de l'assurance chômage.
Sans verser dans l'angélisme, je confirme dans ces conditions qu'un déficit de 2,5 points de PIB est toujours mon objectif.
Après ce bref point sur les perspectives 2008, je voudrais revenir sur notre stratégie de moyen terme, et comment elle se concrétise dans la préparation du budget triennal, du PLF et du PLFSS.
Nous ne modifions pas notre stratégie pour le rétablissement de nos finances publiques. Cette stratégie que nous mettons en oeuvre avec constance depuis un an conjugue :
- D'une part, le développement de la croissance potentielle de l'économie grâce aux réformes de structure. Vous avez eu l'occasion d'en débattre de nombreuses fois avec Christine Lagarde au cours de l'année écoulé. La LME, ou la loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail ne sont que les exemples les plus récents de ces réformes ;
- D'autre part, la maitrise de la dépense publique. Il faut, je l'ai dit et répété, diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, soit avoir une croissance de la dépense de l'ordre de 1 % en euros constants par an. Gilles Carrez ne dit pas autre chose lorsqu'il explique, comme il l'a fait à la conférence nationale des Finances publiques, qu'il faut limiter l'augmentation de la dépense publique en euros courants à 30 Md euros par an alors qu'elle croitrait tendanciellement de 40 Md euros.
C'est ainsi que nous retrouverons l'équilibre de nos finances publiques en 2012, et de la sécurité sociale dès 2011.
Je voudrais maintenant vous présenter très concrètement la préparation du premier budget triennal, et la situation à laquelle nous avons à faire face en 2009.
En 2009 nous avons un objectif ambitieux, réduire le déficit public de 0,5 point de PIB pour le ramener à 2 points de PIB :
- C'est l'effort qui permet un retour à l'équilibre de nos finances publiques d'ici à 2012.
- C'est l'effort qu'attendent de nous nos partenaires européens.
- C'est l'effort qui nous permettra de restaurer la confiance de tous sur l'assainissement de nos finances publiques.
Et cela ne concerne pas que nos finances publiques, bien au contraire : cet assainissement renforcera l'ensemble des réformes qui sont en cours pour soutenir la croissance, car il ne peut pas y avoir de croissance durable, sans finances publiques soutenables.
Pour y parvenir, il faut principalement agir dans 3 directions :
- stabiliser chaque année la dépense de l'État en euros constants sur le périmètre élargi que nous avons défini pour le PLF 2008 ;
- faire 4 Md euros d'effort de redressement sur l'assurance maladie dès 2009, pour assurer le retour à l'équilibre du régime général au plus tard en 2011 ;
- poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance dans un environnement mondial difficile.
L'une des principales difficultés de cet environnement, c'est la poussée inflationniste que nous connaissons. Nous prévoyons 2,9 % d'inflation pour cette année, et 2 % pour l'année prochaine. Or, contrairement à ce que l'on peut entendre ici et là, l'inflation n'est pas favorable aux finances publiques.
L'inflation augmente tout d'abord les dépenses :
- pour l'année en cours, l'effet se produit principalement via l'augmentation de la charge des obligations indexées ;
- l'année qui suit, l'indexation des prestations familiales et de retraite rattrapent les surprises d'inflation. Une surprise de 1,3 % d'inflation, c'est un coût de près de 3Md euros pour l'année d'après.
Et l'inflation n'est pas forcément bénéfique sur les recettes, contrairement à une croyance tenace :
Certes, un certain nombre d'impôts ou de taxes sont assis sur des revenus ou des prix en euros courants. C'est notamment le cas de la TVA. Mais il ne faut pas oublier que, pour le montant total de la recette, la quantité achetée est tout aussi déterminante que le prix. Si l'inflation provient d'une surchauffe de l'économie, alors, oui, l'augmentation des « volumes » se conjugue à l'augmentation des « prix » pour favoriser les rentrées fiscales.
Mais ce n'est pas ce que nous connaissons aujourd'hui : l'inflation qui provient principalement des matières premières est importée, elle pèse sur l'activité, donc sur les volumes produits. Au total donc, l'effet de l'inflation sur les recettes est très ambigu.
Il l'est d'autant plus que les produits dont le prix augmente le plus sont justement ceux qui supportent une fiscalité importante proportionnelle aux volumes consommés : je veux parler de la TIPP sur les produits pétroliers.
Je voudrais revenir plus précisément sur la construction du budget de l'État. Comme je l'ai dit, pour la première fois, nous mettons à votre disposition les plafonds de dépense par mission pour les trois prochaines années. C'est une avancée majeure pour la gestion de la dépense de l'État. Mais la construction de ce budget triennal se fait dans un environnement contraint comme il ne l'a jamais été auparavant. Pour 3 raisons :
1) Stabiliser les dépenses en euros constant sur le périmètre de la norme élargie, c'est un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé. En moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de la dépense de l'État sur ce périmètre élargi aurait été de 1,1 % ;
2) Je tiens par ailleurs à faire disparaitre les sous-dotations qui ont pu exister, en particulier en ce qui concerne les relations entre l'État et la Sécurité sociale :
3) Les dépenses héritées du passé sont bien plus dynamiques qu'auparavant :
- L'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom accroit le montant des pensions. Ces dépenses progresseront de près de 2,5 Md euros en moyenne par an de 2009 à 2011.
- La charge de la dette s'accroit également brutalement. On a longtemps été « anesthésié » face au cancer de la dette. Nous avons en effet bénéficié pendant des années de la baisse des taux au gré du refinancement de la dette. On savait qu'on était arrivé à l'étiage et que le risque d'une remontée des taux d'intérêt était plus que probable. Il survient, de manière plus brutale que prévu du fait de la poussée inflationniste. De 2003 à 2007, la charge de la dette était quasiment stable. Dans les années à venir, elle augmentera d'un peu plus de 2 Md euros de plus chaque année en moyenne. À titre de comparaison, 2 Md euros c'est quasiment le budget de la culture, c'est environ la moitié du budget de l'agriculture, ou de celui du Quai d'Orsay.
- au total, de 2003 à 2007, la charge de la dette et les pensions représentaient moins de 30 % de l'augmentation de la dépense de l'État. À l'avenir, c'est exactement l'inverse, elles en absorberont environ 70 %. Il faut bien appréhender ce que cela veut dire, c'est un renversement majeur : de 70 % de marge de manoeuvre, on passe à 70 % contraints.
Il faut aussi tenir compte de l'évolution des prélèvements sur recette au profit de l'union européenne et des collectivités territoriales. Si l'on ajoute la progression de ces prélèvements, ce n'est plus 70 % de la progression des dépenses qui est contrainte, mais quasiment 100 % !
Au total, réaliser le « 0 volume » sur la norme élargie, c'est en fait quasiment équivalent à stabiliser en euros courants les dépenses des ministères.
Il faut se rendre compte de ce que cela signifie :
C'est d'abord « 0 valeur » sur les dépenses de personnel. Nous y parvenons grâce à la RGPP qui nous permet d'effectuer 30 600 non remplacements pour l'État. Par ailleurs, les opérateurs seront aussi associés à l'effort de réduction des effectifs. Dès 2009, nous atteignons donc quasiment notre objectif de non remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Vous en trouverez le détail dans le document distribué. Certains ministères font plus que la moyenne, d'autres moins. Mais même dans les quelques ministères qui voient leurs effectifs stabilisés globalement ou en léger accroissement, je vous assure qu'il y a pour certaines missions de ces ministères le même effort de productivité qu'ailleurs. Il n'y a donc pas de vision arithmétique de ce ratio. Nous faisons ce que les réformes retenues par la RGPP nous permettent. Il serait illusoire de faire l'inverse : fixer un ratio et espérer qu'on trouvera comment l'atteindre... Ces non-remplacements s'accompagnent bien évidemment, comme cela avait été annoncé par le président de la République, d'un retour aux fonctionnaires à 50 % des économies induites par les gains de productivité qui leur sont demandés.
C'est aussi « 0 valeur » pour les budgets d'intervention et de fonctionnement des différents ministères. Il faut naturellement faire des choix. J'ai rencontré tous les ministres, d'abord de manière bilatérale, puis avec le . Nous avons aussi disposé depuis un an de l'enceinte de discussion inédite qu'offraient les nombreuses réunions RGPP : c'est ce qui nous a permis d'aller au fond des sujets, et pour 3 ans. On me demande souvent où est la RGPP dans le budget. Et bien précisément là, c''est-à-dire partout. Cette démarche est le creuset du budget triennal.
Enfin, parmi les dépenses, il y a naturellement des priorités :
- La première d'entre elle, l'enseignement supérieur et la recherche dont nous nous sommes engagés à augmenter les moyens de 1,8 Md euros par an ;
- La mise en oeuvre du Grenelle. C'est un engagement majeur du quinquennat. Son déploiement concernera un large éventail de projets comme le logement, les transports, la recherche en matière de développement durable, ou encore la transition de notre économie vers un nouveau modèle énergétique. La loi de finances pour 2009 sera la première traduction du Grenelle de l'environnement, notamment dans son volet fiscal ;
- La Justice et plus particulièrement l'administration pénitentiaire ;
- Par ailleurs, compte tenu des besoins en équipement de la Défense, on peut dire, comme l'a d'ailleurs dit Hervé Morin, que le budget d'équipement de la Défense est devenu une "quasi-priorité". C'est possible notamment grâce au recyclage de toutes les économies faites sur le fonctionnement en surcroit d'équipement, grâce aussi à des ressources extrabudgétaires qui permettront de respecter les engagements encore hérités de la précédente loi de programmation militaire. Au total, l'équipement militaire passera de 15 Md euros d'euros en moyenne sur la précédente LPM à 18 Md euros en moyenne sur la prochaine loi de programmation militaire.
Comme il faut financer ces priorités avec une enveloppe constante, il est évident que certains budgets doivent baisser. Il n'y a eu aucun tabou dans nos discussions. Même dans les ministères prioritaires, la RGPP permet de rationaliser les dépenses.
Vous avez entre les mains les résultats de nos travaux. Je ne vais pas "égrener" mission par mission ces résultats, mais ils traduisent tous l'ampleur des réformes mises en oeuvre. Par exemple dans la mission "Ville et logement", une large réorientation du 1 % logement sera opérée. La mission "Sécurité" traduit les orientations de la future loi d'orientation, de programmation et de performance de la sécurité intérieure. Les conclusions de la RGPP sur la mission "Travail et emploi" conduisent à limiter la durée des contrats aidés, qui seront aussi recentrés sur les personnes les plus éloignées de l'emploi. À partir de 2010, la formation professionnelle sera également mieux orientée au profit des demandeurs d'emploi.
Je signale d'emblée, pour éviter toute ambigüité, que le « 0 valeur » ne contient pas à ce stade le RSA, pour la simple raison que ses modalités, et donc a fortiori son financement, ne sont pas encore arrêtées. Elles le seront, puisque je rappelle que le principe et les orientations ont été confirmés à plusieurs reprises par le président et le Premier ministre.
Je tiens surtout à préciser que les efforts faits pour tenir ce « 0 valeur » sur les dépenses des ministères constituent le résultat de l'effort de toute l'équipe gouvernementale, et de la détermination du Président et du Premier ministre. Il n'y a pas de "gagnant" ou de "perdants" : il y a des priorités politiques clairement affichées, et tous, nous portons les efforts nécessaires pour les réaliser. Je l'ai déjà dit : il faut cesser de juger un budget à sa taille. Il faut juger l'efficacité des politiques mises en oeuvre, et les résultats obtenus.
J'ai ici beaucoup parlé des dépenses, car c'est l'usage de se concentrer sur elles à ce stade de l'année. Mais il est bien évident que la réduction de 0,5 point de PIB de déficit public tient compte des mesures déjà prises sur les recettes, comme Tepa, le crédit d'impôt recherche, ou encore les mesures adoptées dans la LME, tout comme leurs effets économiques seront intégrés dans les prévisions de croissance que présentera Christine Lagarde en septembre.
Je voudrais en venir maintenant à la sécurité sociale.
Pour parvenir à l'équilibre du régime général en 2011, il faut impérativement que l'assurance maladie soit également à l'équilibre d'ici là. Les caisses d'assurance maladie viennent de nous faire des propositions d'économies pour 2009. Nous allons évidemment les étudier en détail.
Je retiens un message fort des propositions de l'UNCAM : il existe des marges d'efficience importantes dans notre système qui rendent possible le retour à l'équilibre. C'est le sens de la politique que nous voulons mener : traquer les abus, les gaspillages, les dépenses inutiles ou redondantes. Roselyne Bachelot et moi-même venons d'entamer un cycle de rencontres avec les mutuelles et les partenaires sociaux. Nous y discutons bien sûr de propositions faites récemment par les caisses d'assurances maladie ; et nous débattons aussi, sans tabou et dans un grand esprit de dialogue, de bien d'autres pistes pour rééquilibrer les comptes. Après ces réunions, nous disposerons d'un éventail de propositions à partir duquel nous prendrons nos responsabilités. Des annonces sont envisageables avant la fin du mois de juillet.
Par ailleurs, la protection sociale a réalisé un important effort de couverture du risque chômage quand ce risque était élevé. La baisse du chômage doit en retour pouvoir être mise à profit pour baisser les cotisations et permettre ainsi, à taux de prélèvements constant, une hausse des cotisations retraite. Selon moi, ce mouvement doit être engagé dès 2009.
Mais l'amélioration de la branche vieillesse dépendra principalement de l'évolution de l'emploi des seniors, des âges de cessation d'activité et de liquidation. Pour l'emploi des seniors, le gouvernement a pris ses responsabilités, en annonçant la majoration de la surcote dès la première année et la libéralisation du cumul emploi-retraite pour ceux qui ont atteint le taux plein, en fermant progressivement les préretraites financées sur fonds publics, en taxant les préretraites d'entreprise, et en interdisant le recours aux mises à la retraite d'office. Il faut aussi que les comportements changent effectivement, que les entreprises s'impliquent davantage encore dans une gestion active des âges : ce n'est que par une mobilisation collective que nous réussirons.
Je veux aussi continuer à clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale.
L'année dernière, j'ai apuré la dette de l'État envers la sécurité sociale qui se montait à 5,1 Md euros fin 2006. Je n'ai pas pu éviter, compte tenu de ce qu'était la construction de la LFI 2007, de recréer un peu de dette en 2007. Il faut désormais traiter le mal à la racine : dans le cadre du budget pluriannuel, je tiens à une juste budgétisation des dépenses de l'État compensant les dispositifs gérés par la sécurité sociale.
Par ailleurs, la dette sociale actuellement à l'ACOSS sera transférée à la CADES. Nous utiliserons dans ce but une fraction des recettes de CSG qui sont actuellement attribuées au Fonds de solidarité vieillesse. C'est possible car le FSV est désormais en excédent, et nous réaliserons ce transfert dans le respect de l'équilibre financier du fonds. Nous traiterons également la question du FFIPSA dans les PLF et PLFSS pour 2009, à la fois du point de vue de son déficit, mais aussi de sa dette.
Je voudrais revenir maintenant sur les collectivités locales. Comme vous le savez, une conférence nationale des Exécutifs a eu lieu jeudi dernier. Le message qu'a transmis le Premier ministre est simple : l'ensemble des concours de l'État aux collectivités locales doit évoluer au même rythme que l'ensemble des dépenses de l'État, c'est-a-dire à l'inflation. Avec une prévision d'inflation à 2 % en 2009, l'ensemble des concours de l'État, soit 55 Md euros hors dégrèvements, augmentera donc de +1,1 Md euros en 2009 par rapport à 2008. Ce 1,1 Md euros supplémentaire en 2009, c'est 200 M euros de plus que l'augmentation prévue en LFI 2008 [qui est de 900 M euros].
C'est le maximum de l'effort que l'État peut s'imposer sur ses propres dépenses au bénéfice des collectivités. Pour 2010 et 2011, l'ensemble des concours de l'État continuera à évoluer comme l'inflation, ce qui conduira à une augmentation de 1 Md euros supplémentaires par an.
Quelle traduction donner à cette augmentation de 1,1 Md euros en 2009 ?
Le s'y est engagé lors de la conférence nationale des finances publiques : le FCTVA ne sera pas réformé en 2009, afin de ne pas mettre en péril les plans de financement des collectivités qui ont déjà investi et qui comptent dessus.
Cela n'exclut pas en revanche de réfléchir à l'avenir de cette dotation qui consomme les marges de manoeuvre dans l'enveloppe que nous venons d'évoquer. Il y a plusieurs pistes devant nous pour travailler ensemble à une réforme du FCTVA afin qu'elle puisse générer ses premiers effets avant la fin de la législature : quel champ d'investissement retenir ? Quel rythme de progression pour le FCTVA ? Quelle articulation retenir avec les autres dotations d'investissement ?
Une fois financée l'augmentation du FCTVA, 450 M euros de crédits resteront disponibles. Il nous faut réfléchir conjointement à l'orientation que nous leur donnons et à l'évolution de la DGF : dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, il n'est pas possible que la DGF continue à progresser sur son rythme actuel d'indexation.
Deux options sont ouvertes : faut-il financer le rattrapage d'inflation au titre de 2008 ou retient-on au contraire le principe d'une indexation de la DGF à l'inflation ? La question reste ouverte, mais je remarque qu'en ce qui concerne les dépenses de l'État, c'est la deuxième solution qui est retenue. Enfin, il nous faudra aussi réfléchir à la meilleure manière de concilier une évolution limitée de la DGF à une amélioration de son efficacité péréquatrice.
Après cette présentation des enjeux et des orientations pour l'État, la Sécurité sociale et les collectivités locales, je voudrais pour finir revenir sur deux importants sujets de gouvernance : la loi de programmation des finances publiques, et la maîtrise des niches fiscales et sociales.
La révision de la Constitution a été l'occasion d'ouvrir un large débat sur l'opportunité d'inscrire dans la loi fondamentale une règle de finances publiques, et si oui, laquelle.
Le résultat auquel nous sommes pour l'instant parvenus me parait très satisfaisant : une loi de programmation des finances publiques, qui s'inscrit dans un objectif d'équilibre. Car il ne suffit pas de dire "il faut être à l'équilibre", il faut également dire comment on y arrive. C'est, de mon point de vue, la partie la plus difficile...
Ainsi, les objectifs que je vous ai décrits seront déclinés à la rentrée dans une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Celle-ci permettra de définir une stratégie d'ensemble cohérente, dépassant la vision limitée qu'offrent aujourd'hui les débats annuels sur le PLF et le PLFSS.
J'ajoute que l'élaboration, puis le vote, des lois de programmation des finances publiques permettra de pallier la situation actuelle, où les programmes de stabilité adressés chaque année à la Commission européenne ne sont pas soumis au Parlement et n'ont pas, dès lors, la portée politique suffisante pour encadrer l'action publique.
Un autre sujet me tient à coeur, tout autant qu'à celui de vos commissions des Finances et des Affaires sociales : c'est le sujet des niches fiscales et sociales. Je tiens à saluer tout particulièrement les deux excellents rapports auxquels nombre de députés ici présents ont participé, issus de missions présidées par Didier Migaud et Gérard Bapt, et dont Gilles Carrez et Yves Bur ont été les rapporteurs. Nos discussions se poursuivent bien sûr, mais disons d'emblée que je suis très favorable à la plupart de vos propositions.
Comme vous le constatez dans vos rapports, le nombre de niches et leur montant sont devenus un véritable enjeu de finances publiques. C'est pourquoi le a décidé lors de la dernière conférence nationale des Finances publiques qu'elles seraient limitées dans le temps, et soumises à une évaluation systématique. C'est pourquoi aussi j'ai discuté lors de mes rencontres bilatérales avec les ministres non seulement des dépenses budgétaires, mais aussi des dépenses fiscales ou des exonérations de charges sociales. Tout cela pèse de la même façon sur le déficit, il faut donc en discuter en même temps. Surtout lorsque ces dépenses fiscales sont conçues et imaginées précisément pour se substituer à la dépense budgétaire qu'on n'arrive pas à obtenir.
Il nous faut alors poursuivre les voies qui permettent de limiter ces niches. Sur les dépenses fiscales, et les exonérations diverses et variées de charges sociales, j'envisage donc plusieurs actions, et ce dès le PLF et le PLFSS 2009 :
- nous améliorerons la qualité de l'information du Parlement, en récapitulant de façon claire toutes les décisions prises à ce sujet dans l'année dans le PLF et le PLFSS ;
- nous instaurerons un objectif de dépenses fiscales dans le PLF, probablement de manière indicative à ce stade. Ses modalités restent toutefois à définir et je fais étudier un objectif analogue pour les exonérations sociales dans le PLFSS.
J'avais à vrai dire de la sympathie pour l'amendement qu'avait adopté le Sénat, et qui visait à valider en LFI et LFSS les niches votées dans des lois ordinaires. Je comprends que votre commission des Lois y voit une atteinte à des principes que je ne saurais contester. Mais je « compatis » à mon tour, Didier Migaud, au fait que la position de la commission des Finances n'ai pas été entendu sur ce point. Reste qu'il nous faut ensemble lutter contre la prolifération, excessive à mon goût, de ces dispositions.
Je reste bien entendu ouvert à la discussion sur ces sujets.
Nous sommes face à une situation inédite pour nos dépenses publiques : la dynamique de charge d'intérêt et celle des pensions accentuent les contraintes qui pèsent sur les autres dépenses, qu'il s'agisse de la masse salariale ou des dépenses d'intervention. Il est donc plus que jamais indispensable de réaffirmer la maîtrise de la dépense publique et d'améliorer son efficience. Nous nous en donnons pleinement les moyens, avec la RGPP et les discussions qui s'engagent dans la sphère sociale, avec le budget triennal, avec la maitrise des niches et avec la loi de programmation des finances publiques. C'est cette alliance de réformes de structures profondes et de règles de gouvernance efficaces qui nous permettront de réussir.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 1er août 2008