Texte intégral
- principaux passages -
« Monsieur le Président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les conseillers, je souhaite avant toute chose vous remercier de m'accueillir dans cette assemblée, qui, du fait de sa composition, a su aiguiller les pouvoirs publics avec sérieux et pertinence, au service de l'intérêt général et par delà les clivages partisans.
Merci tout particulièrement à vous, Monsieur le rapporteur, pour l'initiative que vous avez prise, qui me donne, une fois de plus, l'occasion de m'exprimer sur ce sujet complexe mais passionnant qu'est la politique de la ville, et plus spécifiquement sur l'emploi des jeunes dans ces quartiers populaires.
Sur ce sujet en particulier, la situation que nous connaissons tous est économiquement incompréhensible, socialement inadmissible et politiquement dangereuse. Car personne ne peut en effet accepter qu'il y ait d'un côté, un chômage massif des jeunes dans nos banlieues, et de l'autre, des entreprises qui manquent de main-d'oeuvre.
Pour ma part, je ne vais pas vous faire ici une énumération de dispositifs passés et futurs, ni vous dire que j'ai tout compris et que tout ce qui a été fait avant ne compte pas. Ce que je souhaite en revanche, c'est partager avec vous une vision nouvelle de la politique de la ville et de la dynamique que nous mettons actuellement en place, sous l'impulsion du Président de la République.
Vous le savez : le 8 février dernier, au terme de plus de six mois de concertation et de mobilisation générale sans précédent dans tout le pays en faveur des quartiers prioritaires, le Président de la république a fixé à l'ensemble du gouvernement la feuille de route et les axes prioritaires de son projet pour les banlieues : l'éducation, l'emploi, le désenclavement et la sécurité pour tous en sont les fers de lance, avec pour ambition d'ouvrir les voies de l'émancipation et de l'intégration des concitoyens de ces quartiers populaires.
Les objectifs de cette nouvelle politique de la ville sont simples, mais ambitieux : le retour de la République dans les banlieues, la réduction des inégalités territoriales, faire de nos quartiers le vivier des compétences et des élites de la France d'aujourd'hui et de demain, mettre en oeuvre une politique de la ville qui s'appuie sur une véritable expertise locale, pour rompre définitivement avec la catalogue des mesures qu'on impose par le haut. Je me réjouis donc de l'opportunité qui m'est offerte aujourd'hui de vous faire part de la concrétisation, dans les faits et sur le terrain, de cette mission d'intérêt général et national, au service de laquelle je m'implique totalement.
La première de nos priorités, celle qui constitue la pierre angulaire de toutes les autres, c'est l'accès à l'emploi des jeunes. La problématique du chômage n'est certes pas nouvelle, mais nous sommes confrontés aujourd'hui à un paradoxe inacceptable, qui fait qu'une partie de la jeunesse n'a plus accès à l'emploi, alors même que de nombreuses entreprises sont en pénurie de main-d'oeuvre. Pourtant, et vous en savez autant que moi sur cette question, nos quartiers populaires ne manquent ni de talents, ni de compétences, ni de savoir-faire, et encore moins de créativité.
C'est ce paradoxe qui nous a conduits à agir vite, avec pragmatisme et efficacité. L'enjeu en réalité est simple : rapprocher le plus efficacement possible deux mondes qui se méconnaissent : les entreprises et les jeunes ; l'offre et la demande.
Notre réponse est adaptée : elle s'appelle « contrat d'autonomie ». Le contrat d'autonomie n'est pas un nouveau contrat aidé, c'est un dispositif innovant, qui implique à la fois le public et le privé et impose aux opérateurs retenus une véritable obligation de résultat.
Concrètement, ce dispositif se décompose en trois phases, sur une durée totale de 12 mois. La première phase, c'est l'identification des jeunes, qu'il faut aller chercher dans les cages d'escalier si c'est nécessaire. Cette première étape se traduit par la signature du contrat d'autonomie, dans une logique gagnant-gagnant. La deuxième phase, c'est l'accompagnement personnalisé, qui comprend la définition du projet professionnel, des actions de formation et du coaching préparatoire au placement du jeune dans l'entreprise. La troisième et dernière phase, c'est le suivi du jeune au sein de l'entreprise pour s'assurer de son intégration définitive. Et à chaque étape correspond un coût, manière efficace de suivre réellement la traçabilité de l'argent dépensé.
Bien sur, le contrat d'autonomie doit trouver son articulation avec les dispositifs existants et, notamment, avec l'accompagnement effectué par les missions locales. C'est pour cela qu'un comité de pilotage départemental réunissant l'ensemble des acteurs concernés, dont les représentants du service public de l'emploi, se réunira au moins une fois par mois. Les missions locales sont en effet des structures particulièrement expérimentées dans le domaine de l'accompagnement des jeunes éloignés de l'emploi. A ce titre, certaines d'entre elles ont soumissionné à l'appel d'offre, au même titre d'ailleurs que des opérateurs privés et des associations.
Cet appel d'offre a été publié le 28 mars dernier au Journal Officiel. Les opérateurs publics et privés y ont répondu jusqu'au 28 avril et dès cette semaine, les premiers contrats d'autonomie vont être signés dans les Yvelines. Au total, ce parcours concerne 45 000 jeunes sur trois ans et est déployé dans 35 départements expérimentaux. Et je ne manquerai évidemment pas de faire un tour de France des départements concernés pour vérifier la bonne mise en oeuvre des contrats sur le terrain.
Vous l'aurez donc compris : la mise en place d'un outil spécifique dans ces territoires vise à renforcer l'accompagnement d'un public plus éloigné de l'emploi et à tout mettre en oeuvre pour favoriser son employabilité dans le secteur marchand. Pour les entreprises, c'est l'assurance que les profils qui leur seront présentés sont conformes à leurs attentes, en termes de savoir-faire, mais aussi en termes de savoir-être.
Ce dispositif complète une action que j'ai initiée par ailleurs avec Christine Lagarde et Laurence Parisot en faveur de la diversité, consistant à mobiliser des grandes entreprises nationales pour l'emploi des jeunes des quartiers, entreprises qui ont accepté de signer un engagement national pour les jeunes des quartiers prioritaires. Tous ces employeurs - 53 entreprises à ce jour-, parmi lesquels des grands noms de l'industrie française et du CAC 40, ont dit oui à la diversité. Et vous en savez quelque chose, Monsieur le rapporteur. Ces entreprises se sont engagées volontairement sur un certain nombre de recrutements, de contrats en alternance et de stages en faveur de jeunes de moins de 26 ans, qui résident en ZUS et dans les quartiers couverts par un contrat urbain de cohésion sociale.
Les premiers résultats dont nous disposons sont très encourageants. Et d'ores et déjà, j'ai invité les préfets à démultiplier la démarche au niveau local en entraînant dans cette dynamique des petites et moyennes entreprises, confrontées elles aussi à ce fort besoin de main-d'oeuvre. Je serais très vigilante sur le suivi de ces engagements. En fournissant notamment aux entreprises un logiciel amélioré qui leur permet de savoir si un jeune habite dans un quartier de la politique de la ville, nous sommes en train de faciliter encore davantage ce suivi.
Mais la promotion de l'emploi implique la mobilité. C'est pourquoi, nous avons fait du désenclavement notre deuxième axe prioritaire. Nous savons tous qu'il y a effectivement des quartiers éloignés de tout, dans lesquels rien ne pourra se développer si on ne règle pas d'abord le problème de l'accessibilité. Des transports réguliers, fluides et fréquents sont indispensables au développement économique d'un territoire. C'est le préalable pour que les habitants, et en l'occurrence les jeunes, puissent aller travailler ou développer une activité. Pour des communes comme Clichy-sous-Bois et Montfermeil en Seine-Saint-Denis, c'est même vital. Je m'y suis rendue pour constater la galère dans laquelle se trouvent ceux et celles qui souhaitent accéder au bassin d'emploi tout proche.
Comment dans ces conditions, s'étonner des chiffres du chômage de ces communes ? Comment s'étonner des ravages de l'absence de mixité sociale ? Sachez que sur ce point également, aussi prioritaire que les deux précédents, nous avançons à grands pas : 500 millions d'euros sur les crédits prévus dans le cadre du développement des transports en commun du Grenelle de l'environnement sont réservés pour financer la desserte des quartiers sensibles. En Île-de-France, l'accord trouvé avec le Conseil régional va permettre, dans le cadre du protocole État-régions Île-de-France, de soutenir quatre projets spécifiques, structurants pour les quartiers, dont celui de la tangentielle nord par exemple. Hors Île-de-France, des appels à projets auprès des autorités organisatrices des transports sont en cours pour le développement de métros, tramways et bus.
Parce que nous savons que cela ne suffit pas, nous avons, conjointement avec le ministère du Développement durable, choisi de renforcer le dispositif du « permis à un euro par jour », tout spécifiquement en faveur des jeunes du quartier.
Mais si la promotion de l'emploi implique le désenclavement, elle implique aussi la sécurité, à la fois dans les territoires et dans les transports C'est pourquoi le Président de la République a fait de la sécurité le troisième axe prioritaire. Ce droit vaut pour tous les citoyens de ce pays. Les habitants des quartiers populaires le réclament. Ils revendiquent leur droit à la tranquillité, à l'apaisement, au retour de relations respectueuses et harmonieuses avec ce service public qu'est la police nationale.
Cela suppose l'ouverture de part et d'autre, et la plus grande fermeté dans la lutte contre l'économie parallèle. Il ne doit pas exister de zones de non droit, où la police ne va pas, où les habitants vivent dans la peur ou l'insécurité. C'est pour cette raison que nous avons décidé de renforcer la police au quotidien, sur le terrain, dans nos quartiers populaires, afin qu'il y fasse bon vivre comme partout ailleurs. Car je suis convaincue que l'ordre républicain est nécessaire parce qu'il est émancipateur.
Mais la promotion de l'emploi impose de travailler bien en amont. C'est pour cette raison que le Président de la République a fait de l'éducation une priorité. Vous avez raison, Monsieur le rapporteur, l'enjeu est d'abord et avant tout la lutte contre l'échec scolaire et la préparation à l'insertion professionnelle. Il y avait donc urgence à agir. Mon ambition dans ce domaine, c'est d'agir sur tous les points de fragilité, tout au long du parcours éducatif de chaque élève. C'est pourquoi, en lien étroit avec Xavier Darcos qui s'est beaucoup impliqué dans la démarche à l'occasion du Comité interministériel des villes, nous avons mis en place un dispositif complet pour sécuriser le parcours de chaque enfant.
L'enjeu est énorme. On estime entre 120 000 et 150 000 le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Nous avons donc le devoir de les repérer, de les suivre et de les réorienter vers les filières qui leur correspondent. C'est cela aussi le sur-mesure et c'est pourquoi, pour offrir une deuxième chance à ceux qui quittent prématurément le système scolaire, nous soutenons un programme ambitieux de développement du nombre d'écoles de la deuxième chance. Cela conformément au souhait du Président de la République, qui rappelait dans son discours : « Le premier échec, c'est le décrochage scolaire, c'est la sortie de l'école chaque année, de 150 000 jeunes sans qualification. Je ne veux plus qu'on laisse les intermittents des collèges, ces jeunes si souvent absents, disparaître à 16 ans. Lorsqu'on les retrouve quelques années plus tard, c'est parmi les chômeurs ou les délinquants. Je veux que tous les moyens soient mobilisés pour qu'à partir de 16 ans, tout jeune sorti du système scolaire sans aucune qualification puisse être accueilli dans une école de la deuxième chance. Là où elles existent, ces écoles sont un succès. Je veux qu'elles soient généralisées à l'ensemble du territoire. Je veux que l'école de la deuxième chance devienne pour notre République, en ce début de XXe siècle, une priorité comme l'école primaire le fut jadis pour la III ème République ».
Pour concrétiser cette ambition majeure, nous avons d'ores et déjà, par voie d'amendement, donné la possibilité à ces écoles deuxième chance de collecter la taxe d'apprentissage. Dans le même esprit, nous recentrons les établissements publics d'insertion de la Défense vers les milieux urbains, pour accueillir plus d'élèves et avoir plus de chance de les insérer.
D'autres actions démarrent encore plus vite. Par exemple, pour éviter qu'un jeune des cités sans relations et sans réseau ne soit confronté à l'échec dès son premier contact avec l'entreprise, j'ai voulu mettre en place, très vite, des banques de stages dans toutes les académies. Concrètement, il s'agit d'espaces neutres où l'offre et la demande se rencontrent sur la base d'un seul critère : la compétence et le profil.
Je précise par ailleurs qu'avec André Santini, secrétaire d'État chargé de la Fonction publique, nous avons travaillé à un programme complet d'ouverture de la Fonction publique à la diversité, à tous les niveaux jusqu'à l'ENA. Dès 2009, le nombre d'allocations pour la diversité sera ainsi doublé.
Pour conclure, je souhaiterais dire un mot de la proposition de votre assemblée sur la mise en place d'une ZFU inversée. S'agissant des banlieues, vous le savez aussi bien que moi, pour faire bouger les choses, il faut sans doute de l'argent. Mais pas seulement. Il faut surtout de la bonne volonté et une ambition forte, tournée vers un seul objectif : que les quartiers dits sensibles cessent d'être stigmatisés, que la politique de la ville redevienne exceptionnelle, que ces ZUS, ces ZFU, ces ZRU, et j'en passe, redeviennent ce qu'ils auraient dû rester : des quartiers populaires tout simplement.
En clair, je veux tracer le chemin du retour vers la normalité et non pas contenir ces territoires et leurs habitants dans une logique curative et d'assistanat. Voilà pourquoi je ne suis pas, pour ma part, favorable à la mise en place d'une ZFU inversée, telle que vous la proposez dans votre projet d'avis. Mon combat en faveur de l'emploi des jeunes repose au contraire sur ma profonde conviction que les jeunes de nos banlieues ne veulent plus de l'assistanat. Ces jeunes témoignent en réalité d'une envie simple et légitime : qu'on cesse de les exclure, qu'on leur donne un travail. Qu'on leur montre, comme l'ont fait les entreprises signataires de l'engagement national, que le monde de l'entreprise les attend et a besoin d'eux.
Vous le savez aussi bien que moi, Monsieur le rapporteur : ce n'est pas un plan A, B ou C que les jeunes réclament ; ce n'est pas la mise en place d'un énième catalogue de mesure qui viendraient les sauver, c'est une dynamique qui mobilise l'ensemble des acteurs. Elle est marquée par le retour du droit commun et vise à redonner espoir et perspectives aux territoires et aux habitants de ces quartiers.
Elle s'enrichira, au fil du temps, des obstacles et des contraintes qu'elle rencontrera mais c'est cette mobilisation permanente qui nous aidera à briser la spirale de la discrimination et la mise à l'écart de certains de nos territoires. C'est peut-être cela, Monsieur le rapporteur, que vous appelez, le coup de pouce républicain et c'est cela, pour ma part, que j'appelle l'exigence et le devoir républicain. Je vous remercie de votre attention ».
source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 1er août 2008
« Monsieur le Président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les conseillers, je souhaite avant toute chose vous remercier de m'accueillir dans cette assemblée, qui, du fait de sa composition, a su aiguiller les pouvoirs publics avec sérieux et pertinence, au service de l'intérêt général et par delà les clivages partisans.
Merci tout particulièrement à vous, Monsieur le rapporteur, pour l'initiative que vous avez prise, qui me donne, une fois de plus, l'occasion de m'exprimer sur ce sujet complexe mais passionnant qu'est la politique de la ville, et plus spécifiquement sur l'emploi des jeunes dans ces quartiers populaires.
Sur ce sujet en particulier, la situation que nous connaissons tous est économiquement incompréhensible, socialement inadmissible et politiquement dangereuse. Car personne ne peut en effet accepter qu'il y ait d'un côté, un chômage massif des jeunes dans nos banlieues, et de l'autre, des entreprises qui manquent de main-d'oeuvre.
Pour ma part, je ne vais pas vous faire ici une énumération de dispositifs passés et futurs, ni vous dire que j'ai tout compris et que tout ce qui a été fait avant ne compte pas. Ce que je souhaite en revanche, c'est partager avec vous une vision nouvelle de la politique de la ville et de la dynamique que nous mettons actuellement en place, sous l'impulsion du Président de la République.
Vous le savez : le 8 février dernier, au terme de plus de six mois de concertation et de mobilisation générale sans précédent dans tout le pays en faveur des quartiers prioritaires, le Président de la république a fixé à l'ensemble du gouvernement la feuille de route et les axes prioritaires de son projet pour les banlieues : l'éducation, l'emploi, le désenclavement et la sécurité pour tous en sont les fers de lance, avec pour ambition d'ouvrir les voies de l'émancipation et de l'intégration des concitoyens de ces quartiers populaires.
Les objectifs de cette nouvelle politique de la ville sont simples, mais ambitieux : le retour de la République dans les banlieues, la réduction des inégalités territoriales, faire de nos quartiers le vivier des compétences et des élites de la France d'aujourd'hui et de demain, mettre en oeuvre une politique de la ville qui s'appuie sur une véritable expertise locale, pour rompre définitivement avec la catalogue des mesures qu'on impose par le haut. Je me réjouis donc de l'opportunité qui m'est offerte aujourd'hui de vous faire part de la concrétisation, dans les faits et sur le terrain, de cette mission d'intérêt général et national, au service de laquelle je m'implique totalement.
La première de nos priorités, celle qui constitue la pierre angulaire de toutes les autres, c'est l'accès à l'emploi des jeunes. La problématique du chômage n'est certes pas nouvelle, mais nous sommes confrontés aujourd'hui à un paradoxe inacceptable, qui fait qu'une partie de la jeunesse n'a plus accès à l'emploi, alors même que de nombreuses entreprises sont en pénurie de main-d'oeuvre. Pourtant, et vous en savez autant que moi sur cette question, nos quartiers populaires ne manquent ni de talents, ni de compétences, ni de savoir-faire, et encore moins de créativité.
C'est ce paradoxe qui nous a conduits à agir vite, avec pragmatisme et efficacité. L'enjeu en réalité est simple : rapprocher le plus efficacement possible deux mondes qui se méconnaissent : les entreprises et les jeunes ; l'offre et la demande.
Notre réponse est adaptée : elle s'appelle « contrat d'autonomie ». Le contrat d'autonomie n'est pas un nouveau contrat aidé, c'est un dispositif innovant, qui implique à la fois le public et le privé et impose aux opérateurs retenus une véritable obligation de résultat.
Concrètement, ce dispositif se décompose en trois phases, sur une durée totale de 12 mois. La première phase, c'est l'identification des jeunes, qu'il faut aller chercher dans les cages d'escalier si c'est nécessaire. Cette première étape se traduit par la signature du contrat d'autonomie, dans une logique gagnant-gagnant. La deuxième phase, c'est l'accompagnement personnalisé, qui comprend la définition du projet professionnel, des actions de formation et du coaching préparatoire au placement du jeune dans l'entreprise. La troisième et dernière phase, c'est le suivi du jeune au sein de l'entreprise pour s'assurer de son intégration définitive. Et à chaque étape correspond un coût, manière efficace de suivre réellement la traçabilité de l'argent dépensé.
Bien sur, le contrat d'autonomie doit trouver son articulation avec les dispositifs existants et, notamment, avec l'accompagnement effectué par les missions locales. C'est pour cela qu'un comité de pilotage départemental réunissant l'ensemble des acteurs concernés, dont les représentants du service public de l'emploi, se réunira au moins une fois par mois. Les missions locales sont en effet des structures particulièrement expérimentées dans le domaine de l'accompagnement des jeunes éloignés de l'emploi. A ce titre, certaines d'entre elles ont soumissionné à l'appel d'offre, au même titre d'ailleurs que des opérateurs privés et des associations.
Cet appel d'offre a été publié le 28 mars dernier au Journal Officiel. Les opérateurs publics et privés y ont répondu jusqu'au 28 avril et dès cette semaine, les premiers contrats d'autonomie vont être signés dans les Yvelines. Au total, ce parcours concerne 45 000 jeunes sur trois ans et est déployé dans 35 départements expérimentaux. Et je ne manquerai évidemment pas de faire un tour de France des départements concernés pour vérifier la bonne mise en oeuvre des contrats sur le terrain.
Vous l'aurez donc compris : la mise en place d'un outil spécifique dans ces territoires vise à renforcer l'accompagnement d'un public plus éloigné de l'emploi et à tout mettre en oeuvre pour favoriser son employabilité dans le secteur marchand. Pour les entreprises, c'est l'assurance que les profils qui leur seront présentés sont conformes à leurs attentes, en termes de savoir-faire, mais aussi en termes de savoir-être.
Ce dispositif complète une action que j'ai initiée par ailleurs avec Christine Lagarde et Laurence Parisot en faveur de la diversité, consistant à mobiliser des grandes entreprises nationales pour l'emploi des jeunes des quartiers, entreprises qui ont accepté de signer un engagement national pour les jeunes des quartiers prioritaires. Tous ces employeurs - 53 entreprises à ce jour-, parmi lesquels des grands noms de l'industrie française et du CAC 40, ont dit oui à la diversité. Et vous en savez quelque chose, Monsieur le rapporteur. Ces entreprises se sont engagées volontairement sur un certain nombre de recrutements, de contrats en alternance et de stages en faveur de jeunes de moins de 26 ans, qui résident en ZUS et dans les quartiers couverts par un contrat urbain de cohésion sociale.
Les premiers résultats dont nous disposons sont très encourageants. Et d'ores et déjà, j'ai invité les préfets à démultiplier la démarche au niveau local en entraînant dans cette dynamique des petites et moyennes entreprises, confrontées elles aussi à ce fort besoin de main-d'oeuvre. Je serais très vigilante sur le suivi de ces engagements. En fournissant notamment aux entreprises un logiciel amélioré qui leur permet de savoir si un jeune habite dans un quartier de la politique de la ville, nous sommes en train de faciliter encore davantage ce suivi.
Mais la promotion de l'emploi implique la mobilité. C'est pourquoi, nous avons fait du désenclavement notre deuxième axe prioritaire. Nous savons tous qu'il y a effectivement des quartiers éloignés de tout, dans lesquels rien ne pourra se développer si on ne règle pas d'abord le problème de l'accessibilité. Des transports réguliers, fluides et fréquents sont indispensables au développement économique d'un territoire. C'est le préalable pour que les habitants, et en l'occurrence les jeunes, puissent aller travailler ou développer une activité. Pour des communes comme Clichy-sous-Bois et Montfermeil en Seine-Saint-Denis, c'est même vital. Je m'y suis rendue pour constater la galère dans laquelle se trouvent ceux et celles qui souhaitent accéder au bassin d'emploi tout proche.
Comment dans ces conditions, s'étonner des chiffres du chômage de ces communes ? Comment s'étonner des ravages de l'absence de mixité sociale ? Sachez que sur ce point également, aussi prioritaire que les deux précédents, nous avançons à grands pas : 500 millions d'euros sur les crédits prévus dans le cadre du développement des transports en commun du Grenelle de l'environnement sont réservés pour financer la desserte des quartiers sensibles. En Île-de-France, l'accord trouvé avec le Conseil régional va permettre, dans le cadre du protocole État-régions Île-de-France, de soutenir quatre projets spécifiques, structurants pour les quartiers, dont celui de la tangentielle nord par exemple. Hors Île-de-France, des appels à projets auprès des autorités organisatrices des transports sont en cours pour le développement de métros, tramways et bus.
Parce que nous savons que cela ne suffit pas, nous avons, conjointement avec le ministère du Développement durable, choisi de renforcer le dispositif du « permis à un euro par jour », tout spécifiquement en faveur des jeunes du quartier.
Mais si la promotion de l'emploi implique le désenclavement, elle implique aussi la sécurité, à la fois dans les territoires et dans les transports C'est pourquoi le Président de la République a fait de la sécurité le troisième axe prioritaire. Ce droit vaut pour tous les citoyens de ce pays. Les habitants des quartiers populaires le réclament. Ils revendiquent leur droit à la tranquillité, à l'apaisement, au retour de relations respectueuses et harmonieuses avec ce service public qu'est la police nationale.
Cela suppose l'ouverture de part et d'autre, et la plus grande fermeté dans la lutte contre l'économie parallèle. Il ne doit pas exister de zones de non droit, où la police ne va pas, où les habitants vivent dans la peur ou l'insécurité. C'est pour cette raison que nous avons décidé de renforcer la police au quotidien, sur le terrain, dans nos quartiers populaires, afin qu'il y fasse bon vivre comme partout ailleurs. Car je suis convaincue que l'ordre républicain est nécessaire parce qu'il est émancipateur.
Mais la promotion de l'emploi impose de travailler bien en amont. C'est pour cette raison que le Président de la République a fait de l'éducation une priorité. Vous avez raison, Monsieur le rapporteur, l'enjeu est d'abord et avant tout la lutte contre l'échec scolaire et la préparation à l'insertion professionnelle. Il y avait donc urgence à agir. Mon ambition dans ce domaine, c'est d'agir sur tous les points de fragilité, tout au long du parcours éducatif de chaque élève. C'est pourquoi, en lien étroit avec Xavier Darcos qui s'est beaucoup impliqué dans la démarche à l'occasion du Comité interministériel des villes, nous avons mis en place un dispositif complet pour sécuriser le parcours de chaque enfant.
L'enjeu est énorme. On estime entre 120 000 et 150 000 le nombre de jeunes qui sortent du système scolaire sans qualification. Nous avons donc le devoir de les repérer, de les suivre et de les réorienter vers les filières qui leur correspondent. C'est cela aussi le sur-mesure et c'est pourquoi, pour offrir une deuxième chance à ceux qui quittent prématurément le système scolaire, nous soutenons un programme ambitieux de développement du nombre d'écoles de la deuxième chance. Cela conformément au souhait du Président de la République, qui rappelait dans son discours : « Le premier échec, c'est le décrochage scolaire, c'est la sortie de l'école chaque année, de 150 000 jeunes sans qualification. Je ne veux plus qu'on laisse les intermittents des collèges, ces jeunes si souvent absents, disparaître à 16 ans. Lorsqu'on les retrouve quelques années plus tard, c'est parmi les chômeurs ou les délinquants. Je veux que tous les moyens soient mobilisés pour qu'à partir de 16 ans, tout jeune sorti du système scolaire sans aucune qualification puisse être accueilli dans une école de la deuxième chance. Là où elles existent, ces écoles sont un succès. Je veux qu'elles soient généralisées à l'ensemble du territoire. Je veux que l'école de la deuxième chance devienne pour notre République, en ce début de XXe siècle, une priorité comme l'école primaire le fut jadis pour la III ème République ».
Pour concrétiser cette ambition majeure, nous avons d'ores et déjà, par voie d'amendement, donné la possibilité à ces écoles deuxième chance de collecter la taxe d'apprentissage. Dans le même esprit, nous recentrons les établissements publics d'insertion de la Défense vers les milieux urbains, pour accueillir plus d'élèves et avoir plus de chance de les insérer.
D'autres actions démarrent encore plus vite. Par exemple, pour éviter qu'un jeune des cités sans relations et sans réseau ne soit confronté à l'échec dès son premier contact avec l'entreprise, j'ai voulu mettre en place, très vite, des banques de stages dans toutes les académies. Concrètement, il s'agit d'espaces neutres où l'offre et la demande se rencontrent sur la base d'un seul critère : la compétence et le profil.
Je précise par ailleurs qu'avec André Santini, secrétaire d'État chargé de la Fonction publique, nous avons travaillé à un programme complet d'ouverture de la Fonction publique à la diversité, à tous les niveaux jusqu'à l'ENA. Dès 2009, le nombre d'allocations pour la diversité sera ainsi doublé.
Pour conclure, je souhaiterais dire un mot de la proposition de votre assemblée sur la mise en place d'une ZFU inversée. S'agissant des banlieues, vous le savez aussi bien que moi, pour faire bouger les choses, il faut sans doute de l'argent. Mais pas seulement. Il faut surtout de la bonne volonté et une ambition forte, tournée vers un seul objectif : que les quartiers dits sensibles cessent d'être stigmatisés, que la politique de la ville redevienne exceptionnelle, que ces ZUS, ces ZFU, ces ZRU, et j'en passe, redeviennent ce qu'ils auraient dû rester : des quartiers populaires tout simplement.
En clair, je veux tracer le chemin du retour vers la normalité et non pas contenir ces territoires et leurs habitants dans une logique curative et d'assistanat. Voilà pourquoi je ne suis pas, pour ma part, favorable à la mise en place d'une ZFU inversée, telle que vous la proposez dans votre projet d'avis. Mon combat en faveur de l'emploi des jeunes repose au contraire sur ma profonde conviction que les jeunes de nos banlieues ne veulent plus de l'assistanat. Ces jeunes témoignent en réalité d'une envie simple et légitime : qu'on cesse de les exclure, qu'on leur donne un travail. Qu'on leur montre, comme l'ont fait les entreprises signataires de l'engagement national, que le monde de l'entreprise les attend et a besoin d'eux.
Vous le savez aussi bien que moi, Monsieur le rapporteur : ce n'est pas un plan A, B ou C que les jeunes réclament ; ce n'est pas la mise en place d'un énième catalogue de mesure qui viendraient les sauver, c'est une dynamique qui mobilise l'ensemble des acteurs. Elle est marquée par le retour du droit commun et vise à redonner espoir et perspectives aux territoires et aux habitants de ces quartiers.
Elle s'enrichira, au fil du temps, des obstacles et des contraintes qu'elle rencontrera mais c'est cette mobilisation permanente qui nous aidera à briser la spirale de la discrimination et la mise à l'écart de certains de nos territoires. C'est peut-être cela, Monsieur le rapporteur, que vous appelez, le coup de pouce républicain et c'est cela, pour ma part, que j'appelle l'exigence et le devoir républicain. Je vous remercie de votre attention ».
source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 1er août 2008