Déclaration commune de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur, et M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la forêt, sur l'interruption des négociations de l'OMC (cycle de Doha), Genève le 30 juillet 2008.

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Circonstance : Conférence ministérielle à Genève, le 30 juillet 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Après 10 jours de négociations, le Directeur Général de l'OMC, Pascal Lamy, a renoncé à poursuivre les discussions. Plus de 30 heures de négociations n'ont pas suffi à réduire l'écart entre les Etats-Unis d'un côté, l'Inde et la Chine de l'autre. Les Etats-Unis ne voulaient pas concéder aux grands pays émergents le droit de se protéger contre une augmentation brutale des importations de denrées agricoles comme le coton, le soja ou le riz. L'ouverture des marchés émergents est en effet apparue à tous comme une contrepartie indispensable aux efforts fournis par les pays développés, aussi bien en matière agricole que dans le secteur industriel.
L'échec du cycle de Doha traduit en fait une évolution profonde de la donne économique et politique mondiale. La conférence de Genève a été marquée par l'entrée de la Chine dans le cénacle des sept Etats réunis autour du Directeur Général pour tenter de trouver un compromis, aux côtés du Brésil et de l'Inde. Le rapport des forces en présence à l'OMC a changé. Un accord entre les Etats-Unis et l'Europe suffit de moins en moins à construire les bases du consensus multilatéral. Il faut désormais compter avec les puissances émergentes, tout en se mettant à l'écoute des pays les plus pauvres, comme l'ont fait l'Union européenne et notamment la France.
Nous sommes donc en droit d'inviter ces nouveaux poids lourds du concert des nations à assumer les responsabilités qui vont de pair avec le rôle qu'elles jouent dans la gouvernance mondiale. C'est aussi le sens du rééquilibrage du cycle que le Président de la République, avec d'autres chefs d'Etat et de Gouvernement, ont constamment appelé de leurs voeux.
Nous avons réuni le Conseil une dernière fois hier soir à 22h pour conclure sobrement ses travaux, qui avaient commencé le 18 juillet à Bruxelles. La vigilance que nous avons souhaité exercer quotidiennement a sans doute renforcé la main des négociateurs communautaires, Peter Mandelson et Marianne Fischer Boel. L'Union européenne a négocié de bonne foi. La générosité de nos offres n'a jamais été contestée au cours des négociations.
Une période de réflexion commence. L'avenir de l'OMC n'est pas à notre sens remis en cause par l'issue des discussions de cette semaine. L'OMC constitue un des meilleurs exemples de la régulation des affaires économiques mondiales, que la mondialisation rend toujours plus nécessaire. De même, l'objectif du développement, c'est-à-dire le progrès des pays les plus pauvres doit rester l'objectif majeur de toute future négociation.
Mais comme nous avons eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, y compris devant le Parlement, la substance prime le calendrier. La présidence française de l'Union européenne sera l'occasion de jeter les bases d'une réflexion sur de nouvelles priorités de politique commerciale. La prochaine réunion informelle des ministres du commerce, le 14 septembre prochain, portera par exemple sur les liens entre commerce et environnement. En outre, le prochain semestre sera aussi l'occasion d'ouvrir des perspectives pour l'agriculture européenne, avec le bilan de santé de la PAC et la réflexion que nous ouvrirons au Conseil informel d'Annecy sur l'avenir de la PAC après 2013.
La réciprocité et la défense d'un modèle européen fondé sur un équilibre entre ouverture et protection - qui ne signifie en rien protectionnisme- continueront d'inspirer notre action politique au sein de l'Union européenne.
Nous avons été heureux tout au long de ces dix journées de négociations de porter ensemble et avec nos équipes un vrai message politique, et dans le même temps d'assurer avec impartialité la présidence du Conseil des Ministres européens. Nous espérons aussi que ces lettres régulières et « en direct » vous ont été utiles.
Très sincèrement à vous,
source http://www.exporter.gouv.fr, le 1er août 2008