Interview de M. Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, à RMC le 21 juillet 2008, sur le vote par le Congrès de la réforme des institutions.

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Circonstance : Adoption du projet de loi constitutionnelle sur la réforme des institutions par le Parlement réuni en congrès à Versailles le 21 juillet 2008

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

G. Cahour.- Notre invité jusqu'à 09h est B. Accoyer. Bonjour. Bonjour. Président de l'Assemblée nationale, avec aujourd'hui une autre casquette, vous êtes président du Congrès, ce Congrès avec, eh bien, ce soir, entre 19h et 20h, c'est ça, le résultat de cette réforme des institutions, c'est entre 19h et 20h ?
 
Oui, autour de 19h30, je pense.
 
Autour de 19h30. Cet après-midi, à 15h30, les parlementaires se réunissent, ça veut dire donc les députés et les sénateurs. Alors, on va faire d'abord un poil de pédagogie, pour que tout le comprenne bien - ça fait des mois qu'on en parle de cette réforme des institutions - un Congrès, qu'est-ce que c'est, à quoi ça sert, et comment ça se passe, comment les parlementaires vont-ils voter cet après-midi ?
 
La France a une règle supérieure, une loi supérieure qui est la Constitution, c'est la règle du jeu, c'est celle qui définit tout. Et pour la modifier, il faut rassembler le Congrès, c'est-à-dire les députés et les sénateurs, et la Constitution prévoit que les députés et les sénateurs, ce qui fait 908 parlementaires, se retrouvent à Versailles, où il y a un grand hémicycle qui peut accueillir tout le monde.
 
Et qui ne sert qu'à ça.
 
Et qui ne sert qu'à cela.
 
D'accord. Donc il sert de temps en temps, uniquement à cela. Donc vous réorganisez tout, ça prend des semaines d'organisation, je suppose. Et ensuite, les parlementaires votent de quelle manière ? Bulletin secret, à main levée, comment ça... vote électronique ?
 
Tout est public, et c'est bien la moindre des choses vis-à-vis de ceux qui nous font l'honneur de nous élire. Donc il y a d'abord l'explication du texte qui nous est soumis par le Premier ministre, puis, des explications des positions de tous les groupes parlementaires, de l'Assemblée et du Sénat, chacun disposant de dix minutes. Et ensuite, les parlementaires, tous les parlementaires, vont voter. Il y a huit bureaux de vote. Et le vote est électronique, mais comme j'ai prévu que ce serait très serré, il y aura un double dépouillement, dépouillement électronique, et nous vérifierons avec les secrétaires tout le nombre des bulletins, pour qu'il n'y ait pas de contestation possible.
 
Alors, on dit : il faut les trois cinquièmes. Qu'est-ce que ça veut dire, comment ça va se calculer, ce n'est pas une majorité...
 
Les trois cinquièmes, ça veut dire qu'il faut 60%. Normalement, pour emporter un vote, il faut dépasser 50%...
 
60% des présents ?
 
60% des votes exprimés, c'est-à-dire, il faut qu'il y ait 60% de oui au moins, même un chouïa de plus, pour que le texte soit adopté. C'est une majorité qualifiée, qui est une majorité aux trois cinquièmes, il faut un tout petit peu plus de 60% de oui par rapport aux non.
 
Les abstentions, ça pèse quoi là-dedans ?
 
Les abstentions ne comptent pas, et les non participations au vote ne comptent pas. Donc seuls les bulletins exprimés comptent.
 
Donc ça, c'est pour l'aspect pédago. L'aspect politique, c'est que c'est un véritable bras de fer. Il y a eu cette réforme... cette commission Balladur, il y a quelques mois, qui a proposé donc les grandes lignes de cette réforme des institutions. Dans cette commission, il y avait des personnalités de gauche, par exemple, J. Lang, mais ça n'a pas suffit, parce qu'on voit qu'aujourd'hui, la ligne de conduite du Parti socialiste, c'est : on vote contre.
 
Oui. Je reviendrai dans quelques instants sur la posture politicienne des parlementaires socialistes, mais permettez-moi de vous dire d'abord que tout cela correspond à un engagement de campagne du candidat N. Sarkozy, pour lequel les Français avaient compris qu'il leur proposait de contrôler, d'encadrer un certain nombre de pouvoirs du président de la République, de donner plus de pouvoirs au Parlement, et de donner des droits nouveaux aux citoyens. C'est cela la réforme...
 
Mais alors expliquez-nous en quoi l'opposition verra son rôle renforcé, parce que, apparemment, ça n'a pas l'air évident pour tous les socialistes...
 
Alors, bon, je n'ai pas répondu...
 
Sinon, ils auraient plutôt tendance à voter pour...
 
Je n'ai pas répondu sur la posture du Parti socialiste. La posture du Parti socialiste, je la regrette, lorsque l'on voit d'ailleurs les parlementaires, eux-mêmes trouvent que c'est dommage. C'est une posture qui est une politique, à quelques semaines de leur congrès. Ils le disent eux-mêmes, il y a des avancées importantes dans ce qui est proposé cet après-midi, au vote des parlementaires, et pourtant, ils voteront contre. C'est une attitude politique, encore une fois, je la regrette, parce que la majorité des mesures qui sont dans cette réforme sont des mesures qui ont été demandées par l'opposition, y compris depuis F. Mitterrand, depuis des années, et elles sont dans le texte.
 
Ça fait longtemps aussi que le Parti socialiste demande que l'on calcule le temps de parole du président de la République lorsqu'il s'explique, pas en tant que président de la République, mais en tant que chef de clan, en tant que chef de l'UMP.
 
Bon, chef de clan, je vous laisse la responsabilité de l'expression...
 
Quand il réunit les élus UMP, et uniquement les élus UMP, on ne va pas dire qu'il est président de la République, il est le chef de file de l'UMP...
 
On va dire qu'il peut y avoir des circonstances où il s'exprime sur la politique intérieure, et dans des contextes qui sont des contextes de politique intérieure. Ça ne relève pas de la Constitution, et le président de la République, il y a quelques jours, a dit qu'il souhaitait que ce temps de parole soit pris en compte et donne un temps de réponse à l'opposition. Alors...
 
Oui, mais ce n'est pas inscrit dans la Constitution, parce qu'il dit ça après que le débat soit terminé...
 
Mais parce que ça ne relève pas de la Constitution, si tout relevait de la Constitution, la Constitution, ce serait toutes nos lois. Il y en aurait des centaines, des milliers. Et donc c'est des dispositions qui doivent...
 
Pourquoi ça ne relève pas de la Constitution ?
 
Mais parce que, ce qui est constitutionnel ce sont les grandes lignes. Après, ce sont les lois qui définissent les droits, plus précisément, et puis, ce sont les textes réglementaires qui vont encore un petit peu plus près des problèmes.
 
Alors, on parlait tout à l'heure avec D. Maus, constitutionnaliste, à 08h10 sur RMC, du renforcement du rôle du Parlement. Alors lui nous disait : en effet, le rôle du Parlement va être renforcé, ne serait-ce que parce que, aujourd'hui, l'ordre du jour, le vote des lois, les débats dans l'hémicycle, est déterminé par le Gouvernement ; c'est le Gouvernement qui fait le calendrier. Là, la moitié de l'ordre du jour pourrait être décidée par le Parlement. Et puis, il y a un autre point, qui est également le fait de voter, de débattre en commission les lois, les lois importantes, avant qu'elles soient débattues ensuite dans l'hémicycle. Est-ce que ça veut dire qu'on sera moins réactif au Parlement ?
 
Non, pas du tout...
 
Qu'il va falloir beaucoup plus de temps de débats en commission avant que ça arrive dans l'hémicycle ?
 
Ce sera en tout cas un travail qui sera de meilleure qualité et plus lisible, ce qui est très important. Mais permettez-moi de revenir un petit peu en arrière. Au début de la législature, il y a un an, le président de la République a annoncé qu'il souhaitait faire ces réformes. J'ai donc réuni tous les groupes politiques qui siègent à l'Assemblée, il y en a quatre, de la droite, de la gauche, de la majorité et de l'opposition. Et j'ai repéré ce qu'ils souhaitaient en commun comme modifications pour augmenter les droits, le pouvoir, la place de l'Assemblée nationale, du Parlement et ses recommandations. Il y avait les études d'impact, les délais avant d'examiner un texte, il y avait l'examen du texte de la commission dans l'hémicycle, il y avait l'évaluation et le contrôle de l'action politique. Tout cela, je l'ai présenté au comité Balladur. Et le comité Balladur a repris tout. Donc je vous le redis, la plupart...
 
Donc là, vous avez l'impression d'être trahi par les socialistes...
 
La plupart des dispositions qui sont dans cette avancée ont été inscrites et correspondent à des attentes, à des demandes de l'opposition...
 
Des attentes, y compris de la gauche, y compris de l'opposition...
 
Y compris de la gauche...
 
Donc aujourd'hui, B. Accoyer, est-ce que vous avez l'impression d'être trahi par l'opposition que vous avez écoutée ?
 
Oh, écoutez, les grands mots ! Je trouve qu'en politique, il faut rester raisonnable. Il y a une attitude politique de l'opposition, j'espère qu'un certain nombre de parlementaires socialistes s'abstiendront, ça me paraîtrait plus conforme à l'intérêt supérieur...
 
Mais vous dites, B. Accoyer, vous dites : il y a un vote politique de l'opposition, mais il y a un vote politique de la majorité également...
 
Oui, c'est vrai, c'est le pacte majoritaire...
 
Eh bien oui, parce que vous avez l'opposition qui dit : allez, nous, socialistes, on vote tous contre - et c'est la règle de conduite des socialistes - mais à l'UMP, c'est : on vote tous pour, et c'est la ligne de conduite de l'UMP !
 
Oui, mais à l'UMP, vous savez qu'il y a quelques récalcitrants, bon, c'est leur liberté, et ça n'est pas, comme certains l'ont dit, un parti godillot. Là, on peut le regretter...
 
Ça vous énerve un peu qu'il y ait des récalcitrants ?
 
Non, ça ne m'énerve pas parce que je suis extrêmement attaché à la liberté de chacun, à la libre opinion. Par contre, ce qui me paraît normal, et j'ai entendu dire des choses tout à fait infondées, c'est que nous puissions nous parler, et que l'on puisse expliquer les enjeux. Moi, ça fait plus d'un an que je travaille quasiment quotidiennement à cette réforme, j'en connais les retombées, notamment pour le Parlement, pour l'image, pour la clarté de nos travaux, pour enfin faire comprendre aux Français que nous travaillons, et que nous ne sommes pas ceux qui laissons l'hémicycle vide pour faire autre chose, parce que nous avons des occupations qui sont liées aux mandats. Et donc tout ça, vraiment, j'ai envie qu'on puisse le faire changer, j'ai envie que les Français se réconcilient avec le travail parlementaire, avec l'élaboration de la loi, avec le relais, qui doit être encore plus efficace, par les parlementaires des préoccupations des Français pour les traduire dans la loi.
 
B. Accoyer est notre invité ce matin sur RMC jusqu'à 9 heures... On se retrouve dans un instant. A tout de suite. [Coupure pub] Vous êtes sur RMC, 32.16, rmc.fr, pour réagir, témoigner et poser vos questions à B. Accoyer, le président de l'Assemblée nationale, et aujourd'hui, président du Congrès, puisqu'il va présider ce Congrès avec cette réforme des institutions. Est-ce qu'aujourd'hui, B. Accoyer, vous arrivez à - on dit la majorité a fait des calculs tout le week-end - compter, recompter, recompter les voix ? Aujourd'hui, est-ce que vous arrivez à savoir, non ?
 
A quelques heures du vote...
 
C'est-à-dire que là, ça peut basculer d'un côté ou de l'autre...
 
A quelques heures du vote, je ne peux pas vous dire quelle en sera l'issue. C'est la première fois de l'histoire de la 5ème, qui a 50 ans, que cette situation existe, c'est une preuve de courage de la part du président de la République...
 
Ça veut dire que ça peut se jouer sur un...
 
...Qui a décidé de privilégier l'intérêt général, de remplir ses engagements de campagne, de donner plus de droits à l'Assemblée nationale, aux citoyens, d'encadrer un certain nombre de pouvoirs, et il le fait...
 
Ça, on a compris, B. Accoyer, mais ça veut dire que ça peut se jouer sur un député qui prend sa décision au dernier moment dans l'hémicycle, sur un député qui rate volontairement ou involontairement son train pour ne pas voter, c'est ça ?
 
Vous avez résumé la situation dans laquelle nous nous trouvons ce matin, tout à fait.
 
Ça peut aussi se jouer sur un coup de fil du président de la République ce week-end : ah, mais tu sais, mon cher député, il va y avoir un redécoupage de la carte électorale, ta circonscription, elle est un peu fragile...
 
Je suis extrêmement choqué par ce genre d'allusions. En politique...
 
Il y a eu une foule de témoignages...
 
Non, mais ça, oui, j'ai même été victime de certaines médisances et de certains mensonges à ce sujet...
 
Disant que vous, vous auriez un poste de Premier ministre...
 
Je suis tout à fait scandalisé...
 
Vous ne seriez pas Premier ministre ?
 
Je suis scandalisé par ce genre de dérives. Quand on est en politique, on parle avec ses amis...
 
De quelles dérives, des dérives de ceux qui parlent ou de ceux qui font des menaces ?
 
De dire : on fait des pressions, on propose des compensations, ce n'est absolument pas comme ça que ça se passe. Mais lorsqu'on est en politique, on essaie de convaincre, et on essaie de convaincre ses amis, bien entendu, en leur expliquant les enjeux. Si certains rompent le pacte majoritaire en votant contre, alors qu'ils sont dans la majorité, c'est un échec collectif...
 
Mais B. Accoyer, d'expliquer les enjeux, d'accord... Donc il est bien normal d'en parler... Expliquer les enjeux, donner un petit coup de fil en expliquant les enjeux et conclure le coup de fil en disant : n'oublie pas qu'il y a un débat sur ta circonscription en ce moment, avec un nouveau découpage électoral, ça, ça relève de la pression, ça ne relève plus d'expliquer l'enjeu ?
 
Excusez-moi, j'attends qu'on apporte la preuve d'une telle attitude, ça relève de véritables mensonges, qui me choquent profondément. Croyez-moi, il y a suffisamment de choses dans cette réforme pour arriver à convaincre, en expliquant ce qu'il y a dedans, ceux qui sont hésitants et qui appartiennent au pacte majoritaire, qui ont pris ces engagements devant leurs électeurs, avant d'être eux-mêmes élus à la suite de N. Sarkozy.
 
Et le fait d'annoncer la carte militaire avec des fermetures de casernes après la réforme des institutions, c'est une coïncidence, puisqu'elle a été retardée cette annonce ? Parce qu'on sait qu'il y a des élus, des députés qui sont aussi maires des communes menacées...
 
C'est une réforme extrêmement courageuse et malheureusement indispensable, c'est la suite de la professionnalisation de nos armées, qui a été réalisée il y a plus d'une dizaine d'années. C'est une réforme qui a trop tardé, et c'est pour ça que la France est en difficulté. Et donc il faut du courage pour faire ces réformes, comme il faut du courage pour aller aujourd'hui à Versailles, dans l'incertitude, et donc il y a...
 
Mais il fallait du courage aussi peut-être pour l'annoncer dans les temps et prendre le risque de perdre des voix pour la réforme des institutions...
 
Mais vous le savez très bien, c'est déjà annoncé. Il y a un certain nombre de dispositions d'accompagnement qui sont à l'étude, qui sont arrêtées dans les semaines et dans les mois à venir, mais c'est déjà annoncé, vous le savez, autrement, il n'y aurait pas cette émotion, que je comprends et que je partage.
 
On ne connaît pas toutes les casernes qui vont fermer. Est-ce que c'est une coïncidence que l'on ait reporté l'annonce de la carte militaire ?
 
Mais prenez le cas de la carte judiciaire, ça s'est passé de la même façon : il y a eu une annonce, et puis, après, il y a eu plusieurs mois avant que les décisions définitives soient arrêtées. Non, c'est tout à fait normal. On n'arrête pas d'un seul coup des décisions aussi importantes. [...]
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 31 juillet 2008