Texte intégral
Merci Monsieur le Président Leinen, merci de votre accueil. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions et je voudrais remercier Jean-Pierre Jouyet d'être avec moi.
Avant de m'exprimer, Monsieur le Président, je voudrais rendre hommage à Bronislaw Geremek. Cet immense Européen était un très grand militant. C'était un militant politique, c'était un homme engagé, c'était un intellectuel, c'était un historien, c'était un homme de coeur, c'était un homme de foi. J'ai beaucoup appris de lui et cela m'a fait beaucoup de peine d'apprendre sa mort il y a deux jours. Je voudrais simplement me souvenir de cette première rencontre lorsqu'il était un militant à Gdansk et que Solidarnosc était notre espoir à tous. Il a ensuite été au Parlement européen un modèle de rectitude et d'honnêteté intellectuelle.
C'est remarquable pour un grand intellectuel de conserver toutes ses qualités, de ne rien perdre de sa foi et de s'engager aux côtés des forces populaires. Je voulais vous dire cela avec beaucoup d'émotion. Lorsque j'étais membre du gouvernement lorsque François Mitterrand était Président de la République, dès que l'on avait un doute sur notre politique à l'Est, sur la politique européenne en général, nous appelions Bronislaw Geremek. Il avait toujours la pensée juste et l'expression très modérée.
Je vais à présent prononcer quelques mots et tenter de répondre à quelques-unes de vos questions, et Jean-Pierre Jouyet m'y aidera.
Le travail institutionnel était difficile et vous l'avez très bien accompli. Hélas, les citoyens attendent plus de l'Europe, plus rapidement, et ils attendent un espoir qui sans aucun doute viendra de l'Europe. Il faut savoir leur dire que dans la globalisation, même si dans un premier temps les pays les plus riches que nous sommes sont certainement ceux qui en triompheront, il y a un temps difficile pour nos citoyens. Cela n'est pas facile. Cela prendra quelques temps. Les institutions sont essentielles pour nous. Et je crois que vous avez raison de dire que certains ont considéré les résultats du référendum en Irlande avec sympathie parce que cela reflétait leurs préoccupations. Mais cela n'était en aucun cas un "non" à l'Europe.
Ce "non" était un échec non pas pour l'Irlande, mais pour toute l'Europe et il faut en tenir compte et essayer de le dépasser. Nous y parviendrons. Cela fait un peu plus d'un an que le traité simplifié a été proposé et qu'il est devenu le "Traité de Lisbonne". Nous en attendions beaucoup, mais rien ne nous interdit d'en continuer la ratification. Il faut au contraire la continuer. Il est absolument nécessaire que l'Europe aille de l'avant et les responsables des institutions, c'est à dire votre commission, sont certainement persuadés qu'il faut continuer même si nous avons été déçus par ce "non" irlandais.
La situation est compliquée mais l'Union doit continuer de montrer qu'elle existe, qu'elle fonctionne et qu'elle est, dans ce monde difficile et dangereux, une part très importante de la réponse à nos préoccupations. Regardez en Amérique Latine, en Asie, en Afrique...: partout nous sommes un modèle. Et pourtant ce modèle n'est pas suffisamment populaire dans nos populations, malgré les sondages qui sont très positifs. Alors, interrogeons-nous sur notre façon de communiquer l'espoir, et je crois que nous parviendrons peut-être à une réponse qui se situera en dehors du processus des négociations institutionnelles. L'Europe, c'est autre chose que ces négociations. Vous savez que dans mon pays, quand je dis que je vais à Bruxelles pour des choses assez simples comme pour un Conseil Affaires générales, les gens ne comprennent pas ce que cela veut dire. Que voient-ils dans tout cela? Ils voient des voitures noires qui s'arrêtent, une portière qui s'ouvre, quelqu'un qui s'éloigne, qui dit parfois un mot à la télévision et qui monte finalement dans les étages. Il faut que l'on comprenne que lorsque la vie quotidienne est difficile, lorsque le prix du pétrole augmente de façon très importante, nous devons offrir une réponse précise, une réponse engageante qui puisse répondre aux préoccupations de nos citoyens.
Nous avons dû renoncer pour la Présidence française à tout ce qui nous engageait : la diplomatie extérieure de l'Union, le président du Conseil de l'Union, le Haut représentant de l'Union pour la politique extérieure... Nous continuerons notre travail mais cela n'est plus immédiatement nécessaire. Je souhaite que cela le redevienne très vite. Je ne pense pas que l'Europe soit arrêtée parce qu'il y a eu un vote qui nous reporte en arrière vers le Traité de Nice. Mais il ne peut pas y avoir trente-six traités. Nous aspirions au Traité de Lisbonne et nous continuons d'y aspirer. Il faudra bien que nos amis irlandais trouvent une manière d'aller de l'avant. Est-ce à nous de désigner la direction ? Est-ce à nous de décider pour eux ? Non, cela n'est pas à nous. Mais nous pouvons y participer. Avec le président Sarkozy, je me rendrai en Irlande le 21 et nous serons à l'écoute des Irlandais. Nous n'allons pas leur apporter la recette, nous allons écouter les syndicats et d'autres représentants de la société civile. Nous allons les écouter et j'espère que nous comprendrons mieux.
Pour les élections européennes de juin 2009, certains disent que c'est la limite et que l'on pourra à cette occasion reprendre les discussions, faire participer différemment... C'est possible. Nous allons en discuter. Ce que je voudrais dire, c'est que la Présidence française du Conseil ne prendra aucune décision sans vous consulter en permanence et que nous sommes, Jean-Pierre Jouyet et moi à votre disposition, d'abord pour vous écouter. Nous ne concevons pas un rôle de la Présidence autoritaire et arrogant. Nous concevons au contraire un rôle modeste et à l'écoute, en particulier du Parlement européen : codécision ou pas codécision.. Si nous ne sommes pas venus avant, et ce n'est pas vrai pour Jean-Pierre qui est venu très souvent, c'était par égard pour la Présidence slovène qui ne souhaitait pas que nous soyons trop présents. Mais maintenant, si vous voulez, je serais très heureux de venir régulièrement vous voir. Alors ne parlons pas de la réduction des commissaires, ne parlons pas de la réduction du nombre des députés tout de suite. Nous avançons vers une Europe plus forte, plus unie, et je suis sûr que nous y arriverons. Il y déjà eu d'autres obstacles...
Les procédures de ratification se poursuivent, je sais qu'il y a des pays qui sont un peu moins certains qu'avant, qu'il y en a qui ratifieront sans doute en novembre et en décembre. C'est comme cela. Je crois qu'il faut respecter tout le monde et qu'en même temps nous devons faire la preuve par la persistance, par la ténacité. C'est pour cela que j'évoquais Bronislaw Geremek et que je me retourne vers lui. Je suis sûr qu'il aurait aimé qu'on dise "cela continue". Il y en a eu d'autres. Et nous allons le surmonter. Le cheminement institutionnel dont vous êtes chargés nous sera bien sûr d'une grande nécessité. 27 pays, cela n'est pas pareil que 15. Nous étions 6, 9, 12, 15 et maintenant 27 : oui, cela devient plus difficile. Il nous faut des institutions différentes. Et je vous assure qu'il faut faire entre nous le choix des institutions tout en laissant la porte ouverte aux changements du monde, à l'espoir de changement du monde que représente cette aventure européenne. Cette aventure de l'Union européenne est à nulle autre pareil. On ne peut la comparer à rien. Nous inventons en marchant. Nous avons cru que l'institution convaincrait tous les peuples. Cela n'est pas toujours vrai. Et d'ailleurs, nous n'avons pas de leçons à donner aux Irlandais parce que nous avons voté "non" aussi.
Voilà, la semaine dernière le président de la République française a détaillé devant le Parlement européen notre démarche et nos priorités. Je me tiens à présent à votre disposition pour d'éventuelles questions.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 juillet 2008