Déclaration de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, sur le soutien du gouvernement aux entreprises françaises pour développer leurs activités en Afrique, à Paris le 28 août 2008.

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Circonstance : "Soutien aux activités des entreprises françaises en Afrique", réunion avec le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) et les ambassadeurs français en Afrique, à Paris le 28 août 2008

Texte intégral

Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Président délégué du CIAN,
Monsieur le Secrétaire général du CIAN,
Monsieur le Délégué général du SEFI,
Chers Amis,
Bruno Joubert et Jean de Gliniasty ont proposé l'organisation de cette réunion sur le soutien à l'activité des entreprises françaises en Afrique. Je les en félicite et c'est bien volontiers que j'assure la présidence de nos travaux.
Mon propos introductif sera bref, car le but premier de la réunion est de permettre des échanges informels entre ambassadeurs et représentants du secteur privé, afin d'éclairer les décisions à prendre pour améliorer le soutien du gouvernement aux entreprises françaises en Afrique.
Permettez-moi d'abord de vous dire que je me sens parfaitement dans mon rôle de secrétaire d'Etat à la Coopération en vous appuyant.
Je souhaite que l'aide française donne une place majeure au développement économique, avec la conviction que ce n'est pas renoncer aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), bien au contraire. C'est donner aux pays africains la possibilité d'avancer vers l'atteinte des OMD de façon plus autonome et durable. C'est donner aux hommes et aux femmes plus de chances d'accéder à ce qui demeure la première dignité, et le fondement d'une vie citoyenne : un travail.
Parallèlement l'action dans les secteurs sociaux, avec un souci premier de promotion des femmes, ainsi que l'action dans le domaine culturel, demeurent au coeur des priorités que j'ai fixées à la coopération française dans le document d'orientation "Cap 8", qui ouvre 8 chantiers pour l'Afrique.
L'Afrique a retrouvé le chemin de la croissance, de façon certes inégale selon les pays. Les pays pétroliers présentent les taux de croissance les plus enviables, mais ils ne sont pas les seuls à avoir bénéficié d'une forte reprise économique.
Cette croissance essentiellement tirée par le boom des matières premières reste fragile, mais dans le même temps elle ouvre bien des opportunités. Avec l'assainissement financier lié aux annulations de dettes, elle crée un contexte favorable à la diversification des économies qui requiert des investissements importants, notamment dans le domaine des infrastructures.
Cette diversification suppose la création d'entreprises nouvelles dans les secteurs qui sont le germe de l'industrialisation : je pense bien sûr à l'agroalimentaire et plus généralement à la transformation des matières premières.
De par leur connaissance fine du continent, les entreprises françaises, appuyées par nos amis du CIAN, doivent contribuer de façon éminente à cette croissance, grâce à l'exportation de biens et services de qualité, et surtout à leurs investissements sur place.
Comment pouvons nous y travailler ensemble ?
D'abord en aidant les Etats africains dans la mise en place de l'Etat de droit, condition indispensable de la sécurité des affaires. La Coopération française a une grande expérience en la matière. Les entreprises ou leurs représentants peuvent, de leur côté, jouer un rôle majeur dans la sensibilisation des gouvernements africains à l'urgence des réformes en la matière. Les baromètres du CIAN constituent ainsi un aiguillon sans doute plus acéré que ne peut l'être le pur langage diplomatique.
Ensuite en fournissant les outils financiers nécessaires.
Comme vous le savez, le président Sarkozy a annoncé au Cap le 28 février "l'initiative pour la croissance en Afrique" qui doit permettre de mobiliser 2,5 milliards d'euros de prêts et de garanties de l'AFD. Ces prêts et garanties ne sont, bien sûr, pas réservés aux entreprises françaises, car il ne s'agirait plus d'APD. Celles-ci ont vocation à en bénéficier et je souhaite que le CIAN relaie l'information auprès de ses adhérents.
Ces outils financiers seraient sans doute utilement complétés par des dispositifs d'assurance des investissements adaptés à la situation de l'Afrique. Je souhaite proposer à ma collègue Christine Lagarde une réflexion sur ce sujet.
Par ailleurs, au titre du Partenariat mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire annoncé à Rome par le président Sarkozy, la France souhaite susciter la mise en place d'une facilité internationale qui financerait la modernisation des agricultures familiales et leur insertion dans une chaîne complète de valorisation de leur produits. Là encore, l'expertise mondialement reconnue des entreprises françaises de l'agroalimentaire doit leur permettre de tirer partie du dispositif.
Enfin, de façon plus générale, je souhaite appuyer les entreprises françaises en prenant mieux en compte leurs préoccupations dans l'orientation et la mise en oeuvre de nos politiques d'aide au développement.
A cet égard, je suis ravi que nous ayons pu adopter lors du Sommet UE-Afrique du Sud de juillet une première déclaration qui reconnaisse le rôle clé des investissements et du secteur privé dans le développement de nos pays partenaires.
Les représentants du CIAN souhaitent être consultés en l'amont de la conception des DCP. J'y suis tout à fait favorable.
Le CIAN est représenté au conseil d'administration de l'AFD, ce qui est une excellente chose. La récente augmentation de capital de Proparco a permis l'entrée de nouveaux actionnaires privés et je m'en félicite. Dans le cadre de la réforme de la gouvernance de l'AFD que je veux mettre en oeuvre, je m'attacherai à ce que les entreprises françaises soient informées le plus tôt possible des projets en voie de financement.
Je terminerai sur le sujet le plus délicat qui est la concurrence des entreprises des pays émergents. Je suis sensible à l'inquiétude des entreprises françaises face à cette concurrence.
Une certaine émotion s'est faite jour en voyant des entreprises de pays émergents remporter des marchés AFD, et je le comprends.
Quelle est la situation ?
La percée des entreprises chinoises et indiennes sur les marchés AFD est très limitée : respectivement 18.7 millions d'euros et 38 millions d'euros (dont 20 millions d'euros pour AREVA Inde) sur un total de 534 millions d'euros de marchés signés en 2007. La tendance n'est pas à la hausse par rapport à 2006.
Le problème est en fait accentué sur les aides multilatérales, notamment de type budgétaire, où les Etats bénéficiaires ont une totale liberté de passation de marchés. Voici une raison supplémentaire de mettre un terme au processus de multilatéralisation de l'aide française qui a atteint pour moi un degré excessif. Nous nous y efforcerons, dans le respect de nos engagements internationaux.
La coopération française intervient dans un système contraint au plan international par la recommandation du CAD de 2002 invitant ses membres à délier l'aide ; le taux déliement de l'aide française est dans la moyenne du CAD (5.1 % pour une moyenne de 5.4 %). Au-delà de cette contrainte, le ralliement de l'aide française nous exposerait à des mesures de rétorsion des autres pays, avec des conséquences très négatives pour nos entreprises.
Ceci posé, le prochain CICID examinera des mesures destinées à faire face à la concurrence des émergents. Dans le cadre de sa préparation, les services réfléchissent à l'intérêt de diverses mesures, dont certaines sont d'ores et déjà en pratique : application d'une clause de réciprocité sur l'accès aux appels d'offres, renforcement des clauses de responsabilité sociale et environnementale, obligation de recourir à une quantité minimale de main-d'oeuvre locale, meilleure orientation sectorielle de l'aide en fonction de la compétitivité des entreprises françaises. Ne nous voilons pas la face, aucune de ces solutions défensives, de mise en oeuvre complexe, ne constitue une panacée.
Le président de la République a comme première priorité l'élargissement du G8. Cet élargissement doit contribuer à l'alignement des gouvernements des pays émergents sur les bonnes pratiques de l'aide internationale. Dans le cadre du processus de Heiligendamm, la France et la Chine préparent un document commun sur l'aide au développement qui sera présenté à Cancun en octobre prochain. Un groupe franco-chinois sur le développement se réunira à Paris en novembre. Si les gouvernements des pays émergents jouent le jeu et cessent d'intervenir dans le fonctionnement du marché, la connaissance de l'Afrique par les entreprises françaises et leur avance technique doivent leur permettre de nouer des relations de partenariat avec les entreprises des pays émergents.
Je vous remercie de votre attention, et vous invite à débattre très librement.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 août 2008