Déclaration de M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur les priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en matière de politique agricole, notamment pour le renforcement de la protection sanitaire des consommateurs, Bruxelles le 15 juillet 2008.

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Circonstance : Présentation des priorités de la présidence française devant la Commission agriculture et développement rural (COMAGRI) du Parlement européen, à Bruxelles le 15 juillet 2008

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Neil,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,
C'est une joie et un honneur pour moi de venir devant vous ce matin présenter les priorités de la Présidence française en matière d'agriculture.
Vous le savez, c'est l'une des quatre priorités de la Présidence française, avec le dossier de l'énergie et du climat, les questions migratoires, et la politique de sécurité et de défense.
Notre Présidence, nous ne pouvons pas la réussir seuls. Nous la réussirons avec nos partenaires : la Commission, les autres Etats Membres, et vous-mêmes au Parlement européen. Et vous le savez, toute Présidence n'est que le maillon d'une chaîne, étroitement liée au pays qui la précède et au pays qui la suit. Je souhaite donc tout d'abord adresser mes plus vifs remerciements à la Présidence slovène, à Iztok Jarc et à ses équipes qui ont effectué un travail remarquable.
Pour notre part, nous avons élaboré, dans le cadre du « trio » avec les futures présidences tchèque et suédoise, un document de travail commun, qui trace les objectifs de travail pour les 18 mois à venir, comme l'ont fait avant nous, et pour la première fois, l'Allemagne, le Portugal et la Slovénie.
Cette Présidence française doit être l'occasion de porter un projet, celui d'une agriculture stratégique et durable pour notre continent.
La crise alimentaire provoquée à l'échelle mondiale par l'envolée du prix des denrées alimentaires de base est d'abord un défi pour les pays en développement. Mais elle a aussi de nombreuses conséquences pour les agricultures des pays du Nord. Je crois que nous pouvons en tirer deux enseignements :
Premier enseignement : Notre agriculture, parce qu'elle constitue un actif stratégique pour l'Europe, a besoin d'une politique alimentaire, agricole et territoriale ambitieuse. Nous devons utiliser le temps que nous avons aujourd'hui pour anticiper, pour préparer l'avenir. C'est le sens des discussions ouvertes sur le bilan de santé de la PAC, qui visent à adapter les instruments de notre politique agricole dans un futur immédiat. Notre objectif est de conclure ces discussions sous Présidence française, j'y reviendrai dans un instant.
Par ailleurs, la Présidence proposera à ses partenaires de réfléchir plus largement aux enjeux et aux objectifs auxquels devront répondre à moyen terme l'agriculture et la politique agricole en Europe. Cette réflexion sera au menu de la réunion informelle des ministres que j'organiserai à Annecy en septembre prochain, et auquel j'ai invité votre Président et vos deux rapporteurs sur le bilan de santé.
Deuxième enseignement : Notre Présidence doit aussi être une opportunité pour réaffirmer la solidarité de l'Europe vis-vis des pays en développement, et pour souligner la nécessité de politiques publiques en faveur des agricultures dans le monde.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité ouvrir la Présidence par une conférence le 3 juillet dernier qui s'est déroulée ici-même au Parlement européen, et qui était organisée en partenariat avec la Commission européenne, autour de l'interrogation suivante « Qui va nourrir le monde ? ». A cet égard, je remercie chaleureusement le Président Pöttering, ainsi que Neil Parish et Josep Borrell, pour leur accueil et leur implication personnelle dans ce projet.
Ma volonté est que l'Europe soit présente dans ce grand débat sur la sécurité alimentaire et l'agriculture, dans tous les aspects de celui-ci. Elle doit également être en première ligne de la solidarité internationale. A mon sens, une situation exceptionnelle mérite des réponses elles aussi exceptionnelles. La Commission et certains Etats Membres ont déjà augmenté leur effort d'aide alimentaire. De plus, la Commission a aussi annoncé qu'elle préparait une proposition afin de financer la fourniture d'intrants aux agriculteurs des pays en développement pour la prochaine récolte. C'est une idée novatrice, et de ce fait elle peut susciter des interrogations ici et là. Il faudra donc prendre le temps d'en débattre. Je ne vais pas inaugurer mon rôle de Président du Conseil Agriculture et Pêche en préemptant le débat aujourd'hui ! Mais sachez en tout cas que la Présidence est prête à se saisir de cette proposition de la Commission, lorsqu'elle sera formalisée.
Enfin, dans ce contexte, je voudrai dire deux mots de l'OMC, car ces négociations sont déterminantes pour l'avenir de notre agriculture, mais aussi pour l'agriculture des pays en développement. Il suffit pour s'en rendre compte d'écouter ce que nous disent nos amis des pays ACP, qui se demandent ce qu'ils ont à gagner dans ce cycle, et qui demandent à l'UE de rester solidaire de leurs préoccupations sur l'érosion des préférences ou le dossier de la banane par exemple.
Comme vous le savez, les jours qui viennent seront décisifs. Je serai bien entendu présent à Genève à la réunion ministérielle, avec ma collègue du Commerce extérieur. Au titre de la Présidence, notre objectif sera d'appuyer les efforts de la Commission pour remplir les objectifs que lui a fixés le Conseil Affaires Générales, notamment dans ses conclusions de mars dernier, c'est-à-dire obtenir un rééquilibrage de la négociation pour garantir que tout accord éventuel soit global et équilibré.
J'en viens maintenant aux priorités législatives de la Présidence française dans le domaine agricole.
Je vous l'ai dit, ma priorité numéro 1 concerne le bilan de santé de la Politique agricole commune. L'objectif de parvenir à un accord sous Présidence française et donc avant la fin de l'année, est, je crois, largement partagé par la Commission et le Parlement européen.
Nous avons besoin d'un accord en 2008 parce que nous avons besoin d'un bilan de santé qui se mette en place le plus rapidement possible sur le terrain, dans les exploitations agricoles. Si nous ne parvenons pas à un accord en 2008, nous n'y parviendrons pas non plus en 2009, du fait du renouvellement du Parlement européen et de la Commission. Faire un bilan de santé en 2010 pour une application en 2011, juste avant la réforme prévue pour 2013, n'aurait aucun sens !
Ce bilan de santé, nous en avons besoin pour ajuster la réforme de 2003, simplifier les règles, renforcer leur lisibilité vis à vis des agriculteurs et des citoyens. Nous devons surtout donner la possibilité aux États membres qui le souhaitent d'infléchir leur politique et de réorienter les soutiens. Les États membres ont besoin d'une boîte à outils pour y parvenir, ce que leur donnera le bilan de santé. Et nous en avons besoin maintenant, afin de préparer au mieux la politique agricole du futur. C'est pourquoi je demande à tous les partenaires de la Présidence française, membres du Parlement européen, Commission, États membres, de s'engager pleinement pour parvenir à remplir cet objectif ambitieux mais indispensable.
Un travail très important a été fait au 1er semestre au Conseil comme au Parlement européen. Des conclusions du Conseil ont été adoptées en mars, sous l'impulsion dynamique de la Présidence slovène, et le Parlement européen a adopté en session plénière le 12 mars le rapport d'initiative de Lutz Goepel, que je veux ici saluer tout particulièrement. Son rapport a posé des jalons clairs et a incontestablement aidé la Commission à bâtir les propositions publiées, il y a maintenant 2 mois.
Depuis, la Présidence slovène, et je souhaite l'en remercier très vivement ici, a effectué un travail très précieux qui a permis de mettre tout le monde en ordre de marche.
Parallèlement, je sais que Luis-Manuel Capoulas Santos, votre rapporteur législatif, a travaillé de façon très intense depuis le mois de mai afin de vous présenter hier son rapport. Luis Manuel a bien choisi son moment : un rapport qui sort le 14 juillet ne peut être accueilli que favorablement par la Présidence française ! Plus sérieusement, j'ai noté dans ce rapport un certain nombre de propositions intéressantes qui, selon l'évolution de vos débats en commission et en plénière, pourront aussi contribuer à notre réflexion au sein du Conseil.
En écho à ces nouvelles propositions, nous allons poursuivre aujourd'hui même le débat en Conseil des ministres, autour de quatre questions ouvertes qui permettront aux Ministres de se prononcer sur :
1. la modulation
2. les évolutions des mécanismes de gestion des marchés (intervention, stockage privé...)
3. Les propositions de la Commission sur les quotas laitiers
4. La simplification de la conditionnalité.
Sur l'ensemble du bilan de santé, la construction d'un compromis au Conseil se fera à l'automne en parallèle à l'adoption de la position du Parlement européen, ce qui nécessitera un dialogue permanent.
Je voudrais à ce propos apporter une précision : comme je l'ai toujours dit, je veux travailler avec vous dans l'esprit de la codécision, même si, chacun le sait ici, nous ne sommes pas juridiquement dans l'obligation de procéder ainsi. Mon engagement personnel et celui de mes équipes témoignent de cette volonté. Vous avez eu des débats riches et nombreux lors de vos séances de travail et je m'engage devant vous à faire tout ce qui est en mon pouvoir de Président du Conseil pour que la position du Parlement soit prise en compte dans l'élaboration du compromis final.
Vous l'avez compris, je mettrai toute mon énergie à conclure ce dossier sous la Présidence française avec l'ensemble des partenaires européens. Pour cela, j'ai besoin de la collaboration de tous.
Le deuxième dossier sur lequel je compte aboutir à un accord avant la fin de l'année est celui de la distribution de fruits et légumes dans les écoles, sujet issu du compromis de la réforme des fruits et légumes de mai 2007. La Commission vient d'adopter une proposition lors du Collège de la semaine dernière [8 juillet]. Elle propose de co-financer un programme de distribution de fruits dans les écoles, pour un budget communautaire total de 90 Meuros. C'est un sujet très important parce qu'il touche à la santé publique de nos jeunes, et va dans le bon sens pour l'image de la construction européenne dans l'opinion publique. Je compte le mener à son terme et vous confirme que je suis entièrement disponible pour travailler avec vous de la façon qui vous semblera la plus efficace, en particulier bien sûr avec Niels Busk, votre rapporteur sur ce dossier.
La Commission présentera en septembre un projet de règlement modifiant le programme d'aide aux plus démunis. C'est un sujet qui, je le sais, vous tient à coeur, tout comme à moi. L'actualité montre tristement que nous devons renforcer notre action envers nos concitoyens les plus pauvres, qui sont les premières victimes de la hausse des prix alimentaires et de la montée des inégalités. Là encore, c'est un domaine où l'Europe peut montrer qu'elle apporte une réelle plus-value et qu'elle sait agir lorsqu'on a besoin d'elle. Le Traité le stipule, la Politique agricole commune doit contribuer à garantir la sécurité alimentaire à des prix raisonnables pour les consommateurs. Le programme d'aide aux plus démunis participe à la réalisation de cet objectif majeur.
Sur ce dossier, j'entends mener activement les débats afin de pouvoir dégager les grandes lignes d'un accord sous Présidence française, si le calendrier de vos travaux au Parlement le permet. C'est pourquoi je compte sur votre appui, Mesdames et Messieurs les Députés.
La Commission présentera à priori à l'automne un livre vert sur la qualité, afin de lancer la réflexion sur les adaptations à apporter à la politique européenne de qualité. C'est un chantier qui démarrera sous Présidence française et se poursuivra lors des Présidences tchèque et suédoise.
De la même façon, la Commission présentera en fin d'année son projet de redéfinition des zones défavorisées qui servent de socle à l'octroi des indemnités compensatoires de handicap naturel. C'est un sujet essentiel pour de nombreux territoires en Europe, pas forcément montagneux mais qui souffrent de réels handicaps de compétitivité. Je sais que ce dossier est très attendu sur la scène européenne par les élus que vous êtes, et je salue à cet égard la qualité du rapport de Michl Ebner sur l'agriculture dans les régions montagneuses. Le texte législatif sera traité pour l'essentiel par la Présidence tchèque et devrait aboutir au cours du premier semestre 2009.
Dans ce contexte, je veux citer deux des manifestations organisées par la Présidence française :
* En septembre, une conférence sur l'avenir de la filière ovine européenne se tiendra à Limoges. Dans le prolongement du rapport de Liam Aylward, je souhaite faire progresser la réflexion sur l'avenir de la filière ovine européenne et sur les mesures à prendre pour assurer sa pérennité et son renouveau.
* En novembre est organisé à Montpellier un colloque européen sur biodiversité et agriculture. Il vise à illustrer l'importance stratégique des recherches sur les interactions entre agriculture et biodiversité : impact de l'agriculture sur la biodiversité, valorisation de la biodiversité par l'agriculture. Les échanges menés par les participants devront permettre de conforter ce thème dans le Programme cadre de recherche et développement à l'occasion du débat sur les perspectives financières de l'Union européenne. Les résultats de la conférence devraient être mobilisables en vue du Livre vert sur la Montagne et des discussions sur la Politique agricole commune de 2013.
Enfin, je terminerai en évoquant deux sujets sanitaires qui sont également des priorités fortes de notre présidence et sur lesquels nous aurons dès demain un débat plus approfondi en commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire. Notre souhait est de renforcer la protection sanitaire des consommateurs européens, selon deux axes.
Le premier de ces axes concerne la définition des règles d'utilisation de certains produits comme les produits phytopharmaceutiques ou les médicaments vétérinaires. En pleine collaboration avec les rapporteurs désignés par le Parlement Hiltrud Breyer, Christa Klass et Avril Doyle, j'espère pouvoir conclure les projets de texte actuellement en cours de discussion, celui sur le « paquet pesticides » et celui sur la fixation des limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires dans les produits d'origine animales destinés à l'alimentation humaine.
Le deuxième axe concerne l'ouverture d'une réflexion sur les importations de produits en provenance des pays tiers. En effet, l'accroissement des échanges mondiaux rend plus probables aujourd'hui l'émergence et la diffusion de facteurs de risques ou de maladies. Il est par conséquent indispensable de porter à la sécurité sanitaire des produits importés et à leur conformité aux règles communautaires la même attention que pour nos propres produits. Je souhaite ouvrir le débat sur ce sujet et je compte sur votre soutien, dans la lignée des initiatives que vous avez déjà prises, cher Neil Parish, sur la question des importations de certains produits animaux en provenance des pays tiers.
Comme vous pouvez le constater, le programme de la Présidence française en matière agricole est ambitieux. Nous avons besoin de tous pour réussir.
Je me réjouis de travailler avec vous et vous redis mon entière disponibilité. Je reviendrai avec grand plaisir vous voir autant de fois que vous le souhaiterez.
Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Source http://www.ue2008.fr, le 5 août 2008