Déclaration de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, sur la protection de l'enfance, la conciliation de la vie professionnelle et familiale, le mode de garde des enfants et la violence contre les enfants, Stockholm le 9 septembre 2008.

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Circonstance : Séminaire sur la construction d'une Europe pour et avec les enfants Stockholm le 9 septembre 2008

Texte intégral


C'est pour moi un honneur d'ouvrir, à votre invitation et au côté de Monsieur Göran HADDLUNG, ministre de la Santé et des Affaires sociales, ce séminaire consacré à la construction d'une Europe pour et avec les enfants. Cette initiative est à l'image de la Suède qui, nous le savons tous, a toujours placé les politiques familiales en haut du tableau des innovations et de la réussite.
Il faut saluer le rôle pionnier du Conseil de l'Europe, à qui l'on doit la mise en oeuvre de ce programme, "Construire une Europe pour et avec les enfants", et dont, les premiers résultats, sont examinés durant ces deux jours en terme de protection de l'enfance face aux violences qui leur sont faites, de leur participation au sein de nos sociétés, mais aussi d'engagements et de coordination des gouvernements en faveur des droits de l'enfant.
Ce programme européen est complet. Je veux dire qu'il est exigeant.
Cette exigence nous convient. Car son sujet est supérieur. Faire en sorte que l'enfant soit au centre d'une construction européenne, c'est placer notre action résolument dans l'avenir. C'est la placer dans ce qui nous est, à la fois le plus cher au monde et le plus dynamique : l'enfant et sa vitalité, l'enfant et son imagination, l'enfant et l'espérance en l'avenir qu'il représente pour chacun d'entre nous.
Si vous me le permettez, je voudrais m'appuyer sur les termes de la dénomination du programme.
En premier lieu, il s'agit de construire une Europe avec les enfants. La question de la présence des enfants dans notre société est capitale tant pour le maintien de notre équilibre économique, que pour celui - primordial - d'une vie harmonieuse entre les générations. La démographie européenne nous inquiète.
Elle doit être soutenue. Favorisée. A quoi cela sert-il aujourd'hui à quelques pays de l'Union d'être seuls ou presque à atteindre le seuil du renouvellement des générations ? La démographie est un défi européen que nous devons relever ensemble.
Au moment où la présidence française de l'Union européenne prend sa vitesse de croisière, je voudrais insister sur le constat que nous partageons avec la Suède et la République Tchèque, sur l'ampleur de la question démographique en Europe. Nous sommes, en Europe, tous confrontés à une évolution du nombre d'Européens qui ne peut que nous interpeler quant aux risques de bouleversements économiques et sociaux profonds.
Les trois présidences se sont engagées pour les dix-huit prochains mois à encourager le renforcement des échanges d'information et de bonnes pratiques, notamment dans le cadre de l'Alliance européenne pour la famille [1]
Car l'Europe ne se construira durablement qu'avec les enfants, en faisant en sorte que nous leur réservions une place dans notre vie, c'est-à-dire à nos côtés, dans notre quotidien.
Faire une place aux enfants, c'est assurément concilier la vie professionnelle avec la vie familiale. Voilà, par exemple, un sujet où la Suède nous a historiquement beaucoup intéressé, notamment par votre disposition législative [2] qui, dès 1979, demandait aux entreprises de prendre en compte la conciliation vie familiale / vie professionnelle, ou, plus récemment dans votre approche du congé parental dont une partie [3] est distribuée à parité entre les parents.
La France est particulièrement sensible à la question de la conciliation. La nouvelle équipe gouvernementale poursuit activement l'objectif d'une meilleure articulation entre ce qui relève du familial et ce qui relève du monde du travail.
Avec Xavier BERTRAND, ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, nous avons signé, en mai dernier, une Charte de la parentalité avec trente des plus grandes entreprises françaises, avec pour objectif d'offrir un environnement mieux adaptés aux responsabilités familiales.
Donner aux parents une solution d'accueil pour leur enfant de 0 à 3 ans, répond également de cette ambition d'une réelle conciliation vie familiale / vie professionnelle sans laquelle il n'y aura pas de construction de l'Europe avec les enfants digne de ce nom.
Au fil des décennies, vous vous êtes donné les moyens de relever le défi de l'accueil du petit enfant. C'est d'abord en 1975, la loi sur l'éducation préscolaire qui encadre les services de garde publics faisant notamment obligation aux autorités locales de créer des places d'accueil sur leur territoire. C'est ensuite en 1985, l'adoption d'une loi garantissant une place d'accueil pour tous les enfants de 18 mois à 6 ans dont les parents travaillent. Je citerai enfin le Social services Act promulgué en 1995 qui renforce votre dispositif en permettant à tout enfant de 1 à 12 ans dont les parents le souhaitent de disposer d'une place d'accueil dans un délai de trois mois suivant la demande.
La France a certes développé ses propres outils. La variété des modes de garde des 0-3 ans (crèche collective, familiale, assistante maternelle, garde à domicile, mais aussi plus récemment crèches d'entreprises et micro-crèches) joue certainement un rôle important dans le cadre de la conciliation vie familiale / vie professionnelle. Je citerais aussi, la scolarisation de 98 % des enfants dès l'âge de 3 ans qui est une particularité jouant un rôle non négligeable dans le cadre de la conciliation. Nous devons aller plus loin. Un chantier concernant l'amélioration de l'accueil des 0-3 ans a été lancé il y a quelques mois pour aboutir à échéance 2012.
Pourtant, si construire une Europe avec les enfants, c'est comme nous venons de le voir, se préoccuper des conditions favorisant l'arrivée de l'enfant, construire une Europe avec l'enfant, c'est aussi se tourner vers lui pour lui donner les moyens de participer concrètement à cette construction. Pour cela l'enfant doit être protégé, il doit être associé.
En second lieu donc, si je reprends la terminologie du programme qui nous intéresse aujourd'hui, il s'agit pour nous tous de construire non seulement une Europe avec les enfants, mais aussi une Europe pour les enfants.
C'est-à-dire, une Europe digne de ses jeunes générations. Je vois une Europe où l'enfant peut apprendre, échanger, communiquer, créer, se divertir, en un mot : vivre, en étant protégé et sécurisé. Je vois une Europe pacifique pour ses enfants, peut être plus encore que pour nous tous, adultes ; car il en va de notre devoir d'adulte, il en va - et j'ose le mot - de notre honneur.
Pierre angulaire d'une telle démarche, la convention internationale des droits de l'enfant, signée par la Suède et la France [4]comme par l'ensemble des pays membres de l'Union, doit être un engagement qui implique.
Cet engagement, c'est celui de la protection de l'enfant. C'est un engagement qui dépasse les simples déclarations d'intention. C'est un engagement qui impose l'attention, la vigilance, la détermination de tous.
Les dangers auxquels peuvent aujourd'hui être confrontés les enfants sont multiples. Les violences peuvent exister en des lieux que l'on aimerait croire sanctuarisés : lieux publics, foyer parental ou encore écoles... Soyons donc attentifs.
Les violences se rencontrent sur des terrains qui n'ont de virtuel que le qualificatif. Les médias - le cinéma, la télévision, et désormais l'Internet - sont miroirs de la société qui reflète et amplifient trop souvent les aspects les plus agressifs de nos vies modernes. Je suis très sensible à l'émergence de ces nouveaux lieux de violences qui bien souvent sont vécues par les enfants en dehors de tout regard d'adulte référent, parent ou enseignant. La très grande majorité des enfants et des adolescents navigue sur la Toile en solitaire.
Les violences lorsqu'elles surviennent ne peuvent qu'en être plus dramatiques, pour l'enfant d'abord, pour sa famille ensuite, pour nous tous enfin. Je souhaiterais, à ce titre, que nous soyons tous ensemble vigilants face à certaines dérives rendues possibles par des technologies de plus en plus évolutives et convergentes. Notre vigilance doit être à la hauteur des réalités vécues par certains de nos enfants.
Protéger l'enfant, c'est l'accompagner dans sa découverte du monde.
C'est lui donner les connaissances et les moyens de se construire dans un monde qui peut être aussi passionnant et enrichissant qu'inquiétant. Là aussi, la Suède m'a intéressée par sa détermination à mettre en oeuvre le blocage des sites Internet colportant des contenus à caractère pédo-pornographique. J'ai décidé d'aboutir, en liaison étroite avec le ministère de l'Intérieur, à ce qu'un tel blocage soit effectif à la fin de cette année en France. L'état des discussions en cours avec les fournisseurs d'accès à l'Internet me laisse croire que nous tiendrons ensemble cet engagement commun. C'est ici le sens de notre détermination.
Pour toutes ces raisons, j'ai proposé que soient abordées les questions de la conciliation vie familiale / vie professionnelle et de protection de l'enfant sur l'Internet, lors de la réunion informelle des ministres de la famille du 18 septembre prochain à Paris. Pour chacun de ces sujets, des initiatives sont effectives ou expérimentées dans l'un ou l'autre de nos pays. Des échanges sont parfois engagés. Des rendez-vous sont pris, dont la conférence ministérielle organisée par le gouvernement autrichien en juin 2009 sous l'égide du Conseil de l'Europe sur le « désir non assouvis d'enfant » Poursuivons sur cette voie, poursuivons avec détermination, celle-là même qui a fait de la Suède une terre d'initiatives et d'expériences et qui, je le crois, fera des présidences qui se succèderont ces prochains mois une étape importante pour la construction de l'Europe - de notre Europe - avec et pour les enfants.
Je vous remercie.
[1] Lancée lors de la présidence allemande et désormais portée par la Commission européenne. L'alliance a pour vocation de servir de plate-forme d'échanges d'idées, de bonnes pratiques et d'information, y compris en direction du grand public.
[2] Loi égalité des chances, 1979.
[3] 2 mois sont réservés au père, 2 mois sont réservés à la mère, le restant (12 mois) étant transférable entre les parents.
[4] Signature de la CIDE : 20 novembre 1989. Ratifiée par la Suède, le 29 juin 1990, par la France le 7 août 1990.
source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 11 septembre 2008