Déclaration de Mme Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, sur la mobilité professionnelle, géographique et le marché européen du travail, Paris le 11 septembre 2008.

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Circonstance : Conférence "Mobilité des travailleurs" à Paris le 11 septembre 2008

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C'est avec le thème de la mobilité des travailleurs que s'ouvre le cycle des conférences qui vont rythmer la Présidence française, dans le domaine social, jusqu'à la fin de l'année.
Ce calendrier n'est pas un hasard : si nous commençons par parler de mobilité, c'est que le sujet à nos yeux est essentiel. Pourquoi ?
D'abord parce que la mobilité est la valeur européenne par excellence. Cela a été largement dit en 2006, à l'occasion de l'année européenne de la mobilité. Mais je veux le redire aujourd'hui : la mobilité est une valeur fédératrice en Europe, elle rassemble les citoyens des 27 Etats membres autour de l'envie mutuelle de se connaître et d'échanger. A ce titre, elle est un élément clef pour que les citoyens se réapproprient l'Europe.
Ensuite parce que la mobilité professionnelle est l'un des préalables à la mobilité sociale, l'un des leviers de l'ascenseur social, pourvu qu'on l'envisage sous certaines conditions. Elle peut notamment jouer en faveur de la qualité de l'emploi, au bénéfice des entreprises et des salariés. Bref, elle porte en elle un potentiel de progrès. Nous pensons que pour tous les Européens, elle doit devenir une chance.
Avec Xavier BERTRAND, qui est en déplacement ce matin avec le Président de la République, je souhaite donc vous remercier tout particulièrement de votre présence aujourd'hui à Paris. Je suis très heureuse de pouvoir ouvrir cette conférence aux côtés du Commissaire SPIDLA, en présence de Mme KRSIKOVA, Secrétaire d'Etat slovaque à l'emploi et à la famille et de M. DERSZI, Secrétaire d'Etat roumain à l'emploi.
Je me réjouis également d'accueillir demain M. NECAS, ministre tchèque du travail et des politiques sociales, ainsi que des parlementaires européens, des représentants des partenaires sociaux, de la société civile et de nombreuses délégations des Etats membres. Le thème de la mobilité professionnelle vous concerne tous, et il est important que tous, vous puissiez prendre part aux débats.
L'originalité de la conférence qui s'ouvre aujourd'hui est qu'il y sera question de mobilité à tous les sens du terme : mobilité géographique, pour les salariés qui quittent leur pays d'origine pour aller travailler dans un autre Etat membre, mais aussi mobilité professionnelle au sens large. Car changer d'emploi, changer d'entreprise, même en restant dans son pays, c'est aussi être mobile.
Dans les deux cas, en effet, la même question se pose : comment faire en sorte que les travailleurs mobiles ne soient pas pénalisés dans leurs droits ? Dans les deux cas, l'enjeu est celui de la transférabilité des droits, même si beaucoup d'autres freins peuvent s'ajouter, notamment lorsqu'il s'agit de mobilité géographique. Je pense notamment à la question de la langue, du logement ou encore des stéréotypes.
1. Sur le chemin de la mobilité professionnelle, l'Union européenne a accompli un pas très important, le 5 décembre 2007, avec l'adoption de huit principes communs de flexicurité, à la fin de la Présidence portugaise.
Ces principes communs sont désormais inscrits dans la stratégie de Lisbonne : ils vont aider les Etats membres à moderniser leurs marchés du travail en introduisant de nouvelles sécurités et de nouvelles souplesses, pour les travailleurs comme pour les entreprises.
Cette démarche concerne tous les Européens : elle signifie que nous nous choisissons de moderniser nos marchés du travail dans une logique d'équilibre entre les attentes des entreprises et celles des salariés.
L'adoption de ces principes communs a été suivie de la mise en place d'une mission européenne pour la flexicurité, qui est co-présidée par Gérard LARCHER et Vladimir SPIDLA. Cette mission tripartite a effectué plusieurs visites dans les Etats membres - en France, en Suède, en Pologne, en Finlande et en Espagne notamment - en vue de faciliter l'appropriation des principes communs parmi les acteurs de la réforme sociale, dans le respect des spécificités nationales. La mission présentera un rapport d'étape au Conseil EPSSCO du 2 octobre prochain, et son rapport définitif à l'occasion du Conseil EPSSCO du 15 décembre 2008.
Sur la base de son travail, il va nous falloir décliner concrètement les principes communs, leur donner une traduction tangible dans les relations sociales et dans la vie économique des Etats membres. Les entreprises et les syndicats devront innover, être créatifs, et surtout travailler ensemble. Car sans dialogue social, il n'y a pas de flexicurité. Nous l'avons vu en France, où l'accord du 11 janvier 2008 a rendu possible des avancées législatives concernant la modernisation du marché du travail. Nous l'avons vu aussi à l'échelon européen, où la contribution des partenaires sociaux, sous la forme d'un diagnostic partagé présenté à l'automne 2007, a été décisive pour aboutir à l'adoption des principes communs.
Le temps est donc maintenant celui du partage d'expérience et de l'échange de bonnes pratiques, pour faciliter la mobilité professionnelle tout en sécurisant les parcours. Plusieurs expériences seront présentées demain, en tandem par des directeurs des ressources humaines et des salariés membres des comités d'entreprise européens.
Elles vont nous montrer que des marges de progrès existent. Je pense par exemple à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui permet d'anticiper les besoins de demain et de former aujourd'hui les salariés dans la perspective d'y répondre, au sein d'une entreprise ou plus largement d'un bassin d'emploi. Je pense aussi à la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, qui doit être prise en compte comme un élément susceptible d'influer sur la mobilité des salariés, au même titre que les dispositifs de protection sociale, de rémunération ou de gestion du temps de travail. Il est nécessaire de n'oublier aucun élément et d'aborder cette réflexion sans tabou.
Il est également nécessaire de l'inscrire dans le cadre européen, et j'en viens ici à la seconde partie de mon propos, qui concerne la mobilité transnationale en Europe.
2. Notre action en faveur de la mobilité professionnelle ne peut se concentrer uniquement dans le cadre national. Il est nécessaire de mettre les travailleurs européens en situation de profiter des opportunités offertes sur l'ensemble du marché intérieur. Aujourd'hui l'Europe parle aux voyageurs, aux consommateurs, aux étudiants, mais elle ne parle pas encore assez aux travailleurs.
Depuis l'adoption de l'Acte unique, en 1986, nous avons beaucoup progressé pour faciliter la libre circulation des biens et des services sur le marché intérieur. Mais la libre circulation n'est pas seulement celle des marchandises et des capitaux, elle est aussi celle du travail.
Les Européens sont encore peu mobiles en dehors de leur pays d'origine. Au 1er janvier 2006, seuls 2% d'entre eux vivaient dans un pays de l'Union européenne différent de leur pays d'origine, un chiffre qui a peu évolué depuis trente ans. Mais les mentalités sont en train de changer : l'envie de bouger augmente chez les Européens. Au début de l'année 2006, 57% d'entre eux se disaient prêts à aller s'installer dans un autre pays de l'Union pour leur carrière : c'est deux fois plus qu'il y a cinq ans. Les jeunes sont les plus motivés.
Pour construire un grand marché européen du travail, qui soit porteur d'opportunités pour l'ensemble des travailleurs, il y a encore beaucoup à faire. En aucun cas, la mobilité ne doit aboutir à la remise en cause des droits des travailleurs. La Présidence française s'efforcera donc d'apporter sa contribution à la construction d'un véritable cadre européen pour la mobilité professionnelle, dans le prolongement du plan d'action pour la mobilité lancé par la Commission à la fin de l'année 2006. Ce plan a apporté beaucoup, je tiens à le dire devant le Commissaire SPIDLA qui est aujourd'hui à mes côtés, mais il nous faut continuer à progresser.
La première contribution de la Présidence française à la mise en place de ce cadre européen pour la mobilité professionnelle sera de poursuivre les travaux relatifs au règlement d'application concernant la coordination des régimes de sécurité sociale dans l'Union européenne. L'adoption de ce règlement est nécessaire pour permettre l'entrée en vigueur du nouveau règlement de coordination, adopté en 2004. Elle permettra d'adapter les règles de coordination des régimes de sécurité sociale aux évolutions que ces régimes ont connues depuis 35 ans. Ce faisant, l'Europe deviendra plus facile pour les travailleurs mobiles, notamment les transfrontaliers.
Dans le cadre du débat sur l'agenda social rénové, nous pouvons également ouvrir d'autres chantiers : pour faciliter la reconnaissance des qualifications professionnelles ; pour faciliter l'accès à EURES, le service public de l'emploi européen qui répertorie plus d'un million d'offres d'emploi, et garantir une meilleure coordination entre les services publics de l'emploi nationaux des différents Etats membres ; pour résoudre les difficultés liées à la mobilité intragroupe ; ou encore pour apporter un appui pratique aux travailleurs qui souhaitent s'installer dans un autre Etat membre de l'Union européenne. Depuis 2006, le portail EULISSES, mis en place à l'initiative de la Commission, permet de répondre aux interrogations des citoyens européens en matière de sécurité sociale. Mais cette initiative excellente n'est pas encore assez connue du grand public. L'Europe proche des citoyens, enfin !
Enfin, parce qu'il n'y a pas de droits sans devoirs, la mise en place d'un cadre européen pour la mobilité professionnelle implique de nous donner les moyens de lutter contre les pratiques illicites d'emploi. Cette question fera d'ailleurs l'objet d'une prochaine conférence de la Présidence française les 13 et 14 octobre à Marseille, au cours de laquelle nous souhaitons approfondir le débat sur ce sujet.
Mesdames, Messieurs, l'Europe est aujourd'hui une nouvelle frontière, notre nouvelle frontière. Il nous faut raviver l'adhésion des citoyens au projet européen, car elle ne va plus de soi, ni dans les Etats fondateurs, ni dans la « nouvelle Europe », ni ailleurs. En nous mobilisant pour la mobilité des travailleurs en Europe, nous nous rapprochons de cette nouvelle frontière, nous parlons aux citoyens et nous réconcilions le progrès économique et le progrès social. Je souhaite que nous puissions avancer ensemble avec détermination dans cette voie.
Je vous remercie.
Source http://www.ue2008.fr, le 16 septembre 2008