Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur la modernisation du système de soins, l'organisation sanitaire et l'offre de soins médicaux, Cannes le 20 septembre 2008.

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Circonstance : 14ème université de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) à Cannes le 20 septembre 2008

Texte intégral


Monsieur le président,
Mesdames et messieurs,
En cette année de réforme, où pour moderniser notre système de soins, il faudra expliquer et convaincre, je considère ce rendez-vous avec la CSMF comme un rendez-vous crucial.
Si j'ai souhaité vous rejoindre, c'est pour me donner l'occasion de poursuivre avec vous un dialogue fructueux, jamais interrompu. L'ambitieuse réforme que je porte est fondée sur l'obligation de répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
Les objectifs de ma politique sont dictés par la nécessité.
Les Français, attachés à leur système de soins, n'ont pas besoin qu'on leur dise pourquoi il faut réformer. Ils le savent. Ils en éprouvent concrètement les fragilités : quand ils ne trouvent pas de médecin près de chez eux, quand ils attendent durant des heures aux urgences pour une simple entorse, quand ils doivent faire des heures de route pour rendre visite à un parent qui suit une rééducation après une opération de la hanche.
Notre édifice de soins est notre maison commune. Nous devons le rénover pour en consolider les fondements.
La réforme, pour atteindre cet objectif doit être une réforme globale.
Il faut avancer sur un front large, si nous voulons renforcer la cohérence du système, pour permettre aux professionnels de santé de mieux accomplir leurs missions, au plus grand bénéfice des patients. S'il faut, bien entendu, réformer l'hôpital en son coeur, il faudra également agir sur son environnement direct, « en amont », en repensant les liens de l'hôpital et de la médecine ambulatoire, aussi bien qu' « en aval », en favorisant une meilleure articulation de l'hôpital et du médico-social.
Cette manière inédite de repenser l'organisation sanitaire fait l'originalité du projet de loi : « Hôpital, santé, patients et territoires ».
Une réforme d'une telle envergure obéit nécessairement à quelques principes irréfragables.
Ces principes, au fondement de notre pacte social, sont les principes conjugués d'égalité, de responsabilité individuelle et de responsabilité qui soutiennent tout notre édifice de soins.
Cependant, conduire une politique responsable, ce n'est pas simplement brandir des principes. C'est veiller à leur effectivité.
Ainsi, la responsabilité ne se proclame pas : elle s'assume. La solidarité ne saurait s'instituer par la seule grâce de l'incantation : elle se préserve par l'action.
Les déclarations de principe, nos concitoyens en sont las. Aussi, nous avons décidé d'agir, d'agir avant qu'il ne soit trop tard.
Nicolas Sarkozy a été élu pour cela. C'est le sens de la feuille de route qu'il a fixé à François Fillon et à ses ministres.
Conformément à cet engagement, je porterai donc une réforme ambitieuse : une réforme fondée sur une confiance partagée et sur une exigence de responsabilité.
Cette réforme, je vais la faire avec les professionnels qui la feront vivre, avec toutes celles et tous qui connaissent, et qui partagent au quotidien, les préoccupations de leurs patients.
Sans doute, l'approche des échéances suscite toujours un peu de cette fébrilité qui porte d'ailleurs, parfois, à faire des déclarations précipitées et excessives.
Cependant, nous ne pouvons nous payer le luxe de laisser quelques fantasmes occulter l'esprit d'une réforme nécessaire et attendue que je souhaite faire avec vous !
Tout dialogue suppose la dissipation préalable des malentendus.
Ainsi, comment douter de mon attachement à la relation conventionnelle qui unit les professionnels de santé libéraux à l'assurance maladie ?
Je défendrai toujours son principe, comme je l'ai toujours défendu.
Le Président de la République a rappelé jeudi son attachement à cette relation. Mais il a également rappelé que les négociations ne sont pas une fin en soi.
La fin, c'est le résultat de la négociation : la mise en oeuvre de mesures discutées avec les professionnels pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens.
Les caisses ont proposé, cet été, une baisse de tarifs de certaines spécialités. Le Gouvernement a dit qu'il reprenait ces propositions. Je compte sur les partenaires conventionnels pour parvenir à un accord et trouver une solution, comme ils l'ont fait l'an dernier.
Tant que la relation conventionnelle est responsable, il est hors de question de changer les équilibres du pouvoir.
Les négociations conventionnelles vont donc reprendre le 25 septembre. Elles sont capitales. Nous attendons que vous trouviez, collégialement, des solutions dans le domaine de la régulation de la démographie médicale et les dépassements d'honoraires.
Le Président de la République vous a conforté dans votre mandat, il a également fixé une échéance claire et des objectifs précis.
L'effort important de financement solidaire consenti par l'ensemble de nos concitoyens et le rythme dynamique de la croissance des dépenses de soins de ville, largement supérieur à la croissance nationale sont incompatibles avec l'apparition de déserts médicaux et le non accomplissement des objectifs de maîtrise médicalisée.
Si les financements publics sont mobilisés, c'est bien pour améliorer l'accès de tous à des soins de qualité.
La dégradation importante des comptes sociaux nous impose ici un très haut niveau d'exigence.
Je veillerai donc à ce que les objectifs de maîtrise médicalisée soient tenus et que les discussions conventionnelles, qui reprendront prochainement, atteignent les objectifs fixés par les EGOS, en ce qui concerne la démographie médicale. Je veillerai aussi que ces objectifs soient atteints pour permettre une meilleure maîtrise des dépassements d'honoraires, en ce qui concerne le secteur optionnel.
La revalorisation du tarif de la consultation de médecine générale ne pourra s'envisager que dans un tel contexte.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 en est encore à la phase des travaux préliminaires. Nous ne connaissons pas encore le niveau de l'ONDAM et les mesures qui le composeront ne sont donc, logiquement, pas encore arbitrées.
Je souhaite, cependant, que l'ONDAM soit équilibré entre la ville et l'hôpital et que l'ONDAM des soins de ville soit réaliste.
Il est également impératif que les efforts demandés soient également répartis entre tous les acteurs de notre système de santé.
Enfin, je veillerai à ce que les mesures de recettes soient équivalentes aux mesures d'économies.
Nous aurons, bien sûr, l'occasion de reparler en détail, dans les semaines qui viennent du PLFSS, mais je souhaite surtout aujourd'hui vous présenter le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoire ».
Ce projet, fruit d'une longue concertation, procède d'un effort de modernisation sans précédent : effort absolument nécessaire, si nous voulons collectivement relever le double défi du vieillissement de la population et de la spécialisation croissante de la médecine.
Faire entrer, bien armé, notre système de soins dans le XXIème siècle, c'est préserver, pour l'avenir, un système qui repose sur deux piliers essentiels : la médecine ambulatoire et l'hôpital.
Les progrès de la santé, dans notre pays, dépendent, pour beaucoup, non seulement du bon fonctionnement de nos établissements de santé, mais aussi de la réactivité, du sens de la responsabilité et de l'innovation des médecins libéraux.
Ce sont bien, dans mon esprit, les professionnels de santé qui écriront l'histoire de notre système de soins. En ce sens, le rôle des pouvoirs publics est d'assurer, pour le bien commun, au bénéfice conjugué des patients et des professionnels de santé, une meilleure cohérence d'ensemble du système.
Le texte que je proposerai, resserré sur l'essentiel, veut insuffler une nouvelle dynamique à l'hôpital public et ouvrir des possibles aux médecins libéraux.
S'agissant du secteur libéral, l'objectif de ce projet de loi est précisément d'organiser, avec les professionnels, les conditions qui permettront de mieux répondre aux besoins de santé de nos concitoyens, d'améliorer les conditions de l'accès aux soins.
Je connais les difficultés liées à l'exercice d'une activité libérale, qui ne saurait supporter des contraintes supplémentaires.
Je connais les exigences de professionnels soucieux de mieux accomplir leurs missions.
Je souhaite, en ce sens, renforcer la place et le rôle des professionnels libéraux dans l'organisation de l'offre de soins régionale.
Je souhaite la mise en oeuvre d'actions et de programmes pour lesquels je sais que votre intervention est indispensable.
Je pense notamment à la réalisation des SROS ambulatoires, à l'organisation de la permanence des soins, à la formation, au déploiement de la télésanté...
Ainsi, il faudrait que dans toutes les régions, chaque profession soit représentée d'une manière incontestable, sur le fondement d'une élection.
Chaque union ainsi désignée, représentative de sa profession, sera chargée de l'application des termes de la convention nationale et pourra contracter avec l'ARS pour l'accomplissement de différentes missions.
Il importe que ces unions professionnelles puissent coordonner leurs actions, autant que de besoins, et qu'elles puissent bénéficier de la personnalité morale.
Les conventions nationales sont sanctuarisées. Il n'est question ici ni d'ORDAM, ni de convention locales.
L'aménagement de l'offre de soins ambulatoire des différents niveaux de recours sera réfléchi et organisé en collaboration avec les professionnels de santé et les élus.
Il sera consigné sous la forme d'un SROS ambulatoire non opposable et complémentaire des schémas hospitalier et médico-social.
Ce schéma permettra de faire converger vers un projet commun l'ensemble des financements complémentaires et des subventions disponibles. Il servira également de fondement aux mesures de régulations conventionnelles qui pourront être prises au niveau national.
Là encore, l'histoire ne sera pas dictée d'avance par la loi.
Le SROS ambulatoire procèdera d'un processus indicatif et contractuel.
Selon les termes du SROS, les professionnels de santé et les maisons de santé pourront passer des contrats avec l'ARS pour percevoir les aides et subventions disponibles qui seront simplifiées et développées.
Cette démarche n'implique en aucun cas la fin de la liberté d'installation, principe libéral auquel je reste, bien entendu, attaché.
Ce mode d'organisation est d'ailleurs, d'ores et déjà, une réalité dans certains départements.
Monsieur Marc Bernier, rapporteur de la mission parlementaire sur l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire, me le rappelle souvent avec raison : chez moi, en Mayenne, cette organisation fonctionne déjà.
Je crois même savoir que cette excellente initiative est portée par un représentant de la CSMF.
Vous voyez je n'invente rien. La nouvelle organisation que j'appelle de mes voeux est déjà en germe. Il ne reste qu'à créer les conditions propices à son développement. Il faut généraliser ce qui fonctionne.
Ce dispositif d'organisation de l'offre de soins sera ainsi complété par la régulation des flux des étudiants et des internes, par spécialité et par région, en fonction des besoins de santé de la population.
La permanence des soins pourra être organisée et financée au niveau régional par les ARS, en lien avec les préfets et bien sur les conseils de l'ordre. Il sera donc possible, au sein des CODAMUPS de définir des modalités d'organisation plus souples et plus adaptées aux spécificités des différentes régions et aux souhaits des médecins.
C'est la rigidité d'une organisation imposée qui freinait la généralisation de la PDS.
Je souhaite que l'organisation de la permanence des soins relève de votre responsabilité.
A cet effet, je n'ai fait que suivre les conclusions rendues par la mission d'appui. Je remercie à cette occasion le docteur Luc Duquesnel pour son investissement et son travail exemplaire.
Je souhaite, bien entendu, que vous participiez à la mise en oeuvre des expérimentations PDS prévues par la loi de financement de la sécurité sociale 2008. Ces expérimentations devraient préfigurer l'organisation régionalisée de la permanence des soins, telle qu'elle est envisagée dans mon projet de loi.
Le projet de loi HPST proposera également de développer les coopérations entre professionnels de santé en fonction des besoins locaux, sur la base du volontariat et selon des modalités choisies par les professionnels.
Sur ce sujet capital pour l'évolution des pratiques, j'ai souhaité changer de paradigme : il s'agit de substituer aux transferts ou délégations de tâches massives d'une profession vers une autre un nouveau principe d'organisation.
Ainsi, les professionnels pourront s'organiser au niveau local de la manière la plus adaptée à leurs environnements et à leurs pratiques.
Leurs seules contraintes seront de faire référence à un protocole validé par la HAS, de garantir la compétence et la qualification des professionnels concernés et d'évaluer les résultats et la sécurité de ces pratiques.
La formation continue, le suivi et l'analyse des pratiques sont des éléments importants de ces coopérations entre professionnels. Sur ces sujets également, je souhaite faire prévaloir la logique pragmatique de la simplification.
La FMC est une obligation déontologique, le projet de loi le rappellera. Ma volonté est de simplifier le dispositif actuel dans son écriture juridique et dans son organisation concrète. FMC, EPP et FPC doivent être organisés, gérés et financés en cohérence au sein d'un dispositif unique.
Avant de parler de structures et de moyens, posons-nous la question de savoir ce que nous attendons d'un dispositif de formation continue et de l'intervention de l'Etat dans ce champ.
La FMC doit permettre le développement des coopérations entre professionnels. Elle doit être un outil efficace de sécurité sanitaire. Elle doit permette aux pratiques d'évoluer et aux praticiens de progresser par un système de VAE qui aujourd'hui n'existe pas pour les professionnels de santé. Voilà le cahier des charges que j'ai confié aux inspecteurs de l'IGAS en août. J'attends la remise de leur rapport pour la fin du mois d'octobre.
Ouvrir des possibles, en créant les conditions qui permettront la médicalisation de l'ensemble du territoire, sans jamais introduire quelque obligation d'installation que ce soit, tel est l'objet d'un projet de loi qui veut faciliter le travail des acteurs de santé au service du patient.
Concrètement, l'institution des ARS permettra aux professionnels de bénéficier d'un interlocuteur unique sur toutes les questions de santé.
Les ARS comprendront des sièges en région et des délégations départementales qui, au plus près des réalités territoriales, permettront aux acteurs de santé, publics et privés, l'élaboration d'une politique de santé globale et cohérente.
Le projet de loi que je m'apprête à défendre vise donc à renforcer les professionnels de santé, à l'hôpital comme en ville. Il repose d'abord et avant tout sur la confiance.
Il fait le pari de l'implication responsable de tous les acteurs, invités à collaborer avec les ARS.
Les ARS, dans cette perspective, ne sauraient penser et agir à la place des professionnels de santé.
Ce serait contradictoire avec la philosophie générale d'une réforme dont le succès dépend de l'engagement solidaire de ceux qui placent leurs compétences et leur énergie au service de la santé.
Les ARS vont regrouper 7 structures administratives régionales et mettre en oeuvre les outils de la cohérence entre les secteurs hospitalier, ambulatoire et médico-social.
Elles feront la synthèse, au niveau régional de l'assurance maladie et de l'Etat, assurant ainsi un pilotage unifié. Il ne s'agit pas d'étatiser ou « d'assurance maladiser ». Il s'agit de rendre cohérents l'organisation et le financement, la ville et l'hôpital, les soins et la santé publique.
L'assurance maladie, les syndicats de professionnels de santé, la convention, le ministère, tous ces acteurs restent au niveau national dans leur pureté de cristal. Un comité coordonnera les ARS au niveau national sans intervenir dans les champs d'action des autres acteurs nationaux.
Les ARS, assurant ainsi un pilotage responsabilisé, permettront d'établir les conditions d'une meilleure collaboration des professionnels à la définition et à la mise en oeuvre des politiques de santé régionales.
L'amélioration continue de la qualité des soins dans notre pays suppose ainsi, à la fois, plus de souplesse et plus de cohérence.
C'est en ce sens que notre projet fait d'abord le pari de la responsabilité et de l'initiative.
Il s'agit d'assurer pour l'avenir les conditions qui permettront de mieux gérer pour mieux soigner, d'améliorer sur tout le territoire la prise en charge et l'accompagnement des malades, de mieux prévenir la maladie, de mieux prescrire aussi et de mieux orienter les patients vers les structures les plus adaptées.
Je n'ai pas l'ambition d'avoir été exhaustive dans ma présentation d'une loi très complète, telle que notre pays n'en a pas connu depuis cinquante ans.
J'espère, au moins, être parvenue à restituer pour vous le sens d'un projet de loi, conçu pour préserver l'avenir d'un système auquel nous pouvons et auquel nous devons, collectivement, donner toutes ses chances de rester parmi les meilleurs au monde.
Les changements que je viens d'indiquer devront être portés par les professionnels.
Eux-seuls savent véritablement, éprouvent concrètement, ce qui doit être fait dans l'intérêt des patients.
Je compte, en ce sens, sur votre implication responsable. Il en va de l'avenir de notre système de soins.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 23 septembre 2008