Interview de M. Hervé Morin, ministre de la défense et président du Nouveau Centre, à I-Télé le 16 octobre 2008, notamment sur les sifflets contre l'hymne national en ouverture d'un match de football et sur la réaction européenne face à la crise financière internationale.

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Média : I-télévision

Texte intégral

L. Bazi.- On salue H. Morin, le ministre de la Défense et le patron du Nouveau Centre, qui est notre invité politique ce matin et qui sait ce que c'est qu'un hymne national. Vous nous direz ce que vous pensez de cette affaire de la Marseillaise...On va parler, si vous le voulez bien de politique maintenant. Bonjour H. Morin, ministre de la Défense, patron du Nouveau centre, vous avez deux casquettes, ou un képi et une casquette, c'est comme on veut. Le ministre de la Défense que vous êtes ne peut être que sensible et au drapeau et à l'hymne national. Pour autant, est-ce qu'on n'en a pas fait un petit peu trop hier à l'Elysée et au Gouvernement ?
 
Ce qui est clair, c'est que c'est une provocation insupportable que de siffler notre hymne national, qui fait partie des symboles de la communauté nationale. On a affaire à ces provocations régulièrement. On l'a eue pour des finales de Coupe de France, on l'a eue pour d'autres matches internationaux. Et je crois que le sondage que vous avez montré démontre à quel point les Français sont sensibles à cette question.
 
L'indignation visiblement est réelle, la question est : est-ce qu'on n'en fait pas trop. Est-ce qu'en disant "suspension de match, interdiction de rejouer les équipes, plus de match avec le Maghreb", on ne pousse pas le bouchon un peu loin, voilà c'est clair ?
 
Ecoutez, la seule chose c'est qu'il faut trouver des solutions. On ne peut pas simplement rester dans l'indignation et considérer que l'on va laisser passer les choses. Alors après, quelles sont les solutions ? Ce n'est pas forcément extrêmement simple à mettre en oeuvre, mais j'ai vu que B. Laporte et R. Bachelot avaient proposé par exemple que des matches avec un certain nombre de pays se jouent soit en province, soit à l'extérieur, pourquoi pas ? D'ailleurs les joueurs de foot ont dit : on a joué deux fois à l'extérieur cette semaine. Donc...
 
Jouer au Stade de France, parfois, c'est un peu jouer à l'extérieur, il faut être franc.
 
Ce qui est évident c'est que la loi, la loi votée par le Parlement prévoit des sanctions pour l'outrage à l'hymne national, donc, il n'y a aucune raison que l'on reste passif et qu'on laisse passer les choses.
 
Il faut les appliquer avec sévérité, de votre point de vue, ceux qui ont sifflé doivent être condamnés ?
 
On ne peut pas condamner 15 000 personnes dans un stade comme ça, ce qu'il faut c'est mettre fin à ces provocations qui sont insupportables et qui sont, j'allais dire pensées et réfléchies.
 
Oui, bon courage ! Dit S. Royal...
 
Oui, c'est vrai...
 
Il vaut mieux éduquer !
 
Bien sûr, mais ça, enfin, le coup de l'éducation, elle nous le fait à chaque fois.
 
En l'occurrence, d'autres disent : ce serait plus simple de se passer d'hymne ?
 
Non, mais on peut aussi effacer l'ensemble des symboles de la République française et considérer que face à des provocations, c'est j'allais dire, les éléments de l'unité nationale qui reculent. Les éléments qui font que, tant après, tant au moment d'une manifestation sportive d'ailleurs qu'à la fin d'une manifestation politique, il y a l'hymne national. Il y a un certain nombre d'éléments, de points de repère dans la République française. Et ces points de repère, là, on ne va pas les effacer, parce qu'il y a des provocateurs !
 
Oui, ne pas céder donc.
 
Ne pas céder, certainement pas.
 
Ne pas céder, mais ne pas forcément condamner ?
 
Si, mais je dois dire, après... la loi prévoit...
 
Il faut trouver la juste mesure pour... On vous entend ce matin, et on vous entend, vous êtes en train de chercher, de trouver la bonne mesure, vous sentez bien qu'on a été un peu loin hier.
 
La juste mesure elle est dans l'application de la loi, l'application de la loi relève des magistrats. La loi prévoit que ce genre d'infraction peut faire l'objet d'une condamnation. Il s'agit ensuite aux magistrats de mettre en oeuvre ces éléments là.
 
Les Vingt-sept sont à Bruxelles. Là, c'est au président du Nouveau Centre auquel je vais m'adresser. On parle d'un plan de relance, c'est J.-M. Barroso qui en a parlé hier soir, qui sera annoncé dans quelques jours. C'est nécessaire, il faut le faire, de l'économie, je parle, pas des banques, pas de la finance, de l'économie ?
 
Ce qui a été fait est remarquable, si on veut bien s'y accorder deux minutes. Un, pour une fois l'Europe a été unie et l'Europe a montré que quand elle était unie, elle est capable de pouvoir répondre plus fortement que les Etats-Unis. Le plan arrêté, pays par pays est nettement plus important pour remettre en route le marché et le système financier et monétaire, est beaucoup plus important que ce qui a été fait aux Etats-Unis.
 
1 700 milliards, contre 700 !
 
L'Europe unie est capable de le faire, elle l'a montré sur un sujet où on n'avait pas l'habitude de la voir, c'est la Géorgie. Elle le montre sur un sujet, où jusqu'alors, elle était plutôt absente, c'est-à-dire la gouvernance économique et financière, premier point.
 
On reconnaît vos racines UDF en vous écoutant là.
 
Non, mais je le dis, parce que c'est important. D'autant plus qu'il s'agit de sujets sur lesquels les compétences de l'Union ne sont pas clairement fixées. C'est la volonté des Etats qui a permis l'Union de l'Europe. Deuxième point...
 
Entendu, mais pour autant la question ce matin, c'est : est-ce qu'il faut aller au-delà avec un plan de relance ?
 
Il faut que l'Europe n'oublie pas - et c'est tout l'enjeu des prochaines semaines - n'oublie pas ce qui s'est passé et affirme sa volonté de réguler le système financier et monétaire. Qu'en quelque sorte on tire les conséquences de ce qui s'est passé, lorsque la crise sera derrière nous et qu'on ne tourne pas trop vite la page.
 
Ça c'est le Bretton Woods !
 
On l'a connu, souvenez-vous en 2001, au moment du scandale Enron. Lorsque, en 2001, on a eu des effets majeurs sur le système financier, sur un certain nombre d'entreprises. On a, certes voté une ou deux lois, mais on n'en a pas tiré les conséquences et on n'a pas tiré les conséquences, notamment des conflits d'intérêt, de la consanguinité du système. Là, il faudra en tirer les conséquences, c'est-à-dire trouver les voies et moyens pour réguler le système financier et monétaire. Il y a un certain nombre de propositions qui sont sur la table et il faudra que l'Europe soit sur ce sujet inflexible. Qu'elle porte la rénovation du MoDem. Et puis la troisième chose qu'il nous faudra faire, et là, c'est l'actualité du moment, c'est que les conséquences financières sur l'économie réelle soient, j'allais dire, compensées le plus possible. C'est-à-dire, un plan qui permette, notamment, le financement de l'économie. On a permis de relancer le système monétaire, les banques, les marchés monétaires refonctionnent grâce à l'engagement des Etats. On a assis les banques et on restaure les banques à travers le fonds de garantie qui est mis en place. Il faut désormais que les banques, lorsqu'elles auront retrouvé leur assise financent l'économie réelle et là, encore, les Etats ont un rôle à jouer.
 
Très bien, ça c'est entendu, on en reparle après une pause, parce que c'est le mot "Plan de relance" que j'entends derrière, mais vous ne l'avez pas prononcé. A tout de suite après le rappel des titres. (...) On est toujours en compagnie d'H. Morin, ministre de la Défense et président du Nouveau Centre. Et on va écouter ce que disait ce matin sur la Marseillaise, qui est un sujet qui a envahi les ondes, évidemment depuis 36 heures, E. Guigou. Elle était sur Canal+.
 
E. Guigou (document Canal+) : C'est parfaitement choquant et cela ne doit pas être toléré. Donc je pense que l'on doit d'abord s'interroger sur les sanctions. Evidemment, on se dit, il faut arrêter ça, je comprends qu'on ait ce premier réflexe. Mais ensuite, comment est-ce que l'on traite le problème, est-ce qu'on va suspendre au bout de 1 000 sifflets, de 5 000, de 10 000, de 15 000 quand ?...Deuxièmement, comment on évacue dans de bonnes conditions un stade de 80 000 personnes ? Moi je préfère que l'on se donne les moyens pour repérer ceux qui... et puis, peut-être évacuer certaines tribunes.
 
D'un mot, vous nous avez dit tout à l'heure : on cherche, on n'a pas encore trouvé la juste mesure ?
 
Non, je crois qu'E. Guigou a raison quand elle dit : il faut sanctionner, c'est insupportable, elle a tout à fait raison. Elle a raison aussi de considérer qu'il faut trouver les voies et moyens pour le faire, c'est aux magistrats de faire en sorte que la loi soit appliquée.
 
Mais ne pas se précipiter, H. Morin !
 
Oui, mais enfin, il faut quand même rappeler les choses.
 
J.-F. Copé ce matin sur France Inter, il parlait de la crise financière, le président du groupe UMP : cela ne se réglera pas en 24 heures, c'était le message.
 
J.-F. Copé : Quand vous avez une crise financière de cette importance, cela aura forcément des conséquences sur le niveau de l'emploi, sur le niveau de l'activité des entreprises. Ne serait-ce que parce que, durant toute cette période, vous avez des tas d'entreprises qui ne peuvent pas se refinancer et donc, il y a des vrais risques. C'est pour ça qu'on accompagne, dans tous les Etats d'ailleurs, par différentes mesures, les contrats aidés, les mesures de financement d'urgence des PME, etc.
 
Cela vous intéresse d'entendre ça, contrats aidés, mesures d'urgence pour les PME, est-ce que cela fait partie de ce que le Nouveau Centre réclame à ses amis de la majorité ?
 
Ce qu'il faut, très clairement, c'est permettre le financement de l'économie réelle. Et notamment permettre le financement des petites et moyennes entreprises qui assurent l'essentiel de l'emploi en France. Si on se rappelle des chiffres : en l'espace de 15 ans, l'économie française a créé 3 millions d'emplois, essentiellement dans les PME, alors que les grands groupes ont créé...
 
C'est "Jo le Plombier" dont on parle aux Etats-Unis, il faut s'adresser à lui en France.
 
Et donc, les actions qu'a menées l'Etat, notamment à travers les fonds de garantie qui ont été mis en place doivent permettre à l'Etat notamment de dire aux banques : il faut, dans les réserves bien entendu, les règles prudentielles qui s'appliquent, financer les petites et moyennes entreprises et assurer le financement des projets d'investissement des entreprises. Et J.-F. Copé a raison quand il dit qu'aujourd'hui un certain nombre de PME voient leur financement impossible. Je suis maire, je suis président d'un établissement public de coopération intercommunale. J'ai des entreprises qui viennent me voir en disant : ce qu'on me finançait il y a trois mois, on ne veut pas me le financer aujourd'hui.
 
Mais tout le monde amène ces exemples-là, il n'y a pas de guichet unique aujourd'hui pour ces entreprises, pour venir dire à l'Etat ou aux banques : attendez, moi j'ai besoin que l'on m'aide maintenant.
 
L'économie française est financée par six banques à 80 %, ce sont six établissements financiers et bancaires qui financent 80 % de l'économie française. Et donc, il y a un dialogue à mettre en place avec ces établissements bancaires et financiers pour que, dès lors que les choses seront stabilisées, l'économie soit financée.
 
Une de ces six banques, elle est importante, notamment en ruralité comme on dit, ou en urbanité, que de gros mots ce matin, c'est le Crédit Agricole. Ecoutez, la parole de son patron. G. Pauget (document RTL) :
 
Vous avez un marché de l'argent au jour le jour ou plus long, c'est celui-là qui est en train d'être relancé. Et puis vous avez la Bourse qui a une autre logique, un peu de logique économique, l'anticipation d'une récession et puis, beaucoup de logique financière. Parce que tous ces fonds spéculatifs qui avaient beaucoup investi, il y a quelques mois, quelques années, sont en train de revendre de façon brutale.
 
Voilà, on comprend mieux ce qui se passe sur les marchés grâce à lui. Donc merci au banquier ce matin, au moins pour l'explication. Pour le reste, au politique je voudrais poser une question claire, quand même et que vous me répondiez, encore une fois par oui ou par non. Est-ce qu'il faudra un plan de relance de l'économie, est-ce qu'il faudra mettre 10 milliards, 20 milliards, 50 milliards, 100 milliards sur la table comme on l'a mis pour les banques ?
 
Ce qu'il faut d'abord et avant tout, c'est aussi tirer les conséquences de cette crise à travers la régulation du système.
 
Ça, vous nous l'avez dit !
 
Non, mais je vais vous donner des exemples concrets.
 
Mais vous ne voulez pas me dire s'il faut mettre de l'argent sur la table ?
 
Je pense qu'avant de mettre de l'argent sur la table, il faut d'abord, avant tout, voir ce que l'on fait au niveau européen. Quelles sont les mesures que l'on prend au niveau européen pour essayer de relancer l'ensemble du système.
 
Vous entendez l'impatience des patrons de PME qui viennent vous voir à la mairie.
 
Mais c'est ce que je vous dis, je vous dis : l'Etat a un rôle à jouer à travers notamment les mesures que l'Etat a mises en place. Je prends des exemples concrets, les agences de notation qui ont un rôle majeur dans l'appréciation des produits financiers qui sont mis sur le marché. Comment fait-on pour créer les conditions, pour que ces notations-là s'effectuent dans des conditions de transparence ? Est-ce que ce n'est pas le rôle des Autorités des marchés financiers, parce qu'il s'agit d'un service public en quelque sorte. Comment créer les conditions d'un marché qui soit plus transparent et qui permette d'éviter les excès que nous avons connus à travers les subprimes et toute une série de produits financiers sur lesquels il n'y avait aucune transparence. Comment fait-on, pour par exemple créer les conditions du financement de l'économie réelle à travers le soutien qu'apporte l'Etat ? Là aussi, on a des propositions à effectuer. Donc, il y a toute une série de sujets sur lesquels on doit être dans les semaines qui viennent.
 
Eh bien, c'est entendu, et on a entendu aussi que pour l'instant, on ne prononce pas le mot "milliard", qui lui aussi, semble-t-il, est devenu l'un des gros mots de la politique française.
 
Non, mais il est évident que...
 
D'un mot !
 
Il est évident que d'une part, on doit continuer à réguler les dépenses - il n'y a pas de raison, tout d'un coup, d'ouvrir les vannes - mais qu'en revanche, on puisse éventuellement s'abstraire quelques semaines et quelques mois des règles maastrichtiennes, parce qu'on ne va pas mettre des mesures, on ne va pas freiner l'économie, alors qu'on a besoin de relancer l'économie, c'est évident aussi.
 
Ah ça c'est entendu. Merci, ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd ce matin, ou de sourds, bonne journée à vous !
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 16 octobre 2008