Texte intégral
C. Barbier.- D. Strauss-Kahn est sous le coup d'une enquête interne au FMI pour déterminer s'il a ou non favoriser une jeune femme avec laquelle il avait eu une aventure. La classe politique française le défend, ses proches évoquent "une déstabilisation". N'est ce pas tolérer une légèreté coupable ?
Dans cette sphère, il y a un côté privé qui ne regarde que lui et son épouse, et puis un côté public. Il y a une enquête que le FMI a diligentée. Moi, j'attendrai d'avoir les résultats de cette enquête pour faire tout commentaire.
Tout de même, c'est avec une subordonnée, on sait qu'aux Etats-Unis, ces affaires-là sont toujours prises aux sérieux, est-ce qu'il n'a pas, lui, fait preuve d'une grande imprudence ?
Les Américains sont extrêmement sensibles à ces sujets.
Il le savait !
Je le répète : il faut attendre que l'enquête soit faite. C que je trouve, c'est que les amis politiques de D. Strauss-Kahn en ont profité pour lui sauter sur la tête...
Vous pensez à S. Royal ?
Par exemple, je trouve que tout cela... On a l'impression que le congrès de Reims leur tourne la tête et que même les règles élémentaires, qui consistent à attendre la fin d'une enquête, finissent par être oubliées.
80.000 manifestants hier à Paris selon les organisateurs, 32.000 selon la police. Pour vous, ce défiler des enseignants contre leur manque de moyens, c'est un succès ?
C'est une manifestation qui avait été préparée depuis la fin du mois d'août, avec tous les syndicats, toutes les fédérations, toutes les associations partenaires de l'Education nationale, la Ligue de l'enseignement, etc. et on nous avait dit "ça va être la mère de toutes les manifestations" C'était une manifestation sans doute importante, mais enfin, ce n'est pas, sans aucun doute, ce que les manifestants espéraient. Cela dit, je ne veux pas spéculer sur cette question, ce que je constate, c'est qu'une fois de plus, il s'agit de demander des moyens supplémentaires, il s'agit de parler de choses matérielles. J'ai très peu entendu parler des élèves hier, très, très peu. J'ai vu toujours encore plus de moyens, cette idée que l'école se résumerait à des moyens supplémentaires. Si c'était le cas, s'il suffisait des moyens pour que l'école soit efficace, nous serions la meilleure école du monde, parce que personne ne dépense plus que nous.
Les organisateurs se réunissent mercredi pour décider de la suite de leur action, envisager une autre journée en novembre. Leur tendez-vous la main ? Voulez-vous les rencontrer avant mercredi ?
Mais nous ne faisons que ça, que nous parler ! Mais je ne referais pas le budget dans lequel nous sommes aujourd'hui engagé. Les décisions qui ont été prises en matière de réduction, de non-renouvellement d'emploi sont d'ailleurs extrêmement raisonnables. Elles ne touchent d'ailleurs pas le lycée. Et il faudrait peut-être que les professeurs, les syndicats sachent que la situation internationale et la situation de notre budget nous permettent, nous condamnent même à être un peu plus raisonnables en matière de dépenses publiques.
360 milliards pour les banques, rien pour investir dans l'éducation vous répond G. Aschieri...
Cela n'a aucun rapport, vous le savez très bien, puisqu'il ne s'agit pas du tout des mêmes crédits, il ne s'agit pas du tout des mêmes engagements entre garantir le fonctionnement interbancaire, garantir l'épargne, garantir les assurances-vie et faire un budget, ce sont deux choses différentes. De toute façon, il faut faire les deux. Il faut à la fois que l'Etat s'investisse pour protéger les dépôts et l'épargne des Français et il faut aussi qu'il s'investisse pour faire en sorte que l'école progresse.
Vous êtes sûr qu'avec un budget 2009 resserré, pour cause de crise financière - le budget rédigé sur le papier déjà quasiment caduc -, on ne va pas vous demandez de faire plus que les 13.500 suppressions de postes prévus ?
Non, je ne crois pas. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec le président de la République et le Premier ministre. La maquette du budget ne bougera pas.
Vous avez fait votre effort et on ne vous en demandera pas plus ?
Je n'en sais rien. Evidemment, s'il fallait vraiment faire un budget collectif plus difficile, mais je le répète, ce n'est pas du tout ce qui est pour l'instant prévu. Nous avons un budget qui d'ailleurs progresse, mon budget progressera l'an prochain très légèrement et je crois que nous nous en tiendrons là.
Viendrez-vous au secours des RASED, ces enseignants qui craignent de disparaître ? Ils sont spécialisés dans l'aide aux élèves en difficulté. On en a besoin !
Je voudrais faire deux observations sur ce sujet : premièrement, d'abord, les élèves en difficulté, cela concerne tous les professeurs. Nous avons décidé que chaque professeur du premier degré consacrerait 2 heures aux élèves en difficulté. Il n'y a pas des élèves en difficulté dont les professeurs ne seraient pas responsables. Deuxièmement, les RASED, ces réseaux d'aide et de soutien aux élèves en difficulté, nous ne voulons pas les supprimer, contrairement à ce que j'entends dire - ils sont 12.000 -, nous voulons les sédentariser, c'est-à-dire les installer dans des écoles où, manifestement, on n'a plus de besoin ici que là. Et donc, il s'agit de faire en sorte qu'ils s'installent dans les écoles, qu'ils prennent une partie des classes qui ne vont pas bien et qu'ils fassent leur métier, sans avoir à circuler d'une manière qui, en quelque sorte, leur faisait perdre un peu d'énergie. Il s'agit de 3.000 sur 12.000. Donc c'est une des craintes qui se sont manifestées, je trouve qu'elle est présentée d'une manière tout à fait caricaturale.
Nouvelle grève jeudi dans le primaire. B. Delanoë défilait hier et la mairie de Paris pense qu'elle ne pourra pas assurer le service minimum d'accueil dans les écoles jeudi pendant cette grève. Prendrez-vous des sanctions si c'est le cas ?
B. Delanoë pensait le contraire la semaine dernière et d'ailleurs, la ville de Paris a organisé le service d'accueil de très bonne façon. Je pense que là aussi, nous sommes dans la perspective du congrès de Reims, et qu'une partie de la gauche l'a un peu rappelé à l'ordre. La grève de jeudi serait une grève extrêmement limitée qui, à mon avis, ne nécessitera pas la mise en place du service minimum d'accueil, mais de toute façon la loi c'est la loi.
Et les mairies fautives...
Ben oui, et on ne voit pas que les élus, y compris des élus qui, par ailleurs, ont des fonctions de législateur - ce n'est pas le cas de Monsieur Delanoë mais c'est le cas de beaucoup d'autres -, puissent décider de ne pas appliquer la loi.
Et les recteurs surveillent aussi les directeurs d'école et éventuellement les sanctionnent ?
Les recteurs surveillent, les préfets aussi, qui sont les garants dans les départements de l'application de la loi.
Vous présentez demain votre réforme des lycées, vous la détaillerez. Couper l'année en deux semestres plutôt qu'en trimestre, est-ce que ce n'est pas un peu gadget ?
Non, ce n'est pas gadget du tout. La grande difficulté qui se pose à nous aujourd'hui vis-à-vis des lycéens surtout de la classe de Seconde, puisque que c'est de cela qu'il s'agit pour l'instant, c'est que des élèves s'engagent dans des options, ils se rendent compte parfois vers Noël ou janvier, qu'en fait, ils ne sont pas du tout fait pour cela, ils ne réussissent pas, que ce n'était pas ce qu'ils auraient dû faire. Du coup, ils conservent cette option jusqu'à la fin de l'année sans pouvoir avoir un second choix. Ce que nous souhaitons, c'est que pour ceux qui ont envie d'avoir un second choix, seulement pour ceux-là, qu'il y ait une coupure en milieu d'année qui leur permette de remplacer tel enseignement spécialisé ou approfondi par tel autre.
Ce n'est pas pour faire de la sélection déguisée ?
Pas du tout, ce n'est pas une sélection au contraire. Tous les systèmes qui se sont réformés, sans exception, ils se sont fondés sur le principe qu'il fallait avoir un corps commun de fondamentaux, ce que nous avons fait au primaire et allons faire au lycée. Et que d'autre part, il fallait personnaliser les enseignements, c'est-à-dire offrir des approfondissements, des spécialisations des options, on les appellera comme on voudra, qui permettent de s'orienter, de choisir un peu ce qu'on aime. Et enfin, troisième pôle, il faut du temps pour accompagner les élèves dans leur travail, pour les soutenir pour leur permettre de les aider à s'orienter. Il faut consacrer du temps privé, directement, dans une sorte de face-à-face avec les élèves. Tous les systèmes qui se réformaient ont fait la même chose, et la France doit bien, elle aussi, évoluer. D'ailleurs, j'observe que ceux qui défilent en disant que plus rien ne change, que ce soit toujours comme avant, et qui défilent depuis trente ans pour dire la même chose, dans une certaine mesure, alors que le monde entier change, que tout évolue autour de nous, dire que l'école ne doit pas changer, c'est un crime contre l'intelligence.
La lettre de Guy Môquet doit être lue cette semaine devant les lycéens. Est-ce que ce sera obligatoire, comme l'an passé, ou laisserez-vous une latitude d'action et les enseignants... ?
...Nous avions fait une directive qui disait que les professeurs avaient beaucoup de latitude pour faire cette lecture.
Cette année, c'est encore plus souple ?
Cette année, nous avons voulu l'inscrire dans une semaine qui est la semaine de l'Europe, et donc nous avons souhaité que les enseignants puissent associer la réflexion sur la guerre, l'héroïsme que cette guerre a pu entraîner, le courage particulier des jeunes résistants, mais aussi sur ce qui s'est construit sur ces martyrs-là et sur l'Europe en particulier.
B. Laporte l'avait fait lire dans les vestiaires de l'équipe de France l'an passé. Ce n'était peut être pas une très bonne idée. B. Laporte s'occupe désormais contre le malaise identitaire qui a amené les sifflets contre la Marseillaise le 14 octobre lors de France Tunisie. S. Royal que ce qui fait défaut, c'est l'éducation civique à l'école. Bref, c'est de votre faute...
On a un point d'accord avec S. Royal, il faut que nous renforcions l'éducation civique. Je rappelle que nous avons mis, dès les programmes du primaire, l'obligation de connaître les grands symboles de République et la Marseillaise, et qu'évidemment nous continuons à enseigner les valeurs de la République. Mais je dirais aux jeunes, je leur dis très directement, siffler la Marseillaise, ce n'est pas être rebelle, c'est se conduire comme un crétin et c'est insulter la République.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 20 octobre 2008