Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à RTL le 21 octobre 2008, sur le projet de loi supprimant la publicité sur les chaînes publiques de télévision et la situation sociale à France Télévision.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


 
 
J.-M. Aphatie.- Bonjour, C. Albanel.
 
Bonjour.
 
Vous présenterez, demain, en Conseil des ministres, le projet de loi supprimant la publicité sur les chaînes publiques de télévision. Il ne devrait plus y avoir de spots publicitaires sur ces chaînes après 20 heures, à partir du 1er janvier prochain. Mais plus du tout de publicité à partir du 1er janvier 2012. Cette réforme doit entrer en vigueur dans presque deux mois maintenant, C. Albanel ?
 
Oui.
 
Pensez-vous que les chaînes publiques soient prêtes à faire ce grand saut ?
 
Écoutez, elles se sont préparées, en tout cas, parce que ça fait depuis l'annonce de N. Sarkozy, le 8 janvier dernier, on a vraiment travaillé d'arrache-pied, on a aussi travaillé sur le cahier des charges naturellement avec France Télévisions. Oui, c'est une réforme qui, aujourd'hui, est quand même très largement prête.
 
Et la grande inquiétude, vous le savez, c'est la compensation financière. Les chaînes perdront beaucoup d'argent en n'ayant plus de publicité à partir de 20 heures. Pensez-vous que les taxes que vous créez, vont garantir des ressources suffisantes ?
 
Les sommes prévues pour la compensation sont issues de la Commission Copé, vous savez, qui réunissait beaucoup de professionnels. Ce sont des sommes très importantes, de 450 millions d'euros. C'est un engagement très fort de l'État et je dirais qu'actuellement, spécialement et sur fond de crise, au moment où les marchés publicitaires sont en train de baisser, eh bien avoir la garantie de l'État et des engagements financiers de l'État, c'est peut-être au fond très rassurant, d'une certaine façon, pour l'audiovisuel public, par rapport à tous les autres secteurs dont on sait qu'ils sont quand même un petit peu aujourd'hui en difficulté du fait notamment de la baisse des marchés publicitaires. Ce n'est peut-être pas une mauvaise affaire, finalement.
 
Pour financer cette dotation exceptionnelle de 450 millions, vous avez créé une taxe de 3% sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées et de 0,9 % sur le chiffre d'affaires des opérateurs téléphoniques.
 
Oui.
 
Ces deux catégories professionnelles menacent d'aller devant la justice en disant que ces taxes ne sont pas légales. Êtes-vous sûre juridiquement du cadre que vous tracez aujourd'hui ?
 
Écoutez, on en est absolument sûr juridiquement. Le texte vient de passer en Conseil d'État sans aucune difficulté. Il a été entièrement approuvé. Alors après, évidemment, que les uns et les autres - et les opérateurs téléphoniques -, ne soient pas ravis d'avoir une taxe, ça je les comprends tout à fait. En même temps, c'est vraiment un secteur qui est quand même en expansion. Ce sont des dizaines de milliards d'euros, il faut bien voir. Et donc, je crois que d'avoir un financement assis justement quand même pour une part sur un secteur qui est en expansion, c'est en fait quand même très positif et c'est aussi une belle garantie.
 
Beaucoup de gens disent : "Le mieux ça aurait été d'augmenter significativement la redevance pour assurer la ressource des chaînes publiques".
 
D'abord, la redevance va être indexée, ce qui va être une toute petite augmentation. Elle va plutôt cesser de baisser parce qu'évidemment, si on arrête d'augmenter la redevance, de fait elle baisse, ce qui est une situation anormale. Mais il n'y aura pas quand même de rattrapage. Et vous savez, si on disait aux Français qu'on va augmenter la redevance de 100 euros pour qu'elle soit à peu près au niveau de la redevance allemande ou anglaise, je doute que par les temps qui courent, ce soit très populaire.
 
Je vous demandais si les chaînes publiques étaient prêtes à faire ce grand saut parce qu'une déclaration de F. Lefèbvre, député UMP au Journal du Dimanche, le 28 septembre, était tout de même très étonnante. Il disait ceci : "Je respecte P. de Carolis et P. Duhamel - donc, les deux dirigeants de France Télévisions aujourd'hui - mais aucun d'eux n'est gestionnaire. Il est urgent que l'on vérifie les comptes de France Télévisions, et ce, disait ce député, dans leur propre intérêt. Il faut qu'ils commandent le plus rapidement possible un audit et un cabinet indépendant". Que suggérait ce député, C. Albanel ?
 
Je crois qu'il devait suggérer ce qu'il disait, c'est-à-dire qu'au moment où finalement, on va réformer l'audiovisuel public très lourdement - et c'est la réforme la plus importante depuis 20 ans - avec également des réformes de structure, il va y avoir la création d'une société unique un peu sur le modèle de Radio France, mais avec des antennes évidemment clairement identifiées, que c'est peut-être aussi le moment de faire un genre d'audit. Mais ça, c'est aux responsables de France Télévisions à mon avis d'en décider.
 
Vous ne le souhaitez pas, vous, qu'il y ait un audit avant que la réforme entre en vigueur ?
 
Je leur fais toute confiance pour prendre toutes les décisions, les décisions nécessaires. Je rappelle que cette réforme un peu structurelle, c'est une réforme que voulait P. de Carolis et qui l'a d'ailleurs demandée dès l'été 2007.
 
Quand un député dit : "Il est urgent que l'on vérifie les comptes, et ce, dans leur propre intérêt". Il y a quelque chose qui relève du soupçon ?
 
Non, je ne crois pas. Je crois que c'est une opinion et c'est une demande de F. Lefèbvre qui n'est pas du tout sans fondement. Mais encore une fois, il revient aux dirigeants de France Télévisions d'en prendre la décision, s'ils le souhaitent.
 
Nous sommes le 21 octobre, C. Albanel, vous allez présenter le texte demain, en Conseil des ministres, 22 octobre. Il sera discuté à l'Assemblée le 15 novembre ; au Sénat, début décembre. Après, il y aura sans doute plusieurs lectures, il faudra prendre les décrets d'application. Vous croyez vraiment que tout sera prêt au 1er janvier ?
 
Je crois que oui, je crois que c'est un calendrier serré, vous avez tout à fait raison.
 
Un peu plus que ça, même !
 
Il est très serré mais je pense qu'il peut être tenu. Vous savez, c'est assez important...
 
Urgence dans la discussion parlementaire ou pas ? C'est-à-dire chaque chambre ne délibère qu'une fois ou pas ?
 
Oui, urgence. Urgence. Urgence, parce que pour le coup, s'il n'y a pas urgence, là on ne le tient pas.
 
Donc, il n'y aura pas plusieurs lectures dans chaque chambre ; mais une seule dans chacune.
 
Non. Non, non. Urgence.
 
Ils ne vont pas être contents les parlementaires !
 
Ah je crois qu'il va y avoir largement le temps du débat.
 
Vous pensez ?
 
Ah oui, oui, oui.
 
Ça suffira ?
 
Absolument.
 
C'est quand même une réforme technique, difficile ?
 
C'est une réforme technique, mais il y aura le temps du débat. Et ça va être sûrement un débat passionné parce qu'on sait alors là que les débats sur l'audiovisuel passionnent vraiment, et surtout les parlementaires d'ailleurs.
 
Et donc, il faudra qu'ils fassent vite pour en parler ? Beaucoup de rumeurs sur un plan social à France Télévisions d'ici au 1er janvier 2012, c'est-à-dire l'entrée en vigueur totale de la réforme. On parle d'un millier d'emplois qui pourraient supprimés sur 11.000.
 
Vous savez, je crois qu'on est vraiment à l'heure des rumeurs. Il va y avoir une réorganisation, je crois qui est importante. En même temps, je veux dire il n'est pas évidemment absurde qu'il y ait des synergies, des mutualisations. Il va y avoir des fonctions support. Les finances, par exemple, les ressources humaines, les services informatiques, les services juridiques. Il y a beaucoup de choses qui vont donner lieu à des mutualisations. Ça, c'est aussi aux dirigeants de France Télévisions de porter cette réforme. Il y a aussi des départs en retraite. Il y a beaucoup de leviers qui pourront être utilisés au cours des années qui viennent. Mais en tout cas, on ne fait certainement pas cette réforme pour faire un plan social.
 
Mais vous confirmez la possible disparition d'un millier d'emplois par rapport à ce qui est aujourd'hui la télévision publique ?
 
Vraiment, je ne confirme rien du tout à ce stade. On est exactement à la première étape. Il y a une réorganisation à mener. Il va y avoir aussi des conventions collectives à rediscuter parce que cette réorganisation de France Télévisions entraîne évidemment beaucoup de changements et nous avons probablement entre quinze et dix-huit mois - les dirigeants ont entre quinze et dix-huit mois - après, de discussions avec les partenaires sociaux. C'est une longue phase de changements qui commence.
 
Malgré ces mauvais rapports notoires avec le président de la République, P. de Carolis peut rester à votre avis à la tête de France Télévisions pour mener cette réforme ?
 
Ah écoutez, encore une fois, d'abord le sens de cette réforme, c'est évidemment des programmes plus ambitieux, c'est évidemment des horaires complètement différents, c'est prendre plus de risques, c'est évidemment donner plus de chances à des émissions nouvelles, donner une tonalité aussi plus culturelle, donc c'est ça la première ambition. C'est quand même un virage qu'avait pris P. de Carolis ; et quant à la réorganisation de France Télévisions, il l'avait lui-même demandée dès l'été 2007.
 
Quant à ses mauvais rapports avec le président de la République ?
 
Ah écoutez, moi je n'ai assisté à rien qui puisse confirmer cela...
 
Vous avez peut-être manqué des épisodes ?
 
Voilà. Non, je ne crois pas avoir manqué des épisodes.
 
C. Albanel, qui n'a pas manqué des épisodes - on aurait cru pourtant ! -, était l'invitée de RTL ce matin.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 21 octobre 2008