Déclaration de M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, sur l'aménagement du territoire et la politique de cohésion économique, sociale et territoriale au sein de l'Union européenne, Paris le 15 octobre 2008.

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Circonstance : Réunion des directeurs généraux de l'aménagement du territoire à Paris du 15 au 28 octobre 2008

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à exprimer ma grande satisfaction de voir que vous avez répondu nombreux aujourd'hui à l'invitation de votre collègue, Pierre DARTOUT. Lors de votre précédente réunion à Brdo, sous présidence Slovène, j'étais venu vous présenter les priorités de notre présidence dans le domaine de l'aménagement du territoire et de la politique de cohésion.
C'était ma première mission européenne quelques semaines après que le Président de la République m'ait nommé secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. J'ai alors mesuré la responsabilité particulière qui serait la mienne d'occuper cette fonction à un moment où mon pays occupait la Présidence du Conseil de l'Union européenne.
Lors de notre première rencontre, je vous avais invité à participer activement à la préparation de nos initiatives. Vous y avez répondu favorablement. Je vous en remercie.
En effet, sous l'autorité de Pierre DARTOUT et de son équipe européenne dirigée par Vincent LEDOLLEY, la DIACT à mis en place cinq groupes de travail. Tous ont pu bénéficier de l'expertise de vos collaborateurs. Soyez en remercié.
A partir des résultats des travaux de ces groupes, nous avons élaboré les propositions qui vous sont soumises aujourd'hui.
Elles ont été discutées en France dans un cadre interministériel par les ministères concernés. Elles ont, je le sais, fait l'objet de premiers échanges et de contributions de la part de vos services.
Je compte maintenant sur vous pour nous aider à les améliorer. Vous devez entre vous, avoir le débat le plus riche et le plus constructif possible. C'est en partie de votre rencontre d'aujourd'hui que dépend la qualité et le succès des travaux que nous pourrons avoir au niveau ministériel à Marseille, le 26 novembre prochain.
La réunion ministérielle de Marseille outre qu'elle marquera le point d'orgue de nos travaux, s'annonce particulière dans son format et dans sa durée.
En effet, avec mes collègues en charge du logement et de la ville, nous avons décidé d'organiser une réunion informelle commune autour de la thématique « Les Etats de l'Union européenne pour des territoires et des villes durables et solidaires ».
C'est ainsi que nous innoverons à Marseille avec ce format de rencontre où seront successivement abordées les questions du logement, du développement urbain et de l'aménagement du territoire. Mais, tous nous choisirons le même angle, celui du développement durable et des mutations territoriales liées au changement climatique.
Notre souhait à tous est de conférer à cette réunion un caractère plus politique.
Avant d'évoquer le contenu des propositions qui vous sont soumises, je souhaiterais rappeler, si besoin était, le contexte tumultueux dans lequel nous évoluons aujourd'hui ; l'impact de la crise financière sur l'économie « réelle », le ralentissement de la production dans des secteurs clé comme le bâtiment et l'automobile, les faillites d'entreprises et la remontée du chômage dans certains pays, confèrent à nos réflexions une actualité réelle, et même, une certaine urgence.
Plus que jamais, il est nécessaire d'analyser l'impact de ces désordres sur nos économies régionales, d'aider les acteurs à en anticiper les effets et, parfois malheureusement, de se préparer à accompagner les mutations qui s'en suivront. Mais plus que jamais actuellement nous devons soutenir les politiques intégrées d'aménagement du territoire. Parce que le Territoire, vous le savez, est un amortisseur de crise.
Vous voyez que nous ne sommes pas loin des réflexions que nous conduisons à la fois dans l'Agenda territorial et dans la politique de cohésion.
Comme je l'avais annoncé à Brdo, nous avons tenu, comme la présidence précédente, à honorer l'engagement pris par la France aux Açores de mettre en oeuvre l'Agenda territorial de l'Union européenne.
Nous avons d'abord souhaité conduire une réflexion sur ce qui constitue l'axe central de l'Agenda territorial, à savoir la cohésion territoriale.
Ce sujet est aujourd'hui d'une grande actualité puisque la Commission européenne vient de lancer le débat avec la publication de son livre vert.
Débat qui s'annonce riche. Le Parlement européen et le Comité des Régions, préparent actuellement des avis et rapports également sur le sujet. La plupart des grands réseaux européens de villes et de régions, dont beaucoup sont ici représentés, ont pris position ou s'apprêtent à le faire.
J'ai souhaité que les ministres qui sont les plus concernés, c'est-à-dire, ceux qui ont en charge l'aménagement du territoire et la politique de cohésion, puissent s'exprimer suffisamment tôt. Il s'agit bien de donner une impulsion forte à une démarche qui a vocation à inspirer les choix futurs des politiques européennes. Notre objectif en la matière doit être de bâtir un socle commun.
Nous devons également, montrer pour ne pas dire prouver, à celles et ceux qui se montrent réservés à l'endroit d'une notion qu'ils pourraient considérer comme trop conceptuelle ou inopérante, que la cohésion territoriale est au contraire un levier d'action pour offrir une meilleure qualité de vie à nos concitoyens.
Il ne s'agit en aucun cas de penser que plus de cohésion territoriale signifie plus d'argent pour le budget communautaire. Non, plus de cohésion territoriale, signifie, je crois, tout simplement plus « de territoires » dans toutes les politiques européennes. En d'autres termes, la prise en compte de l'impact territorial dès la conception des politiques communautaires, cela ne coûtera pas plus cher mais aura des effets bénéfiques sur nos territoires.
Notre deuxième axe de travail concerne ce que j'ai pris pour habitude d'appeler le croisement des politiques. Il s'agit bien d'un sujet que l'Agenda territorial a présenté comme une action forte.
Chacun comprend que la réforme de la PAC a un impact sur les territoires ruraux. Personne n'affirmera que la révision de la Stratégie de Lisbonne est neutre du point de vue des territoires. La compétitivité est objectif louable mais elle ne doit pas se faire au détriment des plus faibles. Il en va de même de la stratégie de développement durable qui doit à l'évidence tenir le plus grand compte des fragilités et des potentiels notamment, en termes de biodiversité de certains des territoires de l'Union européenne.
Le bilan de santé de la PAC, la négociation du « paquet énergie climat » sont au coeur des priorités de notre présidence.
A propos de ces dossiers et des propositions qui vous sont soumises, je veux préciser qu'il ne s'agit pas de se substituer aux ministres et aux administrations qui ont la responsabilité de ces politiques spécialisées, mais bien de préparer les contributions à partir des compétences qui sont les nôtres, c'est-à-dire à partir de la préoccupation de la cohésion et de la compétitivité des territoires.
Enfin, nous souhaitons faire progresser le débat sur l'avenir de la politique de cohésion économique et sociale. Le temps du débat a été ouvert par la Commission européenne avec la publication du 4ème rapport sur la cohésion.
Nous sommes au début de la nouvelle période de programmation 2007-2013, c'est-à-dire à une distance relativement éloignée de la négociation.
Mais seules les négociations bien préparées réussissent. Cela est encore plus vrai lorsque la négociation s'annonce complexe et difficile.
Préparer une négociation, cela s'organise. Il faut ordonner le débat et impulser des thèmes. C'est ce que nous avons fait en proposant de travailler plus précisément autour de deux thèmes.
Le premier concerne le rôle que pourrait jouer la politique de cohésion pour aider les régions et territoires à tirer le meilleur parti des opportunités. Trop souvent la politique de cohésion est perçue comme une politique de redistribution destinée à compenser des handicaps ou à panser les passés douloureux de certains territoires.
Nous devons nous demander s'il n'est pas temps de changer de paradigme. Chaque territoire possède des atouts, un potentiel. Et il me semble que l'apport, la valeur ajoutée, de la politique de cohésion tant dans son aspect financier que dans sa méthode devraient s'employer à se concentrer sur les forces de chaque territoire afin de lui assurer un développement pérenne.
Il nous faut également nous interroger sur la meilleure manière d'intégrer, au niveau régional, les facteurs de risques générés par les défis globaux.
Par défis globaux, j'entends naturellement la mondialisation de l'économie, qui est d'une criante actualité. Chacun sait aujourd'hui que la concurrence territoriale ne sévit pas uniquement entre la Catalogne et le Grand Londres, que la compétition ne se fait pas uniquement entre les régions d'ancienne tradition industrielle et les nouveaux territoires européens de l'Est. La lutte se fait à l'échelle mondiale. Notre devoir est d'appuyer nos territoires européens afin qu'ils puissent tenir leur rang.
Mais ce défi global n'est pas le seul. Il y en a d'autres, que l'on songe au changement climatique, aux mutations démographiques et aux migrations, à la raréfaction de l'énergie et au renchérissement de son coût. Autant d'enjeux qui vont concerner les territoires de manière différente et pour lesquels il faudra apporter des réponses différenciées.
Le second thème, renvoie à la question de la cohésion territoriale que j'ai précédemment évoquée. La cohésion territoriale a une dimension bien plus large que la seule politique de cohésion économique et sociale.
Mais en revanche, cela implique que la politique régionale communautaire dont les effets territoriaux sont incontestables doit prendre toute sa part à la poursuite de l'objectif de cohésion territoriale.
Or en la matière, le chemin à parcourir reste long. La lecture des analyses de la Commission nous montre que dans certains cas les disparités s'aggravent que l'on songe à celles qui se creusent en zones urbaines ou qui s'approfondissent dans certains pays entre régions métropolitaines et régions périphériques.
La politique de cohésion doit également, jouer tout son rôle dans sa capacité à générer un consensus entre les acteurs et à impulser une dynamique forte. Or cette capacité réside dans la gouvernance qui préside à la mise en oeuvre de la politique de cohésion. Nous devons nous interroger sur les pistes susceptibles de renforcer cette gouvernance multi-niveaux et intégrée.
Sur ce point, je souhaiterai vous proposer, au cours de vos échanges, une piste de travail à laquelle je suis attaché, celle de d'un « aménagement du territoire négocié » ?
La gouvernance multi-niveaux permet de mettre l'ensemble des acteurs en présence, elle les amène à faire ensemble le diagnostic à élaborer en commun, la stratégie. Je crois qu'il nous serait possible de faire un pas de plus, afin d'imaginer certaines situations où les acteurs du territoire seraient susceptibles de fabriquer ou plus exactement de coproduire en commun le cadre d'action pour leurs projets.
Il s'agit d'éviter par trop, le recours à la norme et de favoriser la négociation et son instrument privilégié : le contrat. Un aménagement du territoire négocié de préférence à un aménagement du territoire normé, des solutions venant des acteurs de préférence à des décisions venant de l'Union ou des Etats.
J'ai bien conscience que pour partie cette volonté pourrait à l'échelle européenne se heurter au principe de subsidiarité. Cependant, je souhaiterais vivement disposer de vos réflexions et de vos propositions sur ce sujet.
Préparer une négociation comme celle de l'avenir de la politique de cohésion revient à permettre un débat ouvert et libre. Dans lequel chacun puisse exprimer son point de vue, faire valoir ses positions en étant assuré qu'il bénéficiera de l'écoute de ses partenaires. Et, je formule à cet égard le voeu que de ce point de vue votre journée de travail comme la réunion de ministres se situe de ce niveau.
Préparer une négociation, c'est aussi s'assurer que les questions qui font sens sont abordées dans un ordre logique qui prépare la décision.
En la matière nous devons bien nous demander quels objectifs nous souhaitons poursuivre et ensuite, seulement définir les moyens que nous allouons au service de ces objectifs. C'est pour cette raison, qu'il me semble à ce stade du débat nécessaire d'écarter la question budgétaire.
Préparer la négociation c'est enfin, s'assurer de la participation du plus grand nombre au débat et tout particulièrement, des acteurs les plus concernés. C'est le sens de la manifestation que nous organisons les 30 et 31 octobre prochain autour de l'avenir de la cohésion économique et sociale et de la cohésion territoriale. Cette rencontre réunira les collectivités locales, les grands réseaux européens et je suis certain, qu'elle nourrira de manière substantielle les échanges qui seront les nôtres au niveau ministériel, à Marseille.
J'espère que nous pourrons sur ce sujet apporter notre pierre à l'édifice pour que lorsqu'arrivera le temps de la négociation, ceux auxquels il reviendra d'achever le travail puisse le faire en s'appuyant sur des bases solides et partagées.
Voilà, Mesdames et Messieurs, très rapidement ébauchées, les pistes de réflexion que nous souhaitons vous proposer.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite un bon travail.
Source http://www.diact.gouv.fr, le 24 novembre 2008