Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,
Monsieur le Président du Comité économique et social européen,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Vous avez participé à cette conférence à des titres divers, comme représentants des institutions, des associations de producteurs ou de consommateurs, des agences nationales ou internationales de développement, des ONG, ou comme experts, mais avec un même engagement pour faire face à l'un des principaux défis auxquels notre planète doit aujourd'hui faire face : le défi alimentaire.
Un défi qui est loin de se résumer à la seule "sécurité alimentaire" tant il recouvre des dimensions multiples et enchevêtrées, mais que l'on peut résumer dans quelques chiffres-choc, que nous connaissons malheureusement trop bien : près d'un milliard d'être humains connaissant la famine, et deux milliards en situation de malnutrition, un constat accablant pour toute conception de l'Histoire de l'humanité fondée sur la notion de progrès.
En Europe même, où nous n'avons plus connu de disette d'"Ancien Régime" depuis la "grande famine" irlandaise au milieu du XIXe siècle, 10 % de la population souffrent de malnutrition.
Dans les pays en développement, malgré la "révolution verte", malgré les objectifs fixés par le Sommet mondial de l'alimentation de 1996, la couverture des besoins alimentaires est stagnante depuis près de vingt ans.
Et nous nous interrogeons aujourd'hui doctement pour savoir comment doubler notre production alimentaire d'ici 2050 pour nourrir, à raison d'une ration moyenne de 2 425 calories par jour, une humanité qui comprendra alors 9 milliards de personnes.
Les Romains, qui savaient si bien cultiver leurs champs quand la guerre était finie, appelaient notre terre Alma Mater, la "mère nourricière". Depuis, nous avons marché sur la lune, nous envoyons des sondes sur Mars, mais nous nous sommes montrés incapables jusqu'à présent de faire en sorte que notre planète nourrisse tous ses enfants, de ces enfants dont la CNUCED nous dit qu'il en meurt un de faim toutes les 5 secondes !
C'est la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme qui s'exprime devant vous : ce défi, nous n'avons pas le droit de ne pas le relever, et avec succès. Nous devons absolument parvenir à cette situation définie par la FAO comme étant celle où "tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive, leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active".
Ce serait là satisfaire l'un des Droits de l'Homme les plus fondamentaux, je dirais même le plus fondamental. De lui découle tous les autres. Conservons bien en tête cet enchaînement, car il nous faut à tout prix éviter le piège du misérabilisme : nous ne devons pas concevoir l'alimentation comme la condition nécessaire à la survie, mais comme l'un des fondements de la vie dans tous ses aspects, biologique, culturel et social. Tous les acteurs de la lutte contre la pauvreté en France, représentés aujourd'hui au sein du gouvernement par Martin Hirsch, vous le diront : se nourrir, c'est très important, mais comme composante d'un droit au respect et à la dignité.
L'alimentation est aussi liée à un parcours de vie, à un développement personnel. Pour poursuivre un instant avec la France, notre expérience de l'école républicaine ne se résume pas seulement à l'instituteur et au tableau noir, sa légende comporte aussi les distributions de lait instituées par Pierre Mendès France. Sa légende, et sa réalité quotidienne aussi, si j'en juge par le soin que mettent les directeurs et directrices d'école à assurer aujourd'hui des menus équilibrés dans les cantines dont ils ont la charge.
D'une certaine façon, cette approche de la question alimentaire que je qualifierais d'humaniste, concourt à l'une des conclusions de votre analyse économique pour les pays en voie de développement, qui consiste à prôner le soutien à l'agriculture familiale et la préservation des cultures vivrières traditionnelles. Les travaux de la sociologie historique nous l'apprennent : chaque aire culturelle a secrété au fil des siècles un régime alimentaire qui n'est pas seulement dicté par les contraintes géographiques et fait partie de son identité. Une partie de la solution réside très certainement dans le respect de cette diversité.
Ce qui nous invite à une éthique de la responsabilité. L'impératif catégorique qui consiste à nourrir tous les enfants de cette planète ne doit pas nous conduire à reconstituer les montagnes de plaquettes de beurre de la PAC des années soixante-dix et à multiplier les exportations de produits subventionnés, pratique que l'Europe s'est ingéniée un temps à copier sur les Etats-Unis, des maîtres en la matière, mais qui, si elle couvre les besoins dans un premier temps, présente l'immense inconvénient de tuer inexorablement l'agriculture locale. Il ne doit pas non plus nous conduire à constituer de façon inconsidérée des stocks alimentaires ou à nous ruer sur la prétendue solution miracle des OGM.
Une solution uniforme à la crise alimentaire mondiale, fondée sur le recours à une agriculture industrielle et de haute technologie étroitement localisée, ferait le jeu de quelques oligopoles, sans résoudre de façon durable le problème. Elle l'aggraverait même très certainement. Dans ce secteur très particulier de l'activité productive, où l'on est au plus près de l'économie "réelle", le profit pour le profit ne nous mènerait nulle part, encore moins qu'ailleurs, comme vient nous le rappeler l'actuelle crise financière internationale.
La solution est en l'Homme, elle n'est plus dans cette Terre qui a cessé d'être vierge, éteignant ainsi le vieux rêve du poète (Charles Baudelaire) :
"Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit."
Un univers de plus en fini, où nous guettent le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources en eau potable ou la fragilisation des terres cultivables. Face à de telles contraintes globales, nous ne pouvons pas non plus prétendre nous réfugier dans l'autarcie. Chaque Etat, chaque nation, chaque peuple ne peut aujourd'hui assurer sa sécurité alimentaire que par le jeu combiné de la production locale et des importations. Ce qui rend aujourd'hui plus que jamais nécessaire la coopération internationale.
C'est maintenant la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères qui voudrait dresser un premier bilan avec vous.
L'urgence, nous l'avons bien sentie au printemps, avec les "émeutes de la faim" qui ont agité un certain nombre de pays, notamment africains. Le président de la République, pour lequel la dimension humaniste de la politique étrangère de la France est fondamentale, a réagi avec le dynamisme que nous lui connaissons tous : à Rome, le 3 juin, lors de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale, il a proposé la mise en place d'un "Partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture", qui regrouperait tous les acteurs du développement agricole et de l'aide alimentaire (sans oublier la recherche) et reposerait sur trois piliers :
- le renforcement de la coordination internationale avec la création d'un "groupe international sur la sécurité alimentaire" (GISA), chargé d'élaborer une stratégie mondiale et d'assurer son suivi ;
- la création d'un groupe international de scientifiques dédié à cette question, sur le modèle du GIEC pour le réchauffement climatique ;
- la création d'une "facilité mondiale pour la sécurité alimentaire", hébergée par le FIDA et destinée à intervenir financièrement contre l'extr??me insécurité alimentaire, notamment en Afrique sub-saharienne.
Depuis, une partie du chemin a été parcourue :
- En France et à titre national, nous avons créé une "task force" interministérielle sur la sécurité alimentaire qui se réunit deux fois par mois pour élaborer des propositions pour remédier à la dégradation de la situation alimentaire dans les pays pauvres.
- Au plan international, le dernier sommet du G8, à Toyako au Japon, a adopté une résolution confirmant l'appel du président de la République à construire un partenariat global assis sur l'implication de tous les acteurs concernés, ainsi que la nécessité d'une expertise scientifique internationale sur la sécurité alimentaire mondiale. La première réunion de ce groupe d'experts vient de se tenir à Tokyo les 6 et 7 novembre. Elle a d'ores et déjà permis d'aboutir à une proposition de texte consensuel sur les objectifs et principes de base du partenariat mondial pour l'agriculture et l'alimentation (GPAF), ainsi qu'à quelques orientations d'architecture. Il faut maintenant en discuter avec les partenaires potentiels hors G8 dans la perspective d'un lancement au printemps 2009.
- Les discussions au cours de l'Assemblée générale des Nations unies le 22 septembre, où je représentais la France, ont également entériné l'idée de Partenariat mondial pour la sécurité alimentaire : il se mettra en place autour de la Task Force des Nations unies et sera élargi à la société civile, aux Etats du Sud et au secteur privé. L'Union européenne soutiendra à Doha ce projet de Partenariat mondial.
Entre nos efforts nationaux et le projet international, l'Union européenne ne saurait cependant être un simple échelon d'exécution ou une force d'appoint. Lointain avatar du "Marché commun", structure régionale dont la Politique agricole commune a toujours été l'emblème, elle a vocation à jouer un rôle pionnier et moteur.
Le Conseil européen des 19 et 20 juin a examiné la question de la hausse des prix alimentaires. Parmi les mesures envisagées, la Commission a proposé la création d'un nouvel instrument destiné à fournir une aide de court et moyen terme aux pays les plus durement touchés par la crise alimentaire, dite "facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement". Cette proposition est en cours de discussion dans les enceintes communautaires (elle vient encore d'être débattue lors du dernier Conseil Affaires générales et Relations extérieures des 10 et 11 novembre). La Présidence française est particulièrement investie dans ce dossier qu'elle souhaite voir aboutir au plus vite.
La PFUE a également pris l'initiative d'organiser une réunion de haut niveau les 8 et 9 décembre prochains à Paris afin de lancer une réflexion sur les opportunités qui se présentent en matière de développement des capacités agricoles, au moment où la hausse tendancielle des prix renforce la rentabilité des investissements dans l'agriculture.
Vous le voyez : sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, ici comme ailleurs, nous travaillons à faire émerger un consensus qui ne soit pas de façade, mais apporte des remèdes opérationnels à la crise.
Le Partenariat mondial dont nous avons l'ambition visera à améliorer la cohérence des politiques internationales, régionales et nationales, à garantir la pertinence des choix et l'efficacité des aides. Il présentera aussi, et ce n'est pas anodin dans le contexte actuel, un nouveau modèle de gouvernance mondiale grâce à la participation, dans le processus de décision, de l'ensemble des acteurs concernés.
C'est sur cette idée que je voudrais conclure, en saluant vos efforts et vos travaux : si nous devions faire face, pour ne prendre qu'un exemple, au défi nucléaire militaire posé par tel ou tel Etat, ou encore au défi du terrorisme mondial, vous ne seriez pas là, ou à la marge, parce que ce sont les appareils d'Etat qui détiennent exclusivement les données et les clés du problème. Sur le défi alimentaire, les Etats sont des acteurs importants, mais loin d'être exclusifs : le poids des sociétés civiles y est même appelé à aller croissant. Vous parlez des sociétés civiles organisées : pas trop, je l'espère, juste ce qu'il faut pour se faire entendre efficacement tout en conservant leur force de créativité. Mais aussi des sociétés civiles représentées au sein d'institutions comme le Conseil économique, social et environnemental, et ses instances homologues dans les pays du Nord comme du Sud, ainsi qu'au niveau européen. Ce sont de belles institutions, utiles. Je les salue et vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 2008
Monsieur le Président du Comité économique et social européen,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Vous avez participé à cette conférence à des titres divers, comme représentants des institutions, des associations de producteurs ou de consommateurs, des agences nationales ou internationales de développement, des ONG, ou comme experts, mais avec un même engagement pour faire face à l'un des principaux défis auxquels notre planète doit aujourd'hui faire face : le défi alimentaire.
Un défi qui est loin de se résumer à la seule "sécurité alimentaire" tant il recouvre des dimensions multiples et enchevêtrées, mais que l'on peut résumer dans quelques chiffres-choc, que nous connaissons malheureusement trop bien : près d'un milliard d'être humains connaissant la famine, et deux milliards en situation de malnutrition, un constat accablant pour toute conception de l'Histoire de l'humanité fondée sur la notion de progrès.
En Europe même, où nous n'avons plus connu de disette d'"Ancien Régime" depuis la "grande famine" irlandaise au milieu du XIXe siècle, 10 % de la population souffrent de malnutrition.
Dans les pays en développement, malgré la "révolution verte", malgré les objectifs fixés par le Sommet mondial de l'alimentation de 1996, la couverture des besoins alimentaires est stagnante depuis près de vingt ans.
Et nous nous interrogeons aujourd'hui doctement pour savoir comment doubler notre production alimentaire d'ici 2050 pour nourrir, à raison d'une ration moyenne de 2 425 calories par jour, une humanité qui comprendra alors 9 milliards de personnes.
Les Romains, qui savaient si bien cultiver leurs champs quand la guerre était finie, appelaient notre terre Alma Mater, la "mère nourricière". Depuis, nous avons marché sur la lune, nous envoyons des sondes sur Mars, mais nous nous sommes montrés incapables jusqu'à présent de faire en sorte que notre planète nourrisse tous ses enfants, de ces enfants dont la CNUCED nous dit qu'il en meurt un de faim toutes les 5 secondes !
C'est la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme qui s'exprime devant vous : ce défi, nous n'avons pas le droit de ne pas le relever, et avec succès. Nous devons absolument parvenir à cette situation définie par la FAO comme étant celle où "tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive, leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active".
Ce serait là satisfaire l'un des Droits de l'Homme les plus fondamentaux, je dirais même le plus fondamental. De lui découle tous les autres. Conservons bien en tête cet enchaînement, car il nous faut à tout prix éviter le piège du misérabilisme : nous ne devons pas concevoir l'alimentation comme la condition nécessaire à la survie, mais comme l'un des fondements de la vie dans tous ses aspects, biologique, culturel et social. Tous les acteurs de la lutte contre la pauvreté en France, représentés aujourd'hui au sein du gouvernement par Martin Hirsch, vous le diront : se nourrir, c'est très important, mais comme composante d'un droit au respect et à la dignité.
L'alimentation est aussi liée à un parcours de vie, à un développement personnel. Pour poursuivre un instant avec la France, notre expérience de l'école républicaine ne se résume pas seulement à l'instituteur et au tableau noir, sa légende comporte aussi les distributions de lait instituées par Pierre Mendès France. Sa légende, et sa réalité quotidienne aussi, si j'en juge par le soin que mettent les directeurs et directrices d'école à assurer aujourd'hui des menus équilibrés dans les cantines dont ils ont la charge.
D'une certaine façon, cette approche de la question alimentaire que je qualifierais d'humaniste, concourt à l'une des conclusions de votre analyse économique pour les pays en voie de développement, qui consiste à prôner le soutien à l'agriculture familiale et la préservation des cultures vivrières traditionnelles. Les travaux de la sociologie historique nous l'apprennent : chaque aire culturelle a secrété au fil des siècles un régime alimentaire qui n'est pas seulement dicté par les contraintes géographiques et fait partie de son identité. Une partie de la solution réside très certainement dans le respect de cette diversité.
Ce qui nous invite à une éthique de la responsabilité. L'impératif catégorique qui consiste à nourrir tous les enfants de cette planète ne doit pas nous conduire à reconstituer les montagnes de plaquettes de beurre de la PAC des années soixante-dix et à multiplier les exportations de produits subventionnés, pratique que l'Europe s'est ingéniée un temps à copier sur les Etats-Unis, des maîtres en la matière, mais qui, si elle couvre les besoins dans un premier temps, présente l'immense inconvénient de tuer inexorablement l'agriculture locale. Il ne doit pas non plus nous conduire à constituer de façon inconsidérée des stocks alimentaires ou à nous ruer sur la prétendue solution miracle des OGM.
Une solution uniforme à la crise alimentaire mondiale, fondée sur le recours à une agriculture industrielle et de haute technologie étroitement localisée, ferait le jeu de quelques oligopoles, sans résoudre de façon durable le problème. Elle l'aggraverait même très certainement. Dans ce secteur très particulier de l'activité productive, où l'on est au plus près de l'économie "réelle", le profit pour le profit ne nous mènerait nulle part, encore moins qu'ailleurs, comme vient nous le rappeler l'actuelle crise financière internationale.
La solution est en l'Homme, elle n'est plus dans cette Terre qui a cessé d'être vierge, éteignant ainsi le vieux rêve du poète (Charles Baudelaire) :
"Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit."
Un univers de plus en fini, où nous guettent le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources en eau potable ou la fragilisation des terres cultivables. Face à de telles contraintes globales, nous ne pouvons pas non plus prétendre nous réfugier dans l'autarcie. Chaque Etat, chaque nation, chaque peuple ne peut aujourd'hui assurer sa sécurité alimentaire que par le jeu combiné de la production locale et des importations. Ce qui rend aujourd'hui plus que jamais nécessaire la coopération internationale.
C'est maintenant la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères qui voudrait dresser un premier bilan avec vous.
L'urgence, nous l'avons bien sentie au printemps, avec les "émeutes de la faim" qui ont agité un certain nombre de pays, notamment africains. Le président de la République, pour lequel la dimension humaniste de la politique étrangère de la France est fondamentale, a réagi avec le dynamisme que nous lui connaissons tous : à Rome, le 3 juin, lors de la Conférence de haut niveau sur la sécurité alimentaire mondiale, il a proposé la mise en place d'un "Partenariat mondial pour l'alimentation et l'agriculture", qui regrouperait tous les acteurs du développement agricole et de l'aide alimentaire (sans oublier la recherche) et reposerait sur trois piliers :
- le renforcement de la coordination internationale avec la création d'un "groupe international sur la sécurité alimentaire" (GISA), chargé d'élaborer une stratégie mondiale et d'assurer son suivi ;
- la création d'un groupe international de scientifiques dédié à cette question, sur le modèle du GIEC pour le réchauffement climatique ;
- la création d'une "facilité mondiale pour la sécurité alimentaire", hébergée par le FIDA et destinée à intervenir financièrement contre l'extr??me insécurité alimentaire, notamment en Afrique sub-saharienne.
Depuis, une partie du chemin a été parcourue :
- En France et à titre national, nous avons créé une "task force" interministérielle sur la sécurité alimentaire qui se réunit deux fois par mois pour élaborer des propositions pour remédier à la dégradation de la situation alimentaire dans les pays pauvres.
- Au plan international, le dernier sommet du G8, à Toyako au Japon, a adopté une résolution confirmant l'appel du président de la République à construire un partenariat global assis sur l'implication de tous les acteurs concernés, ainsi que la nécessité d'une expertise scientifique internationale sur la sécurité alimentaire mondiale. La première réunion de ce groupe d'experts vient de se tenir à Tokyo les 6 et 7 novembre. Elle a d'ores et déjà permis d'aboutir à une proposition de texte consensuel sur les objectifs et principes de base du partenariat mondial pour l'agriculture et l'alimentation (GPAF), ainsi qu'à quelques orientations d'architecture. Il faut maintenant en discuter avec les partenaires potentiels hors G8 dans la perspective d'un lancement au printemps 2009.
- Les discussions au cours de l'Assemblée générale des Nations unies le 22 septembre, où je représentais la France, ont également entériné l'idée de Partenariat mondial pour la sécurité alimentaire : il se mettra en place autour de la Task Force des Nations unies et sera élargi à la société civile, aux Etats du Sud et au secteur privé. L'Union européenne soutiendra à Doha ce projet de Partenariat mondial.
Entre nos efforts nationaux et le projet international, l'Union européenne ne saurait cependant être un simple échelon d'exécution ou une force d'appoint. Lointain avatar du "Marché commun", structure régionale dont la Politique agricole commune a toujours été l'emblème, elle a vocation à jouer un rôle pionnier et moteur.
Le Conseil européen des 19 et 20 juin a examiné la question de la hausse des prix alimentaires. Parmi les mesures envisagées, la Commission a proposé la création d'un nouvel instrument destiné à fournir une aide de court et moyen terme aux pays les plus durement touchés par la crise alimentaire, dite "facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement". Cette proposition est en cours de discussion dans les enceintes communautaires (elle vient encore d'être débattue lors du dernier Conseil Affaires générales et Relations extérieures des 10 et 11 novembre). La Présidence française est particulièrement investie dans ce dossier qu'elle souhaite voir aboutir au plus vite.
La PFUE a également pris l'initiative d'organiser une réunion de haut niveau les 8 et 9 décembre prochains à Paris afin de lancer une réflexion sur les opportunités qui se présentent en matière de développement des capacités agricoles, au moment où la hausse tendancielle des prix renforce la rentabilité des investissements dans l'agriculture.
Vous le voyez : sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, ici comme ailleurs, nous travaillons à faire émerger un consensus qui ne soit pas de façade, mais apporte des remèdes opérationnels à la crise.
Le Partenariat mondial dont nous avons l'ambition visera à améliorer la cohérence des politiques internationales, régionales et nationales, à garantir la pertinence des choix et l'efficacité des aides. Il présentera aussi, et ce n'est pas anodin dans le contexte actuel, un nouveau modèle de gouvernance mondiale grâce à la participation, dans le processus de décision, de l'ensemble des acteurs concernés.
C'est sur cette idée que je voudrais conclure, en saluant vos efforts et vos travaux : si nous devions faire face, pour ne prendre qu'un exemple, au défi nucléaire militaire posé par tel ou tel Etat, ou encore au défi du terrorisme mondial, vous ne seriez pas là, ou à la marge, parce que ce sont les appareils d'Etat qui détiennent exclusivement les données et les clés du problème. Sur le défi alimentaire, les Etats sont des acteurs importants, mais loin d'être exclusifs : le poids des sociétés civiles y est même appelé à aller croissant. Vous parlez des sociétés civiles organisées : pas trop, je l'espère, juste ce qu'il faut pour se faire entendre efficacement tout en conservant leur force de créativité. Mais aussi des sociétés civiles représentées au sein d'institutions comme le Conseil économique, social et environnemental, et ses instances homologues dans les pays du Nord comme du Sud, ainsi qu'au niveau européen. Ce sont de belles institutions, utiles. Je les salue et vous remercie de votre attention.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 novembre 2008