Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur la crise au Zimbabwe, notamment la crise alimentaire et la situation humanitaire dans ce pays, Paris le 18 novembre 2008.

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Circonstance : Tournée européenne de Morgan Tsvangirai et visite en France le 18 novembre 2008 à Paris

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'accueillir en France M. Morgan Tsvangirai, le Premier ministre du Zimbabwe. Je l'ai déjà rencontré et nous nous sommes beaucoup parlés par téléphone, mais c'est surtout à Strasbourg hier, lors des Journées européennes du développement, que j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec lui. C'est un homme de courage, un homme d'obstination, un démocrate que j'admire beaucoup. C'est un homme qui pense que l'Afrique n'est pas éternellement vouée aux dictatures. Voilà un homme et un parti, le Mouvement pour le changement démocratique, qui a changé la face de ce Zimbabwe, pays qui suscitait beaucoup d'inquiétudes depuis plusieurs années.
Vous le savez, il a été l'homme qui a gagné le premier tour de l'élection présidentielle dans son pays et qui a renoncé, par sagesse, à participer au deuxième tour en raison des exactions commises et des pressions physiques exercées sur les militants de son parti.
C'est l'homme qui dirige la majorité de l'Assemblée dans son pays grâce, en particulier, à un soutien international, que nous lui devons bien, de l'Union européenne, de l'Union africaine, de la SADC, des pays de l'Afrique du sud et de l'est, et grâce à l'entremise de l'ancien président d'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki.
C'est l'homme qui devrait occuper, et qui ne l'occupe pas encore, le poste de chef du gouvernement.
Je voudrais seulement dire un mot de la situation humanitaire de son pays. Puis je le laisserai parler.
En Afrique de bonnes surprises en bonnes surprises, comme une croissance élevée par rapport à la nôtre - 6 à 7 % alors que nous n'avons que 0,1 % -, nous nous étions habitués à de bonnes nouvelles. Et puis, brutalement, dans des pays que nous pensions être stables, il y a eu de nombreuses crises. Il y a eu celle au Kenya - je ne m'étendrai pas. Il y a eu la crise au Zimbabwe. Nous étions très inquiets de l'attitude du président Mugabe depuis très longtemps - je ne rappelle pas l'histoire de la conférence de Lisbonne. Il faut parler avec tout le monde, bien entendu, mais nous ne devons pas non plus mettre nos valeurs dans notre poche. Et maintenant, il y a la question de la Mauritanie.
Avant de laisser M. Morgan Tsvangirai s'exprimer, je voudrais ajouter qu'il y a une situation humanitaire insupportable au Zimbabwe. Il faut aider beaucoup plus, malgré la question des sanctions. Je vous laisse deviner le difficile choix entre ces deux actions, mais elles sont complémentaires, bien sûr, d'une certaine façon. La situation humanitaire du Zimbabwe n'est pas bonne. Elle est même catastrophique pour près de 80 % de la population. Mais c'est à M. Morgan Tsvangirai de nous parler de la situation politique dans son pays.
Je renouvelle mes remerciements au Premier ministre du Zimbabwe d'être venu en France et d'avoir commencé sa tournée européenne dans notre pays. Il a été reçu à l'Elysée, au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Je veux devant vous réaffirmer mon respect, mon admiration et le soutien indéfectible de la France et de l'Union européenne pour ce qu'il représente de démocratie nécessaire dans ce Zimbabwe meurtri.
Thank you very much.
(...)
Q - Pouvez-vous nous dire en tant que représentant de l'Union européenne, si l'Union a répondu à l'appel lancé par M. Tsvangirai concernant la crise alimentaire ?
R - Nous sommes, bien entendu, très sensibles à la crise humanitaire et nous avons déjà réagi. M. le Premier ministre Tsvangirai vient de dire combien c'est difficile, même si les agences, en particulier les agences des Nations unies, et les ONG sont alertées et travaillent. L'aide alimentaire est difficile à distribuer à l'intérieur du pays. Je crois que la Commission européenne a déjà donné dix millions d'euros. La France vient d'en ajouter deux. Le problème, c'est l'accès à la population, la distribution et, sur ce point, je crois que le Premier ministre a été clair : c'est au gouvernement du Zimbabwe de réagir. Nous, nous sommes décidés à continuer.
Vous savez que les sanctions portent seulement sur les interdictions de voyage. Ce n'est pas cela qui est à l'origine des conditions de vie déplorables des Zimbabwéens et de cette famine qui risque de s'installer. Vous avez vu l'inflation - parfois 100 % dans la journée.
Nous sommes tout à fait disposés à aider mais dans de bonnes conditions. Le problème, c'est l'accès humanitaire à la population. Il n'est malheureusement pas dans notre pouvoir de changer les conditions d'accès à cette aide humanitaire.
Q - Monsieur le Premier Ministre, pouvez-vous nous préciser avec quel passeport vous voyagez en ce moment ?
(...)
R - Je vous signale que le Premier ministre est accompagné par notre ambassadeur, l'ambassadeur de France à Harare qui lui sert de passeport.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 novembre 2008