Déclaration de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur l'avenir de la Gendarmerie nationale, notamment son placement sous l'autorité organique du ministère de l'intérieur, à Montluçon le 18 novembre 2008.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 20èmes rencontres de la Gendarmerie nationale, à Montluçon (Allier) du 17 au 19 novembre 2008

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le directeur général,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs les officiers,
Mesdames et messieurs,
Je suis très heureux de prendre part aux 20èmes rencontres de la gendarmerie nationale, ici à Montluçon. C'est l'occasion pour moi d'évoquer devant vous l'avenir de la gendarmerie nationale. Vous le savez, demain vous serez placés sous l'autorité organique du ministère de l'intérieur, comme vous l'êtes d'ailleurs de façon fonctionnelle depuis 2002. Vous le serez à une condition : le maintien de l'état militaire, c'est-à-dire de votre statut et de vos missions militaires. Le Président de la République s'y était engagé il y a un an : « le principe de l'existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l'une à statut militaire, l'autre à statut civil, est et sera maintenu ». Vous avez fait un choix, celui d'exercer un métier qui n'est pas un métier comme les autres.
Vous avez fait le choix des exigences et de l'abnégation inhérents au métier des armes, vous avez fait le choix d'un engagement qui peut être total et dont c'est la grandeur.
Ce choix, il n'est pas remis en cause par le projet de loi adopté en Conseil des ministres le 21 août dernier. Ce choix, nous l'assumons avec Michèle ALLIOT-MARIE comme vous l'assumez, et nous y veillerons scrupuleusement.
L'avenir de la gendarmerie militaire, il tient donc en quatre mots : je resterai votre ministre, ou plutôt le ministre de la Défense restera votre Ministre. C'est mieux. Je resterai votre ministre, non pas seulement pour l'estime que je porte à la gendarmerie, mais parce que c'est une nécessité :
- la France a besoin de conserver la dualité de ses forces de sécurité pour protéger ses citoyens ;
- le Ministère a besoin de la gendarmerie pour assurer ses missions.
- C'est précisément l'objet du projet de loi sur la gendarmerie
I- Depuis 800 ans, la gendarmerie a fait la preuve de la nécessité pour notre pays de disposer de forces de sécurité militaires.
Les forces de gendarmerie, au gré des régimes et des aléas, ont de tous temps servi la sécurité des Français. Sous le nom de connétablie, de maréchaussée ou de gendarmerie, elles ont su s'adapter aux besoins de l'Etat en matière de sécurité comme aux évolutions de la société. Tocqueville n'écrivait-il pas que « le cavalier de la Maréchaussée n'est pas seulement le principal défenseur de l'ordre, c'est l'ordre lui-même » ? « Force humaine », c'est votre marque, la gendarmerie est une force de sécurité à la fois efficace et appréciée. Depuis 2002, les crimes et des délits en zone de gendarmerie ont baissé de 15%. Depuis 2002, le taux d'élucidation des affaires judiciaires est supérieur à 40% dans ces mêmes zones. Le nombre de tués sur la route continue de baisser structurellement, même si le chiffre d'octobre n'était pas bon.
Ces excellents résultats, ils tiennent à la spécificité des forces de gendarmerie :
- une proximité qui est gage de cohésion sociale. Les gendarmes connaissent parfaitement les territoires dans lesquels ils évoluent, ils sont totalement intégrés aux populations dont ils assurent la sécurité. Chacun a rencontré des gendarmes, leurs épouses, investis bénévolement dans telle association culturelle ou sportive locale, dans la vie de la communauté.
- Votre deuxième atout, c'est la polyvalence. Dans un monde mouvant, à la menace incertaine et évolutive, c'est la clef du succès. La gendarmerie agit aux confins des missions judiciaires, de police et de défense. De la sécurité routière à la lutte contre l'orpaillage clandestin au fin fond de la forêt équatoriale, en passant par l'Etat en mer ou le sauvetage en montagne, la gendarmerie sait tout faire, et c'est là toute sa force.
Ainsi, la gendarmerie incarne la continuité des différentes réponses que l'Etat doit pouvoir être à même d'apporter face aux crises modernes.
Une démocratie ne peut pas laisser le soin de sa sécurité intérieure à un seul corps.
Pour assurer la sécurité de ses citoyens, l'Etat doit pouvoir s'appuyer sur une palette la plus large possible de moyens.
La gendarmerie, parce qu'elle est une force militaire, parce que son histoire est intimement liée aux valeurs de dévouement, de disponibilité et de courage, parce qu'elle a su au fil du temps élaborer un maillage territorial à la fois dense et parfaitement intégré, est un élément essentiel de la sécurité des Français. Mais pas seulement pour cela.
Elle est aussi un élément essentiel de notre politique de défense.
II- Les armées, pour assurer leurs missions, ont besoin de la gendarmerie.
Le Livre Blanc a consacré la notion de continuité entre les missions de sécurité et de défense de notre territoire. La gendarmerie, de par son statut et son originalité, couvre l'ensemble du spectre : paix - crise - guerre. Elle est à la confluence de ces missions. C'est elle qui permet d'assurer cette continuité. En opérations extérieures, elle a toujours été un outil indispensable pour la réussite de nos engagements. Elle continuera de l'être. En témoignent les noms des batailles inscrites sur ses emblèmes : Hondschoote (1793), Villodrigo (1812), Taguin (1843), Sébastopol (1855) et Indochine (1945-1954). Autant de lieux où le courage de ses gendarmes a permis à la France de faire honneur à ses couleurs.
- Indispensable aussi car elle assure seule les missions de prévôté, protégeant nos militaires et garantissant le respect du droit des conflits armés sur les théâtres étrangers.
- Indispensable ensuite à la réussite opérationnelle des missions hors de notre territoire. Qu'il s'agisse du contrôle des foules, de la défense de points ou de la mise en place des forces de police dans le cadre du rétablissement de la souveraineté, la gendarmerie est un maillon essentiel de nos opérations extérieures. Elle l'est d'autant plus qu'aujourd'hui aucune stratégie n'est exclusivement militaire.
J'étais l'an dernier en Côte-d'Ivoire, et les officiers de la force LICORNE sur place m'indiquaient tous combien la présence de forces de gendarmerie sur ce théâtre leur est précieuse et leur a été précieuse en 2003.
- Indispensable enfin à la formation de nos militaires, notamment s'agissant du contrôle des foules.
Je me suis rendu il y a dix jours au Centre national d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint Astier pour assister à l'exercice de restitution de l'édition SATOREX 2008 : belle preuve d'efficacité et de coopération interarmées que ce centre unique en France ! Ces qualités, ces missions, ces savoir-faire, ils sont un atout précieux pour la défense de notre pays.
Nos voisins européens ne s'y sont pas trompés en prenant notre gendarmerie comme modèle. Je pense à la création d'une force européenne de gendarmerie, où à l'intérêt que la gendarmerie suscite, notamment en Europe centrale et orientale.
Mesdames et messieurs les officiers, généraux et gendarmes,
Le projet de loi sur la gendarmerie, pour lequel les ministères de la défense et de l'intérieur ont travaillé dans la plus étroite collaboration, permet précisément de conserver cet atout tout en renforçant la cohérence opérationnelle des forces de sécurité de notre pays.
III- Votre intégration au ministère de l'intérieur n'est pas un divorce, mais plutôt un mariage.
Et pour être précis, j'ajouterai : un mariage sous le régime de la séparation des biens. La gendarmerie restera une force militaire, parce que la France a besoin d'une force de sécurité à statut militaire.
Le projet de loi réaffirme ce principe avec force, il consacre la singularité de la gendarmerie.
J'ai souhaité le transfert organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l'intérieur car ce transfert est cohérent. Il est cohérent, d'abord, car il permet à une seule autorité de gérer les deux volets de la sécurité intérieure : civil et militaire.
Depuis 2002, c'était le cas en matière d'emploi des forces. Il fallait consacrer ce choix en matière organique et budgétaire, dans un souci de coordination optimale entre les forces civiles et militaires de sécurité intérieure.
Une fois la loi votée, et dès le 1er janvier au plan budgétaire, un seul et même ministre disposera donc de l'ensemble des instruments juridiques nécessaires à l'exercice plein et entier, en matière de sécurité intérieure, de son autorité sur les forces de gendarmerie.
Ainsi, par exemple, dans le cadre de la réorganisation territoriale, les modifications reviendront au seul ministre de l'Intérieur, alors que jusqu'à présent, c'était une décision du ministre de la défense, pour une utilisation par le ministre de l'Intérieur.
Où était la cohérence ? En quoi la suppression d'une brigade de gendarmerie à Tournedos-Bois-Hubert concerne le ministre de la Défense ? En quoi le renforcement d'une brigade plutôt qu'une autre en fonction des chiffres de la délinquance concerne le ministre de la Défense ?
Ce transfert est cohérent, aussi, car le socle culturel et opérationnel militaire des gendarmes sera préservé.
La gendarmerie continuera bien sûr à faire partie de la communauté militaire.
Il est cohérent, enfin, car l'emploi des gendarmes pour l'exécution des missions militaires, notamment pour l'envoi en opérations extérieures, demeurera du ressort exclusif du ministre de la défense.
Avec cette loi, la répartition des responsabilités sera donc clarifiée, au plan opérationnel comme au plan budgétaire.
Le ministre de l'intérieur aura en mains toutes les clefs de la politique de sécurité intérieure, le ministre de la défense toutes celles des missions militaires, et il veillera au respect du statut et de la condition militaires.
En particulier, le ministère de la défense continuera d'assurer une grande partie de la fonction de soutien au bénéfice de la gendarmerie, à travers les 35 protocoles annexés à la délégation de gestion-cadre signée le 28 juillet 2008.
Et tous les personnels de la gendarmerie, militaires et civils, conserveront les avantages statutaires, matériels et moraux qui sont liés à leur condition militaire. J'y ai personnellement veillé.
Très concrètement, les gendarmes :
- continueront à bénéficier de l'ensemble des actions sociales du ministère de la défense ;
- conserveront toute leur place dans les instances actuelles de concertation.
Selon les thèmes abordés, les deux ministres pourront présider ou co-présider le CFMG. Le CSFM ne traitant que de la condition militaire, il restera en revanche du ressort exclusif du ministre de la défense.
Mesdames et messieurs,
Le général DE GAULLE écrivait dans Le Fil de l'Epée que « l'esprit militaire, l'art des soldats, leurs vertus sont une partie intégrante du capital des humains ».
C'est précisément pour cela que je veillerai personnellement à ce que la gendarmerie conserve et entretienne son identité militaire.
C'est ma responsabilité de ministre de la défense, et c'est l'intérêt des Français, car cette identité est gage d'efficacité pour leur sécurité.
En transférant l'autorité opérationnelle et budgétaire des gendarmes au ministère de l'intérieur, le gouvernement ne rompt pas avec 800 ans d'histoire. Il conforte cette histoire et la spécificité d'une force de sécurité dont nous avons besoin. Il renforce la cohérence opérationnelle de notre politique de sécurité intérieure.
Parce que vous resterez des militaires, je resterai votre ministre.
Vous pouvez compter sur moi, comme je sais pouvoir compter sur vous.
Je vous remercie.


source http://www.defense.gouv.fr, le 1er décembre 2008