Interview de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, à "RMC" le 27 novembre 2008, sur les mesures gouvernementales de relance de l'économie pour faire face à la crise, la réforme du financement de l'audiovisuel et les chiffres du chômage.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

- Merci d'être avec nous ce matin. Le chômage ; vous avez les chiffres ?
Non, non...
Mauvais ?
Les chiffres seront publiés dans l'après-midi ou ce soir. Les chiffres ne seront certainement pas très bons.
On parle de 40, 45.000 chômeurs de plus ; on va dépasser les 2 millions de chômeurs ?
Qui dit "ralentissement économique", dit malheureusement reprise du chômage. C'est ça qu'il faut évidemment combattre.
J'ai une question toute simple ; comment un patron peut-il donner des heures sup à ses salariés quand ses carnets de commandes se vident ?
D'abord, tous les patrons ne voient pas leurs carnets de commandes se vider. Il ne faut pas généraliser non plus ce qui se passe, il y a des PME, des entreprises qui marchent encore bien, même s'il y a du ralentissement, donc vous pouvez avoir des surplus, des surcroîts de travail, des pics de commandes. Donc l'heure sup reste quelque chose de très important.
Je vous dis ça parce que est-ce que la politique de l'emploi, de lutte contre le chômage du gouvernement a échoué ?
Non, elle n'a pas échoué...
Est-ce que vous avez fait le mauvais choix, sans prévoir ce qui allait se passer ?
On est dans une crise totalement imprévisible, si quelqu'un l'avait prévue, qu'il se lève ! J'aurais tendance à dire que personne ne l'avait prévue, c'est comme ça, c'est comme ça pour les crises quand elles atteignent une telle profondeur. Donc la réponse des heures sup est une réponse durable, ce n'est pas une réponse en soi à la crise, il y a d'autres réponses. On pourra des initiatives, on en a déjà prises, on va prendre d'autres initiatives, il y a des initiatives aussi sur l'emploi. Le contrat de transition professionnelle que veut étendre le président de la République c'est une initiative sur l'emploi extrêmement forte, ça c'est une initiative qui répond aux temps de crise. Les heures supplémentaires c'est une initiative durable, c'est quelque chose d'important, c'est quelque chose qui doit permettre aux entreprises de travailler d'une façon plus souple et aux salariés de pouvoir en bénéficier, sans impôt, sans cotisation sociale. Donc c'est une initiative très fondamentale. Mais ce n'est pas la seule réponse à la crise, ça ne peut pas l'être, il y en aura d'autres, beaucoup d'autres.
J'ai une autre question : nous sommes en crise donc, on est tous d'accord, nous sommes en crise, l'Etat manque d'argent, l'Etat cherche de l'argent, l'Etat s'endette, au passage il faudra rembourser cette dette, un jour ou l'autre...
Oui, l'Etat est déjà endetté, donc...
Ça ne vous inquiète pas de voir les dettes s'accumuler, franchement ?
Si, ça m'inquiète, je suis très vigilant sur les finances publiques, c'est un point évidemment qui ne peut pas ne pas importer au ministre du Budget. Maintenant, il y a plusieurs types d'endettement et l'endettement d'aujourd'hui, c'est le cumul de tous les déficits du passé, de vingt ans ou vingt-cinq ans de déficit des finances publiques. A cela, il faut mettre un terme et on peut...
Il faut mettre un terme, mais enfin je vois la dette se creuser !
Ce qui compte c'est de tenir la dépense publique. Il faut tenir et maîtriser la dépense, il faut être là-dessus, notamment la dépense de fonctionnement, celle qui tous les jours roule un peu comme une pierre sur un chemin en pente, il faut faire très attention à cela. Et puis, il y a les dépenses nécessaires, pour répondre par exemple à la crise, ou les dépenses d'investissement. Pour ça, on peut augmenter la dette. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas, on verra dans le plan de relance, ce qui a été fait dans le domaine bancaire, par exemple, n'accroît pas la dette de l'Etat en lui-même.
On va parler du plan de relance. Mais enfin l'Etat qui pourrait faire des économies, par exemple dans l'informatique, par exemple dans ses ministères !
L'Etat fait de la transparence. Je suis assez étonné de voir de quelle façon est vendue cette idée on aurait doublé le prix des grands systèmes d'informatique...
Mais c'est vrai ou pas ?
Nous, on dit la vérité. Non, non, non, ce n'est pas vrai ! La réalité n'est pas du tout celle-là. Il y a des gros systèmes d'information, informatiques pour le fisc, pour la gestion publique, tout ça... Aucune entreprise n'a d'ailleurs mis en place des systèmes aussi lourds. On met parfois dix ans pour l'un de ces systèmes, c'est par exemple dix ans de travail, les sommes qui sont données, c'est des sommes sur dix ans. Et moi, ce que j'ai voulu, c'est créer et donner un coût complet, donc ce n'est pas uniquement l'appel à des prestataires, mais c'et aussi le coût interne de l'administration. Et le coût interne de l'administration, il a été mesuré et il double à peu près le coût des prestataires. Mais ce coût interne, moi je l'ai dit très clairement et d'une façon très transparente aux députés qui m'interrogeaient. Ce n'est pas un dérapage, c'est au contraire de la vérité.
J'ai une question que me posent beaucoup d'auditeurs de RMC : comment se fait-il, alors que nous sommes en période de crise économique et qu'on nous présente la réforme de l'audiovisuel public ; comment se fait-il que nous soyons obligés de payer, alors que la crise économique sévit, pour compenser le manque à gagner des chaînes publiques ? C'est l'Etat qui va garantir...
Vous savez, la crise ne doit pas tout arrêter. On ne peut pas arrêter toutes les réformes parce que, tout d'un coup, il y aurait une crise.
Oui, mais il y a des réformes qui sont prioritaires...
Oui, mais celle-ci est aussi importante...
Elle est prioritaire ?
D'abord, elle a été lancée avant, donc il n'y a pas de raison particulière de l'arrêter. Elle est aujourd'hui bien lancée, le Parlement est en train d'en discuter et la qualité du service public c'est aussi très important. Qu'une télévision publique soit une télévision qui soit différenciée par rapport aux télévisions privées, c'est très important.
Donc nous payons déjà la redevance, nous allons payer encore un petit peu plus pour garantir la qualité du service public, si j'ai bien compris ?
Qui veut une télévision publique, un service public - J'ai le sentiment que les Français le veulent...
Alors pourquoi ne pas augmenter la redevance ?
...doit évidemment être compensé. Cela a un coût...
Mais ayez le courage d'augmenter la redevance, E. Woerth !
Mais la redevance touche beaucoup de monde et la redevance est un impôt qui est très, très symbolique. Il y a des champs dans l'économie qui peuvent supporter des taxes supplémentaires, c'est le cas notamment de la téléphonie mobile ou d'Internet, parce que c'est très peu taxé. Et donc, c'est ce qui a été fait. Le surplus de pub également, le surplus de pub, quand il y a un surplus de pub dans une télé privée, parce que la télé publique ne peut plus faire de pub, eh bien il est taxé. Chacun est gagnant d'une certaine façon...
Taxé à 3 %, c'est passé à 1,5 %.
Oui, mais la télé privée qui a surplus de pub elle est gagnante aussi, non, je crois.
D'accord, ça ne comble pas les 450 millions d'euros, donc l'Etat garantit la différence, mais ce n'est pas...
Si, ça comble, ça doit combler les 450 millions d'euros, peut-être que la première année ou la deuxième année, compte tenu de la crise...
Oui, c'est-à-dire que c'est nous qui allons payer...
Ça ne le fera pas...
C'est-à-dire que c'est nous, l'Etat, qui allons payer.
Nous compléterons, c'est vrai, si la dépense à ce moment-là...
Le courage aurait été d'augmenter la redevance. Mais la redevance est indexée cette année, ça fait très longtemps qu'elle n'était pas indexée sur les prix, elle est aujourd'hui indexée sur les prix. C'est vrai qu'elle n'est pas chère, c'est une redevance pas chère, mais le service public on doit pouvoir aussi y accéder d'une façon pas chère. Allez-vous baisser certains taux de TVA ?
Moi, je ne suis pas favorable à la diminution de la TVA, parce que les Anglais le font sur l'ensemble de leur TVA. Je ne suis pas favorable parce que je pense que le consommateur ne voit pas les choses...
L'impact est faible...
Il y a des réseaux de distribution, il y a des prix qui se forment différemment et puis finalement vous faites moins 2 % de TVA, ça vient augmenter les marges de tel ou tel distributeur, ou de tel ou tel producteur, et le consommateur in fine, il ne le voit pas, donc c'est souvent un coup d'épée dans l'eau. Donc ce n'est pas une bonne réponse dans l'économie française à la crise.
Mais pour soutenir l'industrie automobile, par exemple ; un million de véhicules parqués sur chez les constructeurs automobiles français en stock...
Eh bien, il va falloir soutenir la consommation et soutenir plus largement la filière automobile. Il faut d'abord l'aider à se transformer, à vendre de meilleurs véhicules...
On baisse la TVA dans l'automobile ?
Ecoutez, ça le président de la République dans quelques jours [inaud.]...
Baisse de la TVA sur les voitures eu polluantes...
On verra. Moi, je pense d'une manière générale, que les diminutions de TVA ne sont pas nécessairement les réponses les plus appropriées. Mais enfin on verra, le Président...
Il y a des solutions de prêt à taux zéro ?
Le Président va faire son choix dans l'ensemble de ce qu'on peut proposer en termes d'initiatives, de relance. En tout cas il faut faire quelque chose sur le secteur automobile...
Prêt à taux zéro pour l'achat, par exemple, de véhicule neuf ?
N'égrainez pas l'ensemble des possibilités, je ne suis pas là pour donner le plan. Chacun s'exprime......
Vous les connaissez ?
Non, elles ne sont pas arrêtées, le président les arrêtera lorsque... On a beaucoup de réunions sur ces sujets, chacun s'exprime, chacun donne son opinion, et puis le Président tranchera et fera la cohérence entre tout ça...
Et donc pas de baisse de TVA à vous écouter, pas de baisse de TVA non plus dans le domaine du logement...
Moi, je pense qu'il faut mettre le paquet sur l'investissement, parce que...
C'est quoi "le paquet sur l'investissement ?"
Il y a plein d'investissements à faire, il y a plein d'investissements dans les cartons, les transports, il y a beaucoup de choses qui doivent être faites dans les collectivités locales, mais aussi dans l'Etat évidemment, ou dans les entreprises publiques...
Donc des grands travaux ? Des travaux d'intérêt général, si je puis dire ?
Des travaux nécessaires. Il faut faire la liste, il faut regarder comment on peut faire. Mais ça, ce n'est pas de la dépense mal employée, c'est de la dépense d'investissement qui créée de la croissance.
C'est de la dépense positive ?
C'est de la dépense positive, ce n'est pas de la dépense de fonctionnement. Donc, pour cela, on peut s'endetter.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 novembre 2008