Interview de Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, à "RTL" le 27 novembre 2008, sur la polémique autour de la question de l'hébergement obligatoire des sans-abris.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

V. Parizot.- Bonjour C. Boutin, ministre du Logement. Merci d'être sur RTL pour expliquer et commenter votre volonté d'engager le débat et peut-être prendre des décisions d'ailleurs, sur l'hébergement obligatoire d'office des sans-abri par grand froid. Alors, évidemment madame Boutin on ne cherche pas à vous piéger, juste à comprendre ce qui a changé depuis avant-hier, lorsque vous parliez ainsi.
C. Boutin : Si la personne dit non, et bien en France, on respecte sa volonté. C'est la culture française, ça fait partie aussi des Droits de l'homme en France, et la liberté. Je préfère qu'on respecte la liberté plutôt que comme dans certains pays anglo-saxon, ou effectivement on ne voit pas les sans-abri, parce que dès que l'on voit un sans-abri sur un trottoir, il suffit de téléphoner et on vient ramasser la personne, qui dérange, que l'on ne veut pas voir. Ce n'est personnellement pas ma position.
Cela veut dire madame Boutin que cette notion de liberté, de Droits de l'homme, de culture française s'est envolée en deux jours ?
Non, elle ne s'est pas envolée, le président de la République a posé une bonne question, il y a eu le drame des trois morts de Vincennes, vous savez aujourd'hui un milliard est dégagé pour le budget pour les personnes qui sont en difficulté, on estime à 100 000 les sans domicile fixe, sans-abri ; il y a 99 600 places, on est à peu près, je ne dis pas qu'il ne faut pas amélioré les choses, mais on est à peu près arithmétiquement arrivé au niveau de places qui sont nécessaires. Maintenant, le président de la République a posé la question de savoir, je pense que c'est une question qui mérite d'être posée, même si moi personnellement j'ai exprimé ma position personnelle...
Vous dites le président de la République a posé une bonne question, mais moi j'ai la réponse, je suis contre.
Non, non, j'ai dit ma position, je lance un débat, une réflexion, de savoir...et je pense que cette question effectivement mérite d'être posée : jusqu'à quel moment doit on laisser une personne sans abri jouer avec sa vie ? C'est ça, la question qui est posée.
Mais comment vous expliquez madame Boutin que toutes les associations d'aide à ces SDF soient opposées à cette idée d'imposer l'hébergement ?
Ecoutez, je pense qu'elles réagissent de façon immédiate et sans doute de façon émotionnelle. Moi, je préfère qu'on ait un débat construit. Je pense que effectivement l'opinion française n'acceptera pas, les Français n'accepteront pas que tous les jours il y ait un nouveau mort dans la rue. Alors d'un coté les associations qui sont également là pour le dénoncer. Si nous ne proposions pas une réflexion en particulier quant il fait très froid, en obligeant les gens à se mettre à l'abri, l'opinion française nous poserait la question. On est quand même un pays ou il est possible de discuter, de débattre. Moi, on va voir ce qu'il est possible de faire.
Est-ce que ce débat existe au Gouvernement, madame Boutin ? Je pense notamment avec quelqu'un qui est aussi directement concerné, le Haut commissaire aux solidarités, M. Hirsch, lui aussi il est opposé au placement d'office.
Ecoutez, je ne sais pas s'il est opposé au placement d'office, je n'en sais rien. Moi, je n'ai pas envie d'entraîner une polémique au sein du Gouvernement. Ce que je sais, c'est que le président de la République hier a dit très clairement qu'il voulait que nous réfléchissions à cette réalité. Je pense que, vu tel qu'il l'a présenté, c'est une bonne question, parce que effectivement il faut se poser la question de savoir jusqu'à quel moment la liberté doit être respectée ; si la personne qui est affaiblie, désocialisée, n'est plus en situation de pouvoir décider, si on la laisse dans le froid, je pense qu'il est normal de proposer un hébergement, et si la personne ne veut pas rester dans cet hébergement, elle s'en va, voyez-vous. Mais la difficulté, c'est effectivement d'arriver à convaincre les gens, dans la nuit ou il y a eu ce malheureux monsieur qui est décédé, où en fait la ville de Paris, la police sont allés voir chacune des personnes sur ma demande. Et bien, sur les 98 personnes qui ont été vu, il n'y en a que trois qui ont accepté d'aller dans un hébergement, vous comprenez. Alors on dit les hébergements ne sont pas bien, bien sûr il y en a certains qui ne sont pas bien, mais il y en a qui sont très bien.
Mais à l'origine, évidemment, il y a le problème du logement...
Ah non, mais ça, cher monsieur, c'est certain je suis heureuse du reste aujourd'hui que l'on n'oppose plus hébergement et logement. Quand je suis arrivée à la tête de ce ministère, les uns étaient contre les autres. Maintenant tout le monde est d'accord, et c'est déjà un bel acquis culturel de dire que c'est une chaîne de solidarité qui va de celui qui n'a pas de logement, jusqu'à celui qui est logé.
Cela veut dire madame Boutin que votre texte, votre projet de loi sur le logement, il va arriver au Parlement comme prévu, dans quelques jours, le 15 décembre ?
Absolument, oui, oui, il va arriver.
Vous l'affirmez, là ?
Oui, oui absolument je le confirme.
Il ne sera pas décalé. Ça aussi, c'est une information. Juste une dernière question, puisque vous nous dites que le Président a voulu lancer le débat et la question. Moi, je voudrais savoir le fond de votre pensée ; est ce que vous avez changé depuis deux jours madame Boutin ?
Est ce que j'ai changé, je ne le sais pas. Moi, je ne suis pas une femme obtuse, je pense qu'il y a un débat et que du débat peut toujours jaillir de meilleures idées. Donc je suis favorable au débat.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 27 novembre 2008