Interview de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, à France 2 le 8 décembre 2008, sur la réforme de l'audiovisuel public.

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Média : France 2

Texte intégral


 
O. Galzi.- Bonjour William, bonjour à vous, bonjour Madame la ministre.
Bonjour.
Vous avez passé la semaine dernière, 70 heures sur les bancs de l'Assemblée, pour défendre le projet de loi sur la réforme de l'audiovisuel public. C'est un peu plus long que prévu, c'est le moins que l'on puisse dire.
Oui, mais c'est vrai que le débat est long, c'est vrai qu'il y a une obstruction, véritablement, tout à fait annoncée, tout à fait théorisée, d'ailleurs, de la part de la gauche, de la part de l'opposition.
Elle parle de "résistance", elle, mais bon.
Oui, enfin, bon, résistance, résistance, c'est quand même, c'est de l'obstruction, mais en même temps, on avance, on avance doucement, le débat se déroule.
Très doucement, on est à 15 articles sur 56.
Exactement.
Peut-être cet après-midi on va aborder le fameux article 18 qui supprime la publicité sur France Télévisions, à partir du 5 janvier. Est-ce que vous allez passer par décret si c'est trop long ?
Mon souhait, c'est que le débat, justement, puisse se dérouler, et d'ailleurs c'est tout à fait délibérément que l'on n'a pas du tout eu recours, en dépit du fait que l'on était face à une obstruction complètement assumée et revendiquée, etc. que l'on a eu recours à aucune des possibilités qui étaient offertes, comme le 49.3, le vote bloqué. On laisse vraiment le débat se dérouler.
Mais le décret est envisagé ?
Je dis que le décret est possible, parce que je crois que France Télévisions, en ce moment, est prête, se prépare depuis maintenant des mois et des mois à cette suppression partielle de la publicité. On a entendu l'annonce des programmes, de tous les projets il y a quelques jours et on se rend compte que beaucoup de choses ont changé, dans les horaires, dans ce qui est proposé - plus de cinéma, plus de fiction - Bon, il y a vraiment une nouvelle télé qui se prépare et on ne peut pas retarder et bouleverser un modèle qui est en train de se mettre en place pour janvier.
Ce que vous dites, c'est que de toute façon, il y aura cette suppression partielle de la publicité, à partir du 5 janvier, ça c'est quoi qu'il arrive.
Voilà, absolument. Quoi qu'il arrive et quoi...
Donc, il y aura un décret si nécessaire.
Et quoi qu'il arrive, la compensation sera assurée, parce que de toute façon, ça a été voté en loi de finances. Les 450 millions d'euros de compensations sont votés, ont déjà été votés à l'Assemblée en loi de finances et vont l'être au Sénat dans les jours qui viennent.
Alors, justement, un sénateur, J.-P. Raffarin, disait hier : il est hors de question d'engager la réforme avant que le débat parlementaire ne soit achevé. Ce n'est pas tout à fait ce que vous dites.
Si, c'est tout à fait ce que l'on dit et je crois que c'est un... Il y a le point, la nécessité, en effet, qu'il puisse y avoir cette suppression de la publicité, qui est très importante, mais je rappelle que la précédente diminution de publicité, il y a quelques années, s'était faite par décret, on était passé de tant de minutes, en fait, à 9, à 8 minutes, donc c'est possible. Moi, j'aurais souhaité que ça soit, évidemment, que ça reste dans la loi, naturellement. Je rappelle que la loi, par ailleurs, est très riche, il y a la création...
"J'aurais souhaité", ça veut dire que c'est quasiment acté, que ça va être un décret.
Non, je souhaite, je souhaite, on fait tout pour ça. Moi, je veux dire, vous savez, ce n'est pas moi qui retarde les débats, absolument pas, moi j'essaie de... Moi, j'ai dit que j'étais prête à siéger jour et nuit, le weekend, tout le temps, pour que ça se fasse.
Et la date limite, c'est quoi ? On est déjà dans la zone limite ou pas, là ?
Il faut, il faudrait... il faut aller vite maintenant et il faudrait que ça s'achève à la fin du week-end prochain. Moi, je suis prête vraiment à siéger, si voulez, je vous le dis, jour et nuit, tout le temps...
Et si ce n'est pas fini d'ici là : décret.
Nous verrons, nous verrons quoi faire. Rien n'est décidé, en tout cas rien n'est décidé pour l'instant. Pour le reste, je rappelle qu'il y a la création de la société unique de France Télévisions, enfin, il y a...
Entreprise unique.
...De l'entreprise unique. Il y a la transposition de la directive Télévision sans frontières, la modification du code du cinéma ; enfin, la loi est extrêmement riche, comme la gouvernance, bien sûr.
Cette course contre la montre, aujourd'hui, pose un autre problème, c'est que ça a été décidé un petit peu par surprise, au début de l'année dernière. Là, on arrive à la fin, tout le monde s'aperçoit qu'il faut aller très vite et depuis il y a eu la crise, et finalement certains députés, y compris de votre majorité, disent aujourd'hui : est-ce que c'est encore urgent, dans ce contexte de crise. Qu'est-ce que vous en pensez ?
Vous savez, je pense qu'un grand projet culturel, parce que c'est un grand projet culturel, je pense que ça va beaucoup, beaucoup transformer quand même la télévision, on avait déjà une télévision publique de qualité, je pense que, on l'a entendu avec toutes les annonces de programmes, elle va aller encore plus loin dans son identité ; ça va aussi, d'ailleurs, avoir de l'influence sur les programmes de toutes les chaînes. Moi je crois que l'on a aussi besoin en temps de crise, de grands projets culturels fédérateurs, et je rappelle que, vous savez, on l'a maintenant oublié, mais dans les années 80, il y avait une crise, et dieu sait la situation économique française était très difficile et pourtant, F. Mitterrand a porté de grands projets culturels, si ce n'est que c'était en milliards d'euros et non pas en centaines de millions d'euros. Voilà.
L'autre étape, ça sera fin 2011 : suppression totale de la publicité. Là encore, des députés de votre majorité, G. Carrez, le rapporteur de la Commission des finances, dit : « Il va peut-être falloir revoir tout ça, parce que ça va coûter de l'argent à l'Etat ». Vous êtes d'accord avec ça ?
Je crois que le projet, c'est la suppression totale, mais il faudra faire un état des lieux, naturellement, et d'ailleurs, l'idée, c'est bien de faire des clauses un peu de revoyure et de suivre naturellement toute cette réforme et je sais que des parlementaires veulent, souhaitent, et je crois que c'est tout à fait sensé, faire un état des lieux en 2011, voir comment tout se passe, pour poursuivre ensuite le mouvement.
Donc, ça veut dire qu'éventuellement il n'y aura pas de suppression totale en 2011, si jamais on juge que ce n'est pas nécessaire, on ne pourrait pas le financer.
Le projet c'est une suppression partielle, puis une suppression totale, mais nous verrons en effet comment les choses se passent.
Autre sujet, le plan de relance du président de la République. Vous venez d'apprendre qu'il y a 100 millions d'euros, sur ce plan de relance, qui vont vous revenir au ministère de la Culture. C'est inespéré.
Eh bien écoutez, je m'en réjouis beaucoup. Je crois que c'est vrai, je ne cesse de défendre l'idée que la culture ça rapporte, ça ne fait pas que coûter, et que c'est des secteurs entiers d'emplois, c'est des secteurs de développement économique, et que quand vous mettez de l'argent dans le patrimoine, dans les investissements, et c'est ce qui va être fait, puisqu'on va faire peut-être un "Plan cathédrales", on va s'intéresser au patrimoine...
Un "Plan cathédrales", c'est-à-dire, pour rénover les cathédrales ?
Eh bien oui, c'est-à-dire pour rénover, en effet, commencer la restauration, par exemple, des grandes cathédrales, le patrimoine des petites communes. Bon, quand on fait ça, eh bien derrière il y a tous les artisans et il y a tous les métiers d'art et il y a bien sûr l'identité, notre identité, notre histoire, mais derrière, il y a énormément d'emplois, énormément de talents, énormément de métiers à soutenir.
C'est presque un peu paradoxal, parce que vous aviez du mal à avoir de l'argent, quand on n'était pas en crise, et maintenant que l'on est en crise, vous en avez.
Eh bien écoutez, là, je trouve que ce plan de relance, en tout cas, c'est formidable. C'est formidable que la culture soit à l'intérieur et que justement il y ait cette possibilité de donner un coup d'accélérateur à nos investissements, y compris pour des grands projets aussi comme le MUCEM ou le Quadrilatère Richelieu.
Toute dernière question, on va parler de ce journaliste de Libération qui a été placé en garde à vue, menotté, maltraité dit-il, alors que c'était un simple délit de presse pour lequel il avait à répondre. Qu'est-ce que vous en pensez ? Ça vous a choquée ?
Moi, vous savez, j'ai tout de suite fait part de mon émotion, c'est-à-dire dès que je l'ai appris, j'ai téléphoné à L. Joffrin et j'avais publié un communiqué pour dire qu'il fallait vraiment que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
Et aujourd'hui, vous pensez qu'il faudrait modifier la procédure pénale, pour éviter que ça arrive ?
Je crois que... En l'espèce, c'était là une décision indépendante d'un juge...
Oui, mais qui respectait la procédure pénale.
Oui, mais la...
Est-ce qu'il faut la modifier ?
Tout le problème c'est, est-ce que justement il faut ce genre de procédure pénale par rapport à ce genre de « délit » entre guillemets. D'où d'ailleurs les modifications qui se préparent sur la dépénalisation de la diffamation, et je pense que c'est une piste très intéressante. Et c'était prêt avant, avant cette affaire, c'est-à-dire que c'était dans les tuyaux avant cette affaire. Et cette affaire ne fait que confirmer la nécessité de faire évoluer les choses, parce que c'est assez choquant.
Merci Madame la ministre. Merci. Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 décembre 2008