Texte intégral
N. Demorand.- Le débat sur la réforme de l'audiovisuel public n'est toujours pas terminé à l'Assemblée, or la date du 5 janvier prochain approche à grands pas. Confirmez-vous que ce sera P. de Carolis lui-même qui prendra le décret supprimant la publicité sur les antennes de télés publiques ou en tout cas la décision ?
Non, ce n'est pas P. de Carolis, bien sûr, qui peut prendre un décret. En fait, qu'est-ce qui s'est passé ?
La décision, j'ai précisé...
P. de Carolis a annoncé dans ses conférences de presse, des programmes, qui déjà intégraient la fin de la publicité, c'est-à-dire, des programmes ambitieux, intéressants, avec d'ailleurs une vraie deuxième partie de soirée, et cela à partir du 5 janvier. Tout le monde est prêt, y compris les annonceurs. Et rien ne serait pire, évidemment, que retarder les choses, parce que ce n'est pas pour autant que les annonceurs reviendraient. Donc tout le monde est en l'ordre de marche. Alors après, sur la publicité, en fait, ça peut se faire de bien des façons. Ça peut se faire effectivement par décret, on en avait parlé, ça peut se être aussi une décision, une décision de ne plus commercialiser tout simplement les espaces de pub, à la demande du Gouvernement. Et après, la loi, de toute façon, arrive. Je rappelle que la compensation financière existe déjà. P. de Carolis ne pourrait pas le faire, s'il n'y avait pas la compensation financière. Mais elle a été votée en loi de finances, et elle vient d'être votée déjà dans la loi sur l'audiovisuel.
Donc, pour reprendre la chaîne de décision, une demande est partie du Gouvernement, de vous, donc...
Non, elle n'est pas encore partie, mais en effet, on va demander à P. de Carolis de prendre cette décision. Donc à la demande du Gouvernement, après de le présenter en conseil d'administration. Et puis, il va se passer ce qui est prévu déjà, c'est-à-dire la fin de la publicité, effectivement, à partir du 5 janvier.
Donc c'est un chef d'entreprise qui va prendre la décision pour son entreprise, c'est ça le raisonnement, on va dire, pour la suppression de la pub ?
Oui, tout à fait, dès l'instant que c'est compensé financièrement par la loi, ce qui est le cas.
Les 450 millions, c'est ça ?
C'est ça, c'est voté déjà en loi de finances.
Et ces 450 millions seront donc disponibles pour le jour où la décision sera prise ou effective, c'est-à-dire, le 5 janvier ?
C'est-à-dire, ce n'est pas ce jour-là que vous avez de 450 millions. C'est évident qu'à partir de ce jour-là, vous créez un besoin qui doit être ensuite compensé, mais ça, c'est précisément voté par la loi de finances et d'ores et déjà d'ailleurs, c'était l'article 18 de la loi de l'audiovisuel qui a été voté la semaine dernière.
Est-ce que les choses se passeront désormais comme ça, à savoir que le Gouvernement ordonne, et le patron de la télé publique exécute ?
Pas du tout. Vous savez, je crois...
Vous lui avez donné un ordre, là ?
Ce n'est pas un ordre du tout. On lui...
Il ne peut pas refuser en même temps.
Mais encore une fois, ce n'est pas du tout son intérêt. P. de Carolis a annoncé des programmes qui intègrent la suppression de la publicité tout simplement parce qu'on y travaille depuis des mois, des mois et des mois. Il y travaille depuis des mois, les annonceurs l'ont intégré, et donc, il l'a annoncé. Je dirais que c'est vraiment quelque chose qu'il porte, c'est tout. Alors on lui dit, effectivement, faites-le. Faite-le, pour bien montrer que ça...et surtout pour rappeler les garanties. La lettre, c'est plus une lettre qui dit : la compensation est là, l'argent est là, ça a été voté, c'est voté deux fois,"allez-y", plutôt que de dire "faites-le". Voyez, c'est ça l'idée.
Mais en même temps, on voit bien là que, la chaîne de décision et d'ordre, je redis le mot, puisque ç'en est un aussi d'une certaine manière, c'est comme ça que les choses peuvent se passer dorénavant, maintenant, que l'exécutif nomme le patron de l'audiovisuel public, les patrons de l'audiovisuel public ?
Mais absolument pas. Je crois qu'il faut être très clair là-dessus, je pense qu'il y a beaucoup d'ambiguïté. Qu'est-ce qu'on veut - et c'est un vieux débat ? Est-ce que l'Etat actionnaire va jusqu'au bout de ses responsabilités ? C'est l'Etat qui garantit les financements, qui fournit les ressources, c'est l'Etat qui fixe les missions. À partir de là, l'idée en effet, c'est que l'Etat nomme aussi les dirigeants, mais nomme les dirigeants, avec évidemment des verrous. Ça veut dire les nomme au milieu d'un débat public, parce qu'on voit à quel point ça passionne. Vous savez que nous entamons notre quatrième semaine de débats, pas la troisième, la quatrième ! C'est une des choses les plus longues. Il y a d'ailleurs une obstruction énorme au Parlement. Donc il y a un débat public, il y a ensuite un avis du CSA qui vote à bulletin secret, et il y a ensuite un débat au Parlement, à l'Assemblée nationale et au Sénat, avec une majorité qualifiée nécessaire. Donc c'est vous dire que toutes les garanties sont prises. À partir de là, il y a un dirigeant qui est nommé, qui a évidemment la responsabilité de son entreprise. Le tout, dans un paysage extrêmement divers. Parce que j'entends parler de l'ORTF toute la journée, mais enfin, aujourd'hui, tout le monde va avoir 18 chaînes dans la France entière dans deux, trois ans, les gens ont une multiplicité d'offres, naturellement, il y a le câble, il y a le satellite, il y a Internet, les pratiques ont complètement changé. Qu'il y ait des chaînes publiques avec des actionnaires qui prennent leurs responsabilités, je trouve que ça ne veut pas dire du tout une espèce de dictature. On sait très bien comment ça se passe : il y a des rédactions qui sont évidemment indépendantes, qui vont le rester, il faut que les chaînes...elles ont besoin d'ailleurs de liberté, liberté éditoriale.
Mais pourquoi n'avoir pas choisi de garantir l'indépendance en inventant un système très clair de ce point de vue-là, plutôt que vous soyez obligée de venir dire que l'indépendance est certaine et acquise, etc. ? Vous avez vu le sondage dans le Parisien, hier : 74 % des Français sont contre cette mesure-là !
Vous dites aux Français : "est-ce que le président de la République nomme directement... ?" Ils vont dire, a priori, qu'ils ne sont forcément pour. Mais je crois qu'il faut se replacer dans cette logique, encore une fois de responsabilité, de multiplicité de l'offre. Les gens ne sont plus prisonniers d'une chaîne aujourd'hui, je veux dire que ce n'est pas le temps où vous aviez trois chaînes et puis vous étiez scotché devant, et en général vous ne faisiez rien d'autre. Non, aujourd'hui, vous voyez bien, c'est Internet, c'est la TNT, il y a une grande multiplicité. Il y aura la liberté aussi de choisir des dirigeants qui n'auraient pas été candidats. Je pense à une personnalité disparue que j'aimais beaucoup, mettons Jean Drucker, président de M6, grand homme de télé. Si à un moment donné il avait rêvé de devenir président de France Télévisions, il n'aurait pas été candidat dans l'actuel système parce qu'il fallait prendre des risques, qu'il fallait évidemment être sûr de vouloir lâcher son entreprise actuelle. Là, on peut aller chercher des gens dont on se dit qu'ils sont peut-être particulièrement intéressants, et après, il faut qu'ils franchissent l'étape CSA, il faut qu'ils franchissent l'étape Parlement, et puis après il faut faire confiance naturellement. Je suis vraiment dans cet état d'esprit.
Sur le fait que, les Français interrogés dans ce sondage CSA-le Parisien, publié hier dans le Parisien Dimanche, indiquent à 74 % qu'ils sont contre, cet aspect-là - je dis bien cet aspect-là de la réforme -, vous le recevez comment ? Cette défiance-là, ça veut dire que les sondés, en tout cas, se disent qu'il y a un risque là ?
Moi, je le reçois, et comme je vous dis, je pense qu'il faut expliquer évidemment davantage, il faut bien réaffirmer, dire très clairement qu'il y a en effet des chaînes, d'ailleurs qu'il va y avoir une grande société, sur le modèle de Radio France, avec des antennes, des chaînes bien sûr clairement identifiées, comme c'est le cas à Radio France, et les Français y sont attachés, qu'ils seront libres, que bien sûr le pluralisme est là, que l'intérêt de ces chaîne c'est de prendre des risques, de proposer des programmes intéressants, de donner leur chance comme on ne pouvait pas le faire avant, peut-être à des nouveaux producteurs. C'est bien ça l'esprit de la réforme, c'est ça l'intérêt. Mais qu'il ne s'agit pas du tout d'aller et revenir à l'époque des années 1960, voire au début des années 1980, quand il y a eu, on s'en souvient, une purge massive à la télévision. On est dans une autre époque.
Je vous repose la question : pourquoi ne pas avoir inventé, dès lors que tout était en train d'être réinventé, un système qui garantisse clairement l'indépendance et coupe le cordon entre l'Etat et l'audiovisuel public ?
"Le cordon"... Qu'est-ce que vous voulez, de toute façon, je vous le dis, il y a des rédactions où, les journalistes, on les connaît. Ils sont indépendants, ils font leur métier, c'est tout. Et quand on regarde la situation en Europe, on voit bien qu'il y a des situations d'ailleurs très contrastées. La Belgique a un système très proche du nôtre ; en Angleterre, c'est en fait le gouvernement qui nomme tous les membres du Board, qui, à son tour nomme le président. Il y a toujours un lien et c'est assez logique, il y a très souvent un lien - pas en Allemagne, c'est vrai - mais il y a très souvent un lien entre l'actionnaire et les télévisions publiques dans un contexte de multiplicité, c'est assez logique. Ce lien, je dirais que c'est une responsabilité mais ce n'est pas une espèce de chaîne dictatoriale absurde qui n'aurait aucun sens, et qui n'est pas le but enfin, c'est ridicule !
Le CSA a donc décidé de faire appliquer un texte vieux de huit ans sur le temps de parole politique dans les médias qui assure de fait 70 % de temps de parole à la majorité, or parole présidentielle. Donc 30 % pour toutes les oppositions. Est-ce normal ?
C'est tout simplement la suite de la Constitution qui dit que "le président de la République a un statut vraiment très particulier en France". Ça a été confirmé par le Conseil d'Etat à de multiples reprises. En fait, c'est la continuation d'un système mais qui, en même temps, et ça c'est une réforme récente du CSA, a veillé à donner aussi la parole à des groupes politiques qui n'étaient pas forcément représentés au Parlement et qui ont aussi un temps de parole. Je crois qu'on est à l'intérieur d'une même logique, d'un même système.
Mais au final, quand on fait l'addition, ça fait donc le temps de parole présidentiel d'une part, 30 %, enfin un tiers pour le Gouvernement, un tiers pour la majorité, et 30 % donc pour ceux qui restent, c'est-à-dire opposition de gauche, de droite, différents mouvements, etc.
Oui. En même temps, c'est très [inaud.]. Je veux dire, c'est dans la Vème République, le président de la République, ce n'est pas un chef de parti, c'est tout. Et c'est, actuellement, on le voit bien, N. Sarkozy, il donnait sa conférence de presse l'autre jour à la fin du Conseil de l'Europe, il parlait de tout ce qu'il avait vu pendant la présidence française. Il a pris évidemment le temps d'expliquer, le temps de répondre aux questions. Voilà, ce n'est pas un chef de parti, c'était vraiment le président de l'Union européenne, le Président de la France. Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger.
Non, mais je ne mélange pas sur la question du président de la République, c'est simplement sur la question des partis, les 70-30, Gouvernement-majorité, 70, et le reste 30. Je pose juste la question de savoir si, au fond, c'est démocratique 70-30 ? Est-ce démocratique ?
C'est le système qui existe depuis de longues années...
Oui, et qui va être appliqué, là, maintenant...
Mais non, c'est un système qui est appliqué de toute façon, je veux dire, c'est le système en vigueur. Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2008
Non, ce n'est pas P. de Carolis, bien sûr, qui peut prendre un décret. En fait, qu'est-ce qui s'est passé ?
La décision, j'ai précisé...
P. de Carolis a annoncé dans ses conférences de presse, des programmes, qui déjà intégraient la fin de la publicité, c'est-à-dire, des programmes ambitieux, intéressants, avec d'ailleurs une vraie deuxième partie de soirée, et cela à partir du 5 janvier. Tout le monde est prêt, y compris les annonceurs. Et rien ne serait pire, évidemment, que retarder les choses, parce que ce n'est pas pour autant que les annonceurs reviendraient. Donc tout le monde est en l'ordre de marche. Alors après, sur la publicité, en fait, ça peut se faire de bien des façons. Ça peut se faire effectivement par décret, on en avait parlé, ça peut se être aussi une décision, une décision de ne plus commercialiser tout simplement les espaces de pub, à la demande du Gouvernement. Et après, la loi, de toute façon, arrive. Je rappelle que la compensation financière existe déjà. P. de Carolis ne pourrait pas le faire, s'il n'y avait pas la compensation financière. Mais elle a été votée en loi de finances, et elle vient d'être votée déjà dans la loi sur l'audiovisuel.
Donc, pour reprendre la chaîne de décision, une demande est partie du Gouvernement, de vous, donc...
Non, elle n'est pas encore partie, mais en effet, on va demander à P. de Carolis de prendre cette décision. Donc à la demande du Gouvernement, après de le présenter en conseil d'administration. Et puis, il va se passer ce qui est prévu déjà, c'est-à-dire la fin de la publicité, effectivement, à partir du 5 janvier.
Donc c'est un chef d'entreprise qui va prendre la décision pour son entreprise, c'est ça le raisonnement, on va dire, pour la suppression de la pub ?
Oui, tout à fait, dès l'instant que c'est compensé financièrement par la loi, ce qui est le cas.
Les 450 millions, c'est ça ?
C'est ça, c'est voté déjà en loi de finances.
Et ces 450 millions seront donc disponibles pour le jour où la décision sera prise ou effective, c'est-à-dire, le 5 janvier ?
C'est-à-dire, ce n'est pas ce jour-là que vous avez de 450 millions. C'est évident qu'à partir de ce jour-là, vous créez un besoin qui doit être ensuite compensé, mais ça, c'est précisément voté par la loi de finances et d'ores et déjà d'ailleurs, c'était l'article 18 de la loi de l'audiovisuel qui a été voté la semaine dernière.
Est-ce que les choses se passeront désormais comme ça, à savoir que le Gouvernement ordonne, et le patron de la télé publique exécute ?
Pas du tout. Vous savez, je crois...
Vous lui avez donné un ordre, là ?
Ce n'est pas un ordre du tout. On lui...
Il ne peut pas refuser en même temps.
Mais encore une fois, ce n'est pas du tout son intérêt. P. de Carolis a annoncé des programmes qui intègrent la suppression de la publicité tout simplement parce qu'on y travaille depuis des mois, des mois et des mois. Il y travaille depuis des mois, les annonceurs l'ont intégré, et donc, il l'a annoncé. Je dirais que c'est vraiment quelque chose qu'il porte, c'est tout. Alors on lui dit, effectivement, faites-le. Faite-le, pour bien montrer que ça...et surtout pour rappeler les garanties. La lettre, c'est plus une lettre qui dit : la compensation est là, l'argent est là, ça a été voté, c'est voté deux fois,"allez-y", plutôt que de dire "faites-le". Voyez, c'est ça l'idée.
Mais en même temps, on voit bien là que, la chaîne de décision et d'ordre, je redis le mot, puisque ç'en est un aussi d'une certaine manière, c'est comme ça que les choses peuvent se passer dorénavant, maintenant, que l'exécutif nomme le patron de l'audiovisuel public, les patrons de l'audiovisuel public ?
Mais absolument pas. Je crois qu'il faut être très clair là-dessus, je pense qu'il y a beaucoup d'ambiguïté. Qu'est-ce qu'on veut - et c'est un vieux débat ? Est-ce que l'Etat actionnaire va jusqu'au bout de ses responsabilités ? C'est l'Etat qui garantit les financements, qui fournit les ressources, c'est l'Etat qui fixe les missions. À partir de là, l'idée en effet, c'est que l'Etat nomme aussi les dirigeants, mais nomme les dirigeants, avec évidemment des verrous. Ça veut dire les nomme au milieu d'un débat public, parce qu'on voit à quel point ça passionne. Vous savez que nous entamons notre quatrième semaine de débats, pas la troisième, la quatrième ! C'est une des choses les plus longues. Il y a d'ailleurs une obstruction énorme au Parlement. Donc il y a un débat public, il y a ensuite un avis du CSA qui vote à bulletin secret, et il y a ensuite un débat au Parlement, à l'Assemblée nationale et au Sénat, avec une majorité qualifiée nécessaire. Donc c'est vous dire que toutes les garanties sont prises. À partir de là, il y a un dirigeant qui est nommé, qui a évidemment la responsabilité de son entreprise. Le tout, dans un paysage extrêmement divers. Parce que j'entends parler de l'ORTF toute la journée, mais enfin, aujourd'hui, tout le monde va avoir 18 chaînes dans la France entière dans deux, trois ans, les gens ont une multiplicité d'offres, naturellement, il y a le câble, il y a le satellite, il y a Internet, les pratiques ont complètement changé. Qu'il y ait des chaînes publiques avec des actionnaires qui prennent leurs responsabilités, je trouve que ça ne veut pas dire du tout une espèce de dictature. On sait très bien comment ça se passe : il y a des rédactions qui sont évidemment indépendantes, qui vont le rester, il faut que les chaînes...elles ont besoin d'ailleurs de liberté, liberté éditoriale.
Mais pourquoi n'avoir pas choisi de garantir l'indépendance en inventant un système très clair de ce point de vue-là, plutôt que vous soyez obligée de venir dire que l'indépendance est certaine et acquise, etc. ? Vous avez vu le sondage dans le Parisien, hier : 74 % des Français sont contre cette mesure-là !
Vous dites aux Français : "est-ce que le président de la République nomme directement... ?" Ils vont dire, a priori, qu'ils ne sont forcément pour. Mais je crois qu'il faut se replacer dans cette logique, encore une fois de responsabilité, de multiplicité de l'offre. Les gens ne sont plus prisonniers d'une chaîne aujourd'hui, je veux dire que ce n'est pas le temps où vous aviez trois chaînes et puis vous étiez scotché devant, et en général vous ne faisiez rien d'autre. Non, aujourd'hui, vous voyez bien, c'est Internet, c'est la TNT, il y a une grande multiplicité. Il y aura la liberté aussi de choisir des dirigeants qui n'auraient pas été candidats. Je pense à une personnalité disparue que j'aimais beaucoup, mettons Jean Drucker, président de M6, grand homme de télé. Si à un moment donné il avait rêvé de devenir président de France Télévisions, il n'aurait pas été candidat dans l'actuel système parce qu'il fallait prendre des risques, qu'il fallait évidemment être sûr de vouloir lâcher son entreprise actuelle. Là, on peut aller chercher des gens dont on se dit qu'ils sont peut-être particulièrement intéressants, et après, il faut qu'ils franchissent l'étape CSA, il faut qu'ils franchissent l'étape Parlement, et puis après il faut faire confiance naturellement. Je suis vraiment dans cet état d'esprit.
Sur le fait que, les Français interrogés dans ce sondage CSA-le Parisien, publié hier dans le Parisien Dimanche, indiquent à 74 % qu'ils sont contre, cet aspect-là - je dis bien cet aspect-là de la réforme -, vous le recevez comment ? Cette défiance-là, ça veut dire que les sondés, en tout cas, se disent qu'il y a un risque là ?
Moi, je le reçois, et comme je vous dis, je pense qu'il faut expliquer évidemment davantage, il faut bien réaffirmer, dire très clairement qu'il y a en effet des chaînes, d'ailleurs qu'il va y avoir une grande société, sur le modèle de Radio France, avec des antennes, des chaînes bien sûr clairement identifiées, comme c'est le cas à Radio France, et les Français y sont attachés, qu'ils seront libres, que bien sûr le pluralisme est là, que l'intérêt de ces chaîne c'est de prendre des risques, de proposer des programmes intéressants, de donner leur chance comme on ne pouvait pas le faire avant, peut-être à des nouveaux producteurs. C'est bien ça l'esprit de la réforme, c'est ça l'intérêt. Mais qu'il ne s'agit pas du tout d'aller et revenir à l'époque des années 1960, voire au début des années 1980, quand il y a eu, on s'en souvient, une purge massive à la télévision. On est dans une autre époque.
Je vous repose la question : pourquoi ne pas avoir inventé, dès lors que tout était en train d'être réinventé, un système qui garantisse clairement l'indépendance et coupe le cordon entre l'Etat et l'audiovisuel public ?
"Le cordon"... Qu'est-ce que vous voulez, de toute façon, je vous le dis, il y a des rédactions où, les journalistes, on les connaît. Ils sont indépendants, ils font leur métier, c'est tout. Et quand on regarde la situation en Europe, on voit bien qu'il y a des situations d'ailleurs très contrastées. La Belgique a un système très proche du nôtre ; en Angleterre, c'est en fait le gouvernement qui nomme tous les membres du Board, qui, à son tour nomme le président. Il y a toujours un lien et c'est assez logique, il y a très souvent un lien - pas en Allemagne, c'est vrai - mais il y a très souvent un lien entre l'actionnaire et les télévisions publiques dans un contexte de multiplicité, c'est assez logique. Ce lien, je dirais que c'est une responsabilité mais ce n'est pas une espèce de chaîne dictatoriale absurde qui n'aurait aucun sens, et qui n'est pas le but enfin, c'est ridicule !
Le CSA a donc décidé de faire appliquer un texte vieux de huit ans sur le temps de parole politique dans les médias qui assure de fait 70 % de temps de parole à la majorité, or parole présidentielle. Donc 30 % pour toutes les oppositions. Est-ce normal ?
C'est tout simplement la suite de la Constitution qui dit que "le président de la République a un statut vraiment très particulier en France". Ça a été confirmé par le Conseil d'Etat à de multiples reprises. En fait, c'est la continuation d'un système mais qui, en même temps, et ça c'est une réforme récente du CSA, a veillé à donner aussi la parole à des groupes politiques qui n'étaient pas forcément représentés au Parlement et qui ont aussi un temps de parole. Je crois qu'on est à l'intérieur d'une même logique, d'un même système.
Mais au final, quand on fait l'addition, ça fait donc le temps de parole présidentiel d'une part, 30 %, enfin un tiers pour le Gouvernement, un tiers pour la majorité, et 30 % donc pour ceux qui restent, c'est-à-dire opposition de gauche, de droite, différents mouvements, etc.
Oui. En même temps, c'est très [inaud.]. Je veux dire, c'est dans la Vème République, le président de la République, ce n'est pas un chef de parti, c'est tout. Et c'est, actuellement, on le voit bien, N. Sarkozy, il donnait sa conférence de presse l'autre jour à la fin du Conseil de l'Europe, il parlait de tout ce qu'il avait vu pendant la présidence française. Il a pris évidemment le temps d'expliquer, le temps de répondre aux questions. Voilà, ce n'est pas un chef de parti, c'était vraiment le président de l'Union européenne, le Président de la France. Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger.
Non, mais je ne mélange pas sur la question du président de la République, c'est simplement sur la question des partis, les 70-30, Gouvernement-majorité, 70, et le reste 30. Je pose juste la question de savoir si, au fond, c'est démocratique 70-30 ? Est-ce démocratique ?
C'est le système qui existe depuis de longues années...
Oui, et qui va être appliqué, là, maintenant...
Mais non, c'est un système qui est appliqué de toute façon, je veux dire, c'est le système en vigueur. Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 décembre 2008