Déclaration de M. William Villeneuve, président de Jeunes Agriculteurs, sur les prix des matières premières agricoles, l'installation des jeunes agriculteurs, les aides à l'agriculture et la PAC, La Daguenière (Maine-et-Loire, le 14 septembre 2008.

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Circonstance : Finale nationale du Labour à La Daguenière (Maine et Loire) le 14 septembre 2008

Texte intégral


Merci à tous d'avoir répondu présents, aussi nombreux pour célébrer la 55ème finale de labour. Une fête sous le signe de la préservation de l'eau, une fête qui célèbre la « Terre attitude ».
Merci aux jeunes agriculteurs de ce beau département, très diversifié par ses productions, d'avoir relevé le défi de l'organisation d'une telle manifestation, avec à vos côtés de nombreux partenaires qui ont fait preuve d'unité.
Christophe (Réveillère) et Frédéric (Brosselier), vous avez relevé d'une main de maître ce formidable pari avec votre tout récent « aîné », je pense bien évidemment à Emmanuel Lachaize.
Nous avons fêté pendant trois jours l'agriculture, avec convivialité et passion.
[Conjoncture, bilan de santé de la PAC, filières]
Ce fût également l'occasion de prendre le pouls d'une rentrée syndicale intense, mais très contrastée. Les jeunes agriculteurs sont par nature optimistes mais il règne une certaine morosité ambiante à laquelle nous devons prêter attention.
Nous nous sommes réjouis de la hausse récente du prix des matières premières agricoles, heureuse surprise de l'année 2007 mais indépendante de notre volonté, il faut bien le reconnaître. Vient le temps du « reflux » de ces mêmes prix.
Entre temps, rien n'a changé et en même temps, tout a changé.
Rien n'a changé car passée l'euphorie, les questions que nous nous posions en 2007 demeurent les mêmes :
Comment parviendra-t-on à installer des jeunes agriculteurs demain, partout et dans toutes les filières ? Les territoires vivants vous tiennent à coeur monsieur le ministre, nous aussi !
Comment installer des jeunes qui vivent de leur métier ? Comment installer des jeunes qui passent le cap des premières années difficiles grâce à un accompagnement ciblé et des outils économiques au rendez vous en cas de coup dur !
Comment faire en sorte que des jeunes accèdent à des exploitations à coût raisonnable ?
Comment rassurer notamment des jeunes éleveurs, des jeunes viticulteurs, des jeunes maraichers inquiets de la pérennité de leur outil de travail, acculés parfois par des charges en hausse et contraints par des prix de vente que l'on ne maîtrise pas et qui font le beau jeu des intermédiaires ?
Ces questions demeurent toujours en suspens.
C'est vrai que l'on a redécouvert le métier d'agriculteur, sa vocation nourricière, sa mission énergétique, son impact sur les territoires.
Mais, passés les ambitions et les discours, la restructuration de l'agriculture française s'annonce à grand pas. Et les premiers perdants, sont les jeunes qui pensent à s'installer dès à présent ou demain.
Car je vous le disais, tout a changé depuis un an.
Sous prétexte d'une embellie des prix des céréales, du lait, ont été entreprises des réformes à marche forcée, les pressions régulatrices ont été relâchées, en se disant que « le sacro saint marché ferait peut-être bien les choses ».
Fin annoncée des quotas laitiers, fin de l'intervention en céréales, fin de la jachère, remise en cause des droits de plantation : pour résumer : fin de la maîtrise des volumes. Où sont les atterrissages en douceur tant promis par la Commission européenne ? Quelles alternatives nous a-t-on annoncées ?
Gérer les marchés, c'est pourtant mieux que gérer les crises ! Et surtout plus économe pour les budgets publics !
Le réveil risque d'être douloureux pour l'agriculture française, il l'est déjà pour les jeunes installés, en mal de trésorerie !
On aurait pu envisager que le modèle d'une agriculture plus durable oriente la restructuration de notre agriculture de demain, au vu notamment des discussions issues du Grenelle de l'environnement.
Or, ce sont la volatilité des cours des matières premières agricoles et la loi du marché qui dessineront la restructuration des exploitations françaises de demain.
Avec, entre parenthèses, un effet dévastateur sur l'accès aux terres agricoles. La conjoncture agricole de 2007 a fait flamber le prix du foncier agricole, le rendant encore plus inaccessible pour les jeunes.
Nous n'avions pas besoin de cela tant il est convoité. Nous sommes inquiets pour la nouvelle génération. Mais il n'est jamais trop tard, pour peu que l'on se mette à y croire.
Qu'attend-t-on réellement du bilan de santé de la PAC ? Et du débat sur l'après 2013 ?
Sur le bilan de santé de la PAC, la réorientation des aides est essentielle pour soutenir l'élevage. Elle
n'est malheureusement qu'un pansement pour assurer la pérennité des filières.
Nous prônons depuis plusieurs mois la flexibilité des aides européennes pour mieux soutenir les productions en crise. Rien ne semble envisagé sur ce terrain là.
Car le tout n'est pas d'enlever aux uns pour redonner aux autres « ad vitam aeternam ».
Le tout est d'octroyer des filets de sécurité à ceux qui en ont le plus besoin, au moment où ils en ont le plus besoin. Pour favoriser à tout prix eurose maintien d'actifs dans nos territoires ruraux.
La réflexion est identique en matière de gestion des risques économiques rencontrés par les exploitations. Où sont les outils ambitieux poussés par la France ?
La Dotation Pour Aléas n'est certainement pas le remède à tous les maux, certainement pas pour les jeunes agriculteurs !
Elle ne peut pas être considérée comme la seule réponse aux coups durs » qui peuvent survenir dans une carrière, notamment en début. Les jeunes agriculteurs n'ont pas la capacité d'épargner. Il doit leur être offert la possibilité de s'assurer économiquement dès les premiers incidents de parcours.
Et puis parlons des risques sanitaires et des crises à répétition : nous militons pour une véritable solidarité tripartite : Etat/Europe/profession agricole concernant la fièvre catarrhale ovine.
Où en est la prise de conscience depuis un an ? C'est même pire qu'il y a un an en termes de catastrophe sanitaire ! La vaccination est une priorité, une urgence. L'indemnisation des éleveurs une obligation.
Mais il est dommage que tous ces sujets soient souvent tabous au niveau européen, parfois même au sein des administrations françaises.
On nous parle de légitimité de nos soutiens publics. Et bien par la flexibilité des aides nous y répondons. Par la prise en compte des crises, nous y répondrons pour le bénéfice du consommateur au service de notre souveraineté alimentaire !
Et puis, ne prenons pas prétexte du bilan de santé pour baisser la garde sur le maintien d'un budget agricole digne de ce nom.
Non pas par principe ou simple revendication syndicale mais bien pour servir un modèle européen d'agriculture, durable, et qui assure notre souveraineté alimentaire. Investissons dans les régulations de marchés plutôt que dans les crises.
Tout cela a un prix. La préférence communautaire que nous appelons de nos voeux, ce sont des normes harmonisées entre pays, des importations contrôlées mais également un accompagnement des producteurs européens pour répondre aux standards européens. D'autres continents le pratiquent très bien !
Mais rassurez vous, nous voulons prendre notre avenir en main. S'organiser, au sein de filières fortes, c'est aussi assurer l'avenir des agriculteurs, c'est assurer leur pérennité et le renouvellement de ce métier.
C'est pour cela que nous revendiquons des organisations communes de filières au niveau européen.
Au niveau franco français, bien sur que nos interprofessions doivent être fortes : mais jusqu'à quand acceptera-t-on de se soumettre à un droit de la concurrence injuste, qui fait la part belle à la concentration des acteurs de l'aval ?
La filière laitière a failli en payer le prix fort ces derniers jours. Alors qu'elle était la première à s'organiser ! Comment ne pas décourager les filières qui peinent à le faire aujourd'hui ?
Nous ne savons plus sur quel pied danser ! Alors que dans le même temps, le Premier ministre n'hésite pas à réaffirmer que les interprofessions sont nos seuls voies de salut. C'est à y perdre son latin !
Nous, les Jeunes Agriculteurs, voulons également poser le débat de la nécessaire interdépendance des filières via la contractualisation de volumes à prix raisonnables et raisonnés. La hausse des charges liée aux intrants doit accélérer notre réflexion.
Cela dépasse une certaine solidarité ponctuelle de court terme dont nous avons entendu parler.
Travailler tous ensemble nous n'avons pas d'autres choix, mais nous devons faire ce choix tous ensemble, en coordination avec l'Etat.
Alors, si la conférence annoncée sur les revenus doit amener les régions françaises à se livrer une guerre ouverte, cela ne sert à rien. Plutôt que de revenus, allons plus loin et parlons de conférence sur les filières et sur leur interdépendance ! Sur la contractualisation entre elles, la maîtrise des volumes !
[Bilan énergétique et en intrants]
Autre sujet de préoccupation : la facture énergétique, la facture des intrants sur nos exploitations.
Les jeunes étaient les premiers à réagir sur ce sujet fin mai début juin. Ce sont les mêmes qui, à 49% selon un sondage présenté par la France agricole et BVA, à entreprendre un bilan énergétique de leurs exploitations. Les jeunes ont bien compris que les économies d'énergie étaient leur meilleur investissement !
Nous n'avons pas d'autres choix que de réduire notre consommation comme de diversifier nos sources d'énergie ou d'intrants.
On nous avait annoncé la possibilité pour tous les jeunes installés de bénéficier gratuitement d'un bilan énergétique au moment de leur entrée dans le nouvel accompagnement à l'installation ?
Qu'en est-il du financement des ces bilans énergétiques, au niveau de l'État et après trois mois de sollicitation de grandes entreprises privées, ici présentes d'ailleurs ?
Tout cela ne doit pas être qu'un coup d'épée dans l'eau. Car les factures n'attendent pas !
Nous ne pourrons parler d'agriculture durable que le jour où elle sera économiquement et écologiquement performante !
[RGA]
Pour terminer, je voulais revenir au sujet qui nous occupe depuis des mois, je veux parler du nouvel accompagnement à l'installation.
Je n'ose plus croire à une date où nous pourrons trouver une issue favorable tant l'accouchement de ces mesures est long et laborieux. Ou plutôt si, c'est maintenant et de façon concrète.
Aujourd'hui, le temps joue contre nous, l'ensemble des partenaires de l'installation doutent de plus en plus .... les jeunes également. C'est plus grave .... et notre réseau est très impatient !
Rassembler autour d'une même table tous les partenaires de l'installation pour mener ensemble une politique à l'installation unique, c'est bien dans ce sens que nous avons travaillé, nous les Jeunes Agriculteurs, avec vous, monsieur le Ministre et les régions de France.
30 ans de politique à l'installation ne peuvent être réduits à néant pour de simples considérations politiques.
Nous n'avons d'autres choix que de travailler ensemble à l'avenir, tout cela au service des jeunes, en mettant de côté toute querelle politicienne. Vous êtes celui dont nous attendons la décision, avec grande fermeté et responsabilité.
Sans faire table rase du passé pour autant : nous avons un savoir faire sur le dossier de l'installation que nous pouvons mettre à profit. Personne ne peut nous le contester.
Comprenez bien que le rôle que nous pouvons jouer doit être inscrit dans le marbre car nous sommes légitimes tant en termes de représentativité que d'expertise technique : au niveau départemental mais également au niveau régional.
- Le département, est bien le lieu de proximité, d'accueil du jeune, à travers le Point Info. Installation qui sera professionnalisée. C'est la porte d'entrée unique pour le jeune. C'est là qu'il trouve une écoute et un conseil pour faire aboutir son projet, auprès des bons partenaires. Nous ne revendiquons ni militantisme, ni concentration des missions au sein du PII.
Seule l'information du candidat compte, l'information de tous les candidats ! Pour que tous les projets qui feront vivre les territoires et qui seront viables trouvent une issue favorable !
Les candidats comptent aussi sur la gratuité du nouvel accompagnement qui leur est offert.
Attention à ne pas recréer des nouvelles structures de conseil au niveau départemental. Ce n'est pas dans l'air du temps, ni raisonnable financièrement ! Il n'y a pas de place pour une politique clientéliste de l'installation !
- Concernant le niveau régional, nous devons travailler en concertation, avec les financeurs de la formation que sont notamment les régions. C'était déjà le cas par le passé, ce sera encore plus vrai demain. Mais sans faire de politique politicienne ! cela ne nous concerne pas !
Nous devons travailler dans le respect des projets et des profils du jeune.
Et des grandes orientations de !a politique nationale et européenne de l'installation. C'est une politique qui donne la chance à chacun de pouvoir s'installer, en toute équité, quel que soit le territoire.
Nous ne voulons pas perdre cette cohésion nationale. Ni dans les orientations, ni dans les financements !
C'est bien dans ce sens, que vous avez confirmé, monsieur le Ministre, en accord avec le Premier ministre la poursuite des aides à l'installation, qu'il s'agisse de la Dotation Jeunes Agriculteurs (entre parenthèses un peu malmenée par le projet de décret installation) ou de prêts bonifiés jeunes agriculteurs. Le rapport porté par le député européen Véraldi démontre toute l'utilité de ces dispositifs.
La DJA et les prêts bonifiés constituent un accompagnement financier incontournable et uniforme, pour chaque jeune, grâce à la complémentarité de ces deux outils.
C'est un budget qui ne doit être hypothéqué ni à la fin de l'année, ni l'année prochaine. Personne ne comprendrait que l'on ne mise pas sur le renouvellement des générations en agriculture !
Les crédits de l'installation sont également ceux affectés au FICIA....comme ceux destinés au financement du Plan de professionnalisation personnalisé.
L'Etat ne doit pas se désengager financièrement des politiques d'accompagnement à l'installation. Les gels budgétaires qui se discutent dans les couloirs nous préoccupent fortement. Nous avons besoin d'être rassurés
En corrélation bien sûr avec les collectivités territoriales ou les fonds de formation professionnelle, je ne les oublie pas. Et dans ce registre, nous attendons depuis des mois qu'ils puissent s'impliquer dans ce nouvel accompagnement via des modifications législatives.
Certains syndicats seraient bien tentés de nous contester notre action au service de l'installation, notre action au service des agriculteurs.
Nous travaillons pour un idéal d'agriculture, une vision ambitieuse pour une agriculture nombreuse, dynamique, humaine, porteuse de valeur ajoutée. Une vision sans fatalisme, ni complaisance pour les idées reçues, les évolutions soit disant inéluctables.
L'agriculture a besoin de grandes décisions, d'orientations fortes portées par des responsables qui ont foi en elle. Suivre les grandes tendances, c'est tout sauf difficile. Les orienter, les aménager, c'est une vraie responsabilité politique.
Pour que durent encore ces grands rassemblements qui fêtent, la terre ainsi que les femmes et les hommes qui la cultivent. Je vous souhaite tous de conserver la « Terre Attitude ».
Je vous remercie
source http://www.cnja.com, le 17 septembre 2008