Déclaration de M. William Villeneuve, président de Jeunes Agriculteurs, sur le poids de l'agriculture européenne et française dans le secteur d'activité des industries agricoles et l'installation des jeunes agriculteurs dans le cadre de la PAC, Talloires le 21 septembre 2008.

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Circonstance : Séminaire du Centre européen des Jeunes Agriculteurs (CEJA)à Talloires le 21 septembre 2008

Texte intégral


Monsieur le ministre de l'Agriculture et de la Pêche,
Monsieur le président du conseil régional,
Monsieur le président du conseil général,
Monsieur le président du CEJA,
Chers jeunes agriculteurs venus de toute l'Europe,
Ce n'est pas sans une certaine fierté que je vous accueille à Talloires, près d'Annecy pour ce séminaire du Centre Européen des Jeunes Agriculteurs, en parallèle du conseil informel des ministres de l'agriculture.
Déjà en 2003, nous avions eu l'honneur d'accueillir des jeunes agriculteurs lors d'un congrès mondial organisé à Paris. En 2005, ce fût à l'occasion d'un séminaire du CEJA à Strasbourg.
Notre candidature pour ce mois de septembre s'est rapidement imposée quand nous avons appris que Michel Barnier, notre ministre français, organisait un conseil informel des ministres de l'agriculture européen à Annecy.
Je tiens à le remercier très sincèrement d'avoir facilité l'organisation de notre séminaire et fait en sorte que nous puissions rencontrer, lors de moments privilégiés, nos ministres respectifs de l'agriculture. Ces temps d'échange sont très précieux. Je laisserai Peter vous en dire plus sur le programme de ce séminaire.
L'agriculture européenne, l'agriculture française pour ce qui nous concerne, sont le symbole, le patrimoine comme l'avenir de notre modèle de développement économique, social et territorial.
L'agriculture est une ligne directrice commune au sein de tous nos Etats, preuve en est de votre présence nombreuse. « Toute le monde parle d'Europe, seule l'agriculture vit l'Europe » aime à dire Michel Barnier.
En France, le secteur agricole est un des piliers forts de notre croissance économique interne.
L'agriculture et ses débouchés occupent le deuxième rang mondial pour les exportations agroalimentaires. Elle mobilise près de 14% de la population active.
Soit 2,2% du PIB de la France. C'est plus que le secteur de l'énergie ou celui de l'automobile.
Elle représente 550 000 exploitations agricoles, 830 000 actifs agricoles.
C'est un secteur structurant pour notre économie, vous l'aurez compris !
Et ce, grâce à une activité très diversifiée en termes de productions, de types d'exploitations et d'industries agro-alimentaires.
Je vous invite à discuter avec l'ensemble des jeunes agriculteurs français présents ici pour vous rendre compte de cette diversité. Et comprendre pourquoi nous y attachons tant d'importance dans nos débats au sein du CEJA. Je vous promets que nous feront des efforts pour vous parler anglais !
L'agriculture, c'est aussi une activité qui attire de nombreux jeunes candidats à l'installation.
Nous comptons 10 000O installations de jeunes agriculteurs par an dont 6 000 sont aidées par un accompagnement de l'Europe, de l Etat et des collectivités territoriales.
Il est vital de soutenir l'installation des jeunes pour maintenir des paysans nombreux sur l'ensemble du territoire. Nous avons l'habitude de dire que nous préférons avoir des voisins plutôt que des hectares !
Soutenir l'installation, c'est aussi créer et pérenniser de nombreux emplois : un actif agricole crée 5 emplois en amont et en aval dans notre pays ;
Cela est également vital pour maintenir une population rurale, des services publics et une économie locale partout sur le territoire, quelle que soit l'altitude et les contraintes, quelles que soient les filières.
Nous, les Jeunes Agriculteurs, défendons en France des installations, viables, c'est-à-dire économiquement rentables mais aussi « vivables », privilégiant la qualité de vie et de travail.
Etre agriculteur, c'est plus qu'un projet professionnel, c'est un véritable projet de vie !
Notre agriculture française n'aurait pu se développer sans la vision éclairée et pragmatique des pères fondateurs de l'Europe qui lancèrent la première politique agricole européenne en 1962 basée sur la préférence communautaire. Avec un seul but, l'autosuffisance alimentaire.
Une politique qui a nourri les Européens, qui privilégie la qualité de nos produits comme la préservation de notre environnement, de notre biodiversité.
Une politique qui assure notre souveraineté alimentaire aujourd'hui, une politique très stratégique également au niveau commercial.
Et cette politique est plus que jamais d'actualité à vrai dire ! Ne ratons pas le grand rendez vous de l'après 2013, sujet à l'ordre du jour de notre séminaire.
Certes, le contexte agricole a changé : nous constatons une forte volatilité des prix, nous sommes soumis à une libéralisation des marchés, les productions non alimentaires se développent.
Il n'en demeure pas moins vital que conserver une politique agricole forte, dotée d'un budget conséquent, à la hauteur des ambitions que nous assignions à notre agriculture européenne.
Peut-être faudra-t-il faire évoluer les règles de cette future politique agricole. Nous n'y sommes pas opposés.
A partir du moment où nous avons bien fixé ensemble des objectifs communs, qui rassemblent les 27 pays de notre Union.
Ayons le débat sur l'urgence de relever le défi alimentaire dans toutes les grandes régions du monde.
En Europe, nous avons le devoir d'assurer une alimentation accessible à tous, saine, de qualité. En maîtrisant la sécurité de nos approvisionnements, en rémunérant les producteurs à un juste prix.
Nous pensons également que l'Europe doit relever le défi de l'environnement. C'est l'une des spécificités de notre modèle agricole européen. Cela doit être une position partagée par l'ensemble des pays, pas une lubie d'un seul pays : ce qui n'a aucun effet sur l'environnement. Soyons visionnaires à 27 !
Enfin, nous nous devons de relever le défi de l'emploi et de l'aménagement des territoires. En France, nous disons souvent que la France est belle parce qu'elle est cultivée. Le dynamisme de notre tourisme rural est là pour en témoigner !
Mais, ces ambitions doivent s'accompagner d'outils, de politiques adaptés.
Sachons tirer les expériences du passé, de l'efficience de nos politiques agricoles, autour par exemple de la régulation des marchés, de la maîtrise des volumes de production.
Sous prétexte d'une embellie des prix des céréales, du lait, ont été entreprises des réformes à marche forcée, les pressions régulatrices ont été relâchées, en se disant que « le sacro saint marché ferait peut-être bien les choses ».
Fin annoncée des quotas laitiers, fin de l'intervention en céréales, fin de la jachère, remise en cause des droits de plantation : pour résumer : fin de la maîtrise des volumes.
Où sont les atterrissages en douceur tant promis par la Commission européenne ? Quelles alternatives nous a-t-on annoncées ? Aucunes !
Alors que dans le même temps, la conjoncture et les prix des matières premières agricoles se sont dégradés ! Le climat, les marchés sont devenus imprévisibles !
Gérer les marchés, c'est pourtant mieux que gérer les crises ! Et surtout plus économe pour les budgets publics !
En Europe mais également dans le monde.
Les émeutes de la faim qui ont touché les pays africains doivent nous amener à réfléchir différemment les échanges commerciaux mondiaux.
La crise financière mondiale nous rappelle combien les mécanismes de régulation des marchés sont essentiels !
Notre responsabilité est grande, nous les Européens devons en être conscients.
Soyons innovants dans les propositions.
En France, nous avons commencé à réfléchir à de nouvelles formes d'accompagnement des agriculteurs. Des évolutions dont nous avons commencé à discuter à l'occasion du bilan de santé de la PAC.
A titre d'exemple, nous ne serions pas opposés à parler de flexibilité des aides européennes, d'ajustement des aides en fonction des marchés. Les aides doivent pallier des conjonctures économiques difficiles. Même si tout agriculteur doit pouvoir être assuré d'un minimum de soutien public pour répondre à nos standards européens.
Pourquoi ne pas s'intéresser également à des outils de gestion des risques et des marchés pour sécuriser le revenu des agriculteurs ? Par des assurances, des filets de sécurité en cas de coup dur sur nos exploitations ?
Pourquoi encore ne pas tenir compte des actifs, de la présence d'agriculteurs nombreux pour parler de l'avenir du soutien en agriculture ? Les DPU versés à l'hectare n'ont jamais fait rêver les jeunes agriculteurs. Car dans la course au foncier, aux hectares, ils seront toujours perdants !
Si nous sommes là, c'est pour mieux réfléchir au lendemain.
Nous sommes là pour donner du sens et un idéal à notre modèle agricole européen.
C'est bien là tout le rôle des jeunes agriculteurs européens : se projeter dans les idées pour mieux proposer ! Nous ne devons pas être fatalistes ! Nous devons être prospectifs !
Nous croyons en une Europe forte, une Europe politique, une Europe économique, une Europe palliant les crises sanitaires. Cela n'est pas encore le cas quand nous voyons toutes les distorsions de concurrence qui peuvent exister entre les pays, y compris au niveau agricole.
Mais il n'y aura d'Europe forte sans agriculture forte, sur tout le territoire des 27 Etats membres.
Et c'est grâce à des jeunes agriculteurs nombreux, innovants, porteurs de valeur ajoutée que nous pourrons y parvenir.
Des jeunes agriculteurs structurés, qui se rassemblent autour d'une même cause.
En France, notre syndicat regroupe 50 000 adhérents. Notre force de lobbying tient beaucoup à notre indépendance de fonctionnement.
Le CEJA est notre porte parole européen. Mais il doit être plus fort, il doit proposer et se projeter dans l'avenir.
Nous avons des intérêts communs : sachons les exprimer, plus que nos différences.
Je souhaite que ce séminaire soit l'occasion d'un débat intense et riche de toutes vos idées.
Si je pouvais exprimer un souhait, ce serait celui de pouvoir répondre aux questions suivantes ?
Il n'aurait pas pu se tenir sans la participation de nos partenaires qui nous accompagnent régulièrement dans nos actions événementielles.
Il n'aurait pas pu avoir lieu sans la participation forte du réseau des Jeunes agriculteurs, tant au niveau national, régional que départemental.
Je voulais remercier plus particulièrement Dominique Despras et Guillaume Burgat, président de ce beau département. Vous nous avez concocté deux belles visites pour demain.
Merci à tous d'avoir répondu présents et sans plus tarder, je vous souhaite de bons travaux.
Source http://www.cnja.com, le 25 septembre 2008