Texte intégral
M.-B. Allaire.- Vous avez réuni hier soir vos homologues de l'Union européenne. Depuis samedi, début de l'offensive israélienne sur Gaza, il y a plus de 370 morts. Est-ce que finalement cette réunion de l'Union européenne n'aurait pas pu avoir lieu plus tôt ?
C'est déjà formidable qu'elle ait eu lieu avant la fin de la présidence française - c'est aujourd'hui la fin de la présidence française. Ils étaient répartis à travers le monde, ces ministres, et ils sont venus en deux jours, les 27, et nous avons travaillé un texte dans des circonstances extrêmement difficiles. Faites attention aux chiffres, il faut parler à la Croix Rouge Internationale, il faut parler aux observateurs précis. Nous verrons bien. J'espère qu'ils seront moins élevés que ceux que vous avez cités.
Alors, justement, vous appelez à un cessez-le-feu pour une action humanitaire immédiate. Vous avez eu le ministre de la Défense, E. Barak, au téléphone, qu'est-ce qu'il en dit ?
Tous les ministres, les 27 que vous avez cités, ont tous les jours au téléphone leurs homologues, à travers le monde. La diplomatie c'est avant tout des coups de téléphone. Bien sûr, j'ai eu tous ces gens, des Russes aux Américains, des chefs d'Etats arabes et des ministres des Affaires étrangères, bien sûr aux Israéliens et tous les Européens. Et ça change tout le temps. Il y a des analyses différentes selon les pays. Mais en gros, hier, il y a eu un accord qui d'ailleurs suivait un accord du quartet, parce que pendant deux heures nous avons parlé avec monsieur Ban Ki-Moon, le secrétaire général, madame C. Rice...
L'Union européenne, l'ONU, les Russes...
... T. Blair, les Russes, et puis J. Solana et moi-même. Donc il y a une convergence pour demander un cessez-le-feu immédiat. Trêve humanitaire si l'on veut, mais il faut que ce cessez-le-feu, qui permettrait l'accès humanitaire, soit permanent et respecté, parce qu'on a connu beaucoup de cessez-le-feu qui n'ont pas été respectés. Alors, là-dessus, nous étions tous d'accord, avec des mesures que vous avez vues dans le papier, avec un rôle de l'Union européenne qui pourra être développé, que nous proposons, et surtout l'accès aux victimes, bien entendu.
Alors, justement, ce matin, on apprend que le cabinet de sécurité israélien se réunit pour discuter d'un cessez-le-feu. On parle d'un cessez-le-feu de 48 heures ; c'est une hypothèse plausible, probable ?
Je connais plein de cessez-le-feu de 48 heures qui ont été définitifs, et puis des tas de cessez-le-feu qui n'ont jamais eu lieu. Donc nous verrons bien, mais il y a une proposition d'E. Barak, en effet, le ministre de la Défense israélien. Il y a cette nuit aussi, non pas un accord, et de quelle fraction du Hamas, je ne sais pas, mais en tout cas des dirigeants du Hamas qui trouvent intéressante la proposition française devenue proposition européenne, vous l'avez dit. Nous verrons bien. Est-ce que c'est pour aujourd'hui, est-ce que c'est pour demain, de toute façon, horriblement tard...
Donc toutes les choses semblent bouger quand même un petit peu, là, ce matin ?
C'est vous qui le dites, moi, j'attends de voir. J'espère, oui, j'espère.
Le Président Sarkozy rencontre demain T. Livni, la ministre des Affaires étrangères israélienne. Vous attendez quoi de cette réunion ?
J'attends qu'elle ait lieu.
On parle d'une visite ministérielle de l'Union européenne, l'Union européenne l'a annoncé. Alors, ce serait vous-même, votre homologue tchèque et le Suédois qui succèdera. Ou bien on parle aussi en Israël d'une visite du Président Sarkozy lui-même, lundi.
Oui, le Président et moi-même serons dans la région, puisqu'il a été tout à fait - enfin, depuis très longtemps - convenu que le Président...
Mardi, au sud Liban...
Oui, au sud Liban, parce qu'il y a nos soldats dans la FINUL, etc. Nous verrons bien s'il est possible d'aller en Israël.
Il y aurait donc une opportunité ?
Ce n'est pas précis pour le moment.
D'accord. Mais c'est envisagé ?
Madame, ce n'est pas précis pour le moment.
Bon, d'accord...
Mais vous savez, ces visites, ces téléphones, ça masque le fond. Le fond, c'est quoi ? Est-ce que oui ou non il y aura, un jour, de notre vivant, une paix au Moyen-Orient ? C'est bien de demander un cessez-le-feu, humanitaire ou pas, ce qu'il faut, c'est que les gens meurent moins. Mais qu'est-ce qu'il faut ? Qu'on retourne au processus de paix. L'affaire est politique, elle n'est pas militaire, contrairement à ce que l'on dit, malgré les horreurs que l'on voit à la télévision. Et donc, il faut absolument retourner à ce processus qui est pour le moment celui d'Annapolis. Ce que nous avons voulu souligner, et ceux qui ont beaucoup travaillé pour Annapolis, en particulier l'Union européenne, et les Français - conférence de Paris, etc. - veulent vraiment, de façon obstinée, qu'on retrouve le chemin de la paix. Alors, il y a plein d'éléments, plein de pays arabes divisés, les gouvernement sont divisés, les opinions sont différentes, sur un conflit de 60 ans, c'est normal. Ce que nous avons voulu faire à 27, ce n'est pas commode, vous savez 27, plus le Haut représentant, plus la Commission, etc.
Tout le monde n'est pas sur la même position, d'ailleurs, au sein de l'Union européenne...
Tout le monde n'est pas sur la même position explicative, sur l'histoire du conflit, sur les responsabilités, mais tout le monde... Je lis dans la presse : "L'Europe divisée" ; vous avez vu une Europe divisée qui, à 27, signe un texte, le même ? Elle n'est pas divisée, elle est unie. Mais, évidemment, les explications viennent, et des cultures, et des appréciations politiques, etc. Nous n'avons pas voulu faire une autre série d'explications, offrir au public une autre série d'explications mais des propositions. Nous avons formulé des démarches possibles. Est-ce que ça marchera ? Je l'espère, enfin, jusqu'au dernier moment. Le bonapartiste dont vous avez parlé, monsieur Duhamel, a fait un tout petit dernier effet.
Est-ce que vous avez l'impression qu'Israël se prépare réellement à une intervention terrestre, ou bien que ça serait une forme de bluff, finalement, pour amener le Hamas à négocier sur ses conditions ? Parce qu'au sud Liban, il y avait quasiment dix fois plus de réservistes qui avaient été mobilisés, que là. Alors, est-ce qu'on ne peut pas penser que c'est une forme de bluff de l'armée israélienne ?
Je vous laisse ces mots, madame, je n'en sais rien. J'ai vu, comme vous, qu'il y avait des préparatifs terrestres et je souhaite qu'il n'y ait pas d'action terrestre, parce que je pense qu'il n'y aura pas de solution terrestre et que ça ferait beaucoup de morts. Mais les militaires israéliens et les observateurs militaires constatent qu'il y a une très grosse concentration, que les réservistes israéliens ont été rappelés, au nombre de 6.500. J'espère que tout ça va s'apaiser. C'est pour ça que nous avons oeuvré, une fois de plus, et dans l'urgence. Ce qui a caractérisé le bonapartisme, c'est la réponse à l'urgence.
On parle souvent de l'impuissance de la Communauté internationale face à ce conflit, c'est même la porte-parole de J. Solana, le chef de la diplomatie européenne, qui disait : "la puissance n'est pas spécifique à l'Union européenne, elle est le fait de tout le monde". C'est un constat un peu désabusé tout de même.
Elle est le fait de RTL, de toutes les radios, de tous les médias. On fait ce que l'on peut, vous, nous. Et vous savez, les guerres, ce n'est pas simple à arrêter, surtout quand c'est lancé depuis un nombre de dizaines d'années exceptionnelles, qu'il y a la place pour, je l'espère, deux peuples et donc deux Nations sur le même territoire, avec des convoitises de part et d'autre, et des usages très... - comment dirais-je ? - réfléchis, manipulés, de cette crise. Alors, c'est normal. Mais d'ailleurs, J. Solana, je crois que sa porte-parole a un peu tort, il était là hier soir et il a travaillé, et nous avons pendant une heure et demie, je vous l'ai dit, aussi défini une position du quartet. On verra bien s'il peut y avoir une trêve... Le problème aussi était débattu, "une trêve humanitaire ce n'est pas suffisant", oui, mais ça peut commencer quelque chose. "Oui, mais ce serait mieux d'avoir une trêve définitive", certes, c'est mieux d'avoir une trêve définitive et même une paix définitive, mais, ça, voilà, nous le cherchons depuis longtemps. Il faut retourner à la discussion et au processus de paix. Il y a une autorité palestinienne, il faut que les Palestiniens, ensemble, ceux qui sont à Gaza, ceux qui sont en Cisjordanie, reconsidèrent la nécessaire unité palestinienne. Vous savez, il y avait un rendez-vous entre monsieur M. Abbas et le Hamas, qui avait été arrangé par les Egyptiens, fin novembre, le Hamas n'est pas venu. Donc tout ça a désorganisé un peu plus encore cette perspective d'unité palestinienne nécessaire.
Très bien, merci B. Kouchner, vous étiez le dernier invité de l'année, sur RTL. Merci d'être venu.
Je suis désolé que ce soit sur ce sujet. Merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 janvier 2009
C'est déjà formidable qu'elle ait eu lieu avant la fin de la présidence française - c'est aujourd'hui la fin de la présidence française. Ils étaient répartis à travers le monde, ces ministres, et ils sont venus en deux jours, les 27, et nous avons travaillé un texte dans des circonstances extrêmement difficiles. Faites attention aux chiffres, il faut parler à la Croix Rouge Internationale, il faut parler aux observateurs précis. Nous verrons bien. J'espère qu'ils seront moins élevés que ceux que vous avez cités.
Alors, justement, vous appelez à un cessez-le-feu pour une action humanitaire immédiate. Vous avez eu le ministre de la Défense, E. Barak, au téléphone, qu'est-ce qu'il en dit ?
Tous les ministres, les 27 que vous avez cités, ont tous les jours au téléphone leurs homologues, à travers le monde. La diplomatie c'est avant tout des coups de téléphone. Bien sûr, j'ai eu tous ces gens, des Russes aux Américains, des chefs d'Etats arabes et des ministres des Affaires étrangères, bien sûr aux Israéliens et tous les Européens. Et ça change tout le temps. Il y a des analyses différentes selon les pays. Mais en gros, hier, il y a eu un accord qui d'ailleurs suivait un accord du quartet, parce que pendant deux heures nous avons parlé avec monsieur Ban Ki-Moon, le secrétaire général, madame C. Rice...
L'Union européenne, l'ONU, les Russes...
... T. Blair, les Russes, et puis J. Solana et moi-même. Donc il y a une convergence pour demander un cessez-le-feu immédiat. Trêve humanitaire si l'on veut, mais il faut que ce cessez-le-feu, qui permettrait l'accès humanitaire, soit permanent et respecté, parce qu'on a connu beaucoup de cessez-le-feu qui n'ont pas été respectés. Alors, là-dessus, nous étions tous d'accord, avec des mesures que vous avez vues dans le papier, avec un rôle de l'Union européenne qui pourra être développé, que nous proposons, et surtout l'accès aux victimes, bien entendu.
Alors, justement, ce matin, on apprend que le cabinet de sécurité israélien se réunit pour discuter d'un cessez-le-feu. On parle d'un cessez-le-feu de 48 heures ; c'est une hypothèse plausible, probable ?
Je connais plein de cessez-le-feu de 48 heures qui ont été définitifs, et puis des tas de cessez-le-feu qui n'ont jamais eu lieu. Donc nous verrons bien, mais il y a une proposition d'E. Barak, en effet, le ministre de la Défense israélien. Il y a cette nuit aussi, non pas un accord, et de quelle fraction du Hamas, je ne sais pas, mais en tout cas des dirigeants du Hamas qui trouvent intéressante la proposition française devenue proposition européenne, vous l'avez dit. Nous verrons bien. Est-ce que c'est pour aujourd'hui, est-ce que c'est pour demain, de toute façon, horriblement tard...
Donc toutes les choses semblent bouger quand même un petit peu, là, ce matin ?
C'est vous qui le dites, moi, j'attends de voir. J'espère, oui, j'espère.
Le Président Sarkozy rencontre demain T. Livni, la ministre des Affaires étrangères israélienne. Vous attendez quoi de cette réunion ?
J'attends qu'elle ait lieu.
On parle d'une visite ministérielle de l'Union européenne, l'Union européenne l'a annoncé. Alors, ce serait vous-même, votre homologue tchèque et le Suédois qui succèdera. Ou bien on parle aussi en Israël d'une visite du Président Sarkozy lui-même, lundi.
Oui, le Président et moi-même serons dans la région, puisqu'il a été tout à fait - enfin, depuis très longtemps - convenu que le Président...
Mardi, au sud Liban...
Oui, au sud Liban, parce qu'il y a nos soldats dans la FINUL, etc. Nous verrons bien s'il est possible d'aller en Israël.
Il y aurait donc une opportunité ?
Ce n'est pas précis pour le moment.
D'accord. Mais c'est envisagé ?
Madame, ce n'est pas précis pour le moment.
Bon, d'accord...
Mais vous savez, ces visites, ces téléphones, ça masque le fond. Le fond, c'est quoi ? Est-ce que oui ou non il y aura, un jour, de notre vivant, une paix au Moyen-Orient ? C'est bien de demander un cessez-le-feu, humanitaire ou pas, ce qu'il faut, c'est que les gens meurent moins. Mais qu'est-ce qu'il faut ? Qu'on retourne au processus de paix. L'affaire est politique, elle n'est pas militaire, contrairement à ce que l'on dit, malgré les horreurs que l'on voit à la télévision. Et donc, il faut absolument retourner à ce processus qui est pour le moment celui d'Annapolis. Ce que nous avons voulu souligner, et ceux qui ont beaucoup travaillé pour Annapolis, en particulier l'Union européenne, et les Français - conférence de Paris, etc. - veulent vraiment, de façon obstinée, qu'on retrouve le chemin de la paix. Alors, il y a plein d'éléments, plein de pays arabes divisés, les gouvernement sont divisés, les opinions sont différentes, sur un conflit de 60 ans, c'est normal. Ce que nous avons voulu faire à 27, ce n'est pas commode, vous savez 27, plus le Haut représentant, plus la Commission, etc.
Tout le monde n'est pas sur la même position, d'ailleurs, au sein de l'Union européenne...
Tout le monde n'est pas sur la même position explicative, sur l'histoire du conflit, sur les responsabilités, mais tout le monde... Je lis dans la presse : "L'Europe divisée" ; vous avez vu une Europe divisée qui, à 27, signe un texte, le même ? Elle n'est pas divisée, elle est unie. Mais, évidemment, les explications viennent, et des cultures, et des appréciations politiques, etc. Nous n'avons pas voulu faire une autre série d'explications, offrir au public une autre série d'explications mais des propositions. Nous avons formulé des démarches possibles. Est-ce que ça marchera ? Je l'espère, enfin, jusqu'au dernier moment. Le bonapartiste dont vous avez parlé, monsieur Duhamel, a fait un tout petit dernier effet.
Est-ce que vous avez l'impression qu'Israël se prépare réellement à une intervention terrestre, ou bien que ça serait une forme de bluff, finalement, pour amener le Hamas à négocier sur ses conditions ? Parce qu'au sud Liban, il y avait quasiment dix fois plus de réservistes qui avaient été mobilisés, que là. Alors, est-ce qu'on ne peut pas penser que c'est une forme de bluff de l'armée israélienne ?
Je vous laisse ces mots, madame, je n'en sais rien. J'ai vu, comme vous, qu'il y avait des préparatifs terrestres et je souhaite qu'il n'y ait pas d'action terrestre, parce que je pense qu'il n'y aura pas de solution terrestre et que ça ferait beaucoup de morts. Mais les militaires israéliens et les observateurs militaires constatent qu'il y a une très grosse concentration, que les réservistes israéliens ont été rappelés, au nombre de 6.500. J'espère que tout ça va s'apaiser. C'est pour ça que nous avons oeuvré, une fois de plus, et dans l'urgence. Ce qui a caractérisé le bonapartisme, c'est la réponse à l'urgence.
On parle souvent de l'impuissance de la Communauté internationale face à ce conflit, c'est même la porte-parole de J. Solana, le chef de la diplomatie européenne, qui disait : "la puissance n'est pas spécifique à l'Union européenne, elle est le fait de tout le monde". C'est un constat un peu désabusé tout de même.
Elle est le fait de RTL, de toutes les radios, de tous les médias. On fait ce que l'on peut, vous, nous. Et vous savez, les guerres, ce n'est pas simple à arrêter, surtout quand c'est lancé depuis un nombre de dizaines d'années exceptionnelles, qu'il y a la place pour, je l'espère, deux peuples et donc deux Nations sur le même territoire, avec des convoitises de part et d'autre, et des usages très... - comment dirais-je ? - réfléchis, manipulés, de cette crise. Alors, c'est normal. Mais d'ailleurs, J. Solana, je crois que sa porte-parole a un peu tort, il était là hier soir et il a travaillé, et nous avons pendant une heure et demie, je vous l'ai dit, aussi défini une position du quartet. On verra bien s'il peut y avoir une trêve... Le problème aussi était débattu, "une trêve humanitaire ce n'est pas suffisant", oui, mais ça peut commencer quelque chose. "Oui, mais ce serait mieux d'avoir une trêve définitive", certes, c'est mieux d'avoir une trêve définitive et même une paix définitive, mais, ça, voilà, nous le cherchons depuis longtemps. Il faut retourner à la discussion et au processus de paix. Il y a une autorité palestinienne, il faut que les Palestiniens, ensemble, ceux qui sont à Gaza, ceux qui sont en Cisjordanie, reconsidèrent la nécessaire unité palestinienne. Vous savez, il y avait un rendez-vous entre monsieur M. Abbas et le Hamas, qui avait été arrangé par les Egyptiens, fin novembre, le Hamas n'est pas venu. Donc tout ça a désorganisé un peu plus encore cette perspective d'unité palestinienne nécessaire.
Très bien, merci B. Kouchner, vous étiez le dernier invité de l'année, sur RTL. Merci d'être venu.
Je suis désolé que ce soit sur ce sujet. Merci beaucoup.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 2 janvier 2009