Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à RTL le 18 avril 2001, sur l'intervention télévisée de L. Jospin, sa proposition de répression pour les jeunes délinquants, le financement du RPF et le secret de l'instruction.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Elkrief - Vous êtes le président du Rassemblement pour la France et vous avez écouté, comme nous, L. Jospin hier. Commentaire creux comme certains l'ont dit ou au contraire rigoureux ?
- "Je crois que Jospin, qui connaît bien la télévision, sait que la télévision c'est l'image et pas tellement le verbe. Le verbe, c'est la radio ou c'est l'écrit, donc manifestement, il voulait faire une émission d'image."
Cela a-t-il marché selon vous ?
- "Pour montrer qu'il était en bonne santé, qu'il était en forme, je crois que c'est atteint. Mais en même temps, si on veut faire une émission d'image, il ne faut pas que ce soit trop long. 45 minutes quand on a rien à dire ou presque rien, c'est trop ! Je crois que c'était dans une certaine mesure une erreur et c'est un coup pour rien, même si on a vu qu'il n'était pas décomposé, qu'il n'était pas défait, qu'il avait encore une certaine forme."
Personne n'a dit qu'il était décomposé, pas à ce point !
- "On disait qu'il était très atteint, que sa majorité était un peu flageolante , etc., très bien. Mais il a fait une émission de 45 minutes, il ne va pas en refaire une avant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Donc, c'est une occasion perdue parce qu'il a rien annoncé qui soit susceptible de montrer aux Françaises ou aux Français qu'il est en prise directe avec leurs problèmes."
Vous avez parlé souvent justement de cette fibre peut-être qui lui manque, vous avez parlé d'un Juppé de gauche.
- "Je crois que pour réussir en politique, enfin tel est mon sentiment, il faut aimer les gens. Est-ce qu'il les aime ? Je n'en sais rien, en tout cas, il ne le montre pas. Est-ce qu'il sait dire " je vous aime " ou faire comprendre qu'il aime les gens ? Je ne crois pas, et je crois que c'est un handicap assez considérable. Par contre, le Président de la République, lui, dans ce domaine, est très fort."
Est-ce que vous le croyez lorsqu'il dit qu'il n'a pas besoin d'être candidat à la présidentielle, comme homme et comme responsable politique ?
- "Dans l'expression, il y avait une certaine sincérité, mais dans le fond, il y a un peu d'hypocrisie. Qu'il n'ait pas besoin de cela pour exister, c'est vrai - il peut considérer qu'effectivement il a fait un bon parcours. Mais compte tenu de ce qu'il est et de la position qu'il occupe, il a certainement une autre ambition que d'être un jeune retraité du Parti socialiste."
Sur la sécurité, il a dit qu'il fallait lutter contre les bandes, il annonce qu'il y a des moyens à mettre, qu'il veut faire des maisons de placement pour éloigner les jeunes trublions des banlieues. Cela a dû vous plaire !
- "Il a surtout dit une chose qui m'a beaucoup amusé, il a dit qu'il s'était débarrassé de l'angélisme. Il reconnaît donc qu'il a fait preuve d'angélisme pendant un certain temps. Je crois qu'une politique de sécurité, telle qu'elle doit être conduite dans le pays, ce ne sont pas seulement des mesures de répression ou des mesures de prévention, il y a un ensemble de choses à faire."
C'est vous qui dites cela alors que vous avez souvent prôné la répression ?
- "Je suis pour la répression, la question ne se pose pas. Lorsque vous avez dans un quartier déterminé - moi je le vis dans mon département - une dizaine ou une douzaine de jeunes énergumènes, qui gâchent la vie de milliers de gens, il faut les enlever du milieu, c'est clair. Il faut le faire."
C'est ce qu'il propose, vous êtes donc d'accord ?
- "Oui, mais il faut les mettre dans des centres fermés, il faut essayer de les rééduquer un peu, parce que manifestement, ils n'ont pas de repères, c'est le problème. Ils n'ont pas de repères familiaux, ils n'ont pas de repères de société, et d'autre part, ils n'ont pas le sentiment d'être intégrés dans la société. Donc, ils essaient d'en créer une autre. Mais je crois que l'on ne peut pas se contenter de cela. Je suis frappé de constater que la plupart des hommes politiques - peut-être que moi je le vois mieux parce que je suis en charge d'un département important...."
Président du Conseil général des Hauts-de-Seine.
- "...dans lequel il y a des problèmes dont je me suis saisi. Je crois que la bataille essentielle du pays, c'est la bataille de l'éducation mais pas comme on a envisagé de la conduire. Je crois que la bataille de l'éducation commence dans l'enseignement primaire, c'est-à-dire que dès que les enfants sortent de la maternelle et vont entrer dans le primaire commence la bataille et c'est là qu'il faut essayer de les intégrer, notamment tous les enfants issus de la deuxième génération d'immigrés ou autres. C'est indispensable."
Je voudrais qu'on parle aussi du Rassemblement pour la France, votre parti. Les juges Courroye et Prévost-Deprez qui enquêtent sur l'affaire Falcone, ce marchand d'armes qui est en prison depuis le 1er décembre, estiment qu'ils ont assez d'éléments pour demander un réquisitoire supplétif, pour enquêter clairement sur le financement de votre Parti. Ils supposent qu'il est illégalement financé par ce marchand d'armes.
- "Très honnêtement, je ne voudrais pas être désagréable - je n'ai aucun raison de l'être - à l'égard des juges, mais qu'est-ce qu'ils font depuis le mois de juillet de l'année dernière ? Que font-ils notamment depuis le mois de décembre ? Ils sont venus au siège du mouvement, ils ont saisi tout le fichier des adhérents, ils ont saisi les comptes, ils ont saisi la liste des donateurs, que leur faut-il de plus ? Il y a des limites à tout. Les juges doivent faire leur travail, c'est leur problème mais moi, je n'ai pas l'intention de laisser faire n'importe quoi sans réagir."
C'est-à-dire ?
- "C'est la raison pour laquelle j'ai saisi le 23 mars dernier le Garde des Sceaux et j'ai demandé à ce que le Conseil Supérieur de la Magistrature, qui est en même temps l'instance de discipline des magistrats, soit saisi d'un certain nombre d'actes commis par ces deux juges. Je n'en dirai pas plus."
Concrètement, vous récusez leur légitimité. Vous considérez qu'ils ne font pas leur boulot.
- "Non pas du tout. Ce que je considère comme scandaleux, c'est que j'apprenne ce qu'éventuellement on me reproche par la presse. Si on a quelque chose à dire, qu'on me le dise à moi."
Vous demandez aux juges de vous convoquer rapidement ?
- "Non, je ne demande rien du tout, je dis simplement ceci : ou on respecte la loi ou on ne la respecte pas. Le secret de l'instruction est devenu le secret de Polichinelle. A quel moment le Garde des Sceaux veut-il se décider à intervenir pour qu'on ne retrouve pas dans les journaux la photocopie des procès-verbaux d'instruction ?"
Est-ce que ce n'est pas une manière de botter en touche C. Pasqua et de ne pas répondre aux vraies questions, parce que
- "Mais qu'on me les pose les questions."
Justement, il y a un financement, apparemment, du Rassemblement pour la France, d'origine africaine
- "Je ne vais pas vous répondre ce matin, parce que vous n'êtes pas juge d'instruction."
Donc vous attendez que les juges vous convoquent et vous posent des questions directement ?
- "Qu'ils le fassent !"
Vous irez à la convocation ?
- "Il n'y a pas de raison que je n'y aille pas. Mais en même temps je dis que les juges, quel que soit leur pouvoir, n'ont pas le droit d'intervenir dans le fonctionnement d'un parti politique d'une manière telle qu'ils empêchent finalement la vie de ce mouvement. Ils n'ont pas le droit non plus de saisir le fichier des adhérents car les citoyens français ont le droit de s'engager dans le mouvement et dans le parti qu'ils veulent, et on n'a pas à le rendre public éventuellement."
Mais les juges ont à faire appliquer la loi.
- "Evidemment, ils sont là pour cela."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 18 avril 2001)