Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur la prise en charge des patients victimes d'accident vasculaire cérébral, Paris le 9 octobre 2008.

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Circonstance : Journée de la Société française de neurologie et de la Société française neurovasculaire à Paris le 9 octobre 2008

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Mesdames et messieurs,
C'est avec émotion que je prends aujourd'hui la parole devant vous.
La session de cet après-midi devait être présidée par le Professeur Pierre Lasjaunias, et nul n'imaginait au printemps qu'il allait disparaître brutalement le 1er juillet dernier.
Ce pionnier de la neuroradiologie interventionnelle était un scientifique exceptionnel, reconnu par ses pairs qui l'avaient élu l'année dernière à la présidence de la Fédération mondiale de neuroradiologie interventionnelle.
C'était aussi un grand clinicien, un enseignant hors pair, un humaniste animé de solides convictions, un passionné d'histoire autant que d'innovation.
J'avais à coeur d'être parmi vous aujourd'hui pour vous témoigner toute ma reconnaissance, à vous, équipes hospitalières ou médecins de ville, qui oeuvrez dans un domaine si particulier, celui de la pathologie neurovasculaire aiguë.
L'accident vasculaire cérébral (ou AVC) est, en effet, un grave problème de santé publique, tant par le nombre de personnes atteintes, en constante augmentation, compte tenu du vieillissement de la population, que par ses conséquences médicales, sociales et économiques.
Les chiffres sont éloquents : en France, près de 150 000 personnes victimes d'AVC et d'accidents transitoires sont hospitalisées chaque année ; l'AVC est la troisième cause de mortalité et la première cause de handicap moteur acquis de l'adulte ; actuellement, près des trois quart des patients gardent des séquelles et 20 à 30% des patients atteints d'AVC sont ensuite admis en soins de suite et de réadaptation.
La « dépendance » est, dans la moitié des cas, une conséquence prolongée de l'AVC.
De même, l'incidence de l'AVC augmente exponentiellement avec l'âge. Cependant, si le tiers des AVC surviennent chez des sujets âgés de plus de 80 ans, 25% des patients ont moins de 65 ans et 20% sont en âge de travailler.
Ces données plaident pour l'amélioration de la prise en charge des patients victimes d'AVC, mais aussi pour le développement de la prévention.
L'objectif poursuivi est ici de « réduire la fréquence et la sévérité des séquelles fonctionnelles associées aux AVC ».
L'organisation, comme vous le savez, est au coeur de la problématique des AVC.
Le ministère de la santé s'est attaché, depuis 2003 à structurer et à optimiser au sein de chaque région une filière intégrée de la prise en charge des AVC, de la phase préhospitalière à la rééducation.
Vous qui en êtes les chevilles ouvrières, vous connaissez les circulaires de 2003 et de 2007. Il s'agit maintenant effectivement de favoriser la traduction concrète de nos ambitions.
Dans cette perspective, j'ai souhaité disposer de l'expertise de la Haute Autorité de santé (HAS) pour élaborer des recommandations et des outils d'évaluation des pratiques professionnelles.
Ses travaux d'élaboration d'un référentiel de bonnes pratiques pour le diagnostic et la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux en pré-hospitalier seront achevés au cours du premier semestre 2009.
La coopération entre professionnels de santé, médecins et non médecins, hospitaliers et libéraux, constituera un axe fort du projet de loi que je m'apprête à porter devant le Parlement.
A cet égard, l'accident vasculaire cérébral est un très bon exemple de la nécessité d'assurer un maillage du territoire en structures adaptées pour une prise en charge optimale des patients, mais aussi de la nécessité de disposer de soins de qualité, dispensés par des équipes pluridisciplinaires, compétentes et entraînées.
De tels accidents doivent être traités en urgence, mais leur prise en charge doit s'insérer dans le dispositif général des urgences médicales.
Or, que constate-t-on actuellement ? Trop souvent, les victimes d'AVC arrivent tardivement à l'hôpital, dans une structure pas nécessairement adaptée.
Il faudra certes développer la prévention, mais également améliorer le diagnostic ou son évocation, pour qu'il soit envisagé le plus tôt possible, dès la survenue des symptômes. Cela suppose une meilleure formation et une meilleure information des médecins et du public.
A cet égard, je ne peux que vous féliciter pour la prochaine campagne de sensibilisation à l'« appel du 15 », soutenue par mon ministère, campagne qui se déroulera le 29 octobre prochain, journée mondiale de l'AVC.
Il est également impératif de diminuer les temps de transport, et surtout d'orienter les patients dans des structures adaptées à leur état, des structures disposant des ressources matérielles - notamment en imagerie, IRM ou scanner - et humaines pour les traiter.
Près de soixante Unités neurovasculaires (UNV) existent actuellement. Il n'y en avait qu'une trentaine il y a deux ans. Nous devons améliorer encore le maillage du territoire, en prenant garde de ne pas disperser des ressources médicales rares.
A l'étape suivante, il faut optimiser la prise en charge en soins de suite et de réadaptation, le retour à domicile, faciliter la vie des malades désormais atteints de handicap, et de leurs familles.
Ce point, souvent oublié, est absolument essentiel.
On le sait : le bon traitement post aigu de l'AVC est un des gages de la réduction des séquelles fonctionnelles.
Je vous propose ainsi de structurer notre stratégie AVC selon 4 grands axes :
- Le premier pourrait être consacré à l'établissement d'un état des lieux des organisations mises en place, notamment mais non exclusivement, des UNV ;
- Le second axe viserait à proposer des mesures pour améliorer la prise en charge des patients, dans la phase pré-hospitalière, lors de l'accueil hospitalier en court séjour, en soins de suite et de réadaptation ou à domicile.
Il conviendra notamment de mettre en oeuvre de façon plus homogène les filières régionales de prise en charge des AVC, en réaffirmant plus précisément les critères opérationnels de qualité. Ces propositions porteront également sur l'extension de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du thrombolytique, dont l'usage est actuellement réservé exclusivement aux neurologues, aux médecins formés à la prise en charge des pathologies neurovasculaires aiguës mais non neurologues, comme les urgentistes.
Les modèles d'organisation s'appuieront en particulier sur une utilisation plus ambitieuse des moyens de télémédecine, compte tenu notamment du faible nombre de neurologues vasculaires dont l'expertise est indispensable.
- Le troisième axe pourrait être consacré à la définition des indicateurs de mesure de l'efficience, voire de l'efficacité, même si celle-ci ne peut s'apprécier que sur des durées plus longues.
- Enfin, dernier axe : je souhaite favoriser la conception et la diffusion des outils de communication nécessaires :
Il s'agit d'abord de permettre la diffusion des connaissances relatives à l'AVC, à sa prévention, à la conduite appropriée en cas de suspicion ou de survenue tant auprès du public que des professionnels de santé.
Il s'agit aussi de favoriser le développement de la filière AVC par l'adhésion des professionnels de santé, gestionnaires et soignants, aux principes d'optimisation de la prise en charge qui la sous-tendent.
Afin d'élaborer et de mettre en oeuvre cette stratégie, j'ai décidé de constituer un comité de pilotage, dont l'animation sera confiée à Madame Elisabeth FERY-LEMONNIER, conseillère générale des établissements de santé.
Il me paraît indispensable que vos sociétés savantes, ainsi que celles d'anesthésie-réanimation et de cardiologie, les fédérations hospitalières, les conférences, les représentants des usagers participent à ces travaux. Les directions du ministère, de l'HAS et de l'INPES apporteront également leur concours. J'installerai ce comité au courant du mois de novembre.
Madame FERY-LEMONNIER établira le bilan des organisations mises en oeuvre pour la prise en charge des AVC, avec l'appui des ARH. A partir de ce bilan, je recueillerai les propositions d'amélioration de la prise en charge des patients, soumises à discussion et validation du comité de pilotage.
En tout état de cause, je souhaite disposer, avant la fin du premier trimestre 2009, d'un premier rapport de mission qui indiquera, partant d'un état des lieux exhaustif, les premières mesures d'amélioration de la prise en charge.
Nos objectifs sont ambitieux, mais légitimes. Vous avez déjà largement contribué à leur définition par le biais de la SFNV et notamment du Docteur France Woimant, du Professeur Hommel et des membres actuels et passés de votre bureau.
Je ne doute pas que vous prendrez toute votre part à leur réalisation.
Vous pouvez être assurés, en ce sens, de mon indéfectible soutien.
Je vous remercie.Source http://sfnv-france.com, le 6 janvier 2009