Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, à Canal Plus le 13 janvier 2009, sur la nomination de M. Martin Hirsch au Haut commissariat pour la jeunesse, les infections nosocomiales et la politique de la santé.

Prononcé le

Média : Canal Plus

Texte intégral

M. Biraben, C. Roux & L. Mercadet M. Biraben : La ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, R. Bachelot, est notre invitée, Caroline.
 
C. Roux : Elle se présente volontiers comme la ministre de la qualité des soins, difficile à assumer dans un contexte où plusieurs patients hospitalisés sont morts pendant les fêtes de fin d'année, alors que le patron des urgences de l'hôpital Beaujon, à Clichy, explique que l'on pourrait éviter 10.000 morts par an à l'hôpital, c'est deux fois plus que le nombre de morts annuel sur la route. Quant à son portefeuille de ministre de la Jeunesse, elle doit le céder à M. Hirsch. Bonjour.
 
Bonjour.
 
M. Biraben : Bonjour. Soyez la bienvenue. Et très bonne année à vous, il est encore temps de vous souhaiter...
 
Très bonne année à vous...
 
M. Biraben : Tous nos voeux...
 
Jusqu'à la fin du mois de janvier.
 
M. Biraben : Absolument. N. Sarkozy qui nomme un haut commissaire donc à la Jeunesse, est-ce que c'est un désaveu pour la ministre de la Jeunesse que vous êtes, R. Bachelot ?
 
Vous savez, dans ce ministère de la Jeunesse, nous avions des politiques intéressantes pour la jeunesse, mais des politiques plutôt d'accompagnement, il est bien évident quand on entend les jeunes ; ce qui les inquiète, ce sont les questions d'insertion professionnelle, d'éducation, de formation, il y a aussi un certain nombre d'autres ministères qui sont appelés sur les politiques de la jeunesse, on pense au logement, à la justice, à la santé - il y a un plan santé des jeunes extrêmement important - ou les questions de familles, portées par N. Morano, à travers la question par exemple d'Internet, et que tout ça manque d'interministérialité, et je l'avais dit d'ailleurs à un Conseil des ministres en présentant le service civique des jeunes. J'avais dit au président de la République : tout ça ne pourra être porté qu'en interministériel, donc aujourd'hui...
 
C. Roux : La question, c'est : est-ce que vous le prenez comme un désaveu de ne pas avoir assez fait pour la jeunesse ?
 
Non, évidemment, non. Vous savez, le ministère, comme je le dis, le ministère de la Jeunesse est porteur de politiques d'accompagnement, mais pas de ce qui fait le coeur des politiques de la jeunesse, c'est-à-dire les politiques d'éducation et de formation professionnelle. Je n'ai jamais vu, entre nous, les jeunes défiler par exemple pour le maintien de l'Office franco-allemand pour la jeunesse, même si c'est quelque chose de très intéressant...
 
C. Roux : Est-ce que vous considérez que B. Laporte a suffisamment fait pour la jeunesse, puisque c'est lui le secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux sports...
 
Oui, bien entendu, mais je vous le répète, c'est une question de structure ministérielle, puisqu'on voit que les politiques de la jeunesse ne sont pas massivement portées par le ministère qui en portait le titre. Les politiques étaient ailleurs, à l'Education nationale, aux universités, chez L. Wauquiez, avec les politiques d'insertion professionnelle. On voit bien que ce qui intéresse les jeunes, c'est cela.
 
C. Roux : Est-ce que vous gardez le portefeuille de la Jeunesse, ministre de la Jeunesse, est-ce qu'on vous présentera encore comme ça ou...
 
Non, en ministre de la Santé et des Sports, mon décret d'attribution est ministre de la Santé et des Sports.
 
C. Roux : Alors, ministre de la Santé...
 
Parce que la ministre de la Jeunesse, ce sont évidemment l'ensemble des ministères qui s'occupent des politiques de la jeunesse, et qui sont extrêmement nombreux et qui ont, hélas, pas beaucoup l'habitude de travailler entre eux.
 
C. Roux : Donc pas de désaveu, vous restez quand même ministre de la Santé ?
 
Oui, absolument.
 
C. Roux : Bon, alors, on a des questions à vous poser à ce titre-là.
 
M. Biraben : Alors, on va passer à l'hôpital, juste le temps de vous dire qu'on a supprimé « Le zapping » pour vous laisser plus de temps pour parler de ce sujet qui est - ô combien - important...
 
Merci...
 
M. Biraben : Et qui nous intéresse tous. D'ailleurs, vos questions sont très nombreuses. « Le zapping », vous le retrouverez dans la dernière partie. On y va, Caroline.
 
C. Roux : On y va sur les chiffres dans le JDD, donnés par le professeur Juvin. Le professeur Juvin, il est patron des urgences à l'hôpital Beaujon de Clichy, et il a expliqué que l'on pourrait éviter 10.000 morts par an à l'hôpital ; est-ce que vous confirmez ces chiffres ?
 
Oh, ce sont des chiffres bien connus, qui sont issus d'une étude de 2005, et qui extrapole des chiffres à partir d'études américaines, on sait effectivement qu'à l'hôpital, on pratique des millions d'actes par jour, des radios, des opérations, des anesthésies, des endoscopies, des dispensations de médicaments, qu'il y a évidemment un certain nombre de dysfonctionnements, d'erreurs...
 
C. Roux : Ils ont une valeur ces chiffres ou pas, 10.000 morts qui pourraient être évitées chaque année à l'hôpital ?
 
Je pense qu'ils mériteraient d'être affinés, d'être affirmés, c'est pour ça d'ailleurs que je souhaite mener des politiques de transparence. Ce que je note, c'est que ces effets indésirables, parfois graves, sont en constante diminution, je pense par exemple aux accidents liés à l'anesthésie, leur nombre a été divisé par dix en trente ans. L'action que nous avons menée sur les maladies nosocomiales, vous savez, ces infections qu'on attrape à l'hôpital, soit à travers des opérations, soit à travers d'autres types de soins, nous place maintenant - la lutte que nous avons menée contre les infections nosocomiales - nous place en tête des pays européens. Et je vais d'ailleurs...
 
C. Roux : Alors, vous avez une très bonne connaissance de ces chiffres-là du coup...
 
Et je vais d'ailleurs présenter dans quelques semaines les nouveaux chiffres de 2008 des infections nosocomiales...
 
M. Biraben : Madame Bachelot, vous vous rendez compte ! 10.000, c'est un chiffre affolant, quand on est censé aller à l'hôpital ; vous confirmez ou vous l'infirmez, ce chiffre ?
 
Oui, mais il faut les mettre en comparaison. Ce sont des extrapolations, je vous dis, mais je pense que ces chiffres doivent être à peu près de bon niveau, mais ce qu'il faut voir, c'est le nombre des vies sauvées à l'hôpital. Et il faut bien comprendre cela, nous sommes sur des actes de plus en plus techniques, de plus en plus invasifs, de plus en plus sophistiqués, et c'est ça qui importe, c'est de voir que l'hôpital sauve des milliers, des centaines de milliers de vie.
 
C. Roux : Il propose de créer une base de données des décès accidentels, c'est-à-dire qu'à chaque fois qu'il y a un décès, faire une vraie enquête...
 
M. Biraben : Le professeur Juvin...
 
C. Roux : Qu'est-ce que vous en pensez, est-ce que...
 
Oui, mais c'est déjà quelque chose qui est fait au niveau de l'Institut national de veille sanitaire, et je souhaite que sur tous ces sujets, il faut qu'il y ait une très grande transparence. Je crois qu'à travers les dysfonctionnements, je dirais, qui doivent être combattus, de l'hôpital, il y a deux attitudes qu'il convient de rejeter : d'un côté, c'est la négation ; il faut qu'à chaque dysfonctionnement, on se pose la question : pourquoi est-ce que c'est arrivé, comment le combattre, et c'est ce que je fais à travers des politiques de totale transparence. Par exemple, sur les accidents qui se sont passés pendant la fin de l'année, j'ai demandé des enquêtes, et elles seront portées à la connaissance du public. Donc il ne faut pas nier...
 
C. Roux : Quand ?
 
A partir du 15 janvier, nous aurons déjà des premiers éléments, donc ça va aller très vite. Donc il ne faut pas nier, mais il ne faut pas non plus instrumentaliser ces dysfonctionnements pour jeter l'opprobre sur l'hôpital et ses personnels, parce que moi, je veux redire que j'ai confiance dans la performance du système hospitalier français, qui est un des meilleurs du monde.
 
M. Biraben : Une question de spectateur pour vous tout de suite.
 
L. Mercadet : Oui, c'est une question - bonjour Madame Bachelot.
 
Bonjour.
 
L. Mercadet : Deux personnes vous posent cette question, Gaël et François, qui veulent savoir à quand un texte de loi pour nous protéger d'une industrie agroalimentaire qui nous empoisonne. Visiblement, des gens qui ont vu le documentaire sur Canal+.
 
Oui, alors il y a un certain nombre de textes qui sont à l'oeuvre, et un certain nombre de réglementations sur cette industrie agroalimentaire et sur un certain nombre de dérives, on a ainsi considérablement réduit le taux de pesticides autorisé, toutes sortes - dans le Grenelle de l'Environnement - un certain nombre dans le premier texte et dans le deuxième texte, un certain nombre de dispositions seront à l'oeuvre. Donc il y a de nombreux textes législatifs sur ce sujet.
 
M. Biraben : Caroline, on revient sur l'hôpital.
 
C. Roux : Revenons, oui, à l'hôpital et aux urgences, vous dites : le désengorgement passe par un effort des médecins libéraux qui pourraient prendre un peu plus grand nombre de patients à charge. Comment ? On encourage les médecins libéraux à faire des gardes, par l'incitation ou par la contrainte ?
 
On a bien vu dans la question des urgences que nous avons, nous, en France, seize millions de passages aux urgences. Quand on regarde par exemple l'Allemagne, si nous avions le taux de passages aux urgences de l'Allemagne, où on est bien soigné, il n'y aurait que six millions de passages aux urgences en France. Donc les urgences ont quitté leur vocation hospitalière de traiter l'urgence pour devenir une médecine de premier recours. Et l'on voit bien que, il y a un défaut d'organisation dans notre pays au niveau de ce qu'on appelle la permanence des soins, et c'est le but de la loi que je vais présenter dans quelques jours, à l'Assemblée nationale et au Sénat, la loi « Hôpital Patients Santé, Territoire », que de décloisonner l'organisation des soins, de confier une organisation territoriale à des agences régionales de santé, qui vont permettre l'organisation de la permanence des soins, et qui vont confier cette organisation des soins au plus près du terrain, pour faire en sorte d'avoir une offre qui permette de désengorger l'hôpital et les urgences.
 
C. Roux : La question, c'est sur les médecins libéraux, comment on fait ?
 
Alors, à travers les agences...
 
C. Roux : On les incite ou on les oblige ?
 
On les incite. A travers les agences régionales de santé, nous allons créer un schéma, nous allons établir un schéma régional d'organisation des soins, qui va véritablement radiographier le territoire, indiquer les besoins du territoire, l'agence régionale de santé va se comporter comme un guichet unique pour l'attribution des aides à l'installation des médecins, ça, c'est tout à fait capital, avec d'ailleurs toute une panoplie d'autres mesures, qu'il serait peut-être un peu long ce matin de vous expliquer, et surtout...
 
C. Roux : C'est juste qu'on ne comprend pas, s'ils ne veulent pas faire des gardes, comment vous faites ?
 
Et surtout, des crédits, des crédits qui sont à disposition, et bien entendu, il sera demandé aux préfets et aux autorités de l'Etat de s'assurer, bien entendu, de la réalité de cette permanence des soins, vous savez que le préfet garde son pouvoir de réquisition si la permanence des soins n'est pas assurée...
 
C. Roux : Et donc qu'est-ce qui se passe si la permanence des soins n'est pas assurée, que fait le préfet ?
 
 Il peut réquisitionner des médecins.
 
C. Roux : C'est envisagé dans le texte ?
 
Oui, mais ça existe déjà. Encore faut-il le faire. Mais ça existe déjà.
 
C. Roux : Alors, un patron pour l'hôpital, ça fait partie aussi des points forts de la réforme que vous allez présenter. Quelles seront les qualités que vous allez demander à ce nouveau patron de l'hôpital, en lieu et place du maire qui préside actuellement le conseil d'administration...
 
Ah, non, non, vous faites une erreur, il y a déjà un directeur de l'hôpital, le maire, il est président du conseil d'administration, ce n'est pas lui...
 
C. Roux : Oui, mais là, l'idée, ce serait d'avoir un patron qui est...
 
Ce n'est pas lui qui gère l'hôpital, vous faites une légère confusion...
 
C. Roux : On est bien d'accord. Mais il fait partie du conseil d'administration...
 
Le maire ou une autre personne pourra être président d'un conseil de surveillance, mais c'est vrai qu'on se rend compte qu'à l'hôpital public, il y a vraiment un problème, le président de la République a coutume de dire : à l'hôpital, tout le monde a le pouvoir de dire non, personne n'a le pouvoir de dire oui...
 
C. Roux : Voilà, c'est bien le problème...
 
Donc on va renforcer les pouvoirs du directeur de l'hôpital, mais attention, pas pour mener une politique de gestion, pour mettre en oeuvre le projet médical de l'établissement, projet médical qui sera établi par la communauté médicale, et la communauté des médecins, le président de la Commission médicale d'établissement devenant le vice-président du directoire.
 
M. Biraben : Il aura les qualités plus de gestionnaire ou de médecin, ce patron de l'hôpital ?
 
Ah, mais, un directeur pourra être un médecin éventuellement, mais un directeur d'hôpital, bien sûr, c'est un gestionnaire, mais tout dépend de la mission qu'on lui confie, un gestionnaire qui met en oeuvre un projet médical, c'est très rarement un médecin un directeur d'hôpital.
 
M. Biraben : C'est ce qu'on appelle un médecin patron.
 
C. Roux : Alors, le dossier de la semaine, R. Dati qui a repris son travail cinq jours après son accouchement. Il y a eu toute une polémique. Déjà, votre avis sur le fait qu'elle ait repris son travail si tôt, parce qu'on ne vous a pas entendue sur ce sujet.
 
Oh, j'ai toujours... si, je me suis exprimée, bien entendu, j'ai toujours été très...
 
C. Roux : Ah, discrètement...
 
Mais chez vos confrères...
 
C. Roux : Pas chez nous...
 
Voilà...
 
C. Roux : Ça n'existe pas, vous savez comment on est...
 
Vous êtes un peu renfermé dans votre logique...
 
C. Roux : Ego-centré...
 
Si vous m'aviez invitée plus tôt, je me serais exprimée avec plaisir. J'ai vraiment été assez horrifiée par cette polémique, et j'ai eu l'occasion de discuter avec R. Dati, qui m'avait dit un certain nombre de choses, qui relevaient de la vie privée, j'aurais pu me précipiter sur les estrades pour faire état d'un certain nombre de confidences, j'ai toujours trouvé ça absolument assez répugnant, ce genre de choses. Maintenant, c'est vrai que quand on est ministre ou quand on est dans une activité indépendante, on peut mieux doser son activité, et la coordonner avec un certain nombre d'obligations. Vous savez, je suis issue d'une famille d'agricultrices ou de commerçantes, qui reprenaient très vite leur activité, le droit au congé de maternité est un droit irréfragable, personne ne songe à le remettre en cause. Les salariés, c'est la loi du tout ou rien, n'ont pas le droit de travailler pendant leur congé de maternité, c'est fort heureux. Maintenant, des femmes qui exercent des activités indépendantes peuvent mieux doser leur activité, c'est ce qu'a fait R. Dati.
 
C. Roux : Alors, que pensez-vous de la proposition de V. Pécresse, elle dit...
 
Excellente proposition ! Excellente proposition !
 
C. Roux : Voilà, elle dit : il faut une réforme institutionnelle pour avoir une intérim... M. Biraben : Donc si elle avait le choix, vous pensez qu'il aurait été mieux qu'elle reste avec son enfant si elle avait le choix...
 
Ah, mais, elle a le choix...
 
M. Biraben : ... Sa liberté...
 
Elle a le choix, il n'y a aucun problème sur le choix de R. Dati, quand vous connaissez R. Dati, ce n'est pas le genre de femme à se laisser dicter son attitude. Je n'ai pas eu cette impression, et je crois bien la connaître.
 
M. Biraben : On va passer au « J'aime/J'aime pas », vous allez nous dire si vous aimez ou si vous n'aimez pas la hausse des prix à la SNCF pour que les trains roulent mieux.
 
Si cette augmentation est justifiée et si elle améliore le service client, oui.
 
C. Roux : "J'aime/J'aime pas" A. Vallini, qui quitte la direction du PS ?
 
Ah, j'aime beaucoup A. Vallini. Qu'il quitte la direction du PS, c'est son choix, mais j'aime beaucoup A. Vallini.
 
C. Roux : Il aurait sa place au Gouvernement, puisque son nom avait circulé dans le cadre de l'ouverture, est-ce qu'il aurait sa place dans l'équipe Fillon ?
 
Oui, oui, bien sûr.
 
M. Biraben : "J'aime/J'aime pas" 29.799 expulsions en 2008 ?
 
Eh bien, je redis à la suite de B. Hortefeux que les personnes qui sont en situation illégale sur notre territoire ont vocation à être reconduites aux frontières de notre territoire, bien entendu, tout cela est assorti de mesures d'humanité, qui tiennent compte des situations individuelles...
 
M. Biraben : Merci...
 
C. Roux : C'est l'arrivée de la grippe, je vous le dis, parce que, il paraît que c'est l'arrivée de la grippe...
 
M. Biraben : Le vaccin !
 
Alors, il est encore temps de se vacciner, il faut toujours se laver les mains, et il faut éviter de cracher dans la figure de ceux qui vous sont proches. Ce que je vais essayer... ce que je vais évidemment faire à votre égard.
 
M. Biraben : Tout à fait, c'est formidable. Très bonne santé à vous...
 
Merci.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 13 janvier 2009