Déclaration de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, sur les retraites, le chômage, les affaires, le bilan de l'action du gouvernement Jospin, le communisme, la stratégie électorale de Lutte ouvrière, la délinquance juvénile dans les quartiers, Mulhouse le 15 février 2001.

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Texte intégral

Intervention d'Arlette Laguiller,
au meeting du jeudi 15 février 2001 à Mulhouse
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis.
Même s'il se trouve des confédérations syndicales pour s'abaisser au point de signer le texte sur les retraites proposé par le Medef, il n'en s'agit pas moins d'une attaque patronale grave contre les intérêts présents et futurs des travailleurs.
Car le patronat annonce clairement que son but est d'allonger la durée de cotisation pour la retraite en ne laissant aux travailleurs que le choix d'accepter que l'âge de la retraite soit repoussé au-delà de 60 ans ou de se contenter d'une retraite amputée.
Il réaffirme aussi sa volonté d'élargir et d'officialiser la présence des trusts de l'assurance dans la gestion des retraites. Les petits ruisseaux faisant les grandes rivières, ces trusts font depuis longtemps pression pour capter l'argent mis de côté par les salariés pour leurs vieux jours pour en faire du profit pour leurs actionnaires.
Les commentateurs et les syndicats signataires présentent pourtant comme un succès le fait que le patronat ait retiré son chantage de ne plus payer sa participation au fonds des retraites complémentaires et de ne pas toucher aux régimes de retraite complémentaire jusqu'au 31 décembre 2002, au lendemain de l'élection présidentielle. Mais il s'agissait de chantage, destiné justement à obtenir des confédérations la caution syndicale que certaines d'entre elles s'empressent aujourd'hui d'accorder au MEDEF.
Les chefs de l'organisation patronale ont marqué le coup devant le succès des manifestations du 25 janvier, travailleurs du privé et du public, ensemble. Ils plastronnent de nouveau. Kessler vient de s'en prendre à la retraite des travailleurs du service public. Il a même eu le culot de se faire le défenseur de l'égalité entre les travailleurs du public et ceux du privé. Mais cette inégalité entre ceux qui peuvent partir après 37,5 ans de cotisation et ceux qui sont contraints de cotiser pendant 40 ans vient de la décision inique de Balladur, en 1993, d'allonger le temps de cotisation des travailleurs du privé. Et tous ses successeurs, Jospin compris, l'appliquent depuis. Porter à 45 ans de cotisation la durée de cotisation pour tout le monde, voilà comment le Medef voudrait rétablir l'égalité.
Egalité devant la retraite, oui, mais sur la base du retour aux 37,5 ans de cotisation pour tous !
Kessler et Seillière vont en répétant que leur projet est à prendre ou à laisser et que les syndicats qui hésitent à signer la totalité du projet patronal en paieront le prix. Eh bien, la seule réaction digne des confédérations syndicales doit être, bien sûr, de refuser l'accord avec le Medef et d'organiser immédiatement la réaction des travailleurs !
Eh bien oui, c'est sur le fond de son projet qu'il faudrait faire reculer le patronat et faire rentrer leur arrogance dans la gorge du duo Kessler-Seillière ! Il n'y a pas de raison que, pour permettre aux entreprises multi-milliardaires de faire des économies sur la part patronale, de la cotisation de retraite, on impose aux travailleurs soit de crever au travail, soit de crever de misère avec une retraite amputée !
Le texte du Medef implique, en outre, que les syndicats acceptent de s'associer aux patrons pour faire appel ensemble au gouvernement afin qu'il réforme le régime de base, en clair, qu'il légalise l'abandon de la retraite obligatoire à 60 ans.
Comme s'il y avait un problème objectif pour pouvoir payer leurs retraites aux prochaines générations de retraités !
Mais le seul problème des retraites vient de l'avidité patronale. Car, malgré la croissance du nombre de retraités, il n'y a absolument aucune nécessité ni de repousser l'âge de la retraite en augmentant la durée de cotisation, ni d'augmenter le montant des cotisations !
Les patrons comme leurs porte-parole dans les médias ont le culot d'invoquer des arguments démographiques et répètent depuis plusieurs mois comme des arguments irréfutables des platitudes du genre : "En 1946, les plus de 60 ans représentaient 16 % de la population totale. Aujourd'hui, ils représentent 21 %. En 2030, ils seront 30 %. Il y aura donc alors deux fois plus de retraités pour le même nombre d'actifs. Par conséquent, le système de retraite par répartition ne peut plus fonctionner". Mais ce qu'ils oublient d'ajouter, c'est que la productivité, c'est-à-dire la quantité de richesses et de biens produits par chaque travailleur, a été multipliée par quatre, voire, dans bien des secteurs, par dix, pendant le même laps de temps. Ce qui signifie qu'un même nombre d'actifs pourrait assurer leurs retraites à quatre ou six fois plus de retraités. Et leur assurer une retraite qui permette à tous ceux qui ont été usés au travail de vivre correctement, c'est-à-dire une retraite égale au salaire ! Mais c'est le patronat, et lui seul, qui a empoché les fruits de cet accroissement de la productivité.
En fait, le patronat ne tient même pas forcément à obliger tous les travailleurs à travailler plus longtemps. A l'exemple des patrons de l'automobile, il préfère exploiter des jeunes, quitte à augmenter, au frais de l'Etat, le nombre des préretraités, qui sont 700.000 dans le pays. Ce que veut le Medef, c'est que les patrons puissent agir à leur guise. C'est pouvoir choisir de faire travailler ceux dont ils ont encore besoin ou décider de se débarrasser, avec une retraite réduite, de ceux dont ils estiment qu'ils sont trop usés pour être exploitables comme avant. Alors, le véritable choix n'est pas là où le placent le Medef et la presse aux ordres, à savoir entre l'augmentation des cotisations de ceux qui travaillent ou l'allongement de la durée de la cotisation. Non, le véritable choix, c'est à qui doivent aller les fruits de la productivité, au patronat ou aux vieux travailleurs . Eh bien, oui, ils doivent aller aux artisans de cette productivité, pas à ceux qui parasitent leur travail !
Il est inacceptable qu'aujourd'hui déjà 800.000 vieux travailleurs en soient réduits à vivre avec les 3.654 francs du minimum vieillesse. Alors, si les caisses de retraite ne suffisent pas à assurer pour tous une retraite correcte, c'est au patronat de payer la différence sur les bénéfices de leurs entreprises !
La retraite des vieux travailleurs, c'est le dernier en date des terrains choisis par le grand patronat dans son offensive tous azimuts contre les travailleurs et contre leurs conditions d'existence. C'est une offensive qui dure depuis bien des années. Le patronat a réussi à maintenir les salaires bas, à démolir la sécurité de l'emploi, à imposer la flexibilité des horaires de travail, à rendre les conditions de travail de plus en plus pénibles. C'est en surexploitant les travailleurs et en appauvrissant le monde du travail que les entreprises capitalistes assurent l'augmentation incessante des profits qui permettent à leurs propriétaires et actionnaires d'accroître leurs fortunes personnelles.
Alors, en se réjouissant de l'amélioration de la situation économique de tous ces gens-là et en identifiant leur satisfaction à celle de l'ensemble du pays, le gouvernement montre qu'il est leur gouvernement, celui des bourgeois et des riches.
La situation économique s'est améliorée aussi pour tous ces bourgeois moyens et petits qui constituent la clientèle des restaurants et des boutiques de luxe, qui ont une vie aisée, des voitures haut de gamme, des propriétés un peu partout. Quand la presse parle de l'accroissement de la consommation des Français, elle parle de ceux-là, de ces centaines de milliers, voire des millions de privilégiés, petits ou grands, de ces gens qui, au-delà de leur diversité, ont en général une chose en commun : ils tirent leurs revenus, directement ou indirectement, de l'exploitation des travailleurs.
Mais où est donc l'amélioration pour nous, les travailleurs ? Même pour ce qui est du chômage, en quoi les statistiques qui en indiquent la diminution, peuvent consoler les travailleurs que des grandes entreprises sont en train de jeter à la rue ?
Car les grandes entreprises, d'Unilever à Bull, en passant par Michelin et Alstom, Aventis et Moulinex, continuent d'annoncer des plans de licenciement. Danone, de son côté, projette de supprimer 3.000 emplois, dont 1.700 en France, alors pourtant que la direction vient d'annoncer que ses bénéfices en 2000 sont en hausse importante. Mais le secteur de la biscuiterie, qu'elle compte liquider en fermant 10 usines, ne rapporte pas autant que les autres !
Et que fait le gouvernement contre cela ? Rien !
Il est bien difficile de dire dans quelle mesure les chiffres officiels sur le chômage sont exacts, tant ces statistiques ont donné lieu à de multiples manipulations au fil des années. Mais même si on accepte comme vraie la diminution du nombre de chômeurs dont se vante le gouvernement, qu'est-ce que cette société qui condamne plus de 2 millions de ses membres au chômage, alors qu'on prétend que l'économie va bien ?
Qu'est-ce que cette société qui oblige nombre de ceux qu'elle condamne au chômage à vivre avec les 4.500 francs de l'allocation chômage minimum, allocation dégressive avec le temps. Des chômeurs qui, lorsqu'ils ont épuisé leurs droits, doivent vivre avec les 2.608 F du RMI ?
Et puis, même pour ces 500.000 travailleurs qui, d'après les statistiques gouvernementales, ont retrouvé du travail au cours de l'année, il faut un sacré cynisme pour prétendre que leur situation s'est vraiment améliorée. Car la plupart d'entre eux n'ont retrouvé qu'un travail précaire, en intérim, à temps partiel non choisi, en CDD, en CES, avec un salaire à peine plus élevé que l'allocation chômage ou le RMI.
Et, ceux d'entre vous qui travaillent chez Peugeot ou dans d'autres grandes entreprises savent que le travail en intérim, d'exception, est devenu un mode de fonctionnement normal. Les patrons en escomptent de pouvoir faire varier leurs effectifs en fonction de la production. Ils en espèrent une main-d'oeuvre plus docile, contrainte d'accepter toutes les exigences patronales sous peine d'être immédiatement mis à la porte.
Eh bien, je suis sûre que les patrons finiront par être détrompés ! En 1936, l'écrasante majorité des travailleurs ne bénéficiaient pas de plus de protection que les intérimaires aujourd'hui. Et cela n'a pas empêché l'explosion gréviste de juin 1936 !
Le nombre de ceux qu'on a rayés des statistiques du chômage mais qui continuent à alterner des périodes d'emplois précaires avec des périodes de chômage, a doublé en quelques années. Si l'on ajoute ceux qui n'ont que des emplois à temps partiel, on arrive au fait qu'un salarié sur six, près de trois millions de personnes, gagne aujourd'hui moins de 4.900 F net et un salarié sur dix gagne même moins de 3.600 F. Ce qu'on appelle pompeusement la diminution du chômage est, en fait, la diminution du salaire de ceux qui retrouvent un emploi !
Mais, bien au-delà de ceux qui ne touchent que des salaires qui permettent tout juste de survivre, c'est l'écrasante majorité des travailleurs qui ont un problème de pouvoir d'achat. Car les salaires, même de ceux qui ont un emploi fixe, sont bloqués ou freinés depuis très longtemps alors que les prélèvements ne cessent d'augmenter. Et cela concerne aussi bien les travailleurs du secteur public que ceux du secteur privé.
Car le gouvernement témoigne du même mépris que les patrons contre les travailleurs lorsqu'il propose 0,5% d'augmentation à ceux du service public. Comme si les travailleurs du service public étaient trop payés.
Trop payés, une infirmière, un agent hospitalier, un ouvrier du secteur public ? Trop payés les instituteurs, les professeurs, le personnel technique de l'Education nationale, les postiers ? Mais 10 % des employés du secteur public gagnent moins de 6.700 francs net et près de la moitié des effectifs du secteur public gagne moins de 9.600 F net.
Quant aux commentaires venant des milieux patronaux sur le nombre trop élevé de "fonctionnaires" comme ils disent, c'est un mensonge. Il n'y a certainement pas trop de personnel soignant dans les hôpitaux et les maternités publics, certainement pas trop de postiers ou d'ouvriers de l'Equipement. Ces attaques des nantis contre les fonctionnaires expriment surtout leur volonté de faire toujours plus d'économies sur les services publics pour continuer à accroître la part qui, dans le budget, est directement empochée par le patronat.
Le gouvernement évoque le coût, pour le budget, de l'augmentation des salaires des travailleurs des services publics. Le ministère de l'Economie répète qu'il n'est pas question de dépasser cette année les 25 milliards de dépenses supplémentaires à ce titre. Mais 25 milliards, ce n'est que la moitié des 50 milliards que l'Etat a consacré depuis douze ans à aider Dassault à développer l'avion de combat Rafale, en collaboration avec Lagardère et deux ou trois autres grands patrons de l'industrie de l'armement. Deux fois plus d'argent donc pour une demi-douzaine de fabricants de mort que pour plusieurs millions de travailleurs des services publics !
Alors oui, les travailleurs du secteur public ont raison d'exiger une véritable augmentation de salaire. Et cette revendication va bien au-delà du secteur public car l'insuffisance des salaires est un problème crucial pour l'ensemble des travailleurs, du public comme du privé.
Sur le terrain des retraites comme sur celui des salaires, seul compte le rapport des forces. Et ce rapport des forces, les travailleurs ne le modifieront que par une lutte d'ensemble de tous les travailleurs, ceux du privé comme du public, toutes catégories confondues. Le patronat a une politique. Et on voit bien sur la question de la retraite, par exemple, comment il poursuit cette politique au-delà des changements tactiques, qu'il adapte aux circonstances.
Eh bien oui, il faudrait que les organisations qui se revendiquent de la classe ouvrière opposent à la politique du patronat une autre politique, celle qui représente les intérêts des travailleurs et qu'elles proposent aux travailleurs des moyens pour imposer cette politique.
Mais ce n'est pas cela qui se passe. Au meilleur des cas, les organisations syndicales répondent à certaines provocations patronales ponctuelles ou se contentent de la dénoncer. Au pire, elles s'alignent sur la politique patronale et s'en font le porte-voix.
La CGT a claqué la porte, à juste titre, lors des négociations avec le Medef. Elle envisage une journée d'action nationale. Si cela se fait, il faudra, bien sûr, que les travailleurs y participent largement, tout à la fois pour répondre à la provocation patronale mais aussi pour faire pression sur les confédérations syndicales elles-mêmes.
Mais des journées d'action ponctuelles, qui ne s'inscrivent pas dans une perspective, ne suffisent pas. En 1995, la CGT et FO ont montré qu'elles étaient capables d'avoir une stratégie et de proposer des actions qui ont fini par déboucher sur la mobilisation qui fait échouer le plan Juppé contre les travailleurs du service public. Seulement à l'époque, c'était un gouvernement de droite. Mais il n'y a pas de raison que les travailleurs acceptent plus les coups du patronat sous un gouvernement qui se prétend de gauche que sous un gouvernement de droite.
Nous savons bien qu'une lutte d'ensemble ne se déclenche pas en appuyant sur un bouton. Mais c'est dans cette perspective que devraient travailler tous ceux, syndicats ou partis politiques, qui affirment vouloir améliorer le sort des travailleurs.
Car cette lutte d'ensemble est absolument indispensable si les travailleurs ne veulent pas subir l'aggravation incessante de leurs conditions d'existence.
Et puis, regardons donc à quoi leur sert l'argent qu'on économise franc à franc sur le dos des travailleurs. L'affaire Sirven, ou plus exactement l'affaire de la société pétrolière Elf, lève un petit coin du voile sur les millions gaspillés, mais aussi sur les liens qui existent entre les grandes entreprises et leurs patrons, et entre l'Etat et les dirigeants politiques.
Le carnet d'adresses d'Alfred Sirven, ex-numéro 2 de la société pétrolière Elf et présumé coupable de corruption et d'escroquerie est un véritable Bottin mondain. S'y côtoient les noms de PDG de grandes sociétés, d'affairistes à la réputation trouble, de hauts fonctionnaires de police et bien sûr d'une belle brochette d'ex-ministres, de députés, de chefs et de dirigeants politiques. Il y en a pour tout le monde, droite et gauche mélangées. A droite, les ex-ministres Gérard Longuet, Robert Pandraud, Alain Madelin, Hervé de Charette, Charles Pasqua flanqué de son fils et de deux de ses lieutenants. A gauche, l'ancien directeur de cabinet de Mitterrand et son fils Jean Christophe, Tony Dreyfus, député du PS, sans parler de Roland Dumas, ex-ministre des Affaires étrangères, ex-président du Conseil constitutionnel, déjà l'impliqué dans l'affaire Elf.
Alfred Sirven a affirmé, au moment de son arrestation, qu'il a suffisamment de noms à balancer pour -l'expression est de lui- "faire sauter vingt fois la République". Les hommes politiques mis en cause commencent à protester de leur bonne foi et expliquent que s'ils ont bien eu des contacts avec Alfred Sirven, c'est en tant que ministres, députés ou hauts fonctionnaires donc, pour des raisons tout à fait avouables et professionnelles.
Mais cette ligne de défense elle-même confirme les liens, tout à fait officiels, entre les plus hauts sommets de l'Etat et les patrons de la société pétrolière. Comment imaginer que tous ces gens-là aient pu ignorer les pratiques de la société Elf, même si tous n'étaient pas personnellement corrompus ?
C'est Sirven qui est accusé d'avoir usé de la corruption à des fins personnelles, mais c'est bien Elf qui consacre une partie de ses profits à constituer des fonds destinés à la corruption.
Fonds qu'elle obtient notamment par le pillage des pays pauvres où se trouvent les gisements pétroliers. Les ressources de ces pays ne servent pas à sortir leurs populations de la misère. Mais l'argent de la corruption assure aux chefs de ces Etats, aux ministres et aux dirigeants politiques, des trains de vie de nabab - et les moyens d'acheter des armes contre leur propre peuple.
Elf est intégré aujourd'hui dans le trust TotalFinaElf qui vient d'annoncer pour l'année dernière un profit de 50 milliards, le plus gros jamais réalisé par une entreprise française ! Quant à son chiffre d'affaires, il représente près de la moitié du budget total de l'Etat ! C'est une puissance capable de peser sur la politique de l'Etat français infiniment plus que ne pèsent les élections.
Mais la société pétrolière n'est pas la seule de son espèce. Il y a une véritable fusion entre l'Etat et les groupes industriels et financiers les plus puissants. Cette fusion est facilitée encore par les navettes que font les dirigeants politiques entre des places de ministres et des positions de hauts cadres dans des trusts privés. Martine Aubry, qui est passée de la place de directrice du trust Péchiney à la tête du ministère du Travail, n'est qu'un des noms sur une longue liste de carrières similaires -à commencer par celle de l'ancien Premier ministre Balladur.
Et il y a d'autres affaires de corruption. Il y a l'affaire des marchés publics de la région parisienne qui a révélé comment le RPR, l'UDF et le PS attribuaient les travaux d'entretien et de rénovation des lycées aux grandes entreprises du bâtiment qui leur versaient, en échange, des dessous de table. Et ces partis, tout clivage politique oublié, s'entendaient pour se répartir l'argent de la corruption.
Puis, il y a l'instruction de l'affaire du trafic d'armes en direction de l'Angola. Là encore, 13 millions de commission pour le fils Mitterrand rien que pour avoir servi d'intermédiaire au trafiquant d'armes Pierre Falcone ! Le plus révoltant dans l'affaire est que pour permettre à Falcone d'empocher de gros bénéfices et au fils Mitterrand, de toucher son pourboire, on maintient les habitants d'un des pays les plus pauvres de la planète dans la misère et dans une guerre permanente !
Cette commission de 13 millions de francs, comme les nombreuses autres commissions perçues en tant que conseiller aux affaires africaines, ne suffisait apparemment pas à Jean-Christophe Mitterrand. Le "Canard enchaîné" a révélé, la semaine dernière, qu'entre 1996 et 1997, il a perçu de l'ASSEDIC 336.596 francs d'allocation chômage. Que ceux d'entre vous qui ont été ou sont chômeurs ne s'étonnent pas de n'avoir jamais touché un tel pactole de l'ASSEDIC ! C'est qu'avant d'être officiellement chômeur, Jean-Christophe Mitterrand avait un salaire de 100.000 francs par mois, payé par le trust Générale des eaux, aujourd'hui Vivendi.
Voilà leur monde ! C'est celui des relations mondaines, c'est celui de l'argent facile.
Même un second rôle de l'affaire Elf comme Christine Deviers-Joncour, payée pour intervenir auprès de Roland Dumas alors ministre, s'est vu offrir 17 millions de francs pour un pied-à-terre assez vaste pour y caser une dizaine de F2 en HLM !
Alors, on imagine ce que touchent les corrompus plus haut placés, ceux-là même qui prêchent les sacrifices et l'austérité pour des travailleurs gagnant 6.000 ou 7.000 F par mois ! Et on imagine combien cela rapporte aux corrupteurs !
On pourrait n'être qu'écoeuré des moeurs de ce monde vénal et de leur hypocrisie. Mais l'argent dilapidé par leur beau monde, c'est sur nous qu'ils le prélèvent ! Quand les travailleurs protestent contre leurs salaires trop bas, on leur reproche de ruiner l'économie. Aux travailleurs des pays d'Afrique ou d'ailleurs, payés par Elf quatre ou cinq cents francs par mois, on ne leur dit même rien, on se contente de les faire taire. Et tout cela, pour que ces trusts entretiennent ce monde de parasites ! Eh bien, oui, c'est à cette économie-là, à cette société qu'il faudra mettre fin un jour, et cela viendra plus tôt que tous ces gens ne le redoutent !
Si l'on veut empêcher les groupes financiers et industriels d'utiliser les profits qu'ils réalisent, à influencer la vie politique plus que les élections ne l'influencent, par la corruption et en achetant les hommes au pouvoir, il faut imposer le contrôle des travailleurs, le contrôle des usagers, le contrôle des consommateurs, sur les entreprises privées comme les entreprises publiques et sur toute leur comptabilité !
Les gouvernements de droite que nous avons connus dans le passé ne se donnaient même pas la peine de cacher leur haine et leur mépris des travailleurs. C'était dans l'ordre des choses. C'est du côté des bourgeois et des patrons, petits et grands, que les partis de droite glanent leurs voix. C'est à eux qu'ils cherchent à plaire.
Mais ce gouvernement dirigé par le Parti socialiste ne mène pas une politique différente quant au fond. Il le fait seulement plus hypocritement, en essayant de présenter chacun de ses mauvais coups comme un geste "social", parce que la seule différence qui sépare les partis de la gauche gouvernementale de la droite, c'est que leur électorat vient en grande partie du côté des travailleurs.
Regardons le bilan du gouvernement Jospin. Il continue, comme ses prédécesseurs, à combler le patronat de subventions, d'aides de toutes sortes, quitte à économiser sur le reste, sur les services publics indispensables. Il continue à accorder des dégrèvements sur la part patronale des cotisations sociales, quitte à invoquer ensuite les difficultés financières de la Sécurité sociale pour limiter les dépenses de santé des classes populaires. Il continue à faire des cadeaux fiscaux aux plus riches, comme vient de le faire Fabius en réduisant la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, quitte à maintenir à un niveau élevé les impôts indirects, la TVA et les taxes pétrolières, qui frappent avant tout, là encore, les classes populaires. C'est pour donner toujours plus au grand patronat qu'on freine les dépenses pour l'éducation, pour la santé, qu'on limite l'embauche d'enseignants, d'animateurs, d'infirmières, de personnel médical et qu'on ferme des hôpitaux et des maternités.
Quant aux 35 heures, elles coûteront dans les années à venir des centaines de milliards au budget de l'Etat, des milliards qui iront aux patrons sous prétexte de les dédommager d'une loi des 35 heures qui, pourtant, non seulement ne leur fait aucun mal, mais comble leurs voeux en leur permettant d'imposer l'annualisation du temps de travail et la flexibilité des horaires. La meilleure preuve que cela se fait contre les travailleurs, c'est que la plupart des grèves qui se déroulent depuis plusieurs mois sont des grèves contre les modalités d'application des 35 heures dans les entreprises.
Et lorsque le patronat a voulu imposer le PARE, cette modification des conditions d'attribution de l'allocation chômage, qui vise à faire accepter aux chômeurs n'importe quel travail à n'importe quelles conditions, le gouvernement n'a fait mine de résister quelques semaines que pour la forme. Mais il a fini par cautionner le projet patronal.
Quant aux travailleurs immigrés, transformés en sans-papiers par les lois Pasqua-Debré, on sait ce qu'il est advenu de la régularisation promise par le Parti socialiste. Si une partie a été régularisée, il en reste 63.000 dont la situation s'est aggravée. Ayant donné leur adresse, ils paient aujourd'hui d'avoir cru aux promesses d'un Parti socialiste qui s'est renié, sur cette question comme sur bien d'autres. Et lorsque les sans-papiers protestent et rappellent les promesses faites, comme ils l'ont fait il y a une dizaine de jours en occupant l'église Saint-Bernard à Paris, la seule réponse du gouvernement, c'est l'expulsion musclée des occupants et l'interpellation de 11 d'entre eux. Deux parmi ces onze ont été expulsés, dont l'un vivait en France depuis plus de vingt ans.
Je tiens à manifester ma solidarité avec eux, et plus généralement avec les luttes des sans papiers pour obtenir enfin des conditions d'existence convenables.
Je tiens aussi à réaffirmer que tous ceux qui vivent et travaillent dans ce pays, quelles que soient leurs origines et leur nationalité, doivent avoir le droit de vote. Priver les travailleurs immigrés de ce droit élémentaire est une façon pour la bourgeoisie et ses hommes politiques de réduire l'influence électorale de la classe ouvrière. Alors, cette revendication doit être celle de tous les travailleurs !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 février 2001)
Travailleuses, travailleurs,
Nous, Lutte ouvrière, nous nous revendiquons du communisme, c'est-à-dire du courant qui milite pour des transformations sociales radicales. Car cette société est pourrie au dernier degré. Il est indispensable, pour l'avenir de l'humanité, de la changer de fond en comble par l'expropriation de la classe bourgeoise, par la suppression de la propriété privée des grands moyens de production, par la réorganisation de l'économie afin qu'elle fonctionne pour satisfaire les besoins de la collectivité et non pour le profit de quelques-uns.
Malheureusement, le grand parti qui, dans ce pays, porte encore le nom de communiste s'est bien éloigné du communisme, et depuis très longtemps. Aujourd'hui, c'est un parti gouvernemental. Sa politique au gouvernement est celle du Parti socialiste.
Mais, si les chefs du Parti communiste sont identiques aux hommes politiques de la bourgeoisie, la différence, c'est que, même aujourd'hui et malgré des dizaines d'années de trahison des idées communistes de la part de leurs dirigeants, il y a encore des milliers de femmes et d'hommes qui sont dans ce parti parce ce qu'ils aspirent à combattre la bourgeoisie et les riches, et non à les servir comme le font leurs dirigeants.
Ces femmes et ces hommes, ces militants, nous les considérons comme nos frères de combat. Et c'est justement pour cela que nous critiquons leurs dirigeants qui mènent une politique nuisible aux travailleurs et à leurs intérêts. Cette politique d'alignement derrière le Parti socialiste et, au-delà, derrière les intérêts de la bourgeoisie ne date pas de Robert Hue, ni même de Georges Marchais, mais bien du temps de Thorez, du "produire d'abord, revendiquer ensuite" qui permit à la bourgeoisie française d'imposer de lourds sacrifices aux travailleurs au lendemain de la guerre.
La direction du Parti communiste invoque le réalisme et prétend oeuvrer, au sein du gouvernement, pour améliorer le sort des ouvriers. Mais les ministres communistes ne servent qu'à cautionner le gouvernement Jospin.
On ne peut pas tout à la fois servir la bourgeoisie au gouvernement et défendre les intérêts des travailleurs. Et, à pratiquer ce grand écart, le parti finit par écoeurer les travailleurs, à commencer par ses propres militants ouvriers. Or ces militants, malgré la politique de leur parti, continuaient à défendre des valeurs du mouvement ouvrier. Et ils sont de moins en moins nombreux pour accomplir cette tâche.
Pourtant, la classe ouvrière a besoin de militants, a besoin d'organisations qui continuent à perpétuer le mouvement ouvrier organisé, dans les entreprises comme dans les quartiers populaires.
C'est ce que Lutte ouvrière essaie de faire, même avec bien moins de moyens que le Parti communiste.
C'est dans cette optique qu'elle sera présente, partout où cela sera possible, aux prochaines élections municipales. A Mulhouse, notre liste sera conduite par François RUCH, à Colmar, par Christian ROUSSET et à Guebwiller, par Michel SCHMIDT.
Nous ne nous présentons pas parce que nous aurions trouvé un moyen miraculeux pour mettre fin à la pauvreté et à l'exploitation dans le cadre d'une municipalité. Ce moyen n'existe pas. Les principaux problèmes des travailleurs, ici comme ailleurs, viennent du chômage, des bas salaires, de la morgue patronale.
Parmi toutes les institutions de cette société bourgeoise, les municipalités sont pourtant celles qui sont les plus proches de la population, les plus à même d'en connaître les problèmes quotidiens et, dans les petites villes en tout cas, les plus faciles à être soumises au contrôle de la population. C'est justement la raison qui fait que l'Etat a toujours cherché à rendre les municipalités les plus indépendantes possible de la population et dépendantes de l'Etat. Le mode de scrutin défavorise les minorités en assurant une sur-représentation à la liste arrivée en tête et se conjugue avec les lois sur les attributions des maires, pour donner au maire un pouvoir quasi absolu par rapport à la population de sa commune et même par rapport aux conseillers municipaux, tout en le rendant responsable devant le préfet. Il est significatif que le pouvoir central ait le droit de suspendre ou de révoquer un maire, voire même de dissoudre un conseil municipal, mais que la population, elle, n'ait aucun moyen de révoquer un maire pendant les six ans de sa mandature.
Il n'est pas question évidemment de voter pour les ennemis ouverts des travailleurs que sont les partis de droite et à infiniment plus forte raison, pour les ennemis mortels que sont les partis d'extrême-droite. Mais il n'est pas de l'intérêt des électeurs des classes laborieuses de voter pour les candidats qui soutiennent même indirectement la politique du gouvernement, car ce serait cautionner cette politique anti-ouvrière.
Lutte Ouvrière présente des listes dans ces élections pour que les électeurs puissent exprimer leur rejet de la politique du gouvernement, en montrant clairement que ce rejet vient du côté du monde du travail.
Nous nous présentons pour dénoncer la situation qui est faite aux travailleurs et pour dénoncer les responsables de cette situation.
Nous nous présentons pour faire entendre les exigences du monde du travail, fermement, sans que cela puisse être récupéré ni par la droite, ni par la gauche gouvernementale, ni au premier, ni au deuxième tour.
Non seulement, nous ne participons au premier tour à aucune coalition électorale mais, si nous sommes présents au deuxième tour, nous ne ferons alliance avec aucune des formations qui ont une responsabilité quelconque dans les gouvernements d'hier, et d'aujourd'hui.
Tous ces gens-là n'en ont rien à faire de la dégradation de la condition ouvrière au profit du patronat. Ils voudraient bien pourtant assurer leur place de Maire et le pouvoir qui va avec grâce aux votes des travailleurs. Eh bien, qu'ils ne comptent pas sur nous, ni pour cautionner la politique gouvernementale qu'ils soutiennent, ni pour les installer ou les conforter dans les postes qui les intéressent. Les travailleurs n'ont pas à dire merci, lors des élections, à ceux qui leur portent des coups le reste du temps
Voter pour les listes Lutte ouvrière c'est avant tout faire un geste politique.
Si les électeurs sont nombreux à faire ce geste, cela aurait une grande importance pour les combats à venir du monde du travail.
En élisant nos candidats, ils enverront au conseil municipal des élus dont ils pourront être sûrs qu'ils représenteront leurs intérêts. Car ceux qui sont sur nos listes ne poursuivent pas une carrière, ils ne sont liés à aucun grand parti gouvernemental, ils n'ont aucun fil à la patte, aucun allié à ménager. Ils sont libres de dénoncer toutes les magouilles, tous les cadeaux faits aux entreprises capitalistes par la municipalité, soit en leur livrant des services essentiels, comme la distribution de l'eau ou les transports publics, soit en facilitant leur installation par des détaxes, par des terrains viabilisés au frais de la commune vendus au franc symbolique.
Les municipalités ne sont certes pas les principales responsables de l'absence cruelle de logements sociaux. Mais, bien souvent, elles font des choix qui, même dans le cadre municipal, favorisent les plus aisés, en aggravant la situation des plus défavorisés, en consacrant par exemple des sommes considérables à la rénovation du centre ville et en laissant à l'abandon les quartiers périphériques où les logements se détériorent et les équipements manquent.
Eh bien, les élus Lutte ouvrière se considèrent avant tout comme les représentants de la population laborieuse, des travailleurs et des chômeurs ! Ce sont leurs intérêts qu'ils défendront en priorité.
Si les élus Lutte ouvrière sont suffisamment nombreux, ce qui implique déjà une solidarité, un accord avec leurs idées d'une partie de l'électorat, ils chercheront à entraîner l'intervention directe de la population elle-même : pour qu'elle surveille la gestion de la municipalité et exerce la pression qu'il faut, par ses mobilisations, par des manifestations, pour que ses intérêts soient pris en compte. Ils populariseront l'idée qu'elle a les moyens de prendre des initiatives dans les affaires publiques qui la concernent. Dans tous les domaines où faire se peut, ils feront appel à la participation de tous, plutôt que de solliciter vainement l'Etat ou de faire appel à des entreprises privées en leur permettant de faire du profit sur le dos de la population
Bien sûr qu'il existe déjà des associations qui font appel à la bonne volonté de la population, et c'est tant mieux ! Mais nous avons la conviction qu'il est possible de généraliser la participation de la population, y compris en dehors des domaines où sont cantonnées les associations. Et je ne prendrai que deux exemples.
Tout le monde, ou plus exactement tous ceux qui connaissent les quartiers populaires, déplore qu'en raison des classes surchargées et de bien d'autres choses, les enfants de ces quartiers sortent souvent de l'école primaire sans avoir appris à lire, à écrire ou à s'exprimer correctement. Un grand nombre d'entre eux, quand ils ont appris quelque chose une année, régressent l'année suivante, quand certains ne retournent pas à l'analphabétisme.
Eh bien oui, des conseillers municipaux, même minoritaires mais disposant d'un soutien dans la population, pourraient faire appel à la population, à ceux en tout cas qui ont une certaine compétence, des retraités, des parents d'élèves ou des étudiants, pour aider les instituteurs, en prenant à part les élèves à problèmes, par petits groupes, voire par groupes de langue d'origine. Cela ne pallierait certainement pas l'insuffisance d'instituteurs, dont il faudrait continuer à revendiquer l'embauche en faisant sur l'Etat la pression nécessaire, y compris et surtout en mobilisant la population. Mais cela permettrait aux enseignants d'être secondés et donc plus efficaces.
Mais il y aurait aussi une politique à mener par rapport aux jeunes des quartiers populaires, entraînés dans la violence gratuite voire dans la délinquance ; délinquance dont les habitants de ces quartiers, y compris leurs propres parents, sont les principales victimes.
A qui faire croire que c'est seulement un problème de police ? Et qu'un millier de policiers de plus à l'échelle du pays, même flanqués de 5.000 emplois jeunes en uniforme, comme le propose le gouvernement, suffiraient pour répondre à la montée de la violence ou de la délinquance dans la jeunesse ?
Je sais que, dans bien des circonstances, la présence d'îlotiers, proches de la population, peut décourager la petite délinquance et, en tout cas, rassurer celles et ceux qui en sont victimes. Mais il suffit d'une poignée de policiers, racistes ou anti-jeunes pour que toute présence policière, même de proximité soit ressentie comme une provocation par l'ensemble des jeunes d'un quartier.
Et surtout, comment se fait-il que ce sont les petits caïds comme il en a toujours existé dans les banlieues ou des dealers, qui imposent leur loi, leurs moeurs, leurs violences dans bien des cités HLM ? Pourquoi ne parvient-on pas à isoler de la majorité des jeunes, cette petite minorité qui préfère dealer, trafiquer c'est à dire vivre en petit parasite sur plus pauvres qu'eux ?
Eh bien, il ne suffit pas de faire donner la police, pour résoudre ces problèmes !
Avant tout, il faudrait que les jeunes aient d'autres perspectives que commencer leur vie d'adulte en tant que chômeurs !
Et puis, il faudrait dans les quartiers populaires plus d'équipements collectifs, plus de locaux réservés aux jeunes, plus d'animateurs, plus d'éducateurs ! Il faudrait que les écoles des quartiers populaires ne soient pas laissées à l'abandon, qu'il y ait plus d'enseignants et que ces derniers aient les moyens et la possibilité de faire autre chose que de la garderie ! Incapable d'assurer ces 90 % de social qui seraient nécessaires pour que les jeunes ne soient pas entraînés par une poignée de caïds, on fait 90 % de répression policière.
Bien sûr, les habitants d'un quartier dit sensible n'ont pas les moyens de mettre fin aux causes fondamentales de la violence des jeunes, le chômage et la pauvreté. Mais ils peuvent, collectivement, assurer la formation de la conscience et de la morale des adolescents et peser sur leur comportement. Il ne s'agit pas de jouer les zorros la nuit dans les cages d'escalier ou dans les caves d'un HLM. Il s'agit d'amener le maximum d'adultes à intervenir auprès des jeunes, quand ils en ont la possibilité, d'user de leur autorité pour les convaincre, pour les éduquer gentiment, par des petits gestes quotidiens. Une seule observation venant d'un adulte pour demander à un groupe d'adolescents de ne pas laisser traîner des canettes de bière ou des mégots de cigarette dans les parties collectives de l'immeuble entraîne bien souvent des réflexions désobligeantes voire des insultes. Mais si ce type d'intervention ne se limite pas à celle du gardien, si nombreux sont ceux qui ne restent pas passifs, il y aura sans doute, à la longue, moyen de changer bien des comportements.
Mais pour que cette pression collective soit efficace, il faut que la collectivité combatte en même temps dans ses propres rangs tous les préjugés qui la divisent, à commencer par les préjugés racistes et chauvins. Et il faut aussi que la population des quartiers pauvres surveille et contrôle en même temps les policiers, pour réagir contre ceux qui se permettent des réflexions et des comportements racistes. Un contrôle d'identité au faciès suffit pour que tous les jeunes se sentent, à juste titre, agressés.
Eh bien, les conseillers municipaux de Lutte ouvrière oeuvreraient pour qu'émerge, dans les quartiers populaires, là où l'écrasante majorité est constituée de travailleurs, une conscience collective, la conscience d'intérêts communs.
La seule pression morale de la collectivité ne sera sans doute pas suffisante pour convaincre les dealers et les caïds, d'autant plus accrochés à leur pouvoir sur un quartier populaire qu'ils en tirent de gros avantages matériels. Mais la seule voie pour les isoler et les marginaliser et pour contrecarrer leur influence, c'est d'opposer à leur pouvoir sur les jeunes, le pouvoir de la collectivité !
Une fois cette minorité isolée, la collectivité dispose de bien des moyens, y compris physiques en cas de nécessité, pour empêcher quelques petits voyous ou quelques imbéciles d'agresser par exemple les chauffeurs de l'unique ligne d'autobus qui dessert le quartier ou de brûler des voitures qui, dans les quartiers pauvres, sont celles de travailleurs ou de chômeurs.
Au temps où le mouvement ouvrier était plus puissant qu'il ne l'est aujourd'hui, où le Parti socialiste était réellement socialiste, où le Parti communiste était vraiment communiste, il y avait des militants, des sympathisants dans les quartiers populaires qui, par leur seule présence, par leur capacité d'entraînement, influençaient le climat et les comportements aussi bien sur le plan politique, contre la xénophobie et le racisme, que sur le plan des comportements sociaux, du vandalisme gratuit à l'alcoolisme. Et ils le faisaient, non pas en faisant appel aux autorités, mais en faisant appel à la conscience de classe, et à la participation des gens eux-mêmes à la solution de leurs propres problèmes.
Ce ne sont évidement pas ces élections qui changeront la situation générale de la classe ouvrière. Le véritable combat devra se dérouler ailleurs, avec les méthodes du mouvement ouvrier, avec les grèves et les manifestations. Pas seulement ici, bien sûr, mais à l'échelle de l'ensemble du pays. Cela arrivera, car c'est, peut-être, précisément le décalage, la contradiction flagrante entre les discours gouvernementaux d'autosatisfaction et l'aggravation du sort des ouvriers qui poussera les exploités à la révolte.
Mais les élections elles-mêmes peuvent constituer un petit pas vers l'émergence dans ce pays d'un parti représentant les intérêts politiques des travailleurs. C'est indispensable pour l'avenir.
Car, même les mouvements de révolte les plus décidés, même les vagues de grève les plus amples, peuvent être dévoyés sur des voies de garage. Pour que ce ne soit pas le cas, il faut une organisation, un parti qui unifie les luttes des travailleurs des différentes entreprises, des différentes régions du pays, autour d'une même politique qui vise à rendre plus fort le camp des travailleurs, et pas à assurer une carrière à quelques-uns.
Alors, je vous demande d'aider Lutte ouvrière à défendre la politique au nom de laquelle elle se présente auprès de tous les travailleurs, et de toute la population de cette ville. Je vous demande de convaincre vos proches, vos amis, vos camarades de travail, de voter et de faire voter pour les listes Lutte ouvrière !
Et je vous demande, bien au-delà de ces élections municipales, de nous aider pour que se renforce un courant dont l'unique objectif est de défendre les intérêts politiques des travailleurs et des classes pauvres.
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 16 février 2001)