Texte intégral
Q - Quelle est votre réaction après le discours d'investiture de Barack Obama ?
R - Je ne voudrais pas bouder mon plaisir. C'était une cérémonie réjouissante et exceptionnelle. Nous en avons connu d'autres mais il s'agit cette fois-ci d'un homme exceptionnel, dans un pays exceptionnel. C'est en tout cas un message d'espoir, mais pas de faux espoirs. C'était un discours solide. Le président Obama a parlé d'efforts. Il a dit : "La grandeur se gagne au quotidien". Il a fait un discours très social.
On peut se livrer à une analyse de spécialiste et, après le plaisir que j'ai pris à être téléspectateur, je vous dirai que nous n'avons pas eu de surprise. Nous ne comptions d'ailleurs pas en avoir sur les problèmes internationaux qui vont se poser à nos deux pays.
Nous avons fait des propositions, les Américains les ont reçues. Quelque chose a changé et, d'ailleurs, Barack Obama l'a souligné très clairement : "Le monde a changé et nous devons changer". Il a dit également : "Ne soyons pas ennemis avec tout le monde. Il y a, contre la corruption des luttes à mener". Il a dit qu'il combattrait ceux qui tuent des innocents, mais il a aussi parlé de paix. Il l'a dit à propos de l'Irak et de l'Afghanistan. Je suis très heureux de l'entendre.
Q - Monsieur Kouchner, Hubert Védrine était avec nous, il y a encore quelques instants. Il a occupé votre fauteuil au ministère des Affaires étrangères, il y a quelques années, et dit que c'est une formidable opportunité pour la France, pour l'Allemagne et pour le Royaume-Uni d'adopter quelques positions communes et ne faire plus qu'un finalement avec les Etats-Unis...
R - Tout d'abord, il n'y a pas que l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, il y a vingt-sept pays qui ont tous adressé un message transatlantique, manifestement bien reçu puisque Mme Hillary Clinton y a répondu partiellement dans son discours au Sénat.
Je suis très heureux qu'Hubert Védrine pense qu'une position commune pourrait être prise sur bien des sujets, c'est ce que nous faisons depuis longtemps et il l'a sans doute remarqué.
Nous ne pouvions pas le faire avec M. Obama puisqu'il n'était pas encore président des Etats-Unis. Maintenant, nous allons le faire sur bien des sujets, sur des sujets de politique internationale, sur des positions communes européennes.
Je rappelle également que nous l'avons fait en Géorgie, sans les Américains, nous l'avons fait récemment encore il y a deux jours entre les Palestiniens et Israël.
Nous espérons bien sûr être rejoints, travailler ensemble, pour pouvoir, avec nos amis américains, aller plus loin. L'Union européenne, la France, bien sûr, qui l'a présidée, ont la conviction que les vingt-sept pays européens doivent continuer sur la voie des propositions.
Q - Encore un mot concernant la France, Monsieur Bernard Kouchner ; puisque Nicolas Sarkozy a adressé une lettre tout à l'heure à Barack Obama dans laquelle il dit : "La France est résolue à travailler main dans la main avec les Etats-Unis", pouvez-vous simplement préciser ce que vous venez de dire ? De quelle manière et sur quels sujets ?
R - Nous l'avons fait sur les deux sujets dont je viens de parler mais nous pouvons évidemment le faire sur l'environnement ainsi que sur un certain nombre de sujets. La France a proposé - et l'Union européenne aussi - de réagir ensemble à la crise économique qui a été très présente dans le discours de Barack Obama. C'était un discours très social. Bien sûr qu'il faut changer et une attitude commune doit être trouvée pour faire face à la crise économique et sociale.
A propos du Proche-Orient et de cette crise - trois semaines de crise et de guerre à Gaza - que nous venons de traverser, nous espérons qu'une position commune sera trouvée. C'est d'ailleurs dans le droit fil d'Annapolis. Il faut absolument qu'il y ait une réconciliation palestinienne et qu'un Etat palestinien viable, démocratique, aux côtés d'Israël existe, garantissant d'ailleurs en lui-même, par son existence-même, la sécurité d'Israël.
Sur tous ces sujets, nous avons déjà produit, non seulement des documents mais nous avons travaillé ensemble avec les Américains. J'espère que nous allons continuer, j'en suis d'ailleurs certain parce que c'était, encore une fois, un discours d'espoir et un discours réaliste, qui donnait la dimension habituelle de souffle que les Américains savent donner mais dont tout ne va pas nous satisfaire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 janvier 2009