Déclaration de Mme Fadela Amara, secrétaire d'Etat à la politique de la ville, sur les entreprises dans les zones franches urbaines, Paris le 25 février 2009.

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« Madame la rapporteure, chère Fatiha Benatsou, Mesdames et Messieurs les conseillers, tout d'abord, je voudrais vous féliciter, Monsieur le Président, vous et le Conseil, du travail en partenariat que vous menez avec vos collègues du CES d'Algérie. Je suis très attachée à cette pratique. Je suis moi-même d'origine algérienne et je me réjouis donc de ce rapprochement. Dans la volonté du Président de la République, le projet de l'Union pour la Méditerranée est de faire en sorte que des ponts et des passerelles de fraternité existent. Je félicite donc cette assemblée de ce travail indispensable aujourd'hui pour créer et renforcer ces passerelles.
Mesdames et Messieurs les conseillers, je vous remercie par ailleurs de m'accueillir pour la deuxième fois dans cette enceinte. Elle représente l'ensemble des composantes de la société française et par delà les clivages partisans, un véritable aiguillon pour la République au service de l'intérêt général.
Vous le savez, dès mon arrivée au gouvernement, j'ai souhaité rompre avec la logique curative et l'empilement successif des plans dont la politique de la ville a trop souvent souffert, en impulsant une logique de dynamique. J'ai appelé cette nouvelle politique la Dynamique espoir banlieue . En effet, nos quartiers ont besoin d'être réinvestis par une volonté politique forte, une politique sur mesure répondant aux exigences du territoire : une dynamique active et réactive qui s'inscrit dans une culture de résultats, une dynamique se nourrissant et se réoxygénant en permanence des analyses et des bonnes pratiques de tous les acteurs. C'est pourquoi, je suis heureuse de travailler main dans la main avec une assemblée comme la vôtre. Et je tiens à rendre hommage à Fatiha Benatsou, qui a effectué un travail d'une grande qualité et dont les convictions et l'engagement aux côtés des femmes et des plus fragiles méritent d'être salués. Merci à vous, madame la rapporteure, pour votre initiative, qui me donne l'occasion de m'exprimer sur ces sujets complexes, mais passionnants, que sont le développement économique et l'emploi dans nos quartiers populaires.
La mobilisation des acteurs économiques est essentielle pour moi, car l'emploi est la clef de la promotion sociale. En effet, l'entreprise est l'outil majeur de la création de richesses, sans laquelle il ne peut y avoir de redistribution et donc d'émancipation. Nous devons toujours garder ce cadre à l'esprit lorsque nous parlons des zones franches urbaines. Le dernier rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles nous le démontre. La manière dont il a présenté les éléments était très optimiste, mais je suis lucide : pour la première fois, ce rapport affirme que les résultats sont là. Nous assistons bien à un rattrapage sensible des zones franches urbaines par rapport aux quartiers les entourant et leur attractivité est démontrée d'année en année par un taux d'installation des entreprises qui ne cesse d'augmenter. Cependant, un énorme travail doit encore intervenir si nous voulons réussir le pari de réduire les écarts entre les villes riches et pauvres. Aujourd'hui, ce taux pour les zones franches urbaines est de dix points supérieur au reste du territoire et l'humain étant au coeur de la Dynamique espoir banlieue , je me réjouis que les embauches de salariés exonérés de charges dans les zones franches urbaines aient augmenté de 17 % entre 2006 et 2007.
Pour 2009, les exonérations de charges sociales et fiscales s'élèvent à cinq cent soixante millions d'euros ; il s'agit d'un effort important de l'État. Dans les ZFU, 59 % des emplois bénéficient d'une exonération, soit soixante quinze mille employés dans vingt et un mille établissements. Les salariés recrutés sont principalement jeunes et peu qualifiés, puisque plus de la moitié ont un niveau inférieur au baccalauréat et que 38 % étaient précédemment au chômage. Or, les jeunes des quartiers constituent ma priorité absolue dans le domaine de l'emploi, même si je n'oublierai pas les femmes. Nous devons aussi saluer le fait qu'en ZFU plus de 90 % des contrats sont des CDI et plus de 80 % sont à temps plein. Enfin, les ZFU contribuent aussi à offrir davantage de services de proximité aux habitants du quartier. Je souhaite que ce dispositif soit un véritable levier afin d'améliorer notamment l'offre de soins dans nos quartiers. Nous en avons déjà discuté avec un conseiller ici présent, que je salue, en abordant la question de l'accès aux soins et à la santé dans les quartiers populaires.
Tout cela démontre bien à quel point ce dispositif joue un rôle majeur en matière de cohésion sociale. Je n'ai pas l'habitude de garder ma langue dans ma poche et votre rapport m'y invite. Il nous reste encore des marges de progrès importantes pour promouvoir les ZFU, notamment concernant la communication. Plus de la moitié des entreprises implantées en ZUS dans la petite couronne parisienne affirment s'être installées à cette adresse en raison de locaux disponibles ; 18 % en raison de l'accessibilité de la desserte, 5 % seulement en raison des exonérations sociales et fiscales. Une étude menée en 2008 en Île-de-France montre que près de la moitié des chefs d'entreprises installés en ZUS n'avait pas connaissance que leur établissement était implanté dans un quartier géré par la politique de la ville. Ces chiffres nous montrent que les exonérations sociales ne sont pas le seul facteur d'attractivité : les entreprises sont avant tout à la recherche d'un cadre urbain de qualité, bien desservi par les axes de transport, c'est-à-dire les axes prioritaires que nous avons définis dans le cadre de la Dynamique espoir banlieue .
Je n'évoquerai devant vous que le volet désenclavement, que vous avez souligné. Avec Jean-Louis Borloo, nous consacrons cinq cents millions d'euros pour financer des projets structurants de désenclavement des quartiers, effort exceptionnel dans un domaine où l'État n'a plus de compétence. L'implication de l'ensemble des acteurs et la dynamique partenariale sont essentiels pour agir efficacement en faveur des quartiers populaires. C'est pourquoi nous menons une réflexion avec la Caisse des Dépôts afin de renforcer l'ingénierie des ZFU et de mieux soutenir les collectivités territoriales qui s'engagent dans ce dispositif. Madame la rapporteure, vous avez évoqué le rôle important qu'ont à jouer les chambres de commerce et d'industrie, et il est vrai que nous devons promouvoir et mutualiser les bonnes pratiques mises en place par les chambres consulaires, qui font le succès de certaines ZFU. Ce succès repose notamment sur l'animation des réseaux des ZFU à l'échelle départementale, qui permet l'élaboration de stratégies en matière d'aménagement et de développement économique, mais aussi de développement d'une communication beaucoup plus efficace. Nous pouvons ainsi saluer la création de bourses aux locaux et aux terrains dans les ZFU.
Par ailleurs, je partage votre conviction, madame la rapporteure, le défi le plus important est de connecter davantage les habitants des quartiers aux offres d'emploi. J'entends souvent dire que le profil des habitants des quartiers populaires n'est pas adapté aux besoins des entreprises. Pourtant, les demandeurs d'emploi résidant en ZUS comptent trente cinq mille titulaires d'un diplôme Bac + 2 et plus. En fait, dans tous les processus de transformation sociale majeure, les barrières les plus difficiles à briser sont les barrières mentales. Nous devons donc nous battre à tous les étages de la société et je compte sur vous pour valoriser les talents et les énergies dont nous regorgeons dans nos quartiers. C'est tout le sens des engagements forts du Président de la République en faveur de la diversité et de l'égalité des chances, afin que les quartiers et les banlieues deviennent le vivier des compétences et des élites de la France de demain.
Pour relier plus efficacement les habitants aux entreprises, le pôle emploi et les missions locales doivent améliorer la circulation de l'information sur les offres d'emploi en ZFU. Ensuite, il faut une meilleure utilisation des dispositifs et des financements de la formation professionnelle. Les partenaires sociaux s'en sont préoccupés et en ont discuté. Nous allons travailler avec Laurent Wauquiez pour faire en sorte que ces fonds soient mieux orientés. Les discussions ont d'ailleurs débuté ce matin. Pour ma part, j'ai décidé d'actionner tous les leviers à ma disposition en faveur du développement économique et de l'emploi, ces thèmes figurant en bonne place dans les priorités d'utilisation de la dotation de développement urbain, à laquelle je consacrerai cinquante millions d'euros en 2009.
J'évoquais l'énergie et la « niaque » des habitants des quartiers : 27 % d'entre eux veulent créer leur propre entreprise. Cette motivation est encore plus forte chez les jeunes. Aussi devons-nous encourager cet esprit d'entreprise et favoriser l'émergence de nouveaux entrepreneurs en ZFU. Sur ce point, j'ai entendu, Madame la rapporteure, votre souhait de voir les dispositifs de financement gérés par Oséo mieux utilisés, et je peux vous dire que j'y veillerai personnellement, comme je veillerai par ailleurs à ce que le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d'entreprises - la NACRE-, qui concernera vingt mille bénéficiaires, soit pleinement utilisé pour accompagner les chômeurs des quartiers qui souhaitent créer ou renforcer leur entreprise. Je veillerai aussi à bien articuler ce dispositif avec les sorties du contrat autonomie, qui sont au nombre de quarante cinq mille sur une période de trois ans.
Madame la rapporteure, vous avez également attiré mon attention sur la situation des femmes dans les quartiers où, vous le savez, elles connaissent un taux de chômage de 17 %, ne représentant que trois salariés sur dix en ZFU, encore moins en ce qui concerne la création d'entreprises. Vous savez que je suis extrêmement engagée sur la question de l'émancipation des femmes dans les quartiers, et ce dans toutes les sphères, à commencer par la sphère économique. C'est pourquoi je m'engage à soutenir les actions des associations de terrain sur cet axe prioritaire - et Dieu sait que nous avons énormément de projets ! -, mais aussi à lever tous les freins à l'emploi, comme nous le faisons d'ailleurs dans le cadre de la Dynamique sport banlieue avec Nadine Morano, en consacrant trente millions d'euros pour les projets qui concernent les gardes d'enfants sur des modes différenciés. Les mamans et les femmes des quartiers pourront bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience et d'une formation aux métiers de la petite enfance, dont je rappelle que l'on attend plus de soixante mille créations d'emplois, mais également - et cela aussi est important, parce qu'il s'agit de créer des processus de parcours professionnels sécurisés - de travailler sur les nouveaux terreaux de métiers de proximité, qui sont en réalité un vrai débouché concret. Comme vous le préconisez, Madame la rapporteure, pour aller encore plus loin, nous devons tirer pleinement parti du développement des nouvelles filières : les métiers de proximité, comme je viens de le rappeler, mais aussi, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, tous les métiers qui tournent autour du développement durable. C'est ce que nous faisons d'ailleurs avec Valérie Létard pour ce qui concerne les métiers de proximité, puisque les métiers de services aux personnes âgées et handicapées constituent un gisement de quatre cent mille emplois potentiels d'ici 2015.
Mesdames et Messieurs, la responsabilité de l'action publique est d'offrir à tous les mêmes chances de réussir et d'agir ensemble sur l'ensemble des points de fragilité tout au long du parcours de chacun, de l'école maternelle jusqu'au marché du travail. Mon objectif en la matière est de lutter contre le décrochage scolaire et d'offrir à ceux qui en ont besoin une deuxième chance. Mon objectif est également l'excellence scolaire et la réussite éducative, avec toujours comme objectif davantage de mixité sociale. Vous l'aurez compris : il ne s'agit pas non plus d'oublier la première chance. Vous souhaitez, Madame la rapporteure, qu'un parcours alternatif soit proposé aux jeunes sortant du système scolaire sans qualification ni diplôme. Comme vous, et en accord avec la volonté sans faille du Président de la République, je souhaite faire de l'année 2009 l'année de la lutte contre le décrochage scolaire et de la deuxième chance, parce qu'il est inacceptable qu'autant de jeunes, qui sont les forces vives de notre nation, quittent chaque année le système scolaire sans qualification ni diplôme, parce que l'éducation est le creuset de l'égalité des chances et de la citoyenneté.
En 2008, les écoles de la deuxième chance ont accueilli quatre mille cinq cents jeunes dans quarante sites-écoles situés dans vingt-cinq départements et treize régions, soit un doublement du nombre d'inscrits entre 2006 et 2008. Pour 2009, je me suis fixé comme objectif six mille élèves et la création de vingt à vingt-cinq sites-écoles supplémentaires. Les centres de Défense 2 ème chance, que vous connaissez bien, Madame la rapporteure, accueillent également deux mille jeunes volontaires en risque de marginalisation. Vous avez insisté sur le repérage précoce et le traitement global de la situation des enfants et des jeunes qui rencontrent des difficultés. Pour prévenir ces situations, je poursuivai évidemment le programme de réussite éducative, auquel je consacrerai en 2009 près de quatre-vingt dix millions d'euros sachant que ce dispositif a permis d'aider individuellement plus de cent trente mille enfants et jeunes des quartiers populaires. Je serai également attentive aux études qui pourront être menées sur le repérage d'enfants précoces et sur les solutions qui pourraient leur être proposées. Ainsi, parce qu'il faut, dans une logique de prévention, soutenir l'école de la première chance, parce que la lutte contre le décrochage scolaire est une priorité nationale, j'ai obtenu, avec Xavier Darcos, dans le cadre de la Dynamique espoir banlieue , que cinq mille médiateurs de réussite scolaire soient mis en place dans les collèges et lycées de nos quartiers.
Mesdames et Messieurs, jamais la détermination d'ouvrir toutes les strates de la société française aux couches populaires n'a été autant partagée par la représentation nationale dans sa diversité politique, par la société civile, par les intellectuels. La lutte contre les discriminations et la promotion de la diversité sont devenues un enjeu politique majeur. Or, vous le savez, les enfants d'ouvriers accèdent aujourd'hui beaucoup plus difficilement aux grandes écoles qu'hier, c'est pourquoi je m'engage en faveur de l'accès des jeunes des quartiers aux filières d'excellence, pour remettre en marche l'ascenseur social républicain. Mille deux cent cinquante jeunes issus des quartiers populaires bénéficient d'un accompagnement éducatif renforcé dans un internat d'excellence ; ils seront deux mille cinq cents en 2010 et quatre mille en 2012. Les cent premières « cordées de la réussite » ont été lancées en 2008, qui permettront d'accompagner les lycées des quartiers prioritaires à l'enseignement supérieur d'excellence, les grandes écoles, les universités ou classes préparatoires aux grandes écoles par des actions de tutorat, ce travail ayant été mis en place avec Valérie Pécresse. Oui, je vous l'affirme, et je m'engage avec force devant vous, l'éducation est bien la première priorité de la Dynamique espoir banlieue , parce que nous savons tous que c'est un enjeu central pour la réussite de nos enfants des quartiers populaires.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie à nouveau pour vos travaux, qui sont une source de réflexion immense, indispensable à la réussite de nos missions, et je vous le dis : il s'agira de rester vigilants et mobilisés pour réussir le pari et le défi que nous nous sommes fixés : le retour de la République dans nos quartiers populaires. » source http://www.conseil-economique-et-social.fr, le 2 mars 2009